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Vivement l'Ecole!

racisme

Pour lutter contre le racisme, mieux comprendre le mot « nègre »

21 Février 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Racisme

Pour lutter contre le racisme, mieux comprendre le mot « nègre »
Toussaint Louverture. Bibliothèque publique de New York via Wikimedia
Daniel Derivois, Université de Bourgogne – UBFC

La France vient de lancer son nouveau plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Ce plan intervient un an après la diffusion du documentaire Noirs en France et environ un mois après la sortie du film Tirailleurs et d’un ouvrage sur L’histoire globale de la France coloniale mettant le pays des Lumières face à des moments sombres de son passé et de son identité de peuple.

Alors qu’une récente étude montre que 91 % des personnes noires en France métropolitaine se disent victimes de discriminations, l’attention est ici portée sur la manière de se nommer, de désigner l’autre et sur un point aveugle de cette lutte qui nécessite, pour être efficace dans la durée, d’interroger différents héritages identitaires des siècles passés et de s’inspirer de ce qui se passe en dehors de l’Hexagone.

De l’autre côté de l’Atlantique

Au moment où l’Amérique du Nord réédite, comme chaque février, le Mois de l’histoire des Noirs en mettant notamment en avant la contribution des Noirs à l’histoire de l’humanité dans l’idée de lutter contre le racisme et les préjugés, le risque est grand, dans le même temps, de renforcer [l’ethnocentrisme, de maintenir l’idéologie raciale et] l’essentialisation des Noirs en fantasmant qu’ils forment un bloc homogène face aux Blancs mis dans le même panier de colons agresseurs et racistes. Comme l’écrit Amin Maalouf dans Les identités meurtrières :

« Naître noir à New York, à Lagos, à Pretoria ou à Luanda n’a pas la même signification, on pourrait presque dire qu’il ne s’agit pas de la même couleur, du point de vue identitaire ».

Cependant, si « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », ne pas les nommer n’améliore guère la situation. Ainsi en est-il du mot « nègre » qui, dans la lutte contre le racisme, résonne différemment dans les consciences selon les contextes et les références historiques.

En Amérique du Nord, le terme – « nigger » ou « negro » en anglais – est frappé d’interdit dans la société comme à l’université. Dans le milieu francophone européen et antillais, le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire le revendique. « Nègre je suis, nègre je resterai ». Quant à l’écrivain afro-américain James Baldwin qui a vécu entre les continents américain et européen, il crie haut et fort au « Blanc » : « Je ne suis pas un/votre nègre. Je suis un homme ».

À quelle conception du « nègre » font-ils respectivement référence ? La projection du regard (du) « Blanc » ou la Négritude revendiquée avec de nouveaux signifiés imprévisibles ? De quoi ce vocable est-il le nom dans l’histoire de l’Humanité ?

Étant donné un nègre, qu’y a-t-il derrière ?

Dans le langage courant, le mot nègre renvoie à un esclave, à la peau dite noire à qui tout un système esclavagiste, colonialiste, impérialiste et capitaliste a enlevé son humanité. Être traité de « nègre », de « sale nègre », de « nigger » ou de « negro » sonne alors comme une insulte raciste adressée non seulement à la personne mais à tous les descendants d’esclaves. Les représentations du réel changent de sens selon les univers linguistiques, culturels ou religieux.

Selon la linguistique saussurienne, signifiant et signifié peuvent entretenir un dialogue de sourds pendant longtemps. Ainsi le mot noir peut-il, dans l’imaginaire, renvoyer à la saleté, au péché et le mot blanc tantôt à la neige, au coton, à la pureté, au vide, tantôt à une catégorie d’humains ou à une métaphore du pouvoir.

En espagnol, le mot negro signifie « noir » et non pas nègre. En France, le terme peut être utilisé dans un contexte familier à l’instar de frérot ou cousin, comme on le voit dans la série télévisée En place mettant en scène la candidature à la présidence française d’un citoyen noir.

Bande annonce de la série En place, de Jean-Pascal Zadi.

Dans ses ouvrages Les marrons du Syllabaire et Les marrons de la liberté l’historien haïtien Jean Fouchard a montré comment les esclaves de Saint-Domingue ont pu travestir les signifiants culturels, religieux, idéologiques des colons (langue, religion, style de vie, race…) non seulement pour s’affranchir du « déguisement ontologique » en noir et blanc de l’entreprise coloniale mais aussi pour retrouver leur liberté en tant qu’êtres humains.

Si le Code Noir de Colbert a pu faire du « nègre » un « bien meuble » (art. I, 1685) déshumanisé, une lecture étymologique africaine en fait de « l’eau qui coule dans le sable » ou encore un « symbole de fécondité » qui amène le médecin et poète haïtien Joël Desrosiers à déduire « que tous les hommes de la terre sont nègres ».

Ce dernier sens permet de comprendre que face à un « nègre » qui se fait insulter se tient toujours un autre « nègre » qui s’ignore, qui méconnaît ou qui a oublié qu’il était « nègre » parce que probablement frappé par une amnésie collective, une ignorance, un traumatisme identitaire de longue durée, voire une cécité ontologique qui sont à la fois producteurs et produits de la colonisation et de l’esclavage.

Quand nègre signifie « être humain »

Si les recherches en paléontologie ont définitivement prouvé au XXe siècle que les ancêtres de toute l’humanité avaient la peau foncée, l’histoire d’Haïti, première République noire et « premier État moderne », avait déjà dépoussiéré le mot nègre de ses scories esclavagistes, coloniales et idéologiques.

Haïti a montré au monde entier que derrière le nègre comme insulte et astuce de domination se cache aussi et d’abord un homme libre, un être humain à part entière.

Au lendemain de la proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, la « race noire » devient un « terme générique synonyme d’"être humain" si bien qu’un Blanc – par exemple Billaud-Varenne, transfuge de la Révolution française – une fois arrivé en Haïti peut être appelé « nègre’ » dans le sens d’être humain comme on l’entend en Haïti. Car en créole haïtien, le mot nèg (masculin) ou nègès (féminin) désigne un homme ou une femme sans distinction de couleur.

