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Vivement l'Ecole!

politique

La darmanisation du pouvoir...

3 Mai 2023 , Rédigé par France Inter Publié dans #Politique

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Au sommet de l'Etat, la cabale anti Jean-Luc Mélenchon.

On a assisté hier à un tir groupé au sommet de l’Etat. Emmanuel Macron a ouvert le ball trap en affirmant lors du conseil des ministres que “LFI fait la courte échelle au RN” avant d’ajouter que “les factieux nourrissent les factions”.
Quelques heures plus tard au Sénat, Elisabeth Borne a, elle, dénoncé les “nouvelles outrances” du leader des insoumis en faisant semblant de ne pas comprendre que lorsque celui-ci a lancé “A bas la mauvaise République” lors son discours du 1er mai, c’est de la Ve République dont il parlait - ce qui n’est pas un scoop dans la bouche du principal promoteur d’une VIe République. “La seule bonne République c’est lui”, a ironiquement poursuivi Borne, accusant Jean-Luc Mélenchon de “saper la confiance” des Français dans notre démocratie.
A lire les sondages, c’est surtout le passage en force de l’exécutif, avec le recours au 49-3 pour faire adopter la réforme des retraites, qui est considéré par une majorité de Français comme un déni de démocratie…

Quel est l’objectif du gouvernement ?

Installer l’idée qu’il y aurait un continuum et même un lien de causalité entre la façon qu’a LFI de s’opposer au sein de l’Assemblée ou dans les médias et la violence des black blocs contre les forces de l’ordre dans la rue…
Dans un rôle qu’il affectionne et qui lui permet de ne jamais interroger son bilan en matière de maintien de l’ordre, Gérald Darmanin a carrément affirmé mardi que Mélenchon a “une part de responsabilité” dans les exactions qui ont émaillé le 1er mai en dehors du cortège syndical et dont le jet d’un cocktail molotov sur un policier qui a pris feu fut l’image la plus marquante…
Pour le dire autrement, il y a là une opération de discréditation et même de diabolisation de Jean-Luc Mélenchon, qui a en retour dénoncé une “vilaine partition de calomnie et de haine” contre lui. Le leader des insoumis cogne fort, c’est indéniable, mais il est très malhonnête de lui reprocher une forme d’apologie de la violence, lui qui a toujours dit qu’elle est justement l’ennemie du mouvement social car elle permet in fine au pouvoir de se poser en parti de l’ordre.
Quant aux 2000 black blocs recensés le 1er mai par les autorités, ils n’ont rien à faire de ce que peuvent dire les responsables politiques, Mélenchon compris.
En liant ainsi les groupes violents de l’ultra gauche et la gauche parlementaire, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, en pleine “darmanisation”, sont bien loin des 100 jours d’apaisement décrétés par le chef de l’Etat…

Est-ce un bon calcul pour la majorité ?

Alors que la grande gagnante du moment est Marine Le Pen, qui s’oppose à la réforme tout en déroulant sa stratégie de notabilisation à l’Assemblée, passer plus de temps à taper sur LFI qu’à combattre le RN est un pari risqué…
A gauche, on dénonce une stratégie cynique consistant à épargner l’extrême droite car celle-ci reste la meilleure assurance-vie du pouvoir.
Le ministre des Transports Clément Beaune est bien seul parmi les macronistes à refuser de mettre un signe égal entre LFI et le RN ou de renvoyer “les extrêmes” dos à dos. Emmanuel Macron était moins grossier quand il s’agissait d’appeler les électeurs du “factieux” Mélenchon à faire barrage à Marine Le Pen au second tour. Un signe de plus de la droitisation d’un pouvoir aux aguets.

Jonathan Bouchet-Petersen

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Un pays mûr pour le fascisme

14 Avril 2023 , Rédigé par Politis Publié dans #Politique

                                                           Photo Sipa/AP/Lewis JOLY

EXTRAITS

TRIBUNE. Mépris de la démocratie, arrogance du pouvoir, répression violente des mouvements sociaux : la régence macroniste arrogante et brutale entretient la flamme d’extrême droite prête à brûler ce pays malade.

