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Vivement l'Ecole!

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L’intégralité des débats de la première Université Libé à la Sorbonne (Vidéo)

1 Juin 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Politique, #Societe, #Laicité

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Patrick Boucheron : «J’observe un climat anti-intellectuels qui m’inquiète»

30 Mai 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education, #Societe

Entre Emmanuel Macron et les intellectuels de gauche, l'histoire d'une  désillusion

Dessin d'Aurel pour Le Monde en date du 20 avril 2023

L’historien, dont l’émission sur France Inter ne sera pas reconduite l’année prochaine, s’émeut du manque de considération pour la parole universitaire dans le débat public, alors qu’elle devient de plus en plus nécessaire.

Après l’été, ce n’est pas à la Maison de la radio que l’historien Patrick Boucheron fera sa rentrée. Producteur depuis deux saisons d’Histoire de chaque dimanche, le professeur au Collège de France, spécialiste de l’Italie médiévale, s’est vu notifier par la direction de France Inter – par lettre et une brève entrevue – la fin de son émission. Cette nouvelle intervient alors que d’autres animateurs doivent quitter la chaîne en fin de saison, comme Jean Lebrun, autre producteur d’émissions d’histoire, ou Laure Adler, productrice de l’Heure bleue. Signes de l’émoi suscité, des messages d’incompréhension et de soutien adressés par de nombreux auditeurs à la médiatrice de Radio France, ou encore un tweet de l’historienne Ludivine Bantigny, intervenante régulière de l’émission, «s’étonnant» de l’annonce a été lu 1,3 million de fois.

Pour l’auteur de Conjurer la peur et cosignataire de l’Histoire mondiale de la France (Seuil, 2013 et 2017) cette décision, justifiée pour des raisons budgétaires, envoie un mauvais signal à l’ensemble des historiens – et au-delà, à la communauté universitaire. Car montrer que l’histoire n’est pas une vérité univoque et mettre les discours à l’épreuve des faits sont des missions de service public plus que jamais nécessaires, estime-t-il, dans une ambiance sociale et politique propice aux falsifications du passé et du réel.

Comment avez-vous reçu l’annonce de la fin de votre émission ?

J’ai été surpris par l’absence de justifications éditoriales. L’émission avait été installée en septembre 2021 sur des critères politiques, comme une réponse à la dégradation du débat public, à l’approche d’une élection où l’histoire risquait d’être instrumentalisée. Ses raisons sont-elles moins impérieuses aujourd’hui ? Et les «raisons budgétaires» invoquées ne sont pas sérieuses : difficile de produire une émission moins chère, puisqu’elle consistait à inviter gratuitement des universitaires. Quant au ton et à la teneur de l’entretien qu’Adèle Van Reeth a livré au Monde, ils ne nous aident pas à ne pas y voir un signe politique. Lorsqu’elle affirme que «France Inter n’est ni de droite ni de gauche !», qui cherche-t-elle à convaincre ?

Adèle Van Reeth s’est justifiée en affirmant que l’histoire n’a pas disparu de l’antenne, car d’autres émissions lui sont consacrées…

Il y a une différence de nature entre l’approche d’un journaliste et celle d’un historien. Les podcasts de Philippe Collin sont très bien faits, quant à Stéphanie Duncan ou à Fabrice Drouelle [tous trois cités dans l’interview d’Adèle Van Reeth au Monde, ndlr], ils seront sans doute étonnés d’apprendre qu’ils font des émissions d’histoire. Pendant longtemps on a opposé l’art du récit à la pensée critique. Le premier tient au talent narratif et oratoire de journalistes, de conteurs ou d’écrivains qui entraînent avec eux le public, quitte à ce que d’autres, moins vifs mais plus scrupuleux, les corrigent par un travail de fact-checking.

Pourquoi cantonner les historiens à ce rôle si peu flatteur ? L’histoire n’est pas une vérité absolue, et sa fabrique doit être racontée par ceux qui la produisent. Ce n’est pas révolutionnaire mais c’est de plus en plus nécessaire : ce qu’il y a de mensonger dans cette illusion lyrique d’une histoire qui coule de source, c’est qu’elle exalte toujours des continuités et des identités. C’est ainsi que la région Auvergne-Rhône-Alpes veut nous raconter à Gergovie «nos ancêtres les Gaulois» dans un méga-musée dont l’argumentaire, purement idéologique, méprise tranquillement toutes les avancées de la recherche historique.

Quelle vision de l’histoire avez-vous tenté de porter sur l’antenne ?