L’historien et homme politique Leslie Manigat faisait d’ailleurs remarquer :

« Pour l’haïtien, De Gaulle est un grand “nègre” tout comme Mao Tse Toung est un grand “nègre”. »

Le qualificatif « grand » accentue une certaine hauteur de vue pour un peuple, une certaine vision pour la condition humaine en général.

« De Gaulle est un grand nègre »

Dire « De Gaulle est un grand nègre » incarne alors la réconciliation du blanc et du noir, la rencontre des temps anciens et contemporains, d’Haïti et de la France mais surtout le projet de retissage de la diversité de l’humanité qui devrait être central dans la lutte contre le racisme.

Lieu de traitement de la violence historique et du traumatisme identitaire, qualifié de « lumière » pour l’humanité par Victor Hugo et de « mère de l’Amérique » par Louis Mercier, Haïti incarne ce symbole de fécondité dans sa capacité à faire émerger le désir de liberté chez tous les êtres humains sans distinction.

Il a insufflé cet élan chez nombre de peuples du monde, de l’Amérique latine aux pays africains, de l’Allemagne à la France mais aussi des États-Unis, à qui Haïti a prêté main forte dans des luttes pour la reconnaissance de sa pleine humanité à chaque être humain.

La négritude qui a fait son apparition dans les années 50 à Paris, s’est mise debout pour la première fois en Haïti. En effet, à la fin du XIXe siècle, les premières réponses scientifiques et argumentées aux thèses racistes et antisémites du Comte de Gobineau envers les Noirs et les Juifs (entre 1853 et 1855) sont apportées par trois voix haïtiennes : Louis Joseph Janvier (L’Egalité des races humaines, 1884), Anténor Firmin (De_l’égalité des races humaines, 1889) et Hannibal Price (De_la réhabilitation de la race noire par la république d’Haïti, 1898).

Traiter le trauma racial

La lutte contre le racisme nécessite ainsi de revisiter certaines références historiques et de traiter le trauma racial qui a affecté des générations entières de Blancs et de Noirs. Parler de « personnes racisées » aujourd’hui en ne pointant que les Noirs ou les « minorités », c’est occulter tout un pan du problème à traiter.

Si on continue au XXIe siècle à associer « nègre » à une couleur de peau dévalorisée, ou à une quelconque infériorité au point de le frapper d’interdit, peut-être faut-il rappeler, avec les paléoanthropologues, l’origine génomique de l’humanité. En visite officielle à Kinshasa en 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing avait prononcé ces mots :

« L’Afrique a jadis donné naissance à l’humanité. Elle lui apporte aujourd’hui, elle lui réserve encore pour demain, des trésors de fraternité, de beauté et de vie. Je rends témoignage à l’africanité de la famille humaine. »

Rendre témoignage à l’africanité de la famille humaine est un préalable dans la lutte contre le racisme, afin de rassembler les « différentes versions de nous-mêmes ». La lutte doit passer par l’élaboration du trauma racial de la maternelle à l’université, dans la société comme dans les lieux de soin. En France, elle ne peut pas faire l’impasse sur les relations franco-haïtiennes ni sur cette « certaine idée de la France » qu’avait le Général de Gaulle.

Quelle que soit la région du monde, les États devraient s’inspirer à la fois de la paléontologie mais aussi de l’histoire globale d’Haïti ou de l’expérience de « grands nègres ou négresses » comme le général Jean-Jacques Dessalines, Toussaint Louverture, Nelson Mandela ou Simone Veil. Revisitant leurs histoires respectives, ils pourraient par la même occasion participer à éclairer certains points aveugles de/dans l’identité de l’Homme car quand on parle des Noirs, on parle en même temps des Blancs et de toute l’humanité.The Conversation

Daniel Derivois, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie. Laboratoire Psy-DREPI (EA 7458), Université de Bourgogne – UBFC

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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France-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux

17 Décembre 2022 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Societe, #Racisme

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France-Maroc : le vrai-faux procès identitaire fait aux supporters binationaux
Vincent Geisser, Aix-Marseille Université (AMU)

Des drapeaux marocains, algériens, tunisiens ou encore sénégalais brandis par des supporters qui ont toujours vécu en France et possèdent dans leur grande majorité la nationalité de ce pays à chaque fois ; ces scènes d’avant et d’après-match ne manquent pas de susciter des débats et des controverses dans les médias, le champ politique et les milieux intellectuels. C’est notamment le cas avec le match opposant France et Maroc le 14 décembre 2022 durant la Coupe du Monde de football.

Comment peut-on être Français et supporter une équipe de football étrangère. Dès lors, l’on voit surgir toutes sortes d’explications qui tournent en général autour des thèmes du « malaise identitaire », de « la double allégeance » du « déficit d’intégration » ou encore de la « crise des banlieues » qui contribuent généralement à stigmatiser les supporters binationaux. Au mieux, à entretenir à leur égard un regard compréhensif mais à forte connotation misérabiliste. Ainsi, les supporters binationaux arboreraient les emblèmes nationaux du pays de leurs parents ou grands-parents par réaction aux discriminations subies et au racisme ambiant.

D’une manière générale, quel que soit le positionnement idéologique et politique des commentateurs du fait binational dans le champ sportif, ce sont plutôt des interprétations culturalistes et identitaires qui prédominent, évacuant la dimension sociologique du phénomène.

Un attachement à la francité assumé et transgressif

Or, aujourd’hui les manifestations de binationalité ou de plurinationalité dans le champ sportif ou dans les autres champs sociaux (politique, culturel et économique) doivent être perçues comme des pratiques sociales banalisées qui se jouent principalement au sein de l’espace public hexagonal.

Les supporters exhibent un emblème étranger, revendiquent leur soutien à une équipe africaine, arabe ou maghrébine, ou encore défilent sur les Champs-Élysées ou sur le Vieux-Port de Marseille en entonnant les hymnes nationaux du pays de leurs ancêtres, non pour affirmer une quelconque rupture avec leur société de naissance (la France) mais, au contraire, pour exprimer leur attachement à la francité sur un mode à la fois assumé et transgressif.

