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Vivement l'Ecole!

politique

Blanquer, le fantôme de Montargis...

11 Mai 2022 , Rédigé par Arrêt sur images Publié dans #Education, #Politique

https://www.publicsenat.fr/sites/default/files/styles/pse_accueil_entete/public/thumbnails/image/sipa_01070864_000067.jpg?itok=6FjNn0Wv

EXTRAITS

Daniel Schneidermann a délaissé provisoirement son Matinaute quotidien pour se consacrer aux élections législatives. Il part sur les routes de ce "troisième tour", dans les pas des candidats, et dans les coulisses de la presse régionale. Aujourd'hui : Montargis, dans le Loiret, sur les traces d'un candidat fantomatique nommé Jean-Michel Blanquer.

MONTARGIS. Où est-il ? Que fait-il ? Quand viendra-t-il ? Un fantôme nommé Jean-Michel Blanquer hante les rues de Montargis (Loiret). Le ministre de l'Éducation a débarqué à pas de loup, un vendredi, avant même le second tour de la présidentielle, avec à la main une poignée de tracts pour Emmanuel Macron. "Ah oui, vous êtes ministre, mais de quoi ?" lui a poliment demandé un commerçant de la rue Dorée, artère principale de cette sous-préfecture du Loiret, si proche de Paris, si provinciale, et si fière de ses canaux qui la font surnommer "la Venise du Gâtinais" dans les documents de la municipalité et de l'agglo.  

C'est par chance que Stéphane Boutet, rédacteur en chef de L'Éclaireur du Gâtinaisl'a immortalisé distribuant ses tracts aux commerçants de la rue (où siège aussi, heureux hasard, la rédaction de L'Éclaireur)."LREM m'avait prévenu que Blanquer allait distribuer des tracts pour Macron. J'ai demandé s'il n'y avait pas du parachutage dans l'air. Ils m'ont ri au nez". N'empêche : clic clac, c'était dans la boîte (Blanquer avait aussi tweeté cette visite).

(...)

Si la campagne du ministre se poursuit aussi discrètement qu'elle a commencé, son déficit de notoriété ne risque pas de se combler. La République du Centre a dû quasiment lui arracher une première interview. "On a dû le pousser au cul, raconte Sylvain Riollet, journaliste à La Rep. Dès qu'on a appris qu'il allait sur le plateau de France 3 Orléans, on a sauté sur l'occasion". Un journaliste d'Orléans a donc été dépêché auprès du candidat. Ce qui a valu au journal l'exclusivité de cette forte déclaration : son parachutage "n'est ni un cadeau, ni un empoisonnement". Les Montargois ont également appris que leur territoire possède "un très gros potentiel", qui néanmoins – encouragement digne d'un livret scolaire – "peut s'affirmer davantage". Son équipe et lui-même devront "être très pragmatiques", manifester "une grande attention à la jeunesse", ainsi qu'une "attention particulière pour la ruralité, avec la 4G". Quant au candidat, il se dotera d'une camionnette pour "sillonner les villages et aller à la rencontre des citoyens". Élu, il s'installera dans la circonscription. Et battu ? "C'est pas impossible que je m'installe aussi, on le verra, c'est une question de vie personnelle" a-t-il éludé, ce qui ne fait jamais bon effet.

(...)

Et la gauche, dans l'histoire ? Nul n'est parfait : Bruno Nottin, candidat PCF investi par la NUPES contre Blanquer, n'est pas enseignant, mais greffier au tribunal des prud'hommes. Soyons clairs : ici, la NUPES n'a aucune chance a priori. Sauf si, paradoxalement, le parachutage ministériel valait au communiste un bond de notoriété. "Il est intervenu à la convention NUPES d'Aubervilliers, et Fabien Roussel le cite dans ses tweets" énumèrent les deux journalistes locaux. Sur son compte Twitter, après son investiture, le greffier a enregistré 3000 nouveaux abonnements en une nuit. Il a vite compris qu'il fallait s'accrocher à la détestation que suscite le parachuté.

(...)

Daniel Schneidermann

Article complet à lire en cliquant ci-dessous

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« Renaissance » : quand le marketing remplace la politique - Par Cécile Alduy

6 Mai 2022 , Rédigé par L'Obs - Cécile Alduy Publié dans #Politique, #Sémiologie

Je n'ai jamais vu un président aussi nul que vous" : échange tendu lors  d'un déplacement d'Emmanuel Macron en Alsace - ladepeche.fr

 

« Renaissance » : quand le marketing remplace la politique 

 

« Plus rien ne doit être comme avant. (...) Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler ». C’est la promesse énigmatique qu’avait lancée Emmanuel Macron lors de son unique meeting de la campagne de premier tour, le 2 avril 2022 au Zénith. Après cinq années au pouvoir qui devaient faire advenir, déjà, un « monde nouveau », il entendait incarner derechef, et de manière paradoxale pour un sortant, la « nouveauté ». Réinventer une fois encore la politique. Renouveler le renouvellement lui-même. Comment ? Le mystère reste entier puisque ses mesures-phares (retraite à 65 ans, conditionnement du RSA, suppression de la redevance) sont loin d’être des innovations.  

 Ce « quelque chose de nouveau » aussi vague qu’aspirationnel, et si c’était d’abord un nouveau nom pour son parti politique ? Plus de dix jours après sa réélection, ni nouveau premier ministre, ni nouveau gouvernement, ni réformes inédites annoncées, mais… un nouveau baptême pour La République En Marche, devenue le 5 mai, en toute simplicité, « Renaissance ». Un nom tout neuf et qui signifie justement le renouveau dans une sorte de circularité performative. Macron ou l’empire des signes auto-référentiels. 