D’abord, une vision collective, en organisant des débats engagés mais argumentés tout en racontant simplement l’histoire. Les historiens sont armés et suffisamment ouverts pour s’adresser directement au public. L’histoire n’appartient pas aux historiens. Je n’ai jamais voulu en défendre le pré carré mais au contraire l’ouvrir à tout ce qui la déborde, et notamment la diversité des usages sociaux de l’histoire. C’est pourquoi nous invitions aussi des dessinateurs de BD, des cinéastes, des metteurs en scène, tous ceux qui rendent le passé vivant et vibrant.

Nous traitions de sujets parfois pointus – la mondialisation par le prisme de l’histoire des Mongols, ou populaires – la série Kaamelott, avec Alexandre Astier. On peut montrer l’histoire en train de se faire sans tomber dans l’entre-soi d’une historiographie jugée ennuyeuse. L’histoire est toujours une enquête, et c’est ce qui la rend captivante – les gens s’intéressent plus aux égyptologues qu’aux pharaons !

A quelle distance de l’actualité un historien doit-il se situer ?

Quand j’accepte de participer à des émissions d’actualité, j‘essaie de ne pas commenter les événements comme un éditorialiste mais en restant fidèle à la définition foucaldienne de l’intellectuel spécifique : quelqu’un qui parle à partir de son travail, sans s’enivrer de son propre pouvoir de dire. Quand je parle du rapport entre Macron et Machiavel, je ne fais pas de la radio une tribune pour y clamer mes opinions.

Dans une émission, les opportunités pour évoquer l’actualité au prisme du passé sont multiples : commémorations, controverses… Parfois, la concordance des temps est évidente – comme au début de la guerre en Ukraine – parfois moins. Quand nous parlons de Démosthène, à l’occasion de la publication de ses discours, nous posons des questions très actuelles : qu’est-ce que la parole politique, l’éloquence parlementaire ? Le parler vrai peut-il faire rempart contre un pouvoir autoritaire ?

Votre conception de l’histoire est finalement assez politique…

Je crois en la capacité qu’a l’histoire d’être une ressource d’intelligibilité pour aujourd’hui. La manière de la transmettre, avec une certaine distance, vaut prise de position, pour résister à l’arrogance du présent. Un exemple : entre 2021 et 2022, le nom d’Eric Zemmour a bourdonné comme un bruit de fond dans le paysage médiatique. Nous n’en n’avons pas parlé pendant trois mois.

Après l’annonce de sa candidature, nous avons invité l’historien Laurent Joly pour parler du rôle de Vichy dans la Shoah. La mise au point était nécessaire car il y a des faits qu’il est de notre devoir de libérer du règne de l’opinion. Et pas seulement les faits : toutes les interprétations ne se valent pas. Si quelqu’un affirme que Pétain a sauvé les Juifs français en livrant les Juifs étrangers, il n’est pas question d’en débattre comme d’une hypothèse mais de combattre un mensonge.

En deux ans, le nom de Zemmour n’a été prononcé qu’une seule fois dans l’émission pour parler de ce qu’il désigne : la falsification de l’histoire. Ce thème est revenu à maintes reprises, lorsque nous évoquions la Turquie contemporaine avec Orhan Pamuk, l’affaire Céline, mais aussi la guerre oubliée en Syrie.

En quoi les historiens peuvent-ils éclairer notre présent ?

L’histoire est une pratique de diagnostic du présent, une manière de faire surgir de nouveaux objets de curiosité en variant l’angle du regard. S’intéresser au passé permet de comprendre en quoi aujourd’hui diffère d’hier, de se demander si ce qu’on nous présente comme événement décisif est si saillant, ou si d’autres mutations plus sourdes ou inattendues ne vont pas plus bouleverser notre quotidien. Réfléchir à ce qui fait événement était d’ailleurs le propos de l’ouvrage Quand l’histoire fait dates (Seuil, 2022). Chacun sent confusément que flotte aujourd’hui, dans l’air, quelque chose d’un peu inquiétant. Et quand le temps se gâte, ce n’est jamais une bonne idée de refermer les espaces d’intelligence collective.

J’observe aujourd’hui un climat anti-intellectuels qui m’inquiète. Il faudrait commencer à s’entendre sur ce qu’est un intellectuel, et sa légitimité à s’exprimer dans l’espace public : l’autorité académique y participe, de même que la capacité à s’adresser au public de manière précise, probe et généreuse. Ce n’est certainement pas le fait de conseiller les gouvernants ni d’exciter la ferveur – ou la détestation – des réseaux sociaux qui vaut accréditation : l’invitation à déjeuner à l’Elysée ne fait pas le sociologue.