En ce sens, la binationalité des supporters de football, l’art de passer d’un drapeau à l’autre ou de les combiner dans une même séquence temporelle vient contester les conceptions exclusivistes et puristes de l’identité nationale qui s’affirment aujourd’hui en Europe, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tendant à présenter les binationaux comme des « enfants illégitimes ».

Car en France, en Algérie et en Tunisie et dans une moindre mesure au Maroc, les binationaux apparaissent de plus en plus comme des citoyens suspects. Exhiber sa binationalité dans le stade, c’est donc aussi transgresser les approches essentialistes de l’identité nationale qui font aujourd’hui un retour en force sur les deux rives de la Méditerranée, dans des contextes de crise sociale et économique marqués par la montée des populismes et des nationalismes exacerbés.

La binationalité en ligne de mire dans les pays d’origine

Sur ce plan, il convient de rappeler que la binationalité a été longtemps combattue par les États d’origine qui la considéraient comme une forme de trahison nationale, voire d’apostasie religieuse. Les parents immigrés se devaient d’éduquer leurs enfants dans le culte des héros et des martyrs des mouvements de libération nationale et il était inconcevable pour eux qu’ils deviennent « français » (la nationalité de l’ancien colonisateur). Le système des amicales et des associations liées aux États d’origine cherchaient ainsi à entretenir le « mythe du retour » dans la mère-patrie et à préserver les immigrés et leurs descendants des influences néfastes de la société d’accueil (permissivité des mœurs, pluralisme politique, liberté syndicale,, etc.)

Dans ce contexte d’émulation nationaliste post-coloniale, le champ sportif, en général, et le football, en particulier, participaient à entretenir dans les familles immigrées le sentiment d’allégeance à la nation d’origine.

De ce point de vue, pour les nouvelles générations nées en France, l’acquisition ou la réintégration à la nationalité française est apparue comme un combat individuel et collectif sur deux fronts. D’une part, à l’égard des États d’origine qui la considéraient comme un acte antipatriotique et, d’autre part, vis-à-vis d’une partie de la société française pour qui les enfants d’immigrés africains et maghrébins étaient encore des étrangers inassimilables ou des « Français de papiers ».

Revendiquer publiquement sa binationalité, notamment dans les événements sportifs comme la Coupe du monde de football, c’est donc transgresser à la fois la doxa nationaliste des États d’origine et les préjugés racistes d’une partie de la société hexagonale.

Le signe d’une émancipation personnelle et collective

Ce détour historique sur la construction des identités nationales postcoloniales (celle de l’ancienne puissance impériale comme celle des nouveaux États indépendants) apparaît indispensable pour saisir ce qui se « joue » aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, dans les rituels sportifs des binationaux qui sont trop souvent interprétés comme une forme de « schizophrénie identitaire », de « double allégeance » ou, pire, un défaut d’intégration sociale, voire d’hostilité à la France.

Or, au contraire, ces pratiques binationales en rapport avec le foot, qu’elles émanent des supporters ou des joueurs, constituent le signe d’une émancipation personnelle et collective à l’égard d’héritages nationalistes figés, cherchant à classer les individus et les groupes sociaux dans des catégories identitaires immobiles et stériles.

On peut être successivement ou simultanément supporter de l’équipe de France et des Lions de l’Atlas sans y percevoir subjectivement la moindre incohérence ou trahison identitaire à l’égard de son pays de vie et de la terre d’origine de ses ancêtres. À cet égard, l’on serait tenté de dire que les pratiques binationales dans le champ sportif le football en serait la meilleure illustration constitue la marque d’une forme de modernité sociale et politique qui, sans nier les identités nationales, tend à les mixer sur un mode dialogique et ludique.

Des reconstructions identitaires déterritorialisées

Dans le contexte de la Coupe du monde 2022, l’analyse des réseaux sociaux révèle ainsi l’extraordinaire créativité lexicale et graphique des internautes pour exprimer par les mots et les images leur soutien à une, deux, voire trois équipes nationales.

Le Qatar a d’ailleurs su exploiter habilement cette binationalité sportive, en présentant l’évènement comme une réussite pour tous les Arabes ici et là-bas (ceux des pays d’origine et de la diaspora) et comme une communion identitaire pacifique.

Il est vrai que les expressions telles que « la victoire de l’Afrique », « le retour du monde arabe », « la célébration du Maghreb » (en arabe, le mot al-Maghrib désigne à la fois le Maroc et l’ensemble régional) ou « le moment palestinien » expriment un fort sentiment de coappartenance, notamment depuis les bonnes performances de l’équipe nationale du Maroc.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une résurgence au sein des populations françaises d’ascendance africaine et maghrébine du nationalisme arabe des années 1960-1970 (avec la figure emblématique de Gamal Abdel Nasser), du tiers-mondisme d’antan, de panislamisme, ou d’une quelconque forme de panafricanisme, car la majorité des descendants d’immigrés, contrairement à leurs parents et grands-parents, n’ont pas vécu ces mouvements idéologiques postindépendance.

Il s’agit de reconstructions identitaires déterritorialisées, qui font d’abord sens dans les débats, les controverses et les enjeux de la société française actuelle. À la question récurrente et parfois obsédante des éditorialistes « Comment peut-on être Français et soutenir une équipe étrangère », la recherche en sciences sociales apporte nécessairement des réponses nuancées, contribuant à dédramatiser les pratiques binationales et à les recontextualiser dans le moment sportif.The Conversation

Vincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Extrême droite : une histoire sémantique des «ratonnades»

16 Décembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Histoire, #Racisme, #Linguistique, #Sémantique

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L’expression raciste, qui désigne des expéditions punitives contre des Arabes, a émergé dans le contexte de la guerre d’indépendance algérienne, rappelle l’historienne Sylvie Thénault.

Au coup de sifflet final de France-Maroc en Coupe du monde mercredi soir, plusieurs grandes villes de France ont connu des tentatives de manifestations violentes envers des supporteurs marocains. Des personnalités politiques de gauche, telle que Marine Tondelier, la toute nouvelle secrétaire générale d’Europe Ecologie-les Verts, et Mathilde Panot, la patronne des députés La France insoumise à l’Assemblée nationale, ont dénoncé ce qui pourrait s’apparenter à des «ratonnades», soit des expéditions punitives orchestrées par des groupuscules d’extrême droite comme à Paris, Nice, Lyon ou Nantes. «Ratonnade», pourquoi ce terme et d’où vient-il ?