Quel sens et quelle stratégie de communication derrière ce « rebranding » ? Quels sont les non-dits et sous-entendus de cette appellation inédite dans l’histoire des partis politiques ? Peut-on seulement déceler un contenu politique sous ce contenant marketing, habile mais illusoire ? Et qu’est-ce qui « renaît » et qu’est-ce qui meurt sous son égide ?

 

Le passé comme intelligibilité du futur  

 

Après le Louvre, Chambord. Avec « Renaissance », Emmanuel Macron continue de s’inscrire dans l’histoire de France. Mais pour nous faire accepter un futur qui décoiffe. 

Le « nouveau Macron » version 2022 sature toujours ses discours de « nouveauté » pour orienter résolument son programme vers l’avenir : le terme « nouveau » et ses dérivés constituaient la deuxième famille lexicale la plus utilisée dans sa profession de foi de l’élection présidentielle 2022, plus que « Français », « travail » ou « emploi ». Il ne s’agissait rien de moins que de « défricher de nouvelles frontières »,  de rédiger « un pacte républicain renouvelé », « une méthode démocratique nouvelle », tout cela supposant « nouveaux efforts et de nouvelles ambitions » pour « faire de ces temps de crises le point de départ d’une nouvelle époque française et européenne ». Mais contrairement au candidat « disruptif » de 2017, le Macron 2022 a jeté aux oubliettes le vocabulaire de la rupture pour inventer une image du futur aussi rassurante qu’une image d’Épinal. « Renaissance » est une nième application du « en même temps » : le mot évoque le passé mais signifie l’avenir, il fleure bon le connu mais ouvre sur l’inédit. 

Ce nom-programme ancre le parti présidentiel dans l’imaginaire collectif : par association d’idées subliminale, le parti macroniste se confondra avec l’une des périodes les plus fastes et idéalisées du roman national. (On passera sur le fait que « Renaissance » soit une invention rétrospective du 19e siècle, et que ce soit aussi l’époque des guerres de religion les plus meurtrières en France, de l’invention de la censure, des éditeurs brûlés en place publique…) La désignation est aussi auto-réalisatrice : le nom même impose à l’avance la lecture du quinquennat qui vient, période de « renaissance » bienfaisante et prospère donc, facilement déchiffrable pour les électeurs puisqu’un modèle historique est proposé comme clé interprétative dès l’entrée. Pendant les cinq ans qui viennent, le nom de « Renaissance » va nous dire que ce parti incarne l’avenir et le neuf, la grandeur retrouvée, de nouvelles découvertes et de nouvelles révolutions coperniciennes, alors qu’il ressuscite – puisqu’on parle de renaissance – un ensemble de mesures structurelles portées par la droite (retraites, immigration, défiscalisations), et les panache avec des promesses sociales ou sociétales portées par la gauche (planification écologique, intéressement des salariés). Ou comment façonner la réception des années qui viennent dès la deuxième semaine du quinquennat… Imposer son récit a toujours été une obsession de la communication d’Emmanuel Macron.

Le mot permet donc d’abord de donner un sens collectif connu, positif, à un avenir inconnu et plutôt anxiogène et à un programme corsé. Le monde de demain, avec l’accélération des bouleversements technologiques et géopolitiques, les incertitudes climatiques et économiques, effraie de nombreux Français ? Offrons un récit rassurant qui puise dans une mémoire collective où la nouveauté a été synonyme d’accomplissement et de grandeur. Telle est la fonction de ce mot de « Renaissance » : « repackager » l’agenda politique de la « start-up nation » de 2017, faite d’innovations et de sauts dans le futur, en une image adoucie d’un renouvellement à présent connoté d’une touche vintage

« Renaissance » c’est l’enrobage doucereux qui fera passer la pilule des réformes, le « mistral gagnant » nostalgique qui sert d’analgésique face aux retour à la retraite à 65 ans, l’anxiolytique lexical pour relaxer les Français avant des adaptations plus abruptes qu’annoncées. Avec un nom qui évoque plutôt les cures de jouvence d’une chaîne de spa ou une semaine de stage en développement personnel, « Renaissance » relooke son programme en parcours de santé. On reste sur une constante des stratégies de communication d’Emmanuel Macron : l’euphémisation et la « positive attitude ». 

 

Force du mythe

 

L’autre atout marketing de ce nom tient à ce qu’il condense en trois syllabes tout un récit. Si « En Marche ! » laissait imaginer une action, un mouvement pour le mouvement (sans jamais raconter où on allait), « Renaissance » raconte à lui tout seul une histoire entière. Ou plutôt, il recèle la structure archétypale du mythe : renaissance du phénix, résurrection christique, retour du royaume des morts d’Orphée, réveil de Lazare… les allusions mythologiques abondent. 

« En Marche ! » évoquait un mouvement horizontal, les « marcheurs » l’image de pèlerins volontaires. Avec « Renaissance » place à la verticalité, à l’ascension vers le ciel : Jupiter se fait christique. Une aura mythique et vaguement surnaturelle nimbe à présent le parti présidentiel, décidément jamais à court de modestie et d’humilité. 

Avec « Renaissance », toute la force imaginaire d’un mythe est enclose en un seul mot : crise, mort, résurrection, l’action aristotélicienne est complète. Il n’est pas même besoin de remplir d’un contenu précis ces trois étapes fondamentales, l’arc narratif archétypal suffit. Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron se contente de parler de « ces temps de crises », sans plus les détailler, pour esquisser un tableau repoussoir qui motive à aller vers l’avant, à se dépasser. Le storytelling n’a plus besoin de « story » : le nom du parti suffit. 

(On savourera tout de même l’ironie de choisir d’activer cet imaginaire de la renaissance pour un parti qui pourfendait les « woke », puisque le premier synonyme de « renaître » est « se réveiller »).