Votre analyse s’élargit-elle au-delà du cas des historiens ?

Voyez le traitement médiatique de la réforme des retraites. Combien d’heures des éditorialistes, des intellectuels ou pseudo-philosophes en ont-ils disserté ? Et un jour à la matinale de France Inter, un économiste inconnu du grand public, Michael Zemmour, enseignant-chercheur à l’université de Paris-I, a révélé par son «parler vrai» les approximations – pour parler poliment – de la communication gouvernementale. Paisiblement, un spécialiste fort de son travail et non d’une autorité symbolique qu’il s’imagine détenir, met des discours à l’épreuve des faits. J’y vois une victoire de l’esprit public, signe de l’importance de considérer la parole des chercheurs.

Quel rôle la radio a-t-elle joué dans votre formation intellectuelle ?

Adolescent, j’écoutais surtout la radio de nuit. Ce n’était pas des émissions d’histoire mais un espace de parole vivante, de libre expression, qui ouvrait une fenêtre sur l’époque. On aura beau produire et réaliser des programmes raffinés sur le plan narratif, la radio est d’abord pour moi le calme feutré d’un studio, une parole, une hésitation, un silence. Mes souvenirs ne sont pas liés à un savoir mais relèvent de cette émotion. C’est pourquoi j’observe avec un peu de tristesse la «plateformisation» – intitulé de la politique générale de Radio France – du service public.

L’antenne ne peut pas devenir le marché d’occasion des podcasts. Ou alors soyons cohérents et prenons le parti d’Amazon contre les librairies indépendantes, de Twitter contre les journaux, de son écran contre les salles de théâtre et de cinéma, et faisons advenir un monde où l’on ne peut trouver que ce qu’on cherche, et aimer que ce qu’on sait déjà devoir aimer. Je préfère un monde où l’on se laisse surprendre par une programmation, attirer par quelque chose qui se dit, une émotion qui nous agrippe.

Clémence Mary

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« Manu, tu nous mets 64, on te Mai 68 ! » : ce que les slogans disent de notre histoire sociale

24 Février 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Politique, #Societe, #Sociologie

« Manu, tu nous mets 64, on te Mai 68 ! » : ce que les slogans disent de notre histoire sociale
Manifestation du 31 janvier 2023. Beaucoup de références à Mai 68 dans les cortèges. Jeanne Menjoulet/Flickr, CC BY-NC-ND
Erik Neveu, Université de Rennes 1 - Université de Rennes

Les dernières manifestations et grèves dénonçant le projet de réforme des retraites du gouvernement ont donné lieu à d’importantes mobilisations : si les formes ont été relativement convenues et attendues, encadrées par une intersyndicale redynamisée, on a vu aussi apparaître de nombreuses références à Mai 68 dans les cortèges.

Un phénomène qui peut surprendre tant la référence à 68 et plus encore aux « soixante-huitards » a souvent été objet d’ironie voire de lassitude dans les décennies passées. Une illustration de cette sensibilité critique se trouve dans les travaux du sociologue Jean-Pierre Le Goff. Souvent sollicité par les médias à ce propos, il évoque un « héritage impossible ».

Son analyse repose sur deux critiques centrales. D’un côté ce qu’on peut appeler « le 68 politique » avec la floraison des groupes gauchistes, qui n’aurait produit que dogmatisme, psalmodies sectaires et propositions politiques aussi radicales qu’inquiétantes. Certes, un mot d’ordre comme « dictature du prolétariat » sonne vétuste ou alarmant. Et la célébration d’une classe ouvrière qui n’aurait guère changé depuis les « Trente glorieuses » – telle qu’elle a existé et pesé avant la désindustrialisation de la France semble bien décalée par rapport à la nouvelle génération de travailleurs précaires ou uberisés.

Allant plus loin, Le Goff prend aussi pour cible ce qu’on peut nommer le « gauchisme culturel ». Ce dernier prône et met en pratique une remise en cause des mœurs et rapports hiérarchiques traditionnels, qui a pu participer de ce que Luc Boltanski et Eve Chiapello ont nommé « la critique artiste ». Il s’agit moins de cibler le capitalisme comme exploiteur que comme aliénant, anesthésiant toute force créative par son obsession de la rationalité et des hiérarchies.

Luc Boltanski et Eve Chiapello, Mediapart.