«C’est une vieille expression qui a aujourd’hui une dimension dénonciatrice et antiraciste, même si elle peut aussi être revendiquée par l’extrême droite pour se vanter de ses actions violentes à l’égard des Arabes ou des Nord-Africains», explique à Libération Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la colonisation française en Algérie et de la guerre d’indépendance algérienne. Selon l’historienne, qui a publié les Ratonnades d’Alger, 1956 (Seuil, 2022), le phénomène est une pratique consubstantielle au colonialisme de peuplement. Les auteurs sont souvent de jeunes hommes agissant en petits groupes.

«Le mot “ratonnades” est utilisé pour la première fois à l’écrit par le journaliste Paul Gérin en 1958 pour désigner des violences commises deux ans plus tôt par les Français d’Algérie sur les Algériens lors des obsèques d’Amédée Froger, un leader de l’Algérie française tué par les nationalistes dans un attentat, souligne la chercheuse. Le 29 décembre 1956, à Alger, des Français ont chassé, blessé et tué des Algériens, ils ont saccagé des magasins leur appartenant, sur le passage du cortège funèbre.»

Le mot arrive en métropole en 1961 où il sert à décrire des agressions sur les Algériens de la part des forces de l’ordre. L’évènement le plus connu étant le massacre du 17 octobre 1961, une répression meurtrière, par la police française, d’une manifestation d’Algériens boycottant le couvre-feu instauré par Maurice Papon et organisée à Paris par la fédération de France du FLN, dans un contexte de guerre d’indépendance algérienne. Le terme «ratonnade» est également employé pour parler de la vague de meurtres et de violences racistes de 1973 à l’encontre d’immigrés maghrébins et commis par des Français rapatriés d’Algérie.

Avant cela, «au XVIIIe siècle, le mot “raton” recèle une dimension affectueuse et aujourd’hui désuète, rappelle Sylvie Thénault. Pour dire mon “petit garçon”, on disait mon “raton”». Il devient ensuite péjoratif dans l’argot du XIXe siècle : «A partir de ce moment-là, poursuit l’historienne, “raton” désigne un enfant entraîné à voler. Ce n’est que dans l’entre-deux-guerres qu’il devient une insulte raciste et animalisante pour désigner les Musulmans, les Arabes ou les Nord-Africains.»

Simon Blin

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Discrimination et racisme à l’université : un constat alarmant

29 Novembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Universite, #Racisme

Discrimination et racisme à l’université : un constat alarmant
Discrimination et racisme à l’université : un constat alarmant
Géraldine Bozec, Université Côte d’Azur; Cécile Rodrigues, Centre national de la recherche scientifique (CNRS); Christelle Hamel, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et KARIMI Hanane, Université de Strasbourg

Fin 2018, partant du constat d’une faible production de connaissances sur les discriminations dans l’enseignement supérieur et de la recherche, une équipe de chercheuses et chercheurs en sciences sociales a initié une vaste enquête de victimation sur ce sujet, intitulée ACADISCRI, dont nous livrons ici les premiers résultats statistiques.

Le projet vise à mesurer les expériences de traitements inégalitaires dans les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, et analyser les variations, au sein des établissements et entre eux, selon les disciplines, niveaux d’inscription, services ou encore grades, au regard des principaux critères de discrimination : sexe, ethnicité, catégorie sociale, handicap, orientation sexuelle, affiliation syndicale ou politique…

Le questionnaire de l’enquête enregistre toute une gamme de traitements inégalitaires vécus, allant des micro-agressions (gestes ou remarques dévalorisantes du quotidien, souvent renvoyés à de « l’humour » par leurs auteurs ou autrices, mais humiliants ou dégradants pour celles et ceux qui en sont les cibles) aux formes plus violentes que sont les injures, les menaces de violences physiques et violences physiques, en passant par le harcèlement moral, les situations discriminatoires identifiées comme telles par les personnes enquêtées, et encore le harcèlement et les agressions à caractère sexuel…

Le questionnaire permet également de recueillir des informations sur les effets de ces situations sur les « victimes », sur leurs conditions d’étude ou de travail, sur le contexte de déroulement des faits, sur leurs auteurs et leurs autrices, ainsi que les témoins, ou encore sur les réactions et recours éventuels. Après une enquête pilote menée au printemps 2020, puis l’adaptation en conséquence des outils et de la stratégie d’enquête, la collecte de données a jusque-là été conduite dans cinq autres établissements de configuration et de taille diverses.

Une singularité du projet ACADISCRI est de reposer sur un intéressement des établissements – lesquels ont des obligations, comme tout employeur et organisme de formation, en matière de non-discrimination, et une responsabilité sociale liée aux enjeux de lutte contre le harcèlement sexuel ou encore de « combat résolu contre le racisme et l’antisémitisme ». Les établissements qui s’engagent bénéficient d’un diagnostic à leur échelle, sur la base de données pondérées, représentatives de leur population. Les résultats présentés ci-dessous concernent l’une des premières universités impliquées.

Une expérience massive des discriminations

La collecte au sein de cette université a permis de récolter 1 733 questionnaires complets auprès des étudiantes et étudiants et 278 auprès du personnel, soit un taux de réponse de 6,2 % pour les premiers et de 10,1 % pour les seconds.

Au sein de cet établissement, les traitements inégalitaires déclarés s’avèrent massifs, pour les personnels plus encore que pour les étudiantes et étudiants. Plus d’une personne salariée sur deux (50,9 %) et plus d’un étudiant ou étudiante sur six (17,7 %) déclarent avoir vécu au moins une forme de traitement inégalitaire depuis son entrée dans l’enseignement supérieur.

On peut voir dans ces différences de proportion entre étudiantes ou étudiants et personnels plusieurs pistes explicatives : la première est liée à l’ancienneté dans l’établissement, puisque sur ce sujet le questionnaire invite à se remémorer l’ensemble de la carrière ou de la trajectoire d’études. Il est logique que la durée souvent plus longue de présence dans l’établissement (notamment entre salariés et étudiants) expose davantage au risque de traitements inégalitaires.

