politique
Je crois au socialisme. Et au Parti Socialiste!
Retraites : quelques exemples pour « illustrer l’injustice de la réforme »...
EXTRAITS
L’objectif de justice affiché par la réforme dissimule mal les mécanismes producteurs d’inéquité, observe dans une tribune au « Monde » le sociologue Pierre Merle.
(...)
Actuellement, la prise en compte des enfants dans le calcul d’une pension fait l’objet de règles différentes selon les régimes de retraite. La réforme par points propose une augmentation de 5 % des points cotisés pour chaque enfant. Cette règle est-elle juste ?
Dans le système de retraite par points, une employée non qualifiée obtiendrait presque 20 000 points au cours d’une carrière de quarante-trois ans payée au smic. Ses deux enfants lui permettront d’obtenir un supplément de retraite de 2 000 points, soit un supplément annuel de retraite de 1 100 € (un point est égal à 0,55 €). En percevant un salaire équivalent à trois fois le SMIC, une femme cadre obtiendrait, elle, un supplément de 3 300 €.
Si ces deux actives prennent leur retraite à 64 ans, celle dont le niveau de vie est le plus bas a une espérance de vie de 80 ans. Au cours de ses 16 années de retraite, elle percevra un supplément de 17 600 €. Celle dont le niveau de vie est élevé a une espérance de vie de 88 ans et percevra un supplément de 79 200 €. Alors même que ces deux femmes ont chacune élevé deux enfants, est-il juste que, sur l’ensemble de sa retraite, la première perçoive 61 600 € de plus que la seconde ?
(...)
Une autre façon de mesurer cette inégalité est de constater que, pour bénéficier d’une année de retraite, les plus pauvres doivent travailler 5,6 années et les plus riches seulement 2,6 années ! Un calcul similaire peut être réalisé entre les retraites des cadres et des ouvriers sachant que l’espérance de vie des premiers est presque supérieure de sept ans à celle des seconds.
(...)
Pierre Merle
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Retraites : quelques exemples pour " illustrer l'injustice de la réforme "
Tribune. Répété ad nauseam, l'aphorisme " un euro cotisé donne les mêmes droits " est un principe d'équité. L'actuelle réforme ne parvient toutefois pas à réaliser l'équité souhaitée, ...
A Lire... Le siècle du populisme - Histoire, théorie, critique - Pierre Rosanvallon/Seuil
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" Le Siècle du populisme " : Pierre Rosanvallon relève le défi populiste
Il y a bien des manières d'être piégé par le mot " populisme ", cet attrape-tout notoirement instable. L'une d'elles est justement de croire que, faute d'un concept mieux ajusté, il faudrait ...
Conférence : Nouveaux dissidents, nouveaux résistants, défendre les libertés publiques - Paris 20 janvier
inscriptions : raisondeplus.contact@gmail.com
QUAND ?
Le 20 janvier 2020
OÙ ?
Amphi Painlevé, Conservatoire national des arts et métiers, 75003 Paris
3 DEBATS (18h - 19h15 - 20h30)
-"Libertés publiques, des accommodements déraisonnables ?"
-"Démocratie, de la lithurgie à la léthargie"
-"Liberté d'informer, liberté déformée ?"
2020... De l'imagination, du sens, des idées et de l'amour pour ce pays...
La France, depuis mai 2017, depuis l’avènement « Macron », manque singulièrement d’imagination, d'idées faisant "sens", d'amours... Au pluriel.
Je m’amuse souvent sur les réseaux sociaux. Sur Twitter en particulier que je squatte plus que de raison. L’affaire « Benalla », pendant l’été 2018, avait provoqué un tsunami de micromessages. Parmi eux, ceux des soutiens du président de la République. Quelle tristesse de lire cette suite de copiés-collés d’éléments de langage, sans même que les ministres, secrétaires d’Etat, députés, autres élus et soutiens divers prennent la peine d’inclure quelques variantes pour masquer la martingale. Certains de leur toute-puissance, ils méprisent l’imagination.
Tout cela a recommencé pendant la "crise des Gilets Jaunes" puis, en cet hiver 2020, avec le mouvement social engagé contre le projet de loi "Retraite".