Une vaste anomie sociale ?

Toujours selon Le Goff, l’esprit de Mai 68 aurait instillé le chaos dans les couples et les familles, disqualifié tout rapport d’autorité, et promu une culture narcissique de l’épanouissement individuel sapant la possibilité même de faire société. Soit, une vaste anomie sociale. Le terme désigne une situation dans laquelle les individus sont déboussolés faute de règles claires sur ce qui est propre à un statut, un rôle social, sur ce qu’on peut raisonnablement attendre de l’existence.

Or, si les thèses de Le Goff apparaissent comme une ponctuation de trente ans de lectures critiques de Mai 68 elles s’inscrivent aussi dans une vision mémorielle dominante de Mai 68. Cette dernière se concentre principalement sur le Mai parisien, la composante étudiante-gauchiste du mouvement et sa dimension idéologique, en occultant la mémoire ouvrière et populaire, celle des huit millions de grévistes.

Mai 1968, une révolution sociétale ? (INA).

La figure négative du « soixante-huitard »

On peut ajouter qu’à partir des années 1990 a émergé dans les médias, par le biais des récits de fiction et des discours politiques une figure très négative du « soixante-huitard ».

Ce dernier aurait vite jeté par-dessus bord ses proclamations radicales, fait carrière avec cynisme sans hésiter à piétiner ses concurrents, fort bien réussi dans les univers de la presse, de l’université, de la culture, de la publicité. Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil ou hier André Glucksmann ont été pointé du doigt comme illustrations de telles évolutions. Car le « soixante-huitard » serait aussi un incurable donneur de leçons, s’autorisant de ses reniements pour prêcher aux nouvelles générations la vanité des révolutions et les vertus d’une posture libérale-libertaire.

On retrouvait une part de ces thématiques dans les discours de Nicolas Sarkozy ainsi que dans de nombreux articles de presse.

dossier de Technikart (n°47, 2000) se moquant de la figure du soixante-huitard. E.Neveu, Author provided

En témoigne le livre Maos (2006) de Morgan Sportes dans lequel d’anciens maoïstes devenus sommités du tout Paris culturel crachent leur mépris des classes populaires. Dans un autre registre, l’ancien leader de la « gauche prolétarienne » Serge July, devenu rédac-chef de Libération a lui fait office de punching-ball pour bien des critiques.

Le retour du refoulé

Le quarantième anniversaire de Mai a vu s’opérer un virage. Il repose largement sur l’investissement des historiens, sociologues et politistes longtemps restés à distance d’un objet trop brûlant.

Le travail sur archives, les collectes de récits de vie, l’enquête systématique, ont permis de questionner des pans entiers de la mémoire officielle. Ces chercheurs ont ainsi revalorisé l’époque comme celle d’une séquence d’insubordination ouvrière et de conflits du travail.

Wonder, Mai 68.

Ils ont montré qu’à mesure qu’on s’éloignait des dirigeants, spécialement de ceux consacrés par les médias, le recrutement des groupes gauchistes était largement populaire et petit-bourgeois, non élitiste. Ils ont plus encore permis de constater – à partir du suivi d’effectifs qui chiffrent désormais par milliers de militants – que ni gauchistes, ni féministes de ces années n’avaient abandonné toute forme d’engagement ou abdiqués du désir de changer la vie.

La plupart ont au contraire massivement poursuivi des activités militantes dans le syndicalisme, les causes écologiques, la solidarité avec les migrants, l’économie sociale et solidaire, les structures d’éducation populaire, les mouvements comme ATTAC… Ce faisant ces « soixante-huitards » ont côtoyé d’autres générations plus jeunes et sans se borner au rôle d’ancien combattant radoteur, mais en jouant au contraire un rôle de passeurs de savoirs.

De manière contre-intuitive ces travaux ont aussi montré que, si ceux qui avaient acquis des diplômes universitaires ont profité des dynamiques de mobilité sociale ascendante, les militants des années 68 n’avaient pas connu de réussites sociales remarquables. Au contraire, à qualification égales, de par leurs engagements, beaucoup ont exprimé leur répugnance à exercer des fonctions d’autorité quitte à entraver les carrières qu’ils avaient pu envisager.

Un héritage retrouvé

Que tant de pancartes en manifestations reprennent des slogans phares de 68 peut traduire un sens de la formule. Il est aussi possible d’y voir l’expression d’une réhabilitation. Cette dernière questionne aussi la manière dont une mémoire officielle « prend » ou non, quand elle circule via des supports (essais, magazines d’information, journaux) dont on oublie trop souvent que leur lecture est socialement clivante car faible en milieux populaires.