Néanmoins, les données de l’enquête montrent que la très grande majorité des faits déclarés a eu lieu récemment. Par exemple, les cas d’agression sexuelle et de menaces et/ou d’agressions physiques liées au sexisme ont eu lieu pour plus d’un tiers des cas durant l’année universitaire en cours, puis pour près de 6 cas sur 10 dans les cinq années précédentes.

Une autre piste d’explication peut être liée au degré de conscientisation acquis au fil de l’expérience, conduisant des personnes ayant une fréquentation plus longue de l’université à être plus attentives aux discriminations. Il n’en demeure pas moins que ces taux indiquent que le contexte du travail et d’étude à l’université est, pour beaucoup, loin d’être serein et policé.

Les différents motifs de discrimination

Comme le montrent les tableaux suivants, les faits déclarés sont en premier lieu les micro-agressions. Les faits plus graves sont heureusement moins fréquents. Ils n’en sont pas pour autant négligeables, telles les situations identifiées comme discriminatoires : 6,6 % des membres de la communauté étudiante et 22 % des personnels en déclarent. Les menaces de violences physiques ou violences physiques concernent 2,7 % des membres de la communauté étudiante et 7,8 % des personnels.

Champ : Étudiant·e·s de l’Université Pilote, 2019-2020. Données pondérées. Lecture : 10,5 % des étudiant·e·s inscrit·e·s dans l’Université Pilote en 2019-2020 ont déclaré avoir subi des micro-agressions depuis leur entrée dans l’ESR, et 3,4 % l’ont attribué à un motif sexiste. NB : Plusieurs motifs pouvant être déclarés pour un même fait, le total des motifs identifiés (addition des 7 colonnes) est supérieur au pourcentage de faits déclarés (1ère colonne). Fourni par l'auteur
Source : Enquête ACADISCRI-Université Pilote, 2020. Champ : Personnels de l’Université Pilote. Données pondérées Lecture : 38,3 % des personnels de l’établissement ont déclaré avoir subi des micro-agressions depuis leur entrée dans l’ESR, et 10,7 % l’ont attribué à un motif sexiste. Fourni par l'auteur

Concernant les situations pour lesquelles les personnes enquêtées ont déclaré un motif discriminatoire, les données laissent entrevoir que l’incidence du motif varie selon le type de fait. Par exemple, si les micro-agressions sont plus souvent liées au sexisme (3,4 % pour les membres de la communauté étudiante, 10,7 % pour les personnels), les injures sont plus souvent déclarées en raison des engagements syndicaux et politiques (1,1 % des membres de la communauté étudiante et 3,5 % des personnels), tandis que le harcèlement moral est plus souvent rattaché au classisme (1,5 % des membres de la communauté étudiante et 4,9 % des personnels).

Enfin, pour l’ensemble des types de faits relevés, les « victimes » n’identifient pas toujours de motif discriminatoire spécifique : c’est par exemple le cas pour près des trois quarts personnels déclarant des situations de micro-agressions. Cette difficulté peut être liée à une incertitude sur le motif réel, que la psychologie sociale qualifie d’ambiguïté attributionnelle. Mais cela témoigne sans doute aussi du fait que les discriminations prennent place dans un environnement d’étude ou de travail dégradé, où les agressions et les sentiments d’injustice sont relativement courants.

Le racisme vécu par les personnels

Une des innovations de l’enquête ACADISCRI est de traiter simultanément des différents critères de discrimination reconnus par la loi, là où la plupart des enquêtes réalisées par les établissements actuellement se concentrent généralement sur les seules violences sexistes et sexuelles. Elle permet notamment d’investiguer la prégnance et la diversité des formes d’expression du racisme au sein de l’espace académique. Dans le même sens, nous privilégions ici une focale sur le personnel, habituellement peu concerné par des enquêtes majoritairement centrées sur la vie étudiante.

Compte tenu de la faiblesse des effectifs sur un seul établissement, il n’est pas possible ici, d’affiner l’exposé du motif « racisme », pour distinguer par exemple les expériences d’antisémitisme ou d’islamophobie. Elles sont donc traitées ensemble, avec le racisme proprement dit. Afin d’identifier les profils les plus exposés plusieurs questions ont été posées aux personnes enquêtées sur leur pays de naissance et nationalité, sur ceux de leurs parents, sur leur affiliation religieuse, et enfin sur la façon de se percevoir et d’être catégorisé ou catégorisée par autrui dans des catégories racialisantes (« Blanc » ou « Blanche », « Arabe », « Noir » ou « Noire », etc.). Dans cet article nous rendons compte de deux variables synthétiques construites à partir de ces données :

  • le lien à la migration, construit en trois catégories : le groupe majoritaire qui rassemble les individus nés en France hexagonale de deux parents nés français en France hexagonale ; les descendants d’immigrés, nés en France d’un ou deux parents nés étrangers à l’étranger ; les immigrés nés étrangers à l’étranger ;

  • l’assignation par autrui à une catégorie racialisante présentée ici, compte tenu de la limite des effectifs, en deux catégories agrégées : « Blanc » ou « Blanche », « Arabe ou Noir » ou « Arabe ou Noir·e ».

Les données pour cet établissement suggèrent que l’exposition au racisme varie selon le statut : ce phénomène est déclaré presque deux fois plus par les personnels administratifs et techniques (BIATSS) que par les enseignants-chercheurs ou chercheuses (12,8 % contre 6,9 %). Il faut toutefois interpréter ces données avec prudence, car il y a une forte corrélation entre ces statuts et le lien à la migration, par exemple plus de sept personnes descendant d’immigrés ou originaires d’outre-mer sur dix ont un statut de BIATSS.

Mais surtout, les déclarations de traitements inégalitaires à caractère raciste varient très fortement selon le lien que les individus entretiennent à la migration et leur assignation à telle ou telle catégorie racialisante. Si 5,3 % des majoritaires déclarent avoir subi du racisme, ce taux triple parmi les personnes immigrées (14,5 %) et quintuple chez les descendantes et descendants d’immigrés et les originaires d’outre-mer, avec 27,8 %.