Ce ne sont pas les « ouvrages » - gloire à l’inventeur des guillemets - parus après l’élection du dernier locataire de l’Élysée qui ont relevé le niveau. Les Brice Couturier, Éric Fottorino, Régis Debray, Olivier Duhamel, Pierre-André Taguieff, Philippe Reynaud, Alain Touraine ont tous taquiné leur souris – on ne trempe plus sa plume – pour proposer des dithyrambes plus ou moins enamourés. Laissant peu de place au rêve, la « Macronie » a installé sa « start-up nation » qui est à l’imagination ce qu’André Rieu est au violon : une faute de goût.
Pour tuer l’imagination, le pire des crimes semble-t-il, le candidat Macron a usé d’un subterfuge.
Il tient en une expression : « En même temps ». Celle-ci élimine l’altérité, la confrontation, le débat contradictoire. Vous vous trouvez embrassés dans une opinion généralisante, enveloppante, attrape-tout. Cette expression, tic de langage mais aussi arme de destruction massive, fut reprise par la journaliste Apolline de Malherbe pour titrer une émission régulière de BFM TV. C’est dire son succès.
Ecotez plutôt:
- le candidat et Président Macron, c’est l’homme « favorable à une intervention militaire en Syrie et en même temps qui refuse le départ immédiat de Bachar el Assad ».
- qui « invite à renforcer nos frontières et en même temps à répondre pleinement de notre devoir d’accueil ».
- qui « veut multiplier les investissements d’avenir et en même temps faire preuve de sérieux budgétaire. »
Je pourrais écrire un livre entier en collationnant les phrases prononcées ou écrites par Emmanuel Macron, utilisant toutes l’expression « En même temps ».
L’imagination, l’invention, le débat, la dispute disparaissent peu à peu dans un monde neutre, plat. Une banquise uniforme, monocolore. « Ni droite ni gauche »… «Plus de clivages »… Ne pas adhérer à la Macronie, c’est être déviant. C’est ne pas comprendre que l’avenir n’appartient pas à celles et ceux qui s’opposent, qui contredisent, qui projettent autre chose que l’horizon d’attente imposé par le « chef ». Le déviant contestataire n’a pas sa place en France macronienne. Il empêche la construction d’un pays lisse d’où sont absents les opposants, tous rangés dans le camp des extrémistes. D’où est absente l’imagination… C’est dangereux l’imagination pour un pouvoir tel que celui qui s’installe sous nos yeux.
Il est pourtant si doux, si nécessaire et vital, dans un monde où souvent la réalité est sombre, de coudre ensemble les fils de l’élégance, de la poésie et du rêve, des amours…
À la place de l’imagination, Emmanuel Macron et ses affidés nous proposent le « rien », au milieu du flou. À l’intérieur de ce « rien », la Macronie offre des images auxquelles nous sommes priés d’adhérer. Images qui nourrissent les médias et réseaux sociaux. Elles provoquent immanquablement des commentaires au kilomètre, aussi inutiles et vains que les images elles-mêmes. Mais elles occupent des « parts de cerveaux disponibles » pour reprendre une formule devenue tristement célèbre. La critique s’efface. Le rêve disparaît. L’imagination est morte ! Vive la start-up nation, ses slogans et son peuple de « collaborateurs » ! Soyez consentants, ne vous occupez de rien, nous créons POUR vous ! Malheur évidemment aux vaincus. Car il y en aura mais de ceux-là, il n’est jamais question en Macronie.
Un cauchemar ! Le petit monde de l’arrivisme érigé en système ayant pour seules « valeurs » l’activisme et l’efficacité.
Un cauchemar ! Le petit monde où ne règnent plus que les trois « extrêmes » : l’extrême gauche, l’extrême droite et l’extrême centre macronien.
Un cauchemar où, sans que personne encore s’en soit alarmé, le président de la République est imposé comme le maître des horloges. Le temps ne se soumet pas...
Que reste-t-il quand l’imagination est morte ? Tout ! Tout ce que celles et ceux voulant s’opposer à un modèle de société à ce point éloigné de l’humain auront à proposer.
À commencer par ces mots que j’écris. À commencer par la capacité qu’ont les Français de refuser ce qu’on leur impose. À commencer par dénoncer toutes les prétentions.
À commencer par ton regard croisé un jour. Ce jour où nous avons compris que les mots seraient souvent inutiles.
Nous ne maîtrisons rien mais nous comprenons tout…
Il nous reste une vie à imaginer. Elle arrive...