Les slogans dans les manifestations (ici à Paris le 31 janvier 2023) contre le projet de réforme des retraites s’inspirent consciemment ou non d’un héritage collectif issu de Mai 38
Les slogans dans les manifestations (ici à Paris le 31 janvier 2023) contre le projet de réforme des retraites s’inspirent consciemment ou non d’un héritage collectif issu de Mai 38. Jeanne Menjoulet/Flickr, CC BY-NC-ND

Il faut donc penser à d’autres vecteurs de circulation d’une autre mémoire, celle des millions d’anonymes qui ont participé à la mobilisation de 68 : propos et souvenirs « privés » ou semi-publics tenus lors de fêtes de famille, de pots de départ en retraite, de réunions syndicales ou associatives.

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Il faut regarder les manuels d’histoire du secondaire rédigés par des auteurs soucieux de faits et non d’audacieuses interprétations, aller du coté des cultures alternatives (romans noirs, rock). Si l’on prend la peine de consulter les sondages faits tant en 2008 qu’en 2018, on verra que l’image de Mai comme moment d’émancipation sociale et de libération des mœurs est très majoritairement positive, et ce d’abord dans les milieux populaires.

Résurgences et renouveaux

Pour rester en partie éclairants, slogans, livres et théories d’il y a un demi-siècle ne donnent pas les clés du présent. Mieux vaut raisonner en termes de résurgences et renouveaux. On peut faire l’hypothèse d’une résurgence de la « vocation d’hétérodoxie » soixante-huitarde, théorisée par Boris Gobille, et qui questionnait toutes les formes instituées de la division sociale du travail et du pouvoir.

On le voit aujourd’hui sur les rapports hommes femmes, la critique de la suffisance des « experts », la revendication de la reconnaissance de celles et ceux des « première et seconde lignes », le refus d’inégalités sans précédent de richesses.

Le renouveau lui s’exprime à travers le sentiment diffus que des formes de conflictualité plus généralisées, plus intenses seraient le seul moyen de vaincre. Comme le soulignait sur ce site Romain Huet, se font jour doutes ou lassitudes quant aux formes routinisées de la protestation.

Autre parfum des années 68 que le constat persistant d’une « société bloquée » que proposait alors feu le sociologue Michel Crozier. Si on peut ne partager ni tout le diagnostic, ni les préconisations de cet auteur, il n’était pas sans lucidité sur l’extraordinaire incapacité des élites sociales françaises à écouter, dialoguer, envisager d’autres savoirs.

Vouloir en finir énergiquement avec ce blocage n’est ni romantisme de la révolution, ni vain radicalisme, mais conscience de plus en plus partagée de ce que le système politique français semble être devenu l’un des plus centralisés, hermétique aux tentatives de contre-pouvoirs institutionnels (référendums, syndicats). Il est donc aussi le plus propre à stimuler les désirs d’insurrection et la possibilité de violences.The Conversation

Erik Neveu, Sociologue, Université de Rennes 1 - Université de Rennes

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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A lire... "Sois jeune et tais-toi" par Salomé Saqué...

23 Février 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Societe, #Jeunesse, #Sociologie

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EXTRAIT

 

Je ne pense pas une seconde pécher par naïveté ou idéalisme. Je suis au contraire persuadée que ma génération est, dans l’ensemble, réaliste, informée et courageuse. Je suis profondément convaincue que notre jeunesse peut sauver l’humanité. Et lorsque je dis « sauver l’humanité », je pèse chaque mot de ce que certains considéreront comme un poncif, car c’est bien la tâche qui nous incombe, collectivement : réparer ou sombrer. Jamais une génération n’a été comme la mienne au pied du mur. Il ne s’agit évidemment pas de dire que nous souffrons davantage ou de tenter vainement d’établir une échelle de valeur absurde dans la charge que chaque génération a eu à supporter depuis que le monde est monde. Si d’autres avant nous ont souffert – et bien davantage, indiscutablement –, la nouveauté est ailleurs : dans la responsabilité que nous, humains, avons dans la catastrophe à l’œuvre, et dans son irréversibilité. Cette responsabilité oblige ma génération comme aucune autre ne l’a été jusqu’ici.