Source : Enquête ACADISCRI-Université Pilote, 2020. Champ : Personnels de l’université Pilote. Fourni par l'auteur

La déclaration d’au moins un traitement inégalitaire en raison d’un motif raciste apparaît également presque cinq fois plus souvent pour les individus catégorisés comme « Arabes ou Noirs » que pour ceux catégorisés comme « Blancs » (graphique ci-dessous). En outre, ces minoritaires sont plus nombreux à subir des traitements inégalitaires, avec ou sans motifs discriminatoires, en comparaison des personnes perçues comme « Blanches » (respectivement 60 et 52,4 %,).

Source : Enquête ACADISCRI-Université Pilote, 2020. Champ : Personnels de l’université de Pilote. NB : Les rares personnes ayant refusé d’indiquer comment elles étaient perçues par les autres ont été classées dans la catégorie « Blanc.he.s ». Fourni par l'auteur

Dans une enquête de ce type, les difficultés potentielles de remémoration des expériences, ainsi que de déclaration des traitements inégalitaires, laissent supposer que les données recueillies pourraient sous-estimer la victimation réelle. Quoiqu’il en soit, les premiers résultats de l’enquête ACADISCRI laissent déjà entrevoir à la fois l’ampleur considérable du phénomène et sa configuration complexe.

L’enquête suggère ainsi la nécessité de mettre en rapport l’expérience discriminatoire avec les relations de pouvoir qui structurent l’enseignement supérieur et la recherche. Elle suggère aussi l’importance d’une approche qui prend en compte simultanément et de façon articulée les différents rapports sociaux. L’exploitation à venir des résultats concernant la première série d’établissements enquêtés permettra d’en savoir plus. (À suivre… sur le site de l’enquête ACADISCRI).


ACADISCRI est un travail de recherche collectif et cet article a été rédigé par l’ensemble de l’équipe, aujourd’hui composée de Tana Bao, Géraldine Bozec, Marguerite Cognet, Fabrice Dhume, Camille Gillet, Christelle Hamel, Hanane Karimi, Cécile Rodrigues et Pierre-Olivier Weiss.The Conversation

Géraldine Bozec, Sociologue, enseignante-chercheuse, Université Côte d’Azur; Cécile Rodrigues, Ingénieure d'études, Centre national de la recherche scientifique (CNRS); Christelle Hamel, Sociologue, spécialiste de l'étude des discriminations et des violences contre les femmes, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et KARIMI Hanane, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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LREM se déchire autour du tweet anti-musulmans d'une journaliste du «Figaro»....

14 Septembre 2020 , Rédigé par Liberation Publié dans #Racisme

LREM se déchire autour du tweet anti-musulmans d'une journaliste du «Figaro»....

Les députés de la majorité ont passé leur dimanche à s'écharper au sujet du tweet associant une étudiante voilée aux terroristes du 11 Septembre. Tweet qui a valu au moins une menace de mort à son autrice.

Chaude ambiance dimanche sur la boucle Telegram des députés LREM. Les élus de la majorité n’avaient visiblement pas la même appréciation du tweet anti-musulmans d’une journaliste du Figaro, Judith Waintraub. Vendredi (11 septembre), cette dernière a assimilé Imane Boun, une jeune femme qui donnait des conseils pour bien cuisiner pas cher lorsqu’on est étudiant dans une vidéo pour BFM TV, aux terroristes du 11 septembre 2001 au motif qu’elle porte le voile. Un amalgame sorti de nulle part et qui, dans un premier temps, a attiré à la journaliste de nombreuses critiques, y compris de la part de la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai. Plusieurs députés de la majorité ont également critiqué ce tweet, comme Fiona Lazaar et Eric Bothorel.

Mais samedi, un compte anonyme a menacé de mort la journaliste et tout s’est inversé. Gérald Darmanin a immédiatement apporté son soutien à la journaliste, sans un mot pour Imane Boun, imité par d’autres politiques, du RN à LREM en passant par LR. Dans la majorité, le sujet a cristallisé les tensions entre les franges droite et gauche du mouvement, entre les défenseurs de la liberté d’expression, y compris lorsque celle-ci est insultante, et ceux qui prenaient le parti de l’étudiante.

«Démesurément agressif»

«Des heures de blabla et de gens qui s’engueulent sans chercher à définir une ligne. C’était démesurément agressif», résume un ponte du groupe. «Ce fut particulièrement belliqueux», ajoute une autre députée. «Si vous pouviez arrêter l’indignation à géométrie variable… peut-être que cet islamisme rampant, marchant ou volant se nourrirait moins !» a-t-on ainsi pu lire dans la boucle Telegram, sous la plume d’une députée très remontée par les attaques visant Imane Boun. Et la même de proposer, ironiquement, «au nom des "libertés fondamentales" qu’on emprisonne toutes ces femmes avec ce tissu immonde sur la tête, du coup à commencer par ma mère» et qu’on retire «le mot "liberté" de nos mairies et autres institutions, car non visiblement, au nom de persécutions dans d’autres pays et d’idéalisme de l’athéisme, certains citoyens doivent se plier à la neutralité parfaite, même si ce ne sont pas des agents de l’Etat laïc dans le cadre de leur fonction».

«Une interprétation très hasardeuse»

«L’effet de ces querelles sur les musulmans modérés est dévastateur. Nous devons être capables de condamner fermement, et unanimement, les menaces contre Judith Waintraub. Mais il faut également savoir dénoncer la stigmatisation et le simplisme. Dire de la vidéo de cette jeune femme qu’elle est une propagande de l’islamisme est une interprétation très hasardeuse. Et le hasard sur ce sujet n’est pas permis», a tenté d’apaiser une autre parlementaire, en référence au tweet de sa collègue Catherine Fabre qui s’interrogeait sur un possible «prosélytisme» de BFM TV. La première réunion de groupe après l’élection, la semaine dernière, de Christophe Castaner comme chef des députés LREM, promet d’être animée. Elle est prévue ce lundi après-midi.

