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Vivement l'Ecole!

pedagogie

Une nécessité : refonder la légitimité du « métier » d’enseignant

20 Mai 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Education, #Pédagogie

Devenez professeur contractuel en collèges et lycées, en discipline  générale | Académie d'Amiens

 

Une nécessité : refonder la légitimité du « métier » d’enseignant

 

Un malaise profond et insidieux atteint aujourd’hui - et depuis longtemps - le corps enseignant. Si l’aggravation des conditions de travail, souvent mise en avant,  est loin d’être négligeable, les débats permanents dont s’empare la société civile à son encontre sont un élément de fragilisation essentiel brouillant l’image de la mission des enseignants qui devrait être au contraire clarifiée et renforcée aujourd’hui.

 

En effet, opposer de façon rhétorique « instruction » et « éducation » , faire croire que les savoirs sont porteurs intrinsèquement de leur « transmission » et que l’érudition du maître suffit à assurer des apprentissages efficaces , considérer comme antinomiques les aspects savants et pédagogiques du métier enseignant sont des propos d’un autre temps, voire irresponsables.

 

D’ailleurs, souvent, ce ne sont pas ceux qui les tiennent qui assument au quotidien ce métier. Soyons clairs : c’est bien la société et sa représentation politique qui choisissent les savoirs à enseigner en fonction de finalités culturelles, sociétales, sociales… et politiques. Les objets de savoirs à transmettre incorporent nécessairement des valeurs qu’ils sont censés représenter. Les disciplines scolaires ont leur propre logique, culturelle et civique, avec les tensions inhérentes à cette double nature. Pour ne citer qu’un exemple, l’histoire-géographie-éducation civique doit aider à construire en même temps l’esprit critique du futur citoyen actif dans la cité, et, un patrimoine culturel commun, socle d’un sentiment d’appartenance à la France et … à l’Union européenne1.

 

Enfin, sur un plan purement cognitif, les outils intellectuels dont disposent les élèves se construisent selon une genèse beaucoup plus longue qu’on ne le pense souvent et varient considérablement d’un élève à un autre. Enseigner est un métier qui s’apprend, certes. Mais la société des citoyens doit aussi faire confiance à son École.

 

Pour construire cette autre École du XXIème siècle, il convient par conséquent de refuser les débats réducteurs, de tracer une troisième voie : celle d’une École offrant à chacun, quelle que soit son origine, une véritable éducation populaire alliant les fondamentaux essentiels, l’héritage culturel, aux savoirs nécessaires pour le monde de demain. Seule la clarté de ce message politique courageux peut refonder la légitimité des enseignants à assumer sereinement leur mission intellectuelle, éthique et civique.

 

Christophe Chartreux

 

1Pilier 5 du Socle commun des connaissances et des compétences, p. 17.

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A l'école du théâtre...

16 Mai 2023 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education, #Art, #Pédagogie

Faire du théâtre au lycée – Vivreaulycee

Qu’apprend la pratique du théâtre aux jeunes, à travers l'expérimentation du jeu, de la dramaturgie, ou encore de la critique ? Et quelle place pour le théâtre à l'école ?

Avec

​​​​​​​Eric Ruf Comédien, metteur en scène et scénographe, sociétaire honoraire et administrateur général de la Comédie Française

Loïc Vidal Enseignant de l'option Théâtre au lycée (Académie de Créteil)

Marine Jubin Responsable du service éducatif de la Comédie Française

Julie Marty Ancien membre du Jeune Bureau de la Comédie-Française, fondatrice de la compagnie Le Collectif du Grand Douze

"Ce que le théâtre m’a apporté : j’ai pu quitter un petit monde étroit et réglé pour en rejoindre un autre, inépuisable et multiple, celui qui brasse la littérature, la poésie, la politique et l’histoire. C’est ce théâtre-là que nous nous attelons, chaque jour, à transmettre aux publics jeunes". C’est le directeur de la Comédie Française, Eric Ruf, invité de Louise Tourret dans cette émission, qui a écrit ces mots qui disent le pouvoir du théâtre comme éducation pour l’individu.

Dans cet épisode d’Etre et Savoir il s'agira de s'interroger sur pourquoi et comment rendre la pratique du théâtre accessible aux enfants et adolescents de tous les horizons sociaux et culturels. Il sera notamment question du Jeune Bureau, créé dans la maison de Molière, et qui offre une proposition originale dans le domaine. Mais également de la place du théâtre à l’école : de l’interprétation, de la lecture, de l’écriture et de la formation de l’esprit critique et des questions pédagogiques qu’il soulève, sans oublier ses aspects moins scolaires, à savoir le souffle de l’imagination et la fantaisie qui viennent avec le jeu.

Louise Tourret s'entretient avec ses invités : Loïc Vidal, enseignant de l'option facultative et de la spécialité Théâtre au lycée Paul Eluard en Seine Saint-Denis (Académie de Créteil), Marine Jubin, responsable du service éducatif de la Comédie Française, Eric Ruf, comédien, metteur en scène et scénographe, sociétaire honoraire et administrateur général de la Comédie Française, Julie Marty, ancien membre du Jeune Bureau de la Comédie-Française, fondatrice de la compagnie Le Collectif du Grand Douze pour laquelle elle est en charge des actions culturelles.

Avec également Daphkarny Ulysse, lycéenne en terminale spécialité théâtre au lycée Paul Eluard.

La citation

"Le théâtre est une matière qui inverse les hiérarchie : très souvent le dernier de la classe, qui ne sait pas quoi faire de son énergie, de ce qui est pris pour de l'insolence, de sa qualité d'imaginaire débordante, cette matière-là fait qu'il arrive à l'exprimer et ça devient de l'or, c'est respecté, c'est considéré. Dans un établissement ça laisse une possibilité assez exceptionnelle aux uns et aux autres, et il n'y a pas beaucoup de matière qui soit faite d'une telle maïeutique. On ne dit pas assez à l'école, or le théâtre n'est fait que de ça, que les défauts peuvent être des qualités. Quand on arrive à faire comprendre ça à des jeunes gens, ça peut être une ouverture extraordinaire"Eric Ruf

Illustrations sonores

interview de Jean-Louis Barrault pour TF1 (archive INA,1981)

"Comme au théâtre", Cora Vaucaire (1976)

Louise Tourret

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Du "passe-temps" scolaire à l'expérimentation, à la recherche et à la création - Par Christophe Chartreux

12 Avril 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Education, #Pédagogie

Du "passe-temps" scolaire à l'expérimentation, à la recherche et à la création - Par Christophe Chartreux

Un tournant professionnel – déjà engagé quoiqu'en disent les détracteurs de l’École – est à approfondir, à élargir, rejoignant ainsi d’autres pays européens plus efficients sur ces questions. Soyons sérieux : aucun enseignant (enfin presque) ne pense sincèrement que parce qu’il a énoncé quelque chose, cela s’imprime par miracle sur le cerveau d’un élève. Et ce, quelle que soit la discipline scolaire : l’histoire comme les mathématiques ; la physique comme la littérature.

En revanche, des injonctions institutionnelles peu claires sur la nécessaire mise en activité des élèves, ont conduit à des pratiques scolaires qui font plus référence à du passe-temps qu’à de réels apprentissage. Nous faisons référence ici aux cas courants d’actes du métier d’élèves (colorier une carte, recopier le résumé dans le cahier, reproduire le schéma fait par l’enseignant…) qui peuvent être effectués sans que le cerveau soit mis à contribution par une action créatrice avec réinvestissement de savoir-faire.

Nous pensons donc que :

Tout acte d’enseignement doit favoriser des situations de « réelle » activité des élèves, donc d’apprentissage

Les possibles pédagogiques sont nombreux : situations-problèmes en sciences ; situations problématiques en sciences humaines ; écritures intermédiaires au sein du cours dans toutes les disciplines ; créations sous tous les canaux de communication ; recherches individuelles ; travaux de groupe pour répondre à une question de connaissances ; communications à faire devant une autre classe (jumelée) ; recherches internet et autres sources sur l’objet du cours… Ces pratiques existent : mais quid de leur diffusion, de leur circulation, de l’analyse critique de didacticiens, d’une mise en synergie de l’existant… et de leur généralisation ?

Les moments d’enseignement-apprentissage que sont les temps de formalisation, d’analyse, de synthèse et d’institutionnalisation des savoirs ne doivent pas être négligés

Menés par l'enseignant-e, ce sont des moments forts où le groupe (classe ou groupes de besoins) est confronté à une stabilisation d’un savoir commun et collectif, validé par le ou les professeur-e-s. Pourquoi ne pas privilégier également une inversion du moment de travail « à la maison » (qui peut se faire dans l’établissement scolaire, dans des lieux appropriés) ? C’est en amont (avant le cours) que l’élève peut être stimulé au plan de la curiosité en ayant à faire une tâche de mise en éveil : un très court texte à lire ; des documents à observer avec pour but de trouver des questions à se poser ; une définition à trouver… Le cours devient alors le moment où des échanges constructifs permettront au maître d’apporter éclairages et compléments d’explication. Le travail personnel n’est pas répétition mécanique, mais au contraire heuristique. Et le temps de la classe, un véritable moment de travail et non de simple écoute.

Trois « fondamentaux pédagogiques » doivent être désormais mis au cœur des pratiques :

– l’expérimentation (au sens large) par l’élève lui-même ;

– la recherche documentaire sous toutes ses formes, en intensifiant les efforts en direction des TICE (Technologie de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement) , et en privilégiant une approche critique des sources et leur usage raisonné ;

- la création de textes (littéraires, poétiques, synthétiques, documentaires, compte-rendu, description…) ; d’œuvres artistique, technique, théâtrale ; d’outils de communication

Christophe Chartreux

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L’appel d’«erre» de Fernand Deligny

11 Avril 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education, #Pedagogie

EXPOSITION : FERNAND DELIGNY, LÉGENDES DU RADEAU | Culture, Exposition |  Patrimoine | Office de Tourisme de Sète

A Sète, une belle expo revient sur le travail du pédagogue alternatif, initié dans les années 60 auprès d’enfants atteints de troubles du spectre autistique. Une approche où les dessins, films et textes appuient la thérapie.

A force de le voir gonfler le ventre, on l’a rebaptisé «Cornemuse». Mais Cornemuse, 7 ans à tout casser, une fois arrivé à «l’île d’en bas», microscopique territoire fait de pierres sèches et de lichen mousseux, ne veut plus faire un pas et reste accroché à un tronc d’arbre. Il faudra des mois pour l’en décrocher, et toute la délicatesse de Jacques Lin, tout juste descendu de la région parisienne où il a quitté du jour au lendemain sa vie d’électricien pour rejoindre la Tentative des Cévennes, un réseau d’accueil expérimental pour enfants autistes imaginé par Fernand Deligny. A 20 ans, sans autre bagage que son sens de l’observation et son imagination, Lin construit alors un mât portatif qu’il met entre les mains de Cornemuse. Lequel reprend alors son chemin.

Ou plutôt sa «ligne d’erre», selon la formule de Deligny, qui incite son petit réseau d’accompagnants à prendre les crayons pour retracer sur des feuilles à dessin et du papier-calque les trajets de ces enfants restés hors du langage. C’est sans doute la partie la plus connue du travail de Fernand Deligny. Déjà présentées au Palais de Tokyo ou à la Biennale d’art contemporain de São Paulo, les lignes d’erre remplissent, au Centre régional d’art contemporain (Crac) de Sète, une salle entière et sont sous-titrées pour que l’on puisse déchiffrer les hiéroglyphes qui consignent avec minutie les balancements des enfants, leurs allers-retours et leurs sorties de route.

Autobiographie obsessionnelle

En amont, l’exposition propose une boucle chronologique qui nous mène de Bergues, où Deligny naît en 1913, à Monoblet dans le Gard où il meurt en 1996, laissant un manuscrit inachevé de plus de 6 000 pages dont chaque page (re)commence au jour d’anniversaire de ses 7 ans : «Le 7 novembre de cette année-là, le jour ne s’est pas levé sur les Flandres.» En vis-à-vis de cette autobiographie obsessionnelle, est présenté le Journal de Janmari qui enregistre avec le même acharnement, à l’aide de bouclettes qui tirent immuablement à la ligne, le temps qui passe et bégaie.

Plus rien, alors, ne sépare ces deux compagnons de route que furent le pédagogue et son patient, durant plus de trente-cinq ans. Editer le journal de Deligny fait partie des chantiers à venir de la maison d’édition l’Arachnéen, créée par Sandra Alvarez de Toledo et Anaïs Masson en 2005. Celui de Janmari, lui, compte parmi les huit livres qu’elles ont déjà consacrés aux expérimentations de Deligny et de sa communauté. Cette exposition est une nouvelle façon de remettre sur le tapis l’inépuisable recherche en actes de cet «artiste en asile».

Educateur pour «enfants arriérés», marqué par l’expérience des deux guerres mondiales, il rejoint en 1945 un Centre d’observation et de triage dont l’intitulé barbare reflète toute la folie de l’institution. Déjà convaincu qu’il faut faire autrement, Deligny ouvre, littéralement, les portes de l’asile. Mais la bouffée d’air n’est pas suffisante et c’est en premier de cordée, en dehors de tout cadre institutionnel, qu’il lance une tentative grandeur nature, en s’appuyant sur le réseau des auberges de jeunesse du PCF pour coudre sur mesure des séjours pour adolescents psychotiques ou délinquants qui lui permettent de mettre à l’épreuve son intuition : plutôt que de changer les individus, ne faut-il pas changer le milieu dans lequel ils évoluent ? Qui est le plus malade, l’individu ou l’institution qui l’accueille ? C’est finalement à la Borde, la célèbre clinique où Félix Guattari et Jean Oury expérimentent les prémisses de la psychothérapie institutionnelle, qu’il viendra parfaire ses expériences.

Objets-repères»

Janmari, alors âgé de 12 ans, surgit dans la vie de Deligny. L’enfant mutique, considéré comme incurable, devient le guide. Deligny organise autour de lui, et bientôt d’autres enfants confiés entre autres par Françoise Dolto, un «coutumier» fait d’eau et de pierres, de boîtes et de feux, de chèvres à nourrir et de jeux de vaisselle. La Tentative des Cévennes vient de signer son acte de naissance. Nous sommes en 1968 et très vite, Deligny convainc un groupe de jeunes gens que rien ne prédestinait au soin (Jacques Lin l’ouvrier-électricien, Gisèle et Any Durand ou le couple Guy et Marie-Rose Aubert) d’interpréter le rôle de «présences proches» auprès de ces enfants dont le «mode d’être» est observé plutôt qu’analysé, pour «repenser le nôtre».

Janmari, comme Cornemuse, a besoin d’un objet pour passer les portes. Jacques Blin, capitaine sans cap de «l’île d’en bas» fabrique alors tout un tas «d’objets-repères» et «d’objets pour rien». Une pierre creusée que l’on vient frapper à chaque passage. Ou des petites besaces qu’il pend au cou des enfants qui ne supportent pas qu’on les regarde lorsqu’ils mangent et qui peuvent ainsi s’auto-administrer quelques becquées. «L’île = musée = atelier», peut-on lire dans l’expo au cas où l’on s’interrogerait sur la présence d’une figure comme Deligny au sein d’un centre d’art.

Correspondance avec François Truffaut

C’est qu’au-delà de l’appétit récent de l’art contemporain pour le care ou l’art-thérapie, il est, ici, bien question de formes : quelle meilleure définition de l’art que ces «objets pour rien» qui transitent au sein de la communauté ? Comment le dessin, la trace et l’empreinte prennent le relais de l’échange verbal ? Le film Super-8 s’invite lui aussi très tôt dans les Cévennes. Deligny, proche de Chris Marker, invente le néologisme «camérer» pour confirmer que la pratique l’emporte sur le résultat final. Après le Moindre Geste tourné pendant trois ans, avec et au sein de la communauté, Ce gamin, là piste les manies de Janmari. «Pendant des mois, il est resté sur la pointe des pieds, même pour de longues marches : il flaire longuement ce qu’il mange. Il est beau, sauf quand il se met à grimacer. Enfant-singe comme on parle d’enfant-loup, mais comment tout ça peut-il venir de la banlieue de Châteauroux ?» écrit alors Fernand Deligny à François Truffaut avec qui il entretient une correspondance depuis le tournage des Quatre Cents Coups en 1958.

Les deux films sont présentés dans l’expo, ainsi que des heures d’«images-copeaux» et autres «bribes tombées au montage». Et avec elles, c’est toute la poésie de Deligny qui s’affirme et confirme la nécessité de le faire «entrer au musée». Comme si Deligny, après Cornemuse et Janmari, était à son tour invité à franchir un seuil, les bras chargés de ces infinitifs qu’il multiplie, «camérer», «bigler» et de ces mots qu’il recharge : le «radeau dont les liens doivent rester lâches», ou les fameuses «lignes d’erre» qui ont tant fasciné Gilles Deleuze au point de lui souffler l’idée du rhizome. «On entend errance, décrypte aujourd’hui Anaïs Masson, co-commissaire de l’exposition, mais c’est aussi le trajet que fait un bateau quand on a coupé le moteur ou saboté le dériveur, ça parle d’une forme d’inertie, quand il n’y a plus d’élément de navigation.»

Claire Moulène

«Légendes du radeau» de Fernand Deligny, au Crac Occitanie de Sète, jusqu’au 29 mai.

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Pourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants

3 Avril 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Pédagogie

Pourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants
Émotions et cognition sont indissociables. Shutterstock
Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Après avoir longtemps été passées sous silence, car jugées néfastes et contraires à la raison, les émotions connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt tant au sein du grand public que dans le cadre de la recherche. En montrant qu’émotions et cognition sont indissociables, Damasio a redonné leurs lettres de noblesse aux émotions dans le contexte éducatif.

Depuis la fin des années 1990, des études internationales se sont penchées sur les émotions dans la salle de classe. Ces recherches portent le plus souvent sur les émotions des élèves et leur lien avec les apprentissages. Lorsqu’elles s’intéressent aux émotions des enseignants, c’est généralement pour analyser leur impact sur les élèves et les apprentissages. Mais dans le contexte actuel de crise d’attractivité du métier, les étudier en tant que telles pourrait aider à comprendre comment les enseignants vivent leur métier, et ce qui pousse un nombre croissant d’entre eux à démissionner, et notamment en début de carrière.

S’il existe initialement une crise de vocation qui explique pour une part la pénurie d’enseignants, un grand nombre de stagiaires s’inscrivent toujours en formation initiale en manifestant une grande motivation pour le métier. Ce n’est qu’en cours d’année qu’ils expriment un certain mal-être.

Peu de recherches ont été jusque-là consacrées aux enseignants novices (les stagiaires et les enseignants nouvellement titularisés) en France. Quelles émotions ressentent-ils au quotidien ? Qu’est-ce qui déclenche leurs émotions ?

Un tourbillon émotionnel

Rappelons qu’une émotion n’est pas une simple réponse à un stimulus comme on l’a longtemps pensé. Elle ne peut se définir de manière isolée car elle a besoin d’un contexte pour se construire. Son point de départ réside dans la représentation/l’image mentale/le scénario qu’une personne se fait d’une situation. Lorsque ce scénario se confronte à la réalité, le décalage engendré fait alors émerger l’émotion.

Les enseignants novices débutent leur carrière avec des représentations du métier liées à leur parcours d’élèves en réussite, aux clichés véhiculés par les médias et le grand public tels « Les profs sont toujours en vacances », « être enseignant est le plus beau métier du monde », « enseigner l’anglais à des débutants demande peu de préparation », « dans certains quartiers, ça ne peut que mal se passer », etc.

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Ces images mentales génèrent chez les débutants des représentations fantasmées de ce qu’est un « bon » enseignant, un « bon » élève, un « bon » cours, de l’institution, des collègues, etc. La réalité effective en classe peut être fort différente et ce décalage peut engendrer des émotions intenses, voire douloureuses.

Afin de comprendre quelles sont les émotions les plus fréquentes chez les enseignants, ce qui les déclenche et comment elles évoluent avec l’expérience, une étude a été menée durant quatre ans, de 2016 à 2019, avec des cohortes de professeurs d’anglais novices et des enseignants plus expérimentés à différents stades de leur carrière.

L’analyse des réponses obtenues a permis d’observer que, quels que soient leur ancienneté et leur niveau de compétences, les enseignants ressentent majoritairement des émotions négatives au quotidien (57,5 % chez les enseignants novices). Cependant, si on établit un classement des émotions en fonction de leur nombre d’occurrences, la joie arrive toujours en première place, et la colère en deuxième position. Ceci signifie que le métier d’enseignant joue sur les extrêmes et n’est pas de tout repos émotionnellement parlant.

Entre doutes et colère

De manière assez cohérente, la rupture du contrat pédagogique, et plus spécifiquement le « comportement inadapté des élèves » émerge comme le premier élément déclencheur de la colère, comme on peut l’observer dans l’exemple suivant :

« J’ai ressenti de la colère avec une classe de sixième pénible aujourd’hui : bavarde, passive, travail non fait. Si l’on ne peut plus compter sur les petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité, alors où va-t-on ? ! »

On constate ici que la représentation que l’enseignant s’est construite à propos des élèves de sixième (« petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité ») est en décalage avec la réalité en classe (« une classe de sixième pénible »), ce qui génère de la colère.

Un autre enseignant raconte :

« J’avais tout orchestré comme on nous l’a appris et comme le fait ma tutrice. Je me suis même procuré un clavier et une souris sans fil pour que les élèves écrivent eux-mêmes. Tout était fait pour bien se passer. Mais, comme d’habitude, trop de bavardages, insolence, des “mais je n’ai rien fait” alors que je VOIS les élèves faire ! J’en ai eu marre et j’ai fini par hurler. »

Là, ce sont trois scénarios qui sont contrariés : celui de « l’enseignant stagiaire performant » qui parvient à faire un « bon » cours et auquel « les élèves adhèrent ». La colère ne peut qu’être forte comme en attestent ses hurlements.

La colère peut être en lien avec l’enseignant lui-même, surtout en début de carrière. Elle peut venir de sa difficulté à mettre en place son identité professionnelle, à ses doutes et questionnements sur ses pratiques et sa légitimité, ce qui est très fréquent chez les novices et pourrait expliquer certaines démissions précoces. Je ressens de la « colère de ne pas avoir réussi à canaliser une de mes classes et d’avoir pris du retard. J’ai fait un cours très éloigné de ce que j’avais prévu », note ainsi un participant de l’enquête. La représentation mentale du cours est ici explicite, à travers « ce que j’avais prévu ».

Quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tous ressentent de la colère lorsqu’ils ont le sentiment d’avoir donné un « mauvais cours » et/ou ont conscience de leurs difficultés et erreurs, comme le montre le témoignage suivant :

« J’ai ressenti de la colère envers moi-même en excluant un élève. C’était pour moi un échec. Je n’ai pas réussi à sauver cet élève. »

On y voit un décalage entre la représentation du professeur tout-puissant et sans faille, et la réalité du terrain.

La colère peut aussi provenir d’un décalage entre la vision que l’enseignant a de l’institution et la réalité : « Je ressens de la colère et de la solitude car je me sens jugée, évaluée, critiquée, mais pas soutenue », dit l’un des participants ; « La colère, la fureur. Le sentiment que notre matière est totalement sacrifiée, que notre travail, notre profession sont dévalorisés, réduits à néant. Ras-le-bol, envie de me barrer de l’éducation nationale », écrit un autre.

Déconstruire les représentations

Si le métier engendre de la colère, il suscite aussi beaucoup de joie. La réalisation effective peut être en adéquation (décalage zéro) avec le scénario que l’enseignant a élaboré, voire aller au-delà (décalage positif) en se passant « mieux que prévu ».

Voici quelques exemples d’émergence de la joie, liés à l’implication des élèves : « Je m’attendais à ce que peu d’entre eux fassent quelque chose de constructif. Joie qu’ils soient impliqués dans l’activité et montrent de l’enthousiasme », à leur réussite : « joie de voir mes élèves réussir leur évaluation finale mieux que je le pensais », et à leur connivence avec leurs professeurs : « surprise et joie qu’un élève me dise qu’il espère que je serai sa prof l’année prochaine ».

Ce sont des vecteurs importants, quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tout comme la perception d’avoir donné un « bon cours ». Les novices ressentent aussi de la joie lorsqu’ils se sentent progresser et soutenus par l’institution.

Les enseignants novices sont pris dans un tourbillon émotionnel au quotidien dans lequel les émotions négatives dominent. Si la colère est très présente et douloureuse, la joie est aussi au rendez-vous. Ces émotions sont engendrées par le décalage (négatif ou positif) entre les scénarios échafaudés et la réalisation effective. Une réflexion sur ces représentations afin de les analyser pour les déconstruire apparait aujourd’hui comme un axe central de travail à généraliser au sein de la formation initiale pour lutter contre la souffrance des enseignants novices et l’échec des débuts de carrière.The Conversation

Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Docteure en didactique de l'anglais (chercheure associée à l'université Sorbonne-Nouvelle, laboratoire PRISMES, SeSyLIA), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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La pédagogie de la résonance selon Hartmut Rosa : comment l’école connecte les élèves au monde

2 Février 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Education, #Pedagogie

La pédagogie de la résonance selon Hartmut Rosa : comment l’école connecte les élèves au monde
Frédéric Bernard, Université de Strasbourg

Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa a publié récemment l’ouvrage Pédagogie de la résonance dans lequel il expose et précise, sous forme d’entretiens, le concept de « résonance », qu’il avait déjà présenté dans un ouvrage éponyme, ce concept étant appliqué spécifiquement cette fois-ci au domaine de l’éducation. Comme ce fut le cas pour ses précédents ouvrages, ce nouveau livre suscite beaucoup d’échos, notamment en France.

Le concept de résonance a émergé après plusieurs années de réflexion jalonnées par différents ouvrages. Dans Accélération, publié en 2010 en français, Hartmut Rosa faisait tout d’abord le constat d’une accélération des modes de vie ces dernières décennies dans les sociétés modernes. Puis, dans Aliénation et accélération, publié en 2014 en français, il établissait une relation entre cette accélération de nos modes de vie et une perte de notre lien avec le monde.

L’idée de la résonance est apparue à Hartmut Rosa après s’être demandé ce que pouvait être l’inverse de l’aliénation. Autrement dit, si l’accélération a suscité l’aliénation, que nous a-t-elle fait perdre en contre-partie ? Réponse : une forme de lien avec le monde ou une façon d’être-au-monde qu’il appellera « résonance ». La résonance décrit ainsi « un mode d’être-au-monde, c’est-à-dire un type spécifique de mise en relation […] dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement ».

Un mode de relation au monde

Dans l’ouvrage Rendre le monde indisponible, publié en 2020 en français, Hartmut Rosa explique que la résonance implique un mode de relation qui peut être défini à travers quatre caractéristiques.

La première caractéristique correspond au moment du contact (affection) : un fragment de monde (par exemple une personne ou un paysage) nous interpelle, nous paraît significatif ou important. Le sujet que nous sommes « est affecté par le monde, c’est-à-dire touché ou ému de telle sorte qu’il développe un intérêt intrinsèque pour le fragment de monde qui lui fait face et se sent en quelque sorte en position de “destinataire” ».

Le moment de l’efficacité personnelle (réponse) est la deuxième composante de la résonance : nous réagissons physiquement (« chair de poule », modification de la réponse électrodermale, de la fréquence respiratoire, du rythme cardiaque, etc.) à l’interpellation et « allons à la rencontre de ce qui nous a touchés ». Nous nous sentons « reliés au monde d’une manière efficace et vivante parce que nous pouvons nous-mêmes provoquer quelque chose dans le monde ».

Une telle relation peut s’observer par exemple lors d’une discussion pendant laquelle deux personnes s’écoutent et se répondent à tour de rôle. Cette efficacité personnelle peut aussi se manifester à partir du moment où « nous ne nous contentons pas de lire un livre mais où nous commençons à nous en imprégner ».

Vivre en résonance avec Hartmut Rosa (Philonomist, 2020).

Troisième composante : le moment de l’assimilation (transformation), où nous entrons en relation avec un fragment de monde (un être humain, un livre, une musique, un paysage, une idée, un morceau de bois, etc.). Cette expérience de résonance nous transforme et c’est en cela que résiderait « l’expérience de la vitalité ».

Enfin, la résonance serait par nature indisponible et notre rapport avec elle serait du même ordre que celui entretenu avec une activité comme le sommeil : plus nous souhaitons nous endormir, moins nous y arrivons. Une des caractéristiques de la résonance serait ainsi « de ne pas pouvoir être obtenue ni empêchée de manière certaine ». De plus, lorsque la résonance survient, cela nous transforme sans qu’il soit possible de prédire la direction et le résultat de cette transformation. Ainsi, la résonance serait « par nature un phénomène dont l’issue ne peut être déterminée à l’avance ».

Triangle de résonance

Dans Résonance puis dans Pédagogie de la résonance, Hartmut Rosa propose d’envisager l’appréhension du monde dans le contexte scolaire, non pas comme une simple acquisition de compétences, mais sous la forme d’une résonance. Une compétence est considérée comme une appropriation d’un fragment de monde alors que la résonance supposerait plutôt une « emmétamorphose » du monde, qui correspond au fait que je me transforme à son contact.

Ainsi, il ne s’agirait plus d’apprendre à maîtriser le monde mais à transformer sa relation au monde. Pour décrire cela, Hartmut Rosa va modéliser l’école et l’enseignement sous la forme d’un triangle reliant trois entités : l’enseignant, les élèves et la matière (par exemple le français ou les mathématiques).

Lorsqu’un cours n’est pas réussi, cela signifie que l’on aurait affaire à un triangle d’aliénation se caractérisant par une situation dans laquelle « l’enseignant, les élèves et la « matière » n’ont au fond rien à se dire ». Dans ce cas, l’enseignant ne réussit pas à atteindre les élèves, ce qui l’amène à douter de sa capacité à transmettre la matière enseignée. De leur côté, les élèves considèrent que l’enseignant leur manifeste peu d’intérêt ou de considération, que la matière ne les intéresse pas, qu’elle ne leur parle pas, qu’ils ne la comprennent pas. Dans ce contexte, l’école ou la classe est perçue comme une zone d’aliénation.

Heureusement, le triangle d’aliénation peut se transformer en un triangle de résonance avec, dans ce cas, l’enseignant qui parvient à atteindre les élèves et à transmettre la matière en la faisant parler. Du côté des élèves, un intérêt propre est porté à une matière et ils éprouvent leur efficacité personnelle dans leur confrontation avec celle-ci, cela passant « avant tout par la mise en éveil de l’axe de résonance entre élèves et enseignant ».

Tout débuterait avec l’enthousiasme de l’enseignant qui, tel un premier diapason « inspirateur », éveillerait chez les élèves « une propension à la résonance telle qu’elle donnerait vie et voix à la matière ». Un bon professeur devra en outre faire figure de second diapason « récepteur », capable « de réagir avec tact aux besoins, aux humeurs et aux intérêts des élèves ».

Pédagogie du rire

La formation d’un triangle de résonance supposerait quatre conditions. Il s’agit d’abord que les élèves et l’enseignant soient en mesure de s’atteindre mutuellement. Il faudrait ainsi que « le professeur soit convaincu d’avoir quelque chose à dire à ses élèves et certain de vouloir être entendu par eux ». Et du côté des élèves, l’instauration d’un axe de résonance nécessitera une absence de doute par rapport au fait qu’ils ont un rôle à jouer et qu’ils trouveront une oreille accueillante en la personne de l’enseignant.

Deuxième condition : l’enseignant est persuadé « d’avoir quelque chose à dire sur le plan du contenu ». Autrement dit, le sujet « lui parle, a quelque chose à lui dire et importe à ses yeux ». Ainsi, l’enseignant réussit par son enthousiasme à faire parler la matière à l’élève.

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Ensuite, les élèves doivent avoir l’esprit ouvert eu égard à la question abordée en cours afin d’être prêts à s’impliquer et à « se laisser mouvoir par elle ». Ils doivent en outre « avoir suffisamment confiance en eux-mêmes afin d’oser la rendre parlante ».

Enfin, pour que les élèves puissent montrer une disposition à la résonance, il faut que l’ambiance de la classe y soit propice et qu’ils n’aient « pas besoin de s’armer contre d’éventuels cas de malveillance, d’humiliation, de moquerie, de harcèlement, etc. ». Cela contribuera à la création d’un axe de résonance horizontal entre les élèves.

Harmut Rosa prend en exemple le film Le cercle des poètes disparus, de Peter Weir. Allociné/Warner Bros

Par ailleurs, Hartmut Rosa considère que, parmi d’autres facteurs, l’humour est un élément déterminant pour créer un contexte d’enseignement favorable au développement d’un triangle de résonance. Rire en cours serait ainsi un principe essentiel de la pédagogie de la résonance.

Tous ces éléments pris en considération, il ne sera pas surprenant d’apprendre qu’Harmut Rosa invoque, comme exemple parlant ou illustratif de ce que peut être la pédagogie de la résonance le film Le cercle des poètes disparus avec Robin Williams dans le rôle de l’enseignant Mr Keating. On peut ainsi découvrir comment, « lorsque la poésie commence à parler, les relations sociales de la classe se transforment, des changements individuels s’opèrent et s’orientent vers ce que l’on peut appeler la “formation du caractère” ».The Conversation

Frédéric Bernard, Maître de conférences en neuropsychologie, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Education : comment le ton et la voix des professeurs jouent sur la motivation et la confiance des élèves

26 Janvier 2023 , Rédigé par France Info Publié dans #Education, #Pedagogie

Les essentiels pour bien utiliser sa voix en classe - Vocation Enseignant

C’est une étude anglaise qui le confirme : les élèves sont très sensibles à la voix de leur professeur, qui peut donc les motiver... ou leur donner des envies de rébellion.

On sait que la pédagogie du professeur, ou l’interactivité en classe, sont des facteurs importants de l’apprentissage. Mais, ici, les chercheurs du département de psychologie de l'université de l’Essex, en Grande-Bretagne, se sont intéressés uniquement à la voix et au ton employé par les enseignants pour dispenser leurs cours. Ils ont ainsi fait écouter à 250 enfants et adolescents âgés de 10 à 16 ans, des enregistrements de cours identiques, mot pour mot, mais dispensés sur un ton plus ou moins autoritaire ou chaleureux et posé.

Les enfants devaient ensuite répondre aux questions suivantes : si votre professeur parlait toute la journée comme ceci, à quel point vous sentez-vous libre de vous exprimer ? Ou alors inversement, sous pression et bousculé, à quel point vous sentez-vous compétent, motivé, intéressé ou alors au contraire valorisé, peu concerné, et mauvais en classe ? 

À l'école comme à la maison

Sans surprise, les voix criardes et autoritaires sont moins efficaces pour motiver les élèves. Cette étude publiée dans le British journal of Educational Psychology le démontre clairement. Non seulement les cours donnés sur un ton autoritaire, sont jugés moins motivants et font baisser la participation en classe, mais une voix sèche et froide, donne aux élèves davantage d’envie de rébellion et fait baisser l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Un professeur qui adopte un ton directif ou criard est aussi jugé comme étant moins digne de confiance par l'élève, qu’un enseignant qui dit exactement la même chose, mot pour mot, sur un ton calme et posé.

Les sciences de l'éducation s'intéressent beaucoup au contenu des cours, soulignent les auteurs de cette étude, mais pas assez aux modulations de la voix du professeur, qui ont pourtant un effet profond sur les élèves. Et cela vaut aussi pour les parents au moment des devoirs. À la maison, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quand il s’agit de demander à un adolescent de ranger sa chambre, préparer son sac pour le lendemain ou réviser ses cours. Le ton de la voix compte tout autant.

En 2019, une équipe de chercheurs de Cardiff avait déjà publié une étude à ce sujet. Ils avaient demandé à plus de 1 000 ados de 14 et 15 ans, de répondre à des instructions parentales identiques données sur un ton autoritaire, neutre ou affectueux et bienveillant. Là encore, les adolescents de ce panel ont montré qu'ils étaient plus disposés à écouter leurs parents quand une même consigne était demandée sur un ton chaleureux, par rapport au ton autoritaire, qui entraîne statistiquement davantage de refus et de rébellions. Ce sont deux études scientifiques à méditer en cette journée internationale de l'éducation.

Anne Le Gall

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Pourquoi l’écriture doit-elle s’apprendre en classe ?

13 Janvier 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Pedagogie

Pourquoi l’écriture doit-elle s’apprendre en classe ?
Pourquoi l’écriture doit-elle s’apprendre en classe ?
Véronique Magniant, Université de Bordeaux

La scolarité des élèves a été perturbée dans le monde entier par la crise du Covid-19. En France, l’enseignement à distance imposé par les situations de confinement a ainsi accru les inégalités scolaires liées aux origines sociales des enfants et adolescents. Au-delà de la fracture numérique relative aux conditions matérielles d’équipement, les différences dans les usages du langage, à l’oral et plus encore à l’écrit, ont mis à mal la possibilité d’une continuité pédagogique pour les enfants issus des milieux les plus populaires.

Entrainements, révisions, exercices : ces activités à distance préconisées par le ministère de l’Éducation nationale, possibles avec des élèves suffisamment âgés, peuvent prendre appui sur l’expérience commune développée en classe avec les enseignants, ou sur les compétences des parents dans certains cas. En classe de CP en revanche, avec des élèves de six ans, qui ne savent pas encore lire et écrire, comment entrainer à l’écriture en dehors de la classe lorsque les enfants n’en maîtrisent pas les bases ? D’autant plus dans le cas où les parents ne lisent pas couramment le français ?

Les deux mois de confinement du printemps 2020 ont rappelé la complexité de l’écriture et des usages : l’écrit comporte de nombreuses composantes, matérielles, graphiques, langagières. Si l’on souhaite une vraie équité entre enfants de milieux socio-culturels différents, celles-ci doivent toutes être enseignées par un adulte expert.

Enseigner, étayer l’apprentissage de l’écriture nécessite de vraies compétences professionnelles : des façons de dire et de faire, des façons de montrer et d’aborder les savoirs, que les sciences de l’éducation, en s’inspirant du champ de l’ergonomie, appellent les « gestes professionnels ».

Rebondir sur l’erreur

Les outils numériques proposés par le ministère de l’Éducation (environnement numérique de travail, boîtes mail académiques, padlets divers) impliquaient un usage de l’écrit inhibant pour certains parents, ne maîtrisant pas bien ses codes langagiers ou ses normes orthographiques. L’utilisation de chaines YouTube créées pour l’occasion ou d’applications comme WhatsApp a permis d’être au plus proche de leur quotidien et de garder le langage oral comme moyen de communication malgré la distance.

Pour autant, de nombreux obstacles se sont posés à l’apprentissage de l’écriture dès lors que les classes ont cessé de réunir entre leurs murs les enfants qui s’y côtoyaient habituellement.

L’un des plus grands malentendus sur l’école et sur les attentes des enseignants concernant l’écriture est que, très tôt, dès les premières années d’apprentissage, les enfants devraient maîtriser la graphie et l’orthographe. Ainsi, souvent, les écrits des élèves pendant le confinement étaient gommés, corrigés voire réécrits par un adulte avant d’être envoyés au maître ou à la maîtresse d’école. Or en faisant disparaître les erreurs, on efface le lieu exact où l’enseignement doit se concentrer, et on empêche l’apprentissage.

La façon de traiter les erreurs est en effet un geste professionnel fondamental qui sert les apprentissages de élèves. Apprendre à écrire un texte nécessite de se tromper, de comprendre les raisons de l’échec grâce à un adulte qui explicitera les façons de dépasser les obstacles, les procédures pour y arriver : faut-il prononcer le mot pour pouvoir l’écrire ? Faut-il le connaître par cœur ? Ce qui est écrit permet-il à un lecteur tiers de comprendre ce qu’on souhaitait exprimer ? Qu’est-ce qui est correct, qu’est-ce qui est incomplet ou erroné dans l’essai produit ?

Si certains l’avaient oublié, le confinement a rappelé une évidence : la classe est un endroit où les individus, enseignants et apprenants, partagent l’espace, le matériel, la position des corps et des objets. L’entrée dans l’univers écrit est marqué par l’apprentissage de l’usage des supports de l’écrit et de ses outils : cahiers, feuilles, livres, lignes, crayon de papier ou de couleur, stylo.

En classe, l’enfant de six ans apprivoise ce nouveau lexique, étayé par les gestes professionnels de l’enseignant ou de l’enseignante qui aidera à sortir le bon cahier, ouvrir à la bonne page, isoler la ligne, puis qui reformulera les consignes, veillera à ce que le crayon soit bien taillé ou le stylo de la bonne couleur.

La co-présence des corps permet d’enseigner au mieux à tracer une lettre, à faire observer la main adulte qui trace et écouter les indications verbales. Même avec un support audio et vidéo, les entraînements donnent des résultats hétérogènes, selon l’accompagnement des familles, selon le degré d’appropriation de l’élève des habitudes de classe, qui ne sont pas encore créées pour tous en cours d’année de CP.

Entrainement à l’écriture de la lettre B, avec utilisation d’un support vidéo : production d’Alice à gauche et Dozan à droite. Fourni par l'auteur

Entouré de ses pairs et de l’enseignant, l’élève se met petit à petit à parler un langage scolaire, il peut mobiliser d’autres outils.

Comment mémoriser le fait que les lettres C et H placées côte à côte se prononcent « ch » comme dans « chat » ? Sur les murs de la classe de CP, les affichages phonologiques sont des aides visuelles qui permettent d’associer un dessin de « chat » aux deux lettres CH, tracées en script et cursive, et le langage verbal et corporel de l’enseignant explicite la façon de les utiliser, par des mots et par des gestes qui pointent, qui focalisent l’attention.

Apprendre avec ses pairs, de ses pairs

L’une des plus grandes richesses de l’école réside dans le fait de pouvoir apprendre avec de nombreux autres individus du même âge. Les camarades de classe ont un rôle fondamental dans l’apprentissage de l’écriture, puisqu’on écrit pour être lu. La relation aux savoirs est symétrique à celles des camarades, tout le monde tâtonne, trace, se trompe inévitablement, ce qui permet de désacraliser les erreurs et d’apprendre en commentant, argumentant, proposant des solutions. Encore faut-il que l’enseignant fasse naitre ces échanges, en gardant comme cap les savoirs visés.

Des recherches menées en didactique montrent l’importance du « feedback » dans le processus d’apprentissage de l’outil culturel complexe et très puissant qu’est l’écriture. Comment l’enfant peut-il construire des repères, se situer dans la longue appropriation de cet outil, être sûr de ce qu’il sait déjà, afin de s’appuyer dessus pour continuer de conquérir l’écriture ? Les retours langagiers, verbaux ou corporels mais toujours explicites, sont des gestes professionnels que les enseignants cultivent dans leur propre pratique et développent du même fait chez leurs élèves. Les ateliers et chantiers d’écriture permettent les apprentissages chez les élèves plus grands, de 10 à 12 ans.

L’écriture manuscrite n’est pas une simple habitude culturelle, c’est aussi un outil clé d’apprentissage de la lecture. Shutterstock

Mais dès le CP également, les mots ou petits textes produits par les enfants peuvent être donnés à lire aux camarades : la classe essaie d’en comprendre les idées, fait état de ce qui a été écrit et qui n’est pas lisible, pas déchiffrable, pas compréhensible. Ce dispositif d’enseignement de l’écriture et de la relecture, assorti des gestes professionnels de l’enseignant, s’inscrit dans la tradition du pédagogue Célestin Freinet, qui voyait l’éducation comme un moyen d’émancipation et accordait une place centrale aux écrits d’élèves.

L