 

En 1972, le rapport Meadows établi par des scientifiques mettait déjà en garde l’humanité sur l’état préoccupant de la planète, soulignant les limites à la croissance et appelant à des politiques volontaristes. Il était déjà question d’effondrement du système planétaire. En 1990 paraissait le premier rapport du GIEC, qui alertait de manière précise sur le réchauffement climatique et ses conséquences. Qu’a-t-il été fait entre-temps pour y échapper ? Rien de significatif. Depuis cette époque, l’empreinte carbone des Français a augmenté, la vente de SUV sur notre territoire a explosé, tout comme le trafic aérien ou les importations de biensEn quelques décennies, la température mondiale a augmenté de 0,8 °C, la biodiversité s’est effondrée et l’air et l’eau ont été encore plus pollués. L’urgence écologique – la plus grande menace pour l’humanité – n’a tout simplement pas été prise au sérieux, ni ici ni ailleurs.

 

Nous – ma génération et les suivantes – n’étions pas là, quand il aurait fallu prendre des décisions et que rien n’a été fait. Nous ne pouvions ni voter, ni consommer autrement, ni manifester, ni agir d’une quelconque façon, puisque nous n’étions pas nés. Pourtant, c’est bien nous qui subirons et devrons gérer les pires conséquences des décisions politiques des générations précédentes. Il n’y aura pas de retour en arrière en ce qui concerne l’écologie, puisque six limites planétaires sur neuf ont déjà été dépassées.

 

Salomé Saqué - Sois jeune et tais-toi

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Méritocratie : une illusion française ?

9 Février 2023 , Rédigé par France 5 Publié dans #Societe, #Sociologie

Non, l'industrie de la tech n'est pas une méritocratie - URelles - Cabinet  conseil en équité, diversité et inclusion pour entreprises innovantes
 
On interroge la question du talent et du mérite… avec l’une des grandes questions qui a surgi en plein débat sur la réforme des retraites : en France, en 2023, QUI MÉRITE QUOI ? Qu’on s’appelle Bernard ARNAULT, ou qu’on fasse partie des “premiers de corvée”, quelle est la part du mérite dans nos réussites et dans nos échecs ? La méritocratie républicaine est-elle une réalité ou une fiction dangereuse qui ne tient pas ses promesses et nourrit le ressentiment ?
On en débat avec :
➤ Gérald BRONNER, Sociologue, professeur de sociologie à l’Université Paris Diderot - Paris VII, membre de l’Académie nationale de médecine, auteur de « Les origines - Pourquoi devient-on qui l’on est ? » aux éditions Autrement (25/01/2023)
➤ Sylvain FORT, Essayiste, ancien conseiller en communication d’Emmanuel Macron
➤ Samah KARAKI, Docteure en neurosciences, autrice de « Le talent est une fiction - Déconstruire les mythes de la réussite et du mérite » aux éditions JC Lattès (11/01/2023)
➤ Anne ROSENCHER, Directrice déléguée de la rédaction de l’Express
➤ Pablo PILLAUD VIVIEN, Rédacteur en chef de la revue Regards
Choix de Camille : Offenses de Constance Debré aux Editions Flammarion
diffusé le 08/02/23 à 22h37 disponible jusqu'au 10/03/23
Présenté par : Karim Rissouli, Laure Adler, Camille Diao
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En grève !

7 Février 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Politique, #Societe

En grève !
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France-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux

17 Décembre 2022 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Societe, #Racisme

https://www.francetvinfo.fr/pictures/ll4qhBHBINCBdXg0-2dn62tJV4Y/752x423/2022/12/13/63988a175b3a7_maxnewsspecial712188.jpg

France-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux
Vincent Geisser, Aix-Marseille Université (AMU)

Des drapeaux marocains, algériens, tunisiens ou encore sénégalais brandis par des supporters qui ont toujours vécu en France et possèdent dans leur grande majorité la nationalité de ce pays à chaque fois ; ces scènes d’avant et d’après-match ne manquent pas de susciter des débats et des controverses dans les médias, le champ politique et les milieux intellectuels. C’est notamment le cas avec le match opposant France et Maroc le 14 décembre 2022 durant la Coupe du Monde de football.

Comment peut-on être Français et supporter une équipe de football étrangère. Dès lors, l’on voit surgir toutes sortes d’explications qui tournent en général autour des thèmes du « malaise identitaire », de « la double allégeance » du « déficit d’intégration » ou encore de la « crise des banlieues » qui contribuent généralement à stigmatiser les supporters binationaux. Au mieux, à entretenir à leur égard un regard compréhensif mais à forte connotation misérabiliste. Ainsi, les supporters binationaux arboreraient les emblèmes nationaux du pays de leurs parents ou grands-parents par réaction aux discriminations subies et au racisme ambiant.