Sylvain Chazot

Cet article est extrait de Chez Pol, notre newsletter politique quotidienne réservée aux abonnés

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L’antisémitisme, une valeur actuelle. Par Cécile Alduy (Janvier 2020)

29 Août 2020 , Rédigé par Site de Benjamin Stora Publié dans #Société, #Antisémitisme, #Racisme

L’antisémitisme, une valeur actuelle. Par Cécile Alduy (Janvier 2020)

EXTRAIT

Doit-on s’offusquer qu’un journaliste de la droite conservatrice portraiture un intellectuel de gauche en « poussah pontifiant » qui a « fait du gras » depuis ses jeunes années d’étudiant ?

L’article de Bruno Larebière sur l’historien Benjamin Stora, paru dans le numéro spécial d’octobre 2019 de Valeurs actuelles sur la guerre d’Algérie a suscité l’indignation. Plus de quatre cents intellectuels sont signé une pétition contre ce texte jugé antisémite. Pourtant, si l’attaque ad hominem sur le physique de l’historien est abjecte, l’article à charge s’attarde peu sur les origines juives de l’universitaire. On est loin de Céline, ou de Je suis partout. Mais qu’est ce qu’un texte antisémite à l’aube de 2020 ? Décryptage.

Interrogé par nos soins, Larebière confie être « tombé des nues ». : « Je me contrefiche éperdument que Stora soit juif. Se serait-il appelé Kervadec, issu d’une lignée catholique de Concarneau (…) que j’aurais fait, ou pu faire, le même papier ». A première vue, rien dans l’article ne désigne explicitement la judéité de Benjamin Stora à la vindicte : il y est fait deux mentions, dont l’une est une citation de Stora lui-même. Pour le reste, le texte est une biographie acerbe de l’ascension sociale de l’universitaire : jeunesse lambertiste, consécration comme conseiller des princes et des médias. Mais la clé de la lecture de ce récit est dans le prélude, un double portrait physique de Stora jeune et « émacié » d’abord, puis corpulent aujourd’hui : « L ‘homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé (…) Gonflé, au risque d’exploser de cette mauvaise graisse ayant prospéré à proportion de la vanité qui n’a cessé de croitre en lui à mesure que s’élevait son statut social ».

Les images ont une idéologie.

Pourquoi donc parler du corps d’un intellectuel ? Que l’article passe entièrement sous silence l’apport scientifique de l’universitaire met la puce à l’oreille : ce n’est pas une vie réelle qui est contée, mais une fable. Comme Giton, le « riche » de La Bruyère, Stora prend trop de place, littéralement et socialement. La masse de ses travaux (52 livres) au lieu d’être à son crédit témoigne de son « poids » médiatique excessif. Si le corps de l’universitaire est une métaphore, sa vie est une parabole en filigrane de l’hégémonie culturelle grandissante de la gauche sur l’histoire de la colonisation et de l’essor de l’immigration (« massive » pour l’extrême-droite) qu’elle favorise.

On est loin de l’iconographie du Juif Süss, mais c’est le même procédé narratif de la parabole à valeur d’avertissement, ici par allusion. Stora a gagné la confiance des puissants (à force d’une ruse particulièrement perverse : la compétence !), il avait un agenda caché (l’immigration), résultat (que le lecteur de Valeurs actuelles n’aura aucun mal à déduire) : la France est menacée d’invasion, et « d’explosion ».

(...)

Cécile Alduy, Professeur à Stanford University, chercheuse associée à Sciences Po. Cécile Alduy a publié Ce qu’ils disent vraiment. Les Politiques pris aux mots (Seuil, 2017).

Suite et fin en cliquant ci-dessous

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La « fachosphère » attaque un collège...

21 Décembre 2017 , Rédigé par Les Cahiers Pedagogiques Publié dans #Education, #Racisme, #FN

Il y avait déjà eu une affaire similaire en Corse. Cette fois-ci, dans l’arrière-pays niçois, une enseignante d’éducation musicale fait chanter à ses élèves, entre autres, un poème en arabe. Cela ne plait pas aux réseaux d’extrême-droite qui mènent une odieuse campagne de dénigrement. Interview d’un enseignant du collège qui a organisé une riposte, véritablement laïque, elle !

Camille Kleinpeter, vous enseignez les sciences de la vie et de laTerre au collège Rabelais de l’Escarène et êtes aussi syndicaliste engagé au SGEN-CFDT. Pouvez-vous nous rappeler la chronologie des faits ?

Au départ, notre collègue de musique a intégré cette année à son répertoire de chansons apprises et interprétées par ses élèves de cinquième un poème, Lamma bada yatathanna, un « mouachah », poème à structure libre en arabo-andalou, selon une tradition qui remonte à la fin du VIIIe siècle en Andalousie musulmane. L’an passé, elle faisait chanter des élèves en japonais. Rien que de normal dans le cadre des programmes et du parcours artistique et culturel. Quelques parents de notre collège, petit établissement tranquille où se mélangent diverses populations, ont protesté auprès du professeur.

Nous aurions réglé cela en interne s’il n’y avait eu très vite une offensive d’extrême-droite à travers des sites aux titres un peu étonnants (« démocratie participative », « résistance républicaine », et plus connu « riposte laïque ») et qui sont tous si peu démocrates et si peu républicains. Notre principale a été trainée dans la boue et les calomnies se sont diffusées, à coup de mensonges et de diffamations.

Quelle a été la réaction des autorités ? Et celles des enseignants du collège ?

Le Rectorat a condamné officiellement ces attaques, assuré l’équipe du collège de son soutien, à travers également la visite d’inspecteurs pédagogiques régionaux. Les collègues ont fait front ensemble dans l’établissement.

Au-delà, j’ai voulu travailler en intersyndicale en publiant un communiqué, en intervenant dans les médias (Nice-Matin, France 3, Libération, TempsRéel NouvelObs), afin de dénoncer ces intrusions dans l’école et dans nos enseignements. Cela dépassait mon collège et mon syndicat. Le SGEN national a interpellé à plusieurs reprises le ministère, mais jusqu’ici, il y a eu un silence « assourdissant » selon le mot de la secrétaire nationale. Volonté de ne pas faire de publicité pour ces sites fascistes, d’être prudent sur le plan médiatique ? Un argument très discutable !