Ce qui est troublant, c’est que la structure (et non le contenu) de ce récit archétypal est exactement la même que celui de l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et Éric Zemmour, pour ne citer qu’eux, n’ont eu de cesse de réciter le cycle inlassable de décadence-sursaut-renaissance qui structure pour eux l’histoire de France : cette matrice narrative cimente tous les discours du 1er mai du Front national depuis les années 80, tout comme la trame de la propagande zemmourienne dans ses livres. D’évidence, la nature du diagnostic (pour les uns, une crise civilisationnelle liée à un changement de nature de la France sous les « coups de boutoirs » de l’immigration ; pour le président une crise géopolitique, une crise sanitaire à dépasser et un manque de compétitivité) et les solutions proposées (fermeture ou ouverture) sont diamétralement opposées mais la structure du mythe est la même. Les deux partis ont compris la force du mythe et des structures narratives fondamentales des récits archétypaux pour offrir du sens aux électeurs-lecteurs, et partant, les mobiliser.

 

Marketing et dépolitisation 

 

Sauf qu’il existe une interprétation moins reluisante, non du mot de « Renaissance » mais de son usage politique, ou plutôt apolitique par La République En Marche. 

Tout d’abord à quoi s’applique ce mot ? Emmanuel Macron candidat a beau avoir esquissé (très rapidement à cause d’une campagne éclair) la justification narrative d’une renaissance (besoin de lancer « une nouvelle époque » après une série de « crises »), l’annonce du nom du nouveau parti par un Stanislas Guérini aussi charismatique qu’une porte de placard est complètement tombée à plat. 

Surtout, elle a réorienté le signifié de ce mot-étendard vers un projet bien plus prosaïque, la « refondation » du parti présidentiel pour lui donner « un nouveau souffle » et qu’il ne devienne pas « [un] astre mort ». Autrement dit, c’était La République En Marche, et non la France, qu’il fallait ressusciter. Étrange aveu de mort cérébrale pour le parti du candidat qui vient de gagner. 

Le Parisien rapporte une motivation encore plus problématique, susurrée par un membre de la macronie : « LREM était une mauvaise marque, il fallait en changer ». On est donc bien en plein rebranding : le contenu n’a pas changé d’un iota, aucun schisme interne, changement de figurants ou de leadership, aucun aggiornamento idéologique ne justifient de changement de nom. C’est une pure opération marketing. On nage en plein sketch de Coluche pour « le nouvel Omo », qui lave plus blanc que blanc. Ici, « Renaissance » risque de n’être qu’un mot pour être plus neuf que neuf. Or toute marque dont l’identité et l’attrait reposent sur la nouveauté perpétuellement renouvelée est condamnée à l’obsolescence programmée.  

Cette opération marketing est à la fois illusoire et éclairante : illusoire car nulle renaissance derrière Renaissance ; révélatrice car alignée sur la vision néolibérale qu’a la macronie du « marché » de l’offre et de la demande politique. « Renaissance » est cette invention de pur marketing coupée de toute histoire politique réelle, de toute tradition partisane, de toute histoire sociale, de toute conceptualisation idéologique. Elle accompagne un quinquennat, et bientôt deux, de dépolitisation du discours politique où l’on gomme les clivages et les conflictualités dans un soi-disant dépassement qui n’est qu’une autre idéologie qui, simplement, ne dit pas son nom. 

 

Cécile Alduy

Cécile Alduy

Agrégée et docteure en Lettres Modernes, normalienne, Cécile Alduy est Professeur de littérature et civilisation française à Stanford University, où elle enseigne depuis 2003, et chercheuse associée au CEVIPOF (Sciences PO Paris) depuis 2017. Elle est directrice du département de Français et d’Italien de Stanford University.

Après des travaux sur les mythologies politiques dans la littérature française de la Renaissance, elle se consacre depuis 2011 à l’analyse du discours politique, en croisant une approche stylistique, sémiologique, communicationnelle et de lexicométrie. Elle a publié Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste (Seuil: 2015) et Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques pris aux mots (Seuil 2017).

Dernier livre paru:

 

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Présidentielle 2022 : Pour qui vont voter les enseignants au second tour dimanche ?

20 Avril 2022 , Rédigé par 20 Minutes Publié dans #Education, #Politique

Le vote enseignant est-il toujours de gauche? - Vivement l'Ecole!

Les enseignants sont assez politisés, souvent peu abstentionnistes, et leur poids électoral est toujours scruté par les prétendants à l’Elysée.

- Selon une étude du Cevipof *, 48 % des enseignants seraient prêts à voter pour Emmanuel Macron au second tour, et 22 % pour Marine Le Pen.

- La crispation contre Jean-Michel Blanquer ne se cristalliserait donc pas dans les urnes, et le vote barrage contre le RN resterait un réflexe majoritaire chez les enseignants.

- Plus globalement, les résultats électoraux depuis 2017 montrent que les enseignants ne peuvent plus être considérés uniquement comme un bastion de gauche, certains d’entre eux se recentrant ou se droitisant.

Les enseignants sont près de 900.000 en France. Un nombre qui rend leur poids électoral important pour les prétendants à l’Elysée, et qui oblige ces derniers à prévoir des mesures à leur intention dans leur programme. Certaines seront d’ailleurs débattues mercredi soir lors du  grand débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Ce qui aidera peut-être certains à se décider pour l’un ou l’autre candidat. Car si les enseignants sont traditionnellement peu abstentionnistes, ils pourraient l’être davantage lors de ce second tour : « On peut tabler sur une augmentation des votes blancs et nuls qui serait de l’ordre de 30 % chez cet électorat. Sans doute dû au fait que certains enseignants qui avaient voté Macron au second tour de la présidentielle en 2017 ne souhaiteront pas le faire cette fois-là », explique Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS en s’appuyant sur l’enquête électorale * du  Cevipof publiée en mars.