D’une manière générale, quel que soit le positionnement idéologique et politique des commentateurs du fait binational dans le champ sportif, ce sont plutôt des interprétations culturalistes et identitaires qui prédominent, évacuant la dimension sociologique du phénomène.

Un attachement à la francité assumé et transgressif

Or, aujourd’hui les manifestations de binationalité ou de plurinationalité dans le champ sportif ou dans les autres champs sociaux (politique, culturel et économique) doivent être perçues comme des pratiques sociales banalisées qui se jouent principalement au sein de l’espace public hexagonal.

Les supporters exhibent un emblème étranger, revendiquent leur soutien à une équipe africaine, arabe ou maghrébine, ou encore défilent sur les Champs-Élysées ou sur le Vieux-Port de Marseille en entonnant les hymnes nationaux du pays de leurs ancêtres, non pour affirmer une quelconque rupture avec leur société de naissance (la France) mais, au contraire, pour exprimer leur attachement à la francité sur un mode à la fois assumé et transgressif.

En ce sens, la binationalité des supporters de football, l’art de passer d’un drapeau à l’autre ou de les combiner dans une même séquence temporelle vient contester les conceptions exclusivistes et puristes de l’identité nationale qui s’affirment aujourd’hui en Europe, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tendant à présenter les binationaux comme des « enfants illégitimes ».

Car en France, en Algérie et en Tunisie et dans une moindre mesure au Maroc, les binationaux apparaissent de plus en plus comme des citoyens suspects. Exhiber sa binationalité dans le stade, c’est donc aussi transgresser les approches essentialistes de l’identité nationale qui font aujourd’hui un retour en force sur les deux rives de la Méditerranée, dans des contextes de crise sociale et économique marqués par la montée des populismes et des nationalismes exacerbés.

La binationalité en ligne de mire dans les pays d’origine

Sur ce plan, il convient de rappeler que la binationalité a été longtemps combattue par les États d’origine qui la considéraient comme une forme de trahison nationale, voire d’apostasie religieuse. Les parents immigrés se devaient d’éduquer leurs enfants dans le culte des héros et des martyrs des mouvements de libération nationale et il était inconcevable pour eux qu’ils deviennent « français » (la nationalité de l’ancien colonisateur). Le système des amicales et des associations liées aux États d’origine cherchaient ainsi à entretenir le « mythe du retour » dans la mère-patrie et à préserver les immigrés et leurs descendants des influences néfastes de la société d’accueil (permissivité des mœurs, pluralisme politique, liberté syndicale,, etc.)

Dans ce contexte d’émulation nationaliste post-coloniale, le champ sportif, en général, et le football, en particulier, participaient à entretenir dans les familles immigrées le sentiment d’allégeance à la nation d’origine.

De ce point de vue, pour les nouvelles générations nées en France, l’acquisition ou la réintégration à la nationalité française est apparue comme un combat individuel et collectif sur deux fronts. D’une part, à l’égard des États d’origine qui la considéraient comme un acte antipatriotique et, d’autre part, vis-à-vis d’une partie de la société française pour qui les enfants d’immigrés africains et maghrébins étaient encore des étrangers inassimilables ou des « Français de papiers ».

Revendiquer publiquement sa binationalité, notamment dans les événements sportifs comme la Coupe du monde de football, c’est donc transgresser à la fois la doxa nationaliste des États d’origine et les préjugés racistes d’une partie de la société hexagonale.

Le signe d’une émancipation personnelle et collective

Ce détour historique sur la construction des identités nationales postcoloniales (celle de l’ancienne puissance impériale comme celle des nouveaux États indépendants) apparaît indispensable pour saisir ce qui se « joue » aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, dans les rituels sportifs des binationaux qui sont trop souvent interprétés comme une forme de « schizophrénie identitaire », de « double allégeance » ou, pire, un défaut d’intégration sociale, voire d’hostilité à la France.

Or, au contraire, ces pratiques binationales en rapport avec le foot, qu’elles émanent des supporters ou des joueurs, constituent le signe d’une émancipation personnelle et collective à l’égard d’héritages nationalistes figés, cherchant à classer les individus et les groupes sociaux dans des catégories identitaires immobiles et stériles.