D’autant que l’un des risques possibles de ce genre d’attaques, ce pourrait être de provoquer l’auto-censure, par peur d’être une cible sur les réseaux sociaux...

Et demain, on pourrait avoir la même chose avec les programmes de SVT par exemple et la théorie de l’évolution ou l’avortement que l’on aborde en classe. Ici, d’ailleurs, est attaquée une manifestation d’ouverture culturelle, avec une chanson qui exalte l’amour et provient d’une période de l’Histoire plutôt tolérante en Andalousie.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

Pour en savoir plus :

Le reportage de France 3 (émission du 14 décembre, à 5min15)

La chanson interprétée par la chanteuse Fairuz

À lire également sur notre site :

Qu’est-ce qui ne va pas avec l’arabe à l’école ?, antidote n° 20, par Françoise Lorcerie

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Les plaies du racisme restent TOUJOURS à vif... (Vidéo Christiane Taubira)

6 Octobre 2017 , Rédigé par Complément d'enquête Publié dans #Racisme

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Elle est où l'horreur?...

21 Août 2017 , Rédigé par Mediapart Publié dans #Education, #Politique, #Racisme

Résultat de recherche d'images pour "spirale"

Une croix gammée tracée sur le mémorial du camp de concentration de Gitans, à Saliers en France. Un journaliste s'en est aperçu le 18 août, a fait une photo et a transmis l'information, notamment aux gendarmes qui n'en savaient rien.

Une croix gammée tracée sur le mémorial du camp de concentration de Gitans, à Saliers en France. Un journaliste s'en est aperçu le 18 août, a fait une photo et a transmis l'information, notamment aux gendarmes qui n'en savaient rien. Peu de réactions encore. L'année dernière, le jour de noël, des croix gammées accompagnées d'inscriptions haineuses contre les Roms et les Juifs avaient été découvertes sur une école de Montreuil. De nombreuses réactions horrifiées, puis on nous a expliqué qu'il s'agissait de l'action d'un déséquilibré, d'un marginal récidiviste. Un fou. Des croix gammées taguées sur les mosquées aussi. Combien? Plusieurs fois par an? Des réactions? Rares. Des croix gammées sur les drapeaux des manifestants racistes, ces suprématistes blancs des États-Unis, qui plantent tranquillement l'insigne nazi entre deux géraniums, sur la fenêtre de leur maison. On a vu les images en boucle sur les chaînes d'info. Une jeune femme est morte, assassinée par l'un d'entre eux qui l'a écrasée parce qu'elle participait à la contre-manifestation.

La croix gammée, c'est la revendication de l'extermination des Roms, des Juifs, des Noirs, des Musulmans. La solution finale fièrement arborée dans les rues, brandie à visage découvert au bout des bras musclés des racistes nord-américains, les chambres à gaz anonymement réclamées ici par les "fous" qui ne peuvent s'empêcher de tracer des croix gammées sur une école parce qu'elle porte le nom d'Anne Frank, sur les mosquées parce que des terroristes se disent musulmans, et sur les stèles commémoratives du génocide des Tsiganes parce que les Roms.

Passerelle des arts, ce joli pont métallique qui enjambe la Seine et conduit à l'Académie des vieillards immortels : les touristes s'y photographient sur fond de Paris éternel mais ne peuvent plus y accrocher de cadenas d'amour. Le 6 août, une inscription arrête leurs pas. Un bout de papier collé au sol, quarante centimètres sur trente : une curieuse spirale attire l'attention du promeneur qui regarde ses pieds. Comme un point d'interrogation couché, mais ce n'est pas cela, sinon le point serait détaché de la boucle, et il ne serait pas couché. Ce n'est pas une question. C'est un serpent qui se replie sur lui-même? Une boucle de cheveux coupée? Le signe tourne dans le sens des aiguilles d'une montre, il est tracé à l'encre noire et l'auteur a pris le temps de remplir l'épaisseur du trait. A côté de l'étrange symbole, des lettres capitales écrites à la main : ATTENTION. En-dessous, en plus petites cursives : les roms. ATTENTION les roms. Elle s'arrête, abasourdie. G. la rejoint intrigué, et s'arrête, muet. Puis il lui demande si elle veut qu'il photographie. Elle dit oui. Deux photos sont faites et ils passent, le cœur lourd, la rage au ventre, ils passent. L'inscription reste, collée sur le sol à l'entrée de la passerelle des arts mais pas juste au milieu, un peu en retrait, comme au théâtre, quand un personnage fait un aparté audible par tous les spectateurs complices mais pas par l'autre personnage, celui dont on parle mais qui n'entend rien. Elle y est peut-être encore. Avec sa spirale noire qui tourne dans le sens des aiguilles d'une montre comme le symbole nazi, noir aussi, qui tourne de la gauche vers la droite et toute la portée monstrueuse de l'implicite qui permet d'écrire ces trois mots en français, en se disant que ça suffit, que l'on sera compris. Nul ne peut douter du caractère raciste de cette inscription, le sens en est immédiatement perceptible.

C'est plus tard, dans la soirée, qu'elle réalise à quel point elle est une imbécile : mais pourquoi est-elle passée sans rien faire ? Elle aurait dû déchirer le papier, rendre illisible le message, avertir elle ne sait qui, une autorité quelconque qui s'occupe du racisme en France. Mais non, rien. La sidération, deux photos, et elle a poursuivi son chemin.

Hier après-midi, juste après avoir quitté un ami rom kalderash et lui avoir sottement répondu qu'elle avait l'impression que "ça allait mieux maintenant" (l'ami leur avait raconté une histoire qui datait de vingt ans, celle d'un artisan ayant perdu une bonne partie de sa clientèle après avoir déclaré qu'il était Tsigane), elle découvre la photographie de cette croix gammée sur le monument de Saliers. Et elle se souvient de la spirale du pont des arts. Peut-être qu'à Saliers, ou bien ailleurs, quelqu'un est passé devant la stèle profanée, devant une croix gamée, a pris deux photos et a poursuivi son chemin, le cœur lourd. L'horreur, elle est là aussi, dans cette accoutumance à l'horreur, dans la blessure emportée avec soi sur le chemin qu'on poursuit, sans avoir agi.

Juliette Keating

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