Les signes s’accumulent. Pris séparément, ils ne disent peut-être pas grand-chose. Isolés les uns des autres, ils peuvent ressembler à de simples errements inoffensifs, ou à une phase un peu compliquée dont nous finirons bien par sortir – si possible par le haut. Mais quand les signes s’accumulent aussi vite, aussi nombreux et dans un enchaînement aussi net, la tempérance naïve doit laisser place au doute conscient.

Cela n’est pas probablement pas un hasard, si la Ligue des droits de l’homme se trouve désormais sous le feu de critiques pétainistes, de la Macronie jusqu’à la droite de l’échiquier politique. Qu’une association qui lutte pour (et excusez du peu) l’un des piliers fondamentaux de la fondation de la République dans ce pays, suscite la suspicion et des procès d’intention iniques, ceci devrait inquiéter tout le monde.

Cela n’est probablement pas non plus un hasard, si un fonds appelé Marianne (encore un symbole républicain), conçu après l’effroyable assassinat de Samuel Paty, a été détourné pour contrer les adversaires politiques d’un pouvoir aux abois. Que l’on piétine un mort, que l’on profane sa mémoire en utilisant les valeurs républicaines comme paravent des plus abjectes magouilles antidémocratiques, cela devrait inquiéter tout le monde.

Cela n’est probablement pas dû au hasard, si la doctrine du fameux maintien de l’ordre à la française se retrouve sous le feu des critiques, y compris au niveau international, de l’Organisation des Nations Unies jusqu’au Conseil de l’Europe, en passant par de nombreuses associations. Que l’on s’habitue à l’irruption de la violence gratuite au sein de forces censées protéger les citoyens au lieu de les agresser, de les blesser ou de les assassiner, voilà qui devrait inquiéter tout le monde.

(...)

Nous avons réussi à enfanter de la République après l’injustice de la monarchie ; ne laissons pas la Macronie de droit divin achever de corrompre la République, pour la transformer en une sombre caricature d’elle-même, capable d’une terreur qui n’aura jamais qu’un seul objectif : maintenir au pouvoir une classe sociale qui sait où sont ses intérêts et comment les conserver, quitte à détruire ce qu’il reste de notre démocratie.

Albin Wagener

Texte complet à lire en cliquant ci-dessous

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"Je serai à l'aise avec ma conscience", confie une prof gréviste qui a perdu près de 1 000 euros de salaire

13 Avril 2023 , Rédigé par France Info Publié dans #Education, #Politique

 "Je serai à l'aise avec ma conscience", confie une prof gréviste qui a perdu près de 1 000 euros de salaire

Charlotte, enseignante à Paris, n'a manqué aucune manifestation depuis le début du mouvement de contestation. Quoiqu'il en coûte, elle sera dans la rue ce jeudi pour la 12e journée de mobilisation. Elle confie espoirs et frustrations à franceinfo.

République-Nation, Montparnasse-Place d'Italie ou encore Opéra-Bastille... Les parcours et les chants de manifestations contre la réforme des retraites à Paris, Charlotte, enseignante dans la capitale, syndiquée au SNES-FSU, commence à les connaître par cœur. "Je les ai toutes faites : onze manifestations, quelque chose comme ça. Plus des rassemblements ponctuels avec mes collègues devant le collège-lycée", compte-elle alors qu'une 12e journée de mobilisation est organisée jeudi 13 avril.

Hormis les deux samedis de mobilisation intersyndicale, où cette professeure de mathématiques ne travaille pas, cela fait donc neuf demi-journées de grève depuis la mi-janvier, le temps des manifestations. La perte est nette : "Je ne dois pas être loin de 1 000 euros, lâche Charlotte. Jusqu'à présent, ça n'a pas été retiré sur mes salaires en fin de mois. Mais quand ça va tomber, ça va faire mal. Cela pourrait arriver cet été, en pleines vacances. Alors, on commence à restreindre un peu les sorties, les restaurants".

"Tout ce qui n'est pas nécessaire, on fait plus attention. Et oui, parfois certains jours de grève, on se demande : est-ce que là, je la fais ? Pour l'instant, je tiens !"

Charlotte, enseignante gréviste à franceinfo

Et ce qui fait tenir l'enseignante, ce n'est pas tant l'espoir que le Conseil constitutionnel censure tout ou partie de la réforme vendredi : "J’attends un sursaut, qu’ils prennent conscience de ce qu’ils représentent, la dernière étape avant l’entrée en vigueur de la loi. Mais ils prendront peut-être une décision qui ne sera pas de bon sens, mais purement politique. Donc dans le sens du gouvernement".