On peut être successivement ou simultanément supporter de l’équipe de France et des Lions de l’Atlas sans y percevoir subjectivement la moindre incohérence ou trahison identitaire à l’égard de son pays de vie et de la terre d’origine de ses ancêtres. À cet égard, l’on serait tenté de dire que les pratiques binationales dans le champ sportif le football en serait la meilleure illustration constitue la marque d’une forme de modernité sociale et politique qui, sans nier les identités nationales, tend à les mixer sur un mode dialogique et ludique.

Des reconstructions identitaires déterritorialisées

Dans le contexte de la Coupe du monde 2022, l’analyse des réseaux sociaux révèle ainsi l’extraordinaire créativité lexicale et graphique des internautes pour exprimer par les mots et les images leur soutien à une, deux, voire trois équipes nationales.

Le Qatar a d’ailleurs su exploiter habilement cette binationalité sportive, en présentant l’évènement comme une réussite pour tous les Arabes ici et là-bas (ceux des pays d’origine et de la diaspora) et comme une communion identitaire pacifique.

Il est vrai que les expressions telles que « la victoire de l’Afrique », « le retour du monde arabe », « la célébration du Maghreb » (en arabe, le mot al-Maghrib désigne à la fois le Maroc et l’ensemble régional) ou « le moment palestinien » expriment un fort sentiment de coappartenance, notamment depuis les bonnes performances de l’équipe nationale du Maroc.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une résurgence au sein des populations françaises d’ascendance africaine et maghrébine du nationalisme arabe des années 1960-1970 (avec la figure emblématique de Gamal Abdel Nasser), du tiers-mondisme d’antan, de panislamisme, ou d’une quelconque forme de panafricanisme, car la majorité des descendants d’immigrés, contrairement à leurs parents et grands-parents, n’ont pas vécu ces mouvements idéologiques postindépendance.

Il s’agit de reconstructions identitaires déterritorialisées, qui font d’abord sens dans les débats, les controverses et les enjeux de la société française actuelle. À la question récurrente et parfois obsédante des éditorialistes « Comment peut-on être Français et soutenir une équipe étrangère », la recherche en sciences sociales apporte nécessairement des réponses nuancées, contribuant à dédramatiser les pratiques binationales et à les recontextualiser dans le moment sportif.The Conversation

Vincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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France-Maroc : deux nations sur un terrain d’entente

14 Décembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Societe

Premier Forum des élus Maroc-France ! – Le7tv.ma

Mercredi, la France affronte le Maroc en demi-finale du Mondial de football 2022 au Qatar, un match avec une saveur particulière pour les Marocains francophiles et pour les Français aux racines marocaines.

Le Petit Journal l’annonçait à ses millions de ­lecteurs, à la signature de l’accord franco-allemand qui venait d’établir définitivement un protectorat français sur le Maroc : «La France va pouvoir porter librement au Maroc la civilisation, la richesse et la paix.» Plus d’un siècle plus tard, l’hypocrisie de cette propagande colonialiste est flagrante, et ses résultats sont bien visibles dans les nombreuses divergences qui empoisonnent ces dernières années les relations entre Paris et Rabat : restrictions dans la délivrance des visas français, visite bienveillante d’Emmanuel Macron chez le voisin algérien, affaire Pegasus… La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, est attendue jeudi dans le royaume pour désamorcer ces tensions, et le moins qu’on puisse dire est que le timing est excellent : la sélection marocaine défie mercredi soir les champions du monde français pour une place en finale de la Coupe du monde de football, et ce match a éveillé des émotions très vives dans les deux pays.

Pour les Marocains francophiles, encore très influents dans le royaume, il s’agit d’une reconnaissance tardive d’une égalité face à l’ancienne puissance coloniale, sinon une certaine supériorité : après tout, le monde arabe tout entier ne vibre-t-il pas pour les Lions de l’Atlas, le Petit Poucet qui menace les plus grands ? Pour les Français aux racines marocaines, l’affiche de ce match est aussi le reflet de leur double culture, source de leur force et créativité, et elle apaise nombre de questionnements superflus. Nous avons parlé aux uns et aux autres, tout en retraçant le parcours hors normes de cette équipe devenue symbole. Un grand optimisme souffle dans ces reportages, même si en fin de course, chacun comprend qu’il n’y aura qu’un seul gagnant. Allez, restons sur la formule neutre et bienveillante : et que le meilleur gagne.

Dov Alfon

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A lire... Alex Mahoudeau - La Panique woke

10 Juillet 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Societe, #Politique

La Panique woke - Anatomie d'une offensive... de Alex Mahoudeau - ePub -  Ebooks - Decitre

Voir vidéo ci-dessous

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