Les enseignements du premier tour

Cette enquête dévoile d’autres informations instructives sur le comportement électoral des enseignants : en mars, 55 % d’entre eux avaient l’intention de voter pour un candidat du centre ou de la droite au premier tour (dont 26 % pour Macron et 19 % pour un candidat de la droite radicale) et 45 % pour un candidat de gauche. Et qui fait dire à Luc Rouban que les enseignants ne peuvent plus être considérés uniquement comme un bastion de gauche : « Même s’ils sont plus à gauche que les autres fonctionnaires de catégorie A, on observe chez eux un recentrage, voire une droitisation depuis 2017. Avec une croissance régulière de la droite radicale. »

Un avis que nuance Laurent Frajerman, chercheur au Cerlis Université de Paris Cité et à l'Observatoire de la FSU : « En majorité, les enseignants sont toujours de centre gauche. Mais au premier tour, une partie d’entre eux n’ont pas voulu voter pour Mélenchon, dont ils n’ont pas apprécié les positions sur le vaccin et la sortie "la République, c’est moi"… Certains ont voté pour Macron au premier tour car ils estimaient qu’il y avait un problème d’offre politique », estime-t-il.

Macron arriverait en tête au second tour

Toujours selon la même enquête du Cevipof, les projections pour le second tour indiquent que 48 % des enseignants seraient prêts à voter pour Emmanuel Macron, et 22 % pour Marine Le Pen. « Les intentions du premier tour montraient déjà un vote d’adhésion non négligeable pour le candidat Macron. Au second tour s’ajouteraient les voix du ralliement au candidat LREM pour faire barrage au RN », commente Luc Rouban. Des pronostics de bons scores pour le président qui n’étonnent pas non plus Laurent Frajerman : « Ce vote barrage au RN fait partie de la culture politique des enseignants. »

Par ailleurs, bien que les syndicats enseignants soient très critiques envers la politique éducative portée pendant cinq ans par Jean-Michel Blanquer, certains profs n’y sont pas opposés, selon Luc Rouban : « Le dédoublement des classes en Rep a fait plutôt consensus. Et quelques points du programme du candidat ne déplaisent pas à certains comme la plus grande autonomie des établissements, l’augmentation des profs liés à des missions supplémentaires. Surtout les jeunes profs, dont certains souhaitent une individualisation de la carrière, une reconnaissance de l’investissement… ». De son côté, Laurent Frajerman cite  un sondage Ipsos de 2020** qui montre que les réformes éducatives entreprises par ce gouvernement n’ont pas su convaincre et que la gestion du Covid-19 à l’école a beaucoup crispé en interne. Il estime cependant que certains profs n’ont pas été perdants pendant ce quinquennat : « Ceux de Rep + ont reçu des primes supplémentaires, ont bénéficié du dédoublement de certaines classes et d’une meilleure stabilité des équipes ».

Le RN en progression

En parallèle, les projections de vote en faveur de Marine Le Pen sont en hausse par rapport à 2017 : 22 % des enseignants voteraient au second tour pour elle, donc, contre 11 % en 2017. « Sachant que ce vote sera plus important chez les professeurs d’écoles et les enseignants de collège que pour les profs de lycée ou d’université, car leurs conditions de travail ne sont pas homogènes », précise Luc Rouban. De son côté, Laurent Frajerman estime que ce chiffre de 22 % est surestimé : « Le vote d’extrême droite est très faible chez les enseignants, même s’il est vrai qu’il est en partie caché. Car les profs en question craignent d’être mis de côté par leurs collègues ».

Plusieurs facteurs plaident pour une montée du RN chez les enseignants : « Notamment l’autocensure que certains enseignants ont le sentiment de devoir s’imposer par rapport aux questions liées à la religion, surtout depuis la mort de Samuel Paty et le traumatisme qu’elle a causée », explique Luc Rouban. « La stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen a bien fonctionné. Et sa communication sur son souhait d’augmenter les profs a été efficace ». Une chose est sûre : quel que soit le candidat qui obtiendra le plus de suffrages chez les enseignants, «  il n'y aura pas d'état de grâce, pour Marine Le Pen par rejet de principe et pour Emmanuel Macron parce que la grève très suivie du 13 janvier dernier a montré les fortes attentes des enseignants », conclut Laurent Frajerman.

Delphine Bancaud

* Enquête électorale Cevipof *, Le Monde, Fondation Jean-Jaurès, Ipsos réalisé entre le 21 et 24 mars 2022 et portant sur 714 enseignants.

**Enquête menée du 17 au 20 novembre 2020 par Ipsos pour la F.S.U. auprès de 1.000 personnels de l'Éducation Nationale (850 enseignants de l’enseignement public et privé sous contrat et 150 personnels non-enseignants du secteur public).

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Annie Ernaux: «Je ne peux pas donner quitus à Macron, là, tout de suite»

12 Avril 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Politique

La vraie vie - Ép. 1/4 - Annie Ernaux

Au lendemain du premier tour de la présidentielle, la romancière, qui a soutenu Jean-Luc Mélenchon, évoque le résultat du candidat insoumis, son refus de voir Marine Le Pen passer et l’avenir de la gauche.

L’écrivaine connue pour ses écrits autobiographiques sociaux et féministes a soutenu Jean-Luc Mélenchon dans sa dernière course à l’Elysée, en rejoignant le parlement de l’Union populaire qui réunit des personnalités du monde associatif, syndical, intellectuel et artistique. C’était la troisième fois que l’autrice de Mémoire de fille et la Place donnait sa voix à l’insoumis. Libération l’avait rencontrée début mars dans sa maison de Cergy pour parler politique, littérature et engagement. Nous avons eu envie de savoir comment elle a vécu ce premier tour qui a laissé le candidat de La France insoumise si proche du deuxième tour. Et, surtout, comment elle appréhende la suite du scrutin.