Christophe Chartreux
Pour un droit à jubiler avant 64 ans...
L’espagnol l’appelle jubilación, «jubilation». Du latin jubilare, «pousser des cris de joie». Jubilation plutôt que retraite. Avouons que ça ne fait pas le même effet.
«- Tu fais quoi toi dans la vie ?
- Oh moi je suis jubilado, je ne sais pas comment vous dites ça en français : Jubilé ? Jubilant ? Je me suis jubilé il y a deux ans déjà, oui tout seul. En espagnol, c’est comme ça, on fait ça à la forme pronominale réfléchie, on «se jubile» (jubilarse) sans l’autorisation de personne, en toute souveraineté. On est comme ça, nous, les Espagnols : hédonistes, onanistes, sans complexes, libres. Depuis deux ans, je me jubile, je pousse des cris de joie, je me fais plaisir quoi. Et toi ? Ça jubile en France ?
- Oh, moi. Moi, je suis encore tout jeune. Je me jubilerai dans quarante-deux ans. A 64 ans j’aurai le droit de jubiler. Enfin, je suis pas sûr. Dans mon pays on n’appelle pas ça jubilation. Dans quarante-deux ans j’aurai le droit de prendre ma retraite.
- Ta retraite ?
- Ben oui, nous, on appelle ça comme ça. On se retire.
- Vous vous retirez. Mais vous vous retirez pour quoi faire ?
- On se retire, c’est déjà pas mal. C’est la première et la seule fois de notre vie qu’on le fait, on a bien le droit d’y mettre un peu de solennité.
- Vous vous retirez comme l’armée de Napoléon en Russie ?
- On a servi quarante-deux ans, on a 64 ans, on a cramé le meilleur de sa vie, alors on se retire. Rideau.
- Et vous jubilez un petit peu.
- J’imagine que c’est permis, mais c’est pas du tout obligé.
- Et si quelqu’un se retire avant l’âge ?
- Ah non. T’es pas fou ? T’imagines si chacun se met à écouter la première envie de se retirer qui lui passe par la tête ? La catastrophe ?»
Les langues le veulent ainsi : les Français se retirent, les Espagnols se jubilent, les Italiens se pensionnent. Pensionato : «pensionné», avec ce que cela fait sans doute insidieusement peser de culpabilité sur les heureux bénéficiaires de cette assistance collective. Les mots colorent-ils l’expérience ? Vit-on différemment selon qu’on est retraité, jubilado ou pensionato ? Le vocable espagnol a en tout cas le mérite de rappeler le paradoxe du système devenu pour nous la norme. Car si cesser de travailler, c’est jubiler, comment est-il possible que nous en soyons venus à sacrifier collectivement, sans sourciller, les meilleures années de notre vie ? Comment les choses ont-elles pu s’inverser au point que nos gouvernements, au moment de nous demander de travailler plus encore, pour sauvegarder un système déjà si contraire à la jubilation, osent, très sérieusement, en appeler à la raison ?
L’écrivain égyptien Albert Cossery, dans les Fainéants dans la vallée fertile (1948), imagine une famille de dormeurs invétérés, dont les membres sont fiers de n’avoir jamais travaillé. Un matin, alors que le jeune frère, Serag, s’avoue tenté d’aller s’embaucher à l’usine, «pour voir», l’aîné, Rafik, l’effraye en lui racontant ce fait extraordinaire : que dans certains pays des hommes se lèvent chaque matin dès 4 heures pour descendre dans une mine. La réaction de Serag, sous ses airs comiques, est d’une profondeur bouleversante : il ne veut pas le croire. «Il lui semblait improbable que des hommes sains d’esprit aillent travailler dans les mines à cette heure néfaste d’avant l’aube. Qu’est-ce qui les obligeait à faire ce métier de fous ?»