Charlotte ne s’attend pas non plus à ce que ce même gouvernement fasse machine arrière face à la protestation. L'enseignante de 49 ans a en tête ses premières manifs, contre le CPE, le contrat première embauche. Voté, jamais appliqué par le gouvernement Villepin. Mais ses espoirs de voir Elisabeth Borne et Emmanuel Macron imiter leurs prédécesseurs sont très réduits. "Je trouve ça lamentable que les personnes qui décident soient aussi têtues. Sous prétexte de 'On a été élus, c’était dans son programme'. Mais le président n’a pas gagné pour cela. Le soir de sa réélection, il a déclaré que ce vote l’obligeait. On ne lui a pas donné les pleins pouvoirs pendant cinq ans. Et aujourd’hui, il n’entend pas ce que majoritairement la population pense".

"Je ferai partie des millions de personnes qui auront dit non"

Si Charlotte, qui se sent en colère et dépitée plutôt que lassée, descend toujours dans la rue, et prévoit encore de le faire ces prochaines semaines, même si le texte entre en vigueur, c'est surtout une question de principe, "[son] devoir de [se] battre". "Dans ma tête, je ne me dirais pas que je n'ai rien fait. Cette réforme des retraites, on la subira. Et à 64 ans, ce ne sera pas plus facile de savoir que j'ai manifesté, explique-t-elle. Je ne me vois pas avoir la pêche, être dynamique à 100% devant 35, 36 élèves, à cet âge-là. Mais au moins, je ferais partie de ces millions de personnes qui auront dit Non. Et qui auront dit Non jusqu'au bout. Je serai à l’aise avec ma conscience."

Un état d'esprit partagé dans sa salle des profs, dans son établissement parisien. Jusqu'à 60% de ses collègues se sont mis en grève au pic de la mobilisation, notamment des enseignants "qui ne se mobilisent pas d’habitude". Des professeurs en colère mais assez dépités. En revanche, Charlotte en est convaincue : le combat des retraites aura eu le mérite, et c'est rare, de les réunir. Une caisse de grève a été créée, et ce sera plus simple selon elle de mobiliser ses collègues lors de prochaines luttes, notamment pour la future loi sur le travail évoquée par l’exécutif.

Thomas Giraudeau

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Mots et démocratie : table ronde ce mercredi 12 avril avec Cécile Alduy et Nicolas Poirier

11 Avril 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Sémiologie, #Politique, #Philosophie

Cet évènement fait partie de La Langue Française à l'honneurLes jeudis de l'actualité

De l'impact du choix des mots dans les discours et les nouvelles, sur le politique. Et vice versa. Table ronde avec la sémiologue Cécile Alduy et le philosophe Nicolas Poirier.

"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde"

Cette citation apocryphe est-elle une des clés de ce qui met en péril la démocratie ? Nous vous proposons d'en discuter avec Cécile Alduy et Nicolas Poirier.

Dans La langue de Zemmour, Cécile Alduy explique qu'après avoir fait une analyse statistique des mots et expressions utilisés, qui fait apparaître une majorité de termes issus du champ lexical de la violence, elle a relevé dans leur contexte les distorsions de sens qu'il leur applique pour transmettre sa vision du monde.

Nicolas Poirier est philosophe. Enseignant et chercheur rattaché au Sophiapol/Paris-Nanterre, il a publié Castoriadis. L’imaginaire radical (Puf, 2004), L’ontologie politique de Castoriadis (Payot, 2011) et Canetti. Les métamorphoses contre la puissance (Michalon, 2017). Il contribue régulièrement à la revue Un Philosophe

Son dernier ouvrage Exil et création de soi est paru en 2022 chez Classiques Garnier.

Bibliothèque Benoîte Groult
25 Rue du Commandant René Mouchotte, Paris 14e

A partir de 19h

GRATUIT

https://www.billetweb.fr/mots-et-democratie
Réservation conseillée

Mots et démocratie : table ronde ce mercredi 12 avril avec Cécile Alduy et Nicolas Poirier

 

Exil et création de soi - Canetti, Gombrowicz,... de Nicolas Poirier -  Grand Format - Livre - Decitre

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Coup de coeur... Raphaël Glucksmann...

7 Avril 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Litterature, #Politique

EN LIBRAIRIE LE 6 AVRIL - Raphaël Glucksmann - La Grande Confrontation –  Allary Editions

L’Europe en guerre

« Poutine fera la guerre. Je ne sais pas quand, mais il la fera. Et les Européens seront alors surpris de découvrir que cette guerre les vise aussi… »

L’immense journaliste russe Anna Politkovskaïa semblait désolée de doucher mon optimisme. C’était en 2005, à Paris, j’avais 25 ans et je revenais de Kyiv où j’avais filmé pendant deux mois la Révolution orange, le grand soulèvement anti-corruption et pro-européen du peuple ukrainien. Anna a souri tristement en écoutant mes récits enthousiastes sur la ville insurgée, puis a dit d’une voix douce : « Tout ce que tu décris est magnifique, ces jeunes sont formidables, leur soif de liberté est admirable, mais Poutine envahira le pays pour les ramener à la servitude. Il fera la guerre. Oui, la guerre. »

Elle était mon modèle, la personne la plus courageuse et la plus lucide que j’aie croisée dans ma vie, mais ce soir-là, je la trouvais trop pessimiste. Je lui ai fait remarquer en plaisantant qu’elle commençait à ressembler à ces vieux dissidents désespérés de l’époque soviétique. Elle a ri. Puis elle a continué : « Vous ne mesurez pas ici l’ampleur des problèmes qui vont vous tomber sur la tête. Les Européens pensent que ce qui se passe à Moscou ne les concerne pas, que c’est notre problème et notre problème uniquement. Poutine hait les gens comme moi, certes. Mais à travers nous, en Russie, à travers les révolutionnaires ukrainiens ou géorgiens, c’est aussi vous qu’il hait, votre démocratie, votre société, vos libertés. Les Européens pensent que son régime est simplement une menace pour nous ? Leur réveil sera brutal. »

Anna Politkovskaïa a été abattue dans le hall de son immeuble le 7 octobre 2006. Le jour de l’anniversaire de Poutine. Comme un cadeau fait au Tsar par ses sbires. Aucun dirigeant européen ne l’a entendue. Aucun dirigeant européen ne l’a écoutée. Aucun dirigeant européen ne l’a crue.

Elle est morte seule. Comme elle avait crié, seule, dans un océan de surdité et d’aveuglement pendant des années. Pourquoi nos gouvernants n’ont-ils pas voulu croire Anna ? Pourquoi n’ont-ils pas voulu voir ce que l’anéantissement de la Tchétchénie ou la destruction de la Syrie, le démembrement de la Géorgie ou la première invasion de l’Ukraine en 2014 annonçaient ?

L’histoire que je veux raconter part de là : de cette incroyable cécité.

C’est l’histoire d’un continent qui s’est couché devant un tyran pour avoir la paix et se retrouve plongé dans la guerre.

Raphaël Glucksmann - La Grande Confrontation

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L’ordre et le conflit Entretien avec Jérémie Gauthier (Vidéo)

7 Avril 2023 , Rédigé par La Vie des Idées Publié dans #Politique, #Sociologie

Le maintien de l’ordre en France étonne par la violence dont il fait preuve, alors même que d’autres voies existent pour encadrer les manifestations. Il y a sans doute là une dérive, mais aussi le signe que les débats politiques ont de moins en moins de place au sein de nos institutions.

Jérémie Gauthier est Maître de conférences en sociologie à l’Université de Strasbourg, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (LinCS) et chercheur associé au Centre Marc Bloch de Berlin.

Il a co-dirigé avec Fabien Jobard le volume Police, questions sensibles dans la collection Puf/ Vie des idées, 2018. Il a également publié plusieurs articles et chapitres d’ouvrage sur les questions policières en France et en Allemagne.

Florent Guénard

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Réflexions autour d'une question : "Est-ce que vous condamnez les violences ?" (Vidéo)

4 Avril 2023 , Rédigé par Médiapart Publié dans #Politique

Les éditorialistes demandent souvent aux gens de gauche de condamner les dégradations des casseurs dans les manifestations mais on les entend beaucoup moins sur les violences policières, et sur le changement de régime que nous sommes peut être en train de vivre. 

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Autour d’Emmanuel Macron, de la fuite dans le monde des idées

4 Avril 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Culture, #Politique

Grand débat Macron/intellectuels : qu'ont dit les philosophes ?

Alors qu’il avait dans un premier temps séduit les milieux intellectuels, le Président voit de plus en plus d’anciens soutiens s’élever publiquement contre lui. Jusque dans ses relais les plus proches.

Que reste-t-il du président philosophe ? Il paraît loin, très loin, le temps où Emmanuel Macron se façonnait un profil de penseur aux solides relais dans les sphères intellectuelles. En 2017, le prétendant à l’Elysée, qui se présentait à la fois de gauche et de droite, social et libéral, avait joué à plein la carte du disciple du philosophe Paul Ricœur, qu’il avait rencontré en 1998 et dont la pensée était censée éclairer ses intuitions politiques. Six ans plus tard, la désillusion est profonde parmi ceux qui croyaient en lui, économistes, historiens ou essayistes, comme Jacques Attali ou Philippe Aghion, naguère proches du président et qui n’hésitent plus désormais à s’élever publiquement contre le fond et la forme de sa réforme des retraites. Déception aussi chez ceux qui auraient pu trouver une proximité intellectuelle avec le chef de l’Etat mais voient désormais dans sa manière de gouverner «une arrogance nourrie d’ignorance sociale»à l’image de l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon, dans Libération.

L’historien des idées François Dosse n’a pas de mots assez durs pour qualifier la politique du président de la République. «Je me suis fait leurrer, j’ai été naïf, reconnaît l’ancien professeur à Sciences-Po, qui a mis en contact Emmanuel Macron et Paul Ricœur à la fin des années 90. Sa politique ultralibérale et ultra-autoritaire nous emmène droit dans le mur.» Le spécialiste d’histoire intellectuelle avait publié en 2017 le Philosophe et le Président (Stock, 2017), un «très laudatif essai», de son propre aveu, sur la relation entre le fondateur d’En marche et l’éminent philosophe. Au printemps dernier, François Dosse faisait paraître un nouvel ouvrage au titre évocateur : Macron ou les illusions perdues. Les larmes de Paul Ricœur (Le Passeur, 2022) où il tirait à boulets rouges autant sur la pratique du pouvoir macroniste et que sur son fond idéologique. «Je voyais dans Révolution [livre d’Emmanuel Macron publié en 2016, ndlr] un prolongement sur le plan politique des théories de John Rawls (1) : des institutions plus justes, l’application de principes d’égalité, la préservation des services publics, la possibilité d’une laïcité et d’une société ouverte, dit le chercheur à LibérationHormis sur l’Europe, il a tourné le dos à toutes les thématiques ricœuriennes qu’il revendiquait.»

«Passage en force»

Les premières crispations vis-à-vis du chef de l’Etat sont apparues en 2018 à propos de sa politique migratoire. Plusieurs intellectuels et personnalités publiques, dont le directeur général de Terra Nova Thierry Pech ou l’économiste et ancien membre de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron Jean Pisani-Ferry s’étaient offusqués dans une tribune dans le Monde d’une «logique en rupture avec l’humanisme» prôné par le macronisme originel. «Par rapport à ses convictions, il a cédé du terrain», estimait également l’essayiste Olivier Mongin dans les colonnes du quotidien. A l’époque, la France connaissait déjà un long mouvement de grève lancé par plusieurs syndicats contre la réforme de la SNCF et l’ancien directeur de la revue Esprit, à laquelle le chef de l’Etat avait collaboré plusieurs années auparavant, tançait un président qui «pense n’avoir pas d’autres scénarios que celui d’un passage en force vis-à-vis des réfractaires aux réformes». Une méthode qui, selon l’écrivain, installait le chef de l’Etat «dans la joute verbale chère au populisme» au lieu de «favoriser une ambiance démocratique».

Conscient de la dégradation de sa relation avec le monde des idées, le chef de l’Etat avait convié en pleine crise des gilets jaunes, en 2019, une soixantaine d’universitaires à débattre avec lui à l’Elysée. Des intellectuels de tout poil avaient répondu à l’invitation, du sociologue Gérald Bronner à la politiste Réjane Sénac, en passant par l’écrivain Pascal Bruckner ou le psychologue Boris Cyrulnik. Elle aussi présente ce jour-là, la sociologue et spécialiste du travail Dominique Méda avait regretté que la rencontre n’ait eu d’autre vertu que de servir l’image d’un président brillant premier de la classe. La rencontre avait eu lieu deux jours après des violences sur les Champs-Elysées en marge de l’acte XVIII des gilets jaunes. Dans ce raout pensé comme un prolongement du grand débat national, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir s’appuyer sur la «démocratie délibérative» pour apaiser la protestation inédite issue de la hausse des taxes sur les carburants.

«Il est toujours sûr d’avoir raison»

Début 2023, les Français sont à nouveau dans la rue, contre la réforme des retraites cette fois, et c’est un autre soutien de la première heure qu’Emmanuel Macron perd en la personne de l’économiste et écrivain Jacques Attali. L’ex-conseiller de François Mitterrand, qui avait présenté Emmanuel Macron à François Hollande en 2010, évoque dans nos colonnes une réforme «mal faite et injuste», à un moment où le gouvernement devrait surtout se préoccuper d’éducation, d’écologie, de services publics et de santé. En cause notamment, le point de fixation du gouvernement sur le recul de l’âge de départ, mesure phare du projet macroniste et principale cible des critiques. «Reculer l’âge de départ à 65 ans est à la fois injuste et inefficace», observait, toujours dans Libération, quelques mois plus tôt Philippe Aghion, économiste tendance «social-libéral» qui avait inspiré le programme d’Emmanuel Macron en 2017.

«Sa capacité d’absorption des choses et de maîtrise fait qu’il ne connaît pas la marche arrière, il est toujours sûr d’avoir raison, déplore François Dosse, qui n’a loupé aucune manifestation contre la réforme des retraites. De par sa pratique jupitérienne et répressive du pouvoir, le bafouement des règles démocratiques et des corps intermédiaires, il est en train de construire une autoroute pour le Rassemblement national. Il a karchérisé la droite, il a karchérisé la gauche, on peut se demander s’il n’est pas en train de karchériser la démocratie.» Lui, l’ancien énarque qui appelait dans la revue Esprit en 2011 à dépasser le «spasme présidentiel»«loin du pouvoir charismatique et de la crispation césariste de la rencontre entre un homme et son peuple», afin de revivifier cette «double vertu du parlementarisme et de la démocratie sociale que notre République a encore trop souvent tendance à négliger».

Simon Blin

(1) Philosophe américain, auteur de Théorie de la justice (Seuil, 1987) et théoricien du libéralisme politique.

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Madame Schiappa, une question : "Prévention de la radicalisation : où est l'argent du fonds Marianne ?"

1 Avril 2023 , Rédigé par France Info Publié dans #Politique, #Samuel Paty

En réaction à l'assassinat de Samuel Paty, Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, annonçait la création d'un fonds de deux millions d'euros pour promouvoir les valeurs républicaines. Où en est-on deux ans plus tard ?

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie dans un collège de Conflans Sainte-Honorine (Yvelines) était assassiné, victime d'un acte terroriste. Son nom circulait sur les réseaux sociaux après que l'enseignant a montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.  

Dans les semaines qui suivent ce drame, le gouvernement affiche sa détermination à lutter contre le cyber-jihadisme. Le 20 avril 2021, sur le plateau de BFMTV, Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l'Intérieur, annonce le lancement d'un fonds destiné au financement d'associations pour mener le combat républicain sur Internet : "Je lance un fonds qui s'appellera le fonds Marianne. Avec 2,5 millions d'euros, on peut faire beaucoup de choses pour défendre les valeurs de la République." Durant 9 mois, L'Œil du 20 heures a enquêté : comment ces fonds ont-ils été utilisés ? Et comment ont-ils été contrôlés ? 

Il y a deux ans, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), dirigé par le préfet Christian Gravel, lance un appel à projets pour "soutenir des actions en ligne, à portée nationale, destinées aux jeunes de 12 à 25 ans exposés aux idéologies séparatistes". Le calendrier est serré. Moins d'un mois plus tard, le 7 juin 2021, le CIPDR fait savoir que "17 dossiers ont été retenus (...) pour un montant global de 2 017 600 euros". Cet ancien agent du ministère de l'Intérieur, en charge du suivi du fonds Marianne, revient sur la sélection des associations : "On s'est réuni en interministériel. Certes, on peut toujours critiquer la façon dont on choisit ceux qui vont obtenir ces financements et les délais aussi courts, car menés tambour battant, c'est critiquable, mais c'est le jeu. Il a fallu mettre en lumière l'action de l'Etat."

Expliquant ne pas vouloir "porter atteinte à la sécurité de ces porteurs de projets", Christian Gravel refuse de nous communiquer la liste des lauréats, leur nom, ainsi que la ventilation des subventions accordées. Nous avons fini par nous procurer cette liste : parmi les organisations sélectionnées, on compte une association sportive, une société de production audiovisuelle, ou un éditeur de bandes dessinées... Certaines structures obtiennent quelques dizaines de milliers d'euros de subventions, quand d'autres se voient attribuer plusieurs centaines de milliers d'euros.

Quatre associations se partagent près d'1,3 million d'euros. Soit près de la moitié du fonds Marianne. Nous avons passé les associations au peigne fin. Et parmi elles, l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM) retient notre attention. L'association nichée au cœur du Ier arrondissement de Paris, née à la fin du XIXe siècle, présente un objet social en apparence très éloigné de l'appel d'offres. Elle est pourtant dotée de la plus importante subvention : 355 000 euros. Dans la convention d'attribution de subvention établie entre l'USEPPM et le CIPDR, l'association s'engage "à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la république et un autre en déconstruction des attaques violentes subies par la République.

L'association, alors présidée par Cyril Karunagaran, un entrepreneur qui affiche un foisonnant CV (édition, restauration, immobilier et aujourd'hui cofondateur d'une entreprise de chaussures sur mesure), s'appuie sur Mohamed Sifaoui, un expert reconnu des questions de radicalisation et également administrateur de l'association. Christian Gravel connaît bien les deux hommes – ce qu'il niera dans un premier temps lors de notre interview avant de le reconnaître. Il partage avec eux une passion pour le close combat. 

Treize vidéos ne dépassent pas les 50 vues

ILAIC. C'est le nom du projet porté par l'association dans le cadre du fonds Marianne. Parmi ses productions en ligne : un compte Youtube avec 13 vidéos dont la majorité ne dépasse pas les 50 vues, et un compte Instagram avec seulement 138 abonnés. Contacté, Mohamed Sifaoui nous assure que les fonds ont bel et bien rémunéré des collaborateurs : "L'argent qui a été capté par l'association est un argent qui a servi principalement aux salaires des geeks – qui ont produit du contenu – et du contre-discours à travers des comptes visibles et d'autres du trolling.

A première vue, un maigre bilan que justifie ainsi notre ancien agent du ministère de l'Intérieur, en charge du suivi du fonds Marianne : "Il y a des choses que je trouve questionnables dans le choix de certaines associations, on tente des choses, voir ce qu'elles ont dans le ventre, on peut se tromper, il y a des assos qui ont l'air très bien sur le papier, et en fait, ce qu'elles proposent n'est pas à la hauteur des attentes, ne touche pas le bon public ou en tout cas de manière très superficielle". Mohamed Sifaoui affirme que sa mission "a duré 5 ou 6 mois. Et qu'il s'est appuyé sur une dizaine de salariés en CDD et en piges".

Depuis, nous avons pu consulter les relevés bancaires de l'association. Ceux-ci révèlent que ce ne sont pas dix salariés qui ont été recrutés et rémunérés, mais seulement deux. De plus, ces relevés bancaires montrent que l'association aurait versé 120 000 euros aux deux responsables de la structure, Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui. De nombreux salaires en leur direction : un peu moins de 3 100 euros net pour le premier, entre 3 280 et 3 500 euros net mensuels pour Mohamed Sifaoui. Tous deux, certains mois, étaient rémunérés deux à trois reprises. Des rétributions pourtant contraires aux statuts de l'association, qui stipulent notamment que "les membres de l'Union ne peuvent recevoir aucune rétribution à raison des fonctions qui leur sont confiées". Contactés sur cette question précise, les intéressés ne nous ont pas répondu. Quelques semaines avant la diffusion de notre enquête, quelques milliers d'euros (5 000 et 7 000 euros) sont réapparus sur le compte de l'association sous le libellé "remboursement"… 

Ce dossier de subvention a fait des vagues au sein même de l'association. Un avocat a été saisi par les autres membres du bureau, qui affirment n'avoir jamais été informés de cet argent public attribué ni de ses modalités d'utilisation. "L'essentiel de cette subvention a été consommée au profit des deux administrateurs de l'association [Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui]. En comptant les charges, on est à près de 200 000 pour deux personnes. Or, les statuts de l'association interdisent formellement de rémunérer les administrateurs pour toute mission, toute activité", indique Me Cyril Fergon, qui ajoute : "Il faut initier une procédure judiciaire pour que soit ordonnée par la justice à l'ancien président de restituer les archives administratives, comptables, fiscales, de l'association et pouvoir ainsi comprendre à quoi a correspondu cette subvention, et ce qui a été fait en contrepartie." 

Un contrôle engagé début février

Y aurait-il eu défaillance sur le contrôle de ces subventions au sein du ministère de l'Intérieur ? Christian Gravel a procédé à la sélection des associations lauréates, assuré le suivi de leur mission, contrôlé leur budget. Nous avons pu l'interroger, avec ce préalable : "Une personne de mon équipe filmera l'échange avec smartphone afin de conserver l'intégralité de mes propos". Nous publions ici de larges extraits de l'interview : "Il est normal que sur une somme si aussi importante – 2 millions d'euros – les Français puissent s'interroger. Concernant l'USEPPM, l'idée était de s'appuyer sur une structure considérée comme solide, proposant un projet avec une intelligence qu'on a reconnue et qui nous paraissait pertinente. On a considéré, vu la caution morale que représente Mohamed Sifaoui, qu'il y avait toutes les raisons de considérer que c'était un projet solide". Et d'ajouter : "On a eu plus de 150 interactions avec les 17 associations : des visios, des rencontres en présentiel, des mails, y compris avec l'USEPPM."

Devant les conclusions de notre enquête, Christian Gravel l'assure : "Oui, nous sommes en train d'affecter un contrôleur afin d'étudier si oui ou non les fonds publics ont bien été utilisés. Dans tous les sens du terme. Pourquoi seulement maintenant ? On effectue toujours un contrôle a posteriori. Oui, nous avons réclamé les pièces comptables de l'association. Elles sont en train d'arriver." 

Cette procédure de vérification est-elle normale, alors que la mission de l'USEPPM s'achevait officiellement le 28 février 2022, il y a plus d'un an ? Notre enquête expliquerait-elle la diligence des contrôles ? Christian Gravel répond : "Le contrôle a été engagé début février, il y a un effectif qui n'est pas exponentiel au CIPDR". Et de conclure : "Il va de soi que si nous constatons des problèmes, si des éléments tangibles devaient s'inscrire dans une mauvaise utilisation de ces fonds, une procédure judiciaire sera engagée. Mais pour l'instant, on n'a pas la preuve formelle qu'il y a eu des problématiques de fonds. Je ne peux pas décider qu'il y a eu un coupable et je n'ai pas à le faire. Au moment où je vous parle, je n'ai aucun élément factuel me permettant de le penser. Si vous avez des éléments, faites-les-moi passer." 

Mercredi 29 mars 2023, le secrétariat d'Etat chargé de la Citoyenneté nous informait avoir saisi l'inspection générale de l'administration d'une mission sur l'attribution de la subvention, son usage et le contrôle qui en a été assuré. Le ministère de l'Intérieur nous faisait également savoir qu'un signalement au Procureur, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, pourrait être également rapidement exercé. 

L'oeil du 20h - France2

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Les lycéens dans la manifestation parisienne : "Le 49.3 m'a révoltée" (Vidéo)

30 Mars 2023 , Rédigé par L'Obs Publié dans #Education, #Politique

"Si on ne se bat pas pour la retraite de nos parents, qui se battra pour la nôtre ?", se demande Thomas. Ils ont 16 ou 17 ans. Ils sont lycéens. Ils ne votent pas encore mais espèrent bien que leur voix compte. Dans le cortège de la manifestation contre la réforme des retraites, ils expliquent à "l"Obs" pourquoi ils se mobilisent.

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