(...)

Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, c’est la France jeune, la France populaire, la France qui travaille, celle qui veut un monde juste, réellement. Les féministes ont eu d’ailleurs un grand rôle dans la mobilisation à gauche, il ne faudra pas l’oublier. Les forces progressistes sont là, autour de Mélenchon. Cette France existe, elle s’est mobilisée et cela ne peut pas se perdre. Cela ne peut se dissoudre dans ce piège.

Que voulez-vous dire ?

Emmanuel Macron a fomenté ce piège patiemment pendant tout son quinquennat. Il voulait ce duel. Il est le grand responsable de la montée de l’extrême droite en France, il n’a cessé de donner des gages en ce sens, avec son ministre Blanquer qui voulait interdire aux mères voilées d’accompagner les enfants dans les sorties, sur les sujets de société, toutes ces choses rances qu’on a entendues pendant cinq ans.

Emmanuel Macron veut évidemment rassembler, il parle même d’une «nouvelle méthode», qu’en pensez-vous ?

Il est très fort, c’est un homme de théâtre, sans aucune conviction. Je ne crois pas à son ouverture, et ce qu’on fait pour vous mais sans vous, on le fait contre vous.

Allez-vous malgré cela voter pour Emmanuel Macron ? Pensez-vous que le front républicain va fonctionner ?

Il ne faut pas que Marine Le Pen passe. Mais je ne crois plus au front républicain, il est usé. Inutile de vous dire que je ne voterai jamais Marine Le Pen, je la combattrai toujours. Mais je ne veux pas dire, là, aujourd’hui, au lendemain du premier tour, que je voterai Macron. Il faut, pendant ces quinze jours, l’interroger, exiger des réponses et des engagements. Je ne peux pas donner quitus là, tout de suite, à Macron, ce n’est pas possible.

(...)

Propos recueillis par Anastasia Vécrin

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Le vote enseignant est-il toujours de gauche?

7 Avril 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Politique

A quoi ressemblera le collège en 2016 ?

Les «profs» restent toujours plus à gauche que l’ensemble des électeurs (et plus à gauche encore en 2022 qu’en 2017). Mais l’idée selon laquelle ils votent majoritairement à gauche est désormais fausse, selon les dernières enquêtes du Cevipof : ils devraient être 54% à choisir Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou l’extrême droite au premier tour.

Même si la question scolaire arrive loin derrière le pouvoir d’achat dans les préoccupations prioritaires des électeurs, elle n’est pas absente du débat pour la présidentielle. Emmanuel Macron a proposé dans son programme une individualisation des rémunérations des enseignants, une autonomie accrue des établissements. Eric Zemmour a fait de la baisse du niveau scolaire un de ses chevaux de bataille. Et les enseignants sont nombreux à souligner la maigreur de leurs traitements comparés à ce que touchent leurs collègues étrangers alors même que leurs missions se multiplient. En arrière-fond, l’enseignement est bien au cœur d’une inquiétude forte concernant la mobilité sociale, une mobilité qui a tendance désormais à se faire plus clivante politiquement que la classe sociale. Le «malaise enseignant» n’a pas disparu.

Est-ce à dire que le monde enseignant est encore une forteresse de gauche ? En réalité, on assiste depuis une quinzaine d’années à un «grand reclassement» politique des enseignants. On peut ainsi comparer le vote enseignant au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 et au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 sur la base des enquêtes électorales du Cevipof.

On passe d’un total «droitier» de 45% en 2007 à 63% en 2017

En dix ans, le paysage a complètement changé. En 2007, les enseignants, toutes catégories confondues, ont voté pour la gauche socialo-écologiste, soit à l’époque pour Ségolène Royal et Dominique Voynet, à concurrence de 48%, contre 10% en faveur de Benoît Hamon en 2017 (en suffrages exprimés). Toujours en 2007, ils accordaient 9% de leurs voix aux candidats de la gauche radicale, allant de l’extrême gauche à Marie-George Buffet, contre 27% en 2017 (de l’extrême gauche à Jean-Luc Mélenchon). Ils votaient à 29% pour le centriste François Bayrou en 2007, contre 30% pour le social-libéral Emmanuel Macron de 2017. Ils choisissaient Nicolas Sarkozy, le candidat de la droite parlementaire, à 15% alors qu’ils votaient en 2017 à 21% pour François Fillon, qui promettait pourtant des coupes claires dans les effectifs de la fonction publique, et à 1% pour les candidats de la droite radicale, représentée alors par Marine Le Pen et Philippe de Villiers, tandis que cette proportion passe à 11% en 2017.

Si le noyau centriste est resté stable, on observe, en revanche, une forte radicalisation et à gauche et à droite, le projet socialiste ayant disparu de l’horizon. Cependant, en comptant au sens large, les enseignants votaient à droite à hauteur de 16% en 2007, mais de 33% en 2017. Si on y incorpore le centrisme et le macronisme, dont le classement politique dans l’opinion s’est droitisé en cinq ans, on passe d’un total «droitier» de 45% en 2007 à 63% en 2017. On peut alors comprendre pourquoi Jean-Michel Blanquer, bien que contesté, ait pu se sentir finalement conforté par ce terrain politique assez ferme.

Qu’en est-il cinq ans plus tard ? On s’appuie ici sur les intentions de vote mesurées fin mars 2022 et donc après l’annonce du programme d’Emmanuel Macron (1). L’enquête révèle tout d’abord que le soutien électoral à ce dernier s’est un peu affaibli mais reste à 25%. La gauche socialo-écologiste progresse en passant à 15% alors que la gauche radicale, allant de Nathalie Arthaud à Jean-Luc Mélenchon, gagne quatre points à 32%. En revanche, les enseignants abandonnent – on a interrogé les mêmes personnes sur 2017 et 2022 – la droite parlementaire de Valérie Pécresse qui chute à 12% alors que la radicalisation de droite s’affirme puisque l’ensemble de ses candidats totalisent 17% des intentions de vote, dont 8% pour Eric Zemmour comme pour Marine Le Pen et 1% pour Nicolas Dupont-Aignan, écartelé entre ses deux concurrents directs

Globalement, le résultat est clair : les enseignants voteraient davantage pour la gauche en 2022 (47% au sens large) qu’en 2017 (37%) essentiellement parce que la diversification de l’offre politique de gauche a permis de récupérer d’anciens électeurs d’Emmanuel Macron. En revanche, Jean-Luc Mélenchon à lui seul n’attire que 24% des intentions de vote en 2022, contre 27% en 2017, concurrencé et par Yannick Jadot et par Fabien Roussel. La droite, au sens large, passe, elle, de 33% à 29%. Mais le total «droitier», qui inclut le macronisme, serait encore à 54%. Donc l’affirmation «la grande majorité des enseignants du public sont à gauche» est désormais fausse.

Cela étant, ils restent toujours plus à gauche que l’ensemble des électeurs qui se positionnent, eux, à 30% pour l’ensemble des candidats de gauche au sens large, à 27% pour Emmanuel Macron et à 43% pour la droite au sens large. On peut encore les comparer aux autres fonctionnaires de catégorie A, qui ont le même niveau de qualification mais qui sont également bien plus à droite puisque la gauche au sens large y fait 30%, Emmanuel Macron 31%, et la droite au sens large 39%.

Si les enseignants constituent toujours un isolat de gauche dans un paysage politique qui s’est droitisé, du moins sur le terrain de l’immigration et de la politique pénale, cette gauche n’est plus socialiste. Et il faut bien reconnaître que le macronisme s’est bien installé car Emmanuel Macron récupère potentiellement en 2022 environ 56% des électeurs enseignants qui avaient voté pour lui en 2017, le tiers de ceux qui avaient voté François Fillon et 7% de ceux qui avaient choisi Benoît Hamon. La diversification de l’offre politique de gauche ne conduit plus à considérer le vote pour Emmanuel Macron comme un vote par défaut mais comme un vote d’adhésion. Les valeurs de droite ont d’ailleurs progressé dans leurs rangs, notamment en matière d’immigration. Si 47% de tous les enquêtés pensent aujourd’hui qu’il n’est plus possible d’accueillir de nouveaux immigrés, cette proportion est de 30% chez les enseignants.

 Luc Rouban, Directeur de recherches au CNRS Cevipof - Sciences-Po

(1) Auprès d’un échantillon de 13 269 enquêtés dont 802 enseignants, enquête électorale Cevipof, le Monde, Fondation Jean-Jaurès, Ipsos.

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Comment se forger des opinions politiques aujourd'hui ? Par Najat Vallaud-Belkacem

29 Mars 2022 , Rédigé par Binge Audio - La Dose Publié dans #Politique, #Philosophie

 

"Le moment est venu d'agiter, d'éduquer, d'organiser"

Ministre, porte-parole du gouvernement et conseillère régionale, Najat Vallaud-Belkacem dispose déjà d’une grande carrière politique qui lui confère un regard aiguisé sur la manière dont se fabriquent aujourd’hui les convictions politiques.

J'ai trop de considération pour les sciences sociales pour ne pas avouer d'emblée que ma réponse à votre question va prendre un chemin de traverse, loin des méthodes que je devrais m'imposer. Si ce que vous recherchez ici est une forme de vérité à caractère scientifique, je dois vous renvoyer aux études sérieuses de toutes les disciplines qui se penchent sur la jeunesse, son rapport au monde et aux idées, mais aussi sur les déterminismes sociaux et culturels complexes qui pèsent sur la construction de soi, aujourd'hui. Faites-le, c'est important, et la recherche française est pleine de talents qui s'expriment régulièrement dans le débat public. 

Pour ma part, ce sera donc plutôt un témoignage en forme d'interrogation. Non pas sur la manière dont je me suis forgé des idées politiques, mais sur ce que je vois autour de moi depuis quelques années. Dans les associations, les partis, les campagnes électorales, à l'université, mes échanges sur les réseaux sociaux, ou aujourd'hui, chez ONE, avec notre programme international de jeunes ambassadeurs que nous impliquons dans nos actions, nos mobilisations. 

L'intuition la mieux partagée du moment semble être que les jeunes viendraient désormais à la politique à travers des causes : défense des droits d'une minorité, le climat ou un autre sujet environnemental, le féminisme, la cause animale, l'antiracisme, et tant d'autres... Des causes plus immédiates dans l'action, aussi, comme le soutien scolaire, ou la distribution d'aide alimentaire. Cela sous-entend qu'auparavant, nous aurions disposé au préalable d'un système de valeurs ou de convictions, un corpus construit et cohérent d'idées, une idéologie ou une doctrine dont nous déduisions des causes à défendre. Il en serait à l'inverse aujourd'hui : c'est à partir d'une cause précise, isolée, unique que l'on en viendrait ensuite à se politiser et à rejoindre un mouvement plus large, un groupe, une structure ou un parti qui agrégerait une série de causes, permettant ainsi, petit à petit, d'élaborer une vision politique plus globale. 

Ces parcours existent, c'est une évidence, ils sont même nombreux si j'en crois mon expérience. Mais il s'agit moins de la manière dont on se fait des idées politiques à soi, que de la manière personnelle d'arriver à un engagement collectif d'ordre politique. 

Cette intuition, qu’on retrouve dans de nombreux témoignages, reportages, tribunes et articles de presse, ne me semble donc pas tant rendre compte de la question de l'origine des idées politiques que de la désaffiliation de cette jeunesse à l'égard de la vie politique telle qu'elle est. Je ferais donc plutôt le pari d'une certaine permanence dans le parcours initiatique qui forge des idées politiques : un mélange de fidélité et d'émancipation à l’égard de ce qui vous est transmis par la famille, un milieu social, une culture, une religion, et l'école, bien sûr. 

Mon avis est que, si nous avons longtemps vécu dans une société dans laquelle cet héritage était puissant, et que nous avons progressivement conquis la liberté de le contester et de nous en libérer, nous sommes aujourd'hui confrontés à une forme d'ambiguïté dans ce que nous léguons aux plus jeunes. La liberté de penser par soi-même, l'exercice de l'esprit critique, la possibilité vertigineuse de s'informer à des sources infinies et contradictoires, immédiatement disponibles... Tout ceci est une extraordinaire richesse et une chance inouïe, mais n'est pas sans difficulté lorsqu'on cherche, d'une manière ou d'une autre, à s'en libérer pour marquer sa différence, exprimer sa part de rébellion contre la génération précédente, ou même, la société tout entière. 

Je formulerais donc volontiers l'hypothèse que c'est précisément dans cette transmission d'une liberté entière à penser ce que l'on veut, ainsi que la capacité à le faire, que se trouve la nouveauté de la situation. Comment supporter toute cette liberté, et qu'en faire ? Je vois, dans cette difficulté, non pas la nécessité d'en revenir à une société autoritaire, verticale et sans doute aussi patriarcale, bien sûr, mais le besoin, au contraire, de mieux aider ces générations à faire le meilleur usage collectif de cette liberté offerte. Nous ne pourrons pas continuer à vivre longtemps dans l'impasse que nous connaissons avec une jeunesse avertie, intelligente, éveillée et impliquée, mais qui refuse massivement l'organisation de notre vie démocratique. Les faits et les chiffres sont accablants, je n'en citerai qu'un seul pour y avoir été durement confrontée récemment : au premier tour des élections régionales du printemps dernier, 87% des 18-24 ans ne sont pas allés voter. Si je n'ai pas beaucoup d'inquiétude sur la valeur de la formation des jeunes aux idées politiques aujourd'hui, j'en forme la plus vive quant à leur façon de s'en servir dans un monde aussi instable et désorganisé que le nôtre. 

Najat Vallaud-Belkacem

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"On n'attend plus rien des politiques !" : mots et maux de jeunes face à l'élection présidentielle

24 Mars 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Jeunesse, #Politique

EXCLUSIF - Présidentielle : 87% des jeunes ont l'intention d'aller voter

Selon l'Insee, lors de l'élection présidentielle de 2017, 4 jeunes de 18 à 30 ans sur 10 se sont abstenus. Cette année, dans un sondage Ipsos pour la fédération étudiante la FAGE, 8 jeunes sur 10 déclarent qu'ils iront voter. Reportage à l'école de formation en alternance IGS, à Paris.

Les jeunes iront-ils voter cette année à l'élection présidentielle ? En 2017, 40% des 18-30 ans s'étaient abstenus. Cette année, 80% de ceux et celles interrogés pour la FAGE, par Ipsos, déclarent que oui. Et pourtant, face à leur quotidien de plus en plus incertain, ils se disent abandonnés des politiques.

"On ne sent pas légitimes pour choisir un candidat !"

"Moi Président(e)", c'est le nom du projet lancé depuis la rentrée de septembre auprès de 600 étudiants sur les 2 000 que compte le campus parisien du groupe IGS. Lancée par le pôle alternance de l'école, l'idée est d'offrir un espace à des jeunes, déjà entrés dans la vie active, pour parler de leur rapport au vote et plus largement à la politique. Car beaucoup d'étudiants l'avouent sans complexes : ils n'ont jamais voté.

"Si on ne vote pas, c'est pas parce qu'on ne veut pas, c'est parce qu'on ne sait pas. Nous sommes perdus dans un flot d'informations et de fausses informations qui rendent cette élection illisible pour nous. Alors on ne sent pas légitimes pour choisir un candidat !" Nicolas Gueréan, 23 ans, alternant en marketing opérationnel.

L'école et, très vite, des étudiants ont donc organisé des ateliers, des débats, des conférences pour s'informer sur le fonctionnement de l'élection et des institutions. Ils ont élaboré un sondage, rempli par 600 étudiants, pour cerner leur propre rapport au vote et à la politique et tenter de comprendre et de définir leurs attentes.

Avant tout préoccupés par la précarité étudiante

De quoi donner à voir le fossé qui sépare leurs préoccupations des propositions électorales de l'élection. Car, avant les questions de l'éducation, de l'environnement, de la diversité et de l'égalité femmes hommes, ce qui mobilise cette génération c'est avant tout la précarité étudiante. Une précarité qui s'est aggravée avec la crise sanitaire et que les jeunes ressentent comme un abandon ou un mépris politique. Parmi leurs priorités aussi, une réforme de la justice pénale contre les violences faites aux femmes et la question de l'environnement.

"Moi, présidente, j'augmenterais les bourses. Parce que la précarité des jeunes est vraiment forte. Ca s'est surtout vu durant les confinements où les jeunes étaient obligés d'allés dans leurs CROUS ou aux Restos du coeur pour quémander un peu de nourriture. Avec ces quelques euros, on ne peut pas vivre décemment."

Mais ces étudiants refusent de tomber dans le déclinisme. Comme l'a fait également le réseau étudiant Animafac, ils ont défini des propositions concrètes et proches de leurs préoccupations qu'ils ont envoyées aux 12 candidats en lice. Leur objectif est de parvenir à faire entendre leur voix et à faire passer leurs idées pour que les jeunes de leur génération se sentent concernés par cette élection et décident peut-être d'aller voter.

"Pourquoi je vais aller voter ? Parce que dans le fond, je me dis qu'il y a peut-être un candidat qui va réussir à nous sauver..." Kim Bastard, étudiante en communication à l'IGS.

Cécile de Kervasdoué

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Emmanuel Macron ou la mort de l'imagination... Par Christophe Chartreux

20 Mars 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Politique

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La Macronie, ce pays sans imagination...

La France, depuis mai 2017, depuis l’avènement « Macron », manque singulièrement d’imagination.

Je m’amuse souvent sur les réseaux sociaux. Sur Twitter en particulier que je squatte plus que de raison. L’affaire « Benalla » suivie de tant d'autres ont provoqué un tsunami de micromessages. Parmi eux, ceux des soutiens du président de la République. Quelle tristesse de lire cette suite de copiés-collés d’éléments de langage, sans même que les ministres, secrétaires d’Etat, députés, autres élus et soutiens divers prennent la peine d’inclure quelques variantes pour masquer la martingale. Certains de leur toute-puissance, insultant l’imagination.

Ce ne sont pas les « ouvrages » - gloire à l’inventeur des guillemets - parus après l’élection du dernier locataire de l’Élysée qui ont relevé le niveau. Les Brice Couturier, Régis Debray, Olivier Duhamel, Pierre-André Taguieff, Philippe Reynaud, Alain Touraine ont tous taquiné leur souris – on ne trempe plus sa plume – pour proposer des dithyrambes plus ou moins enamourés. Laissant peu de place au rêve, la « Macronie » a installé sa « start-up nation » qui est à l’imagination ce qu’André Rieu est au violon : une faute de goût.

Pour tuer l’imagination, le pire des crimes, le candidat Macron a usé d’un subterfuge...

Qui tient en une expression : « En même temps ». Celle-ci élimine l’altérité, la confrontation, le débat contradictoire. Vous vous trouvez embrassés dans une opinion généralisante, enveloppante, attrape-tout. Cette expression, tic de langage mais aussi arme de destruction massive, fut reprise par la journaliste Apolline de Malherbe pour titrer une émission régulière de BFM TV. C’est dire son succès.

Quelques rappels en guise d'exemples :

Le Président Macron, aujourd'hui candidat à sa succession, c’est l’homme « favorable à une intervention militaire en Syrie et en même temps refusant le départ immédiat de Bachar el Assad ».

Qui « invite à renforcer nos frontières et en même temps à répondre pleinement de notre devoir d’accueil ».

Qui « veut multiplier les investissements d’avenir et en même temps faire preuve de sérieux budgétaire. »

Je pourrais écrire un livre entier en collationnant les phrases prononcées ou écrites par Emmanuel Macron, utilisant toutes l’expression « En même temps ».

L’imagination, l’invention, le débat, la dispute disparaissent peu à peu dans un monde neutre, plat. Une banquise uniforme, monocolore. « Ni droite ni gauche »… «Plus de clivages »… Ne pas adhérer à la Macronie, c’est être déviant. C’est ne pas comprendre que l’avenir n’appartient pas à celles et ceux qui s’opposent, qui contredisent, qui projettent autre chose que l’horizon d’attente imposé par le « chef ». Le déviant contestataire n’a pas sa place en France macronienne. Il empêche la construction d’un pays lisse d’où sont absents les opposants, tous rangés dans le camp des extrémistes. D’où est absente l’imagination… C’est dangereux l’imagination pour un pouvoir tel que celui installé depuis cinq ans et peut-être hélas pour cinq années supplémentaires.

Il est pourtant si doux, si nécessaire et vital, dans un monde où souvent la réalité est sombre, de coudre ensemble les fils de l’élégance, de la poésie et du rêve…

À la place de l’imagination, Emmanuel Macron et ses affidés nous proposent le « rien ». À l’intérieur de ce « rien », la Macronie offre des images auxquelles nous sommes priés d’adhérer. Images qui nourrissent les médias et réseaux sociaux. Elles provoquent immanquablement des commentaires au kilomètre, aussi inutiles et vains que les images elles-mêmes. Mais elles occupent des « parts de cerveaux disponibles » pour reprendre une formule devenue tristement célèbre. La critique s’efface. Le rêve disparaît. L’imagination est morte ! Vive la start-up nation, ses slogans et son peuple de « collaborateurs » ! Soyez consentants, ne vous occupez de rien, nous créons POUR vous ! Malheur évidemment aux vaincus. Car il y en aura mais de ceux-là, il n’est jamais question en Macronie.

Un cauchemar ! Le petit monde de l’arrivisme érigé en système ayant pour seules « valeurs » l’activisme et l’efficacité. Le tout relayé CHAQUE JOUR depuis des mois par les deux porte-parole omniprésentes dans les médias: Naud Bregeon et Prisca Thévenot.

Un cauchemar ! Un petit monde où ne règnent plus que les trois « extrêmes » : l’extrême gauche, l’extrême droite et l’extrême centre macronien.

Un cauchemar où, sans que personne encore s’en soit alarmé, le président de la République est imposé comme le maître des horloges. Même le temps doit se soumettre !

Que reste-t-il quand l’imagination est morte ? Tout ! Tout ce que celles et ceux voulant s’opposer à un modèle de société à ce point éloigné de l’humain auront à proposer.

À commencer par ces mots que j’écris… À commencer par la capacité qu’ont les Français de refuser ce qu’on leur impose… À commencer par dénoncer toutes les prétentions…

Allons, il nous reste une vie à imaginer...

Christophe Chartreux

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