Nous sommes tous ces travailleurs fous. La philosophe Barbara Stiegler, dans un bel entretien à ce journal, le disait il y a quelques jours : «Pour le néolibéralisme, l’idée même qu’on puisse se retirer est un archaïsme.» A travers le débat sur les retraites, c’est l’emprise de la machine productive sur nos vies qui est en jeu. Et le rêve de la machine est simple : elle voudrait que cette emprise soit totale. C’est le début de l’année, on peut faire des vœux, et rêver qu’au soir du 9 janvier, Edouard Philippe fera volte-face pour annoncer de vraies mesures raisonnables : un droit à jubiler à tous les âges ; un droit à prendre non pas «sa» retraite, non pas une retraite unique et tristement définitive, mais des retraites, comme autrefois on faisait retraite, le temps d’une parenthèse ; un droit à pivoter à tous les âges et pas seulement à 64 ans (pour pivoter vers quoi, vers quelle sortie de scène ?) Et sinon il y aura toujours le poème de Michaux, Contre, que chacun pourra réécrire à son goût : «Je jubilerai. Je jubilerai. Je jubilerai. En tonnes vous m’entendez, en tonnes je vous arracherai la jubilation que vous m’avez refusée en grammes.»
Sylvain Prudhomme
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Pour un droit à jubiler avant 64 ans
espagnol l'appelle jubilación, "jubilation". Du latin jubilare, "pousser des cris de joie". Jubilation plutôt que retraite. Avouons que ça ne fait pas le même effet. "- Tu fais quoi toi dans la...
https://www.liberation.fr/debats/2020/01/03/pour-un-droit-a-jubiler-avant-64-ans_1771650
La réponse cinglante de Jeanne Balibar aux propos d'Emmanuel Macron...
Dans les colonnes du magazine So Film, Jeanne Balibar a répondu aux propos du Président Emmanuel Macron qui s'était dit "bouleversé" par le film "Les Misérables" dans lequel la comédienne tient un petit rôle.
"En fait, ma réponse tient en deux mots :
1) Bullshit 2) Piketty. (...)
On voit des milliardaires devenus cent fois plus milliardaires qu’il y a vingt ans, et tout Chef d’État qui ne rapatrie pas cet argent aujourd’hui est un criminel, responsable de toute mort dans un hôpital, de toute dérive sociale ou psychique non soignée par la justice ou les hôpitaux, de tout enfant qui ne fera pas d'études à la hauteur de ses capacités intellectuelles, de toute personne qui ne pourra pas se déplacer pour trouver un travail - parce que ce n’est sûrement pas vrai qu’il suffit de traverser la rue... Tant qu’il n’y a pas de bouleversement de la politique fiscale, ça ne sert à rien d’aller voir un film et de dire “je suis bouleversé”, c’est de la merde."
Jeanne Balibar- Comédienne
Article complet à lire en cliquant ci-dessous
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Les Misérables : la réponse cinglante de Jeanne Balibar aux propos d'Emmanuel Macron
Dans les colonnes du magazine So Film, Jeanne Balibar a répondu aux propos du Président Emmanuel Macron qui s'était dit "bouleversé" par le film "Les Misérables" dans lequel la comédienne tie...
"Nous manquons tellement d'audace"...
Les anomalies de notre système politico-économique doivent mener à la révolution. Pas pour couper les têtes, mais pour changer radicalement de modèle.
Tribune. Les résistances et contestations sont nombreuses. Elles fleurissent partout. Mais, pour l’essentiel, elles visent à tempérer des réformes, à infléchir des dérives, à corriger des erreurs. C’est heureux. Mais n’est-il pas temps de demander beaucoup plus ? Ou plutôt : d’exiger tout autre ?
Le philosophe Thomas Kuhn décrivait l’avancée des sciences comme une succession de périodes «normales», suivies par l’amoncellement d’anomalies conduisant aux révolutions qui mènent à des changements de paradigmes. Il semble difficile de ne pas considérer aujourd’hui que notre modèle politico-économique, loin du fonctionnement «normal», est grevé de tant d’anomalies que tout plaide pour un changement radical de paradigme.
Ces anomalies ne sont pas marginales, mais existentielles. La vie sur Terre est en train de s’effondrer, et tous les chiffres sont affolants. La catastrophe dépasse largement le problème du réchauffement climatique : elle exige une révolution de notre rapport à l’espace, à la nature, à l’altérité. D’indécentes, les inégalités sociales sont devenues obscènes. Elles engendrent même une baisse de l’espérance de vie dans plusieurs des pays les plus riches. L’Occident moderne n’est plus que prédateur, il est maintenant suicidaire.
Pourtant, un peu partout, les pouvoirs politiques se raidissent, optent pour des mesures gravement liberticides, musellent les lanceurs d’alerte, décuplent les pouvoirs de la police et des autorités de surveillance, durcissent la répression, développent une dialectique du mensonge qui ne se dissimule même plus, nient l’intérêt commun au profit de celui de quelques-uns, affichent un cynisme qui confine à la provocation, humilient les minorités, précarisent les populations, encouragent les forces mortifères et répriment les résistances salvatrices.
Mais pourquoi faudrait-il se contenter de résister ? A quoi bon sauver quelques meubles quand tout le territoire est en feu ? N’est-il pas précisément temps d’envisager la révolution ? Certainement pas, évidemment, pour couper les têtes ou prendre revanche : de brutalités, nous fûmes abreuvés à la nausée. Il s’agit tout simplement de devenir enfin un peu sérieux et raisonnable - donc révolutionnaire - dans un monde qui nie la vie elle-même, en elle-même, dans un monde qui commet le pire : un crime contre l’avenir.
On peut - on doit - se battre sur «l’âge pivot» pour éviter que la réforme des retraites ne soit trop dévastatrice. Certes. Mais puisqu’il est question d’un régime «universel», ne serait-ce pas le moment de considérer ces mots avec sérieux ? Poser une question simple et de bon sens : une femme de ménage ayant, durant toute sa vie, mené un travail éreintant et sous-payé ne mérite-t-elle pas, au moins, la même retraite qu’un directeur de grande entreprise ayant déjà largement profité des douceurs de l’opulence et jouissant sans doute des économies suffisantes pour ne jamais y renoncer ? Le mot «universel» prendrait ici son sens ! La retraite doit-elle refléter les immenses disparités de la vie professionnelle qui la précède, et donc entériner - voire renforcer - les inégalités sociales ?
La pollution tue 800 000 personnes par an en Europe. L’Australie brûle, dévastée par une insoutenable canicule. Les animaux meurent partout. Les pays pauvres sont, matériellement et symboliquement, pillés avec une indolence qu’on pourrait presque dire sans précédent. Et le monde occidental découvre la vacuité d’un large pan de son axiologie, incapable de comprendre les enjeux sociaux, écologiques, décoloniaux, féministes, religieux, animalistes… C’est le moment ou jamais.
Trois choix s’offrent à nous. Premièrement, nous pouvons continuer sur notre lancée et précipiter le pire. Emporter le monde entier dans le suicide sale de la dernière éjaculation meurtrière d’une minorité d’humains décidant du sort de tous. Deuxièmement, il est envisageable de ralentir un peu le processus : alterner, en quelque sorte, chimio et radiothérapies pour tempérer la prolifération tumorale. Troisièmement, il pourrait être tentant de devenir sérieux. C’est-à-dire d’oser tout mettre sur la table : interroger nos valeurs et comprendre comment nous avons pu en arriver à trouver que préférer la vie à l’argent est une position «radicalisée».
Changer profondément notre système financier - et ce n’est qu’une partie de la solution - semble impossible. Il y a, dit-on, des «réalités économiques». Peut-être. Mais, il y a aussi des réalités physiques, climatiques, biologiques, médicales… Et, qu’on le veuille ou non, elles ne sont pas contractuelles : on ne peut pas les renverser par une simple décision. Elles relèvent d’un niveau de réalité plus «profond», moins arbitraire, et témoignent toutes d’un monde à l’agonie.
Pourquoi le système économique - celui-là même qui confère autant de richesse à une poignée d’humains qu’à la moitié de la population mondiale - nous apparaît-il comme intouchable alors même qu’il est une pure convention, absolument contingente et réfutable par simple décision ? Les dégâts irréversibles qu’il engendre relèvent hélas, quant à eux, de réalités non conventionnelles. Les incendies immenses et les espèces disparues ne peuvent être défaits par décision collégiale. Il est temps enfin d’être sérieux et posé, rationnel et raisonnable. Donc radical dans la recherche d’un ailleurs. Il est temps de voir que les anomalies innombrables appellent une révolution. Une révolution contre la mort, contre la bêtise, contre la suffisance. Une révolution bienveillante, aimante et prégnante. Il est temps de vouloir plus que quelques thérapies ciblées : il est temps de guérir.
Aurélien Barrau professeur à l’université Grenoble-Alpes, astrophysicien au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie
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Nous manquons tellement d'audace...
Tribune. Les résistances et contestations sont nombreuses. Elles fleurissent partout. Mais, pour l'essentiel, elles visent à tempérer des réformes, à infléchir des dérives, à corriger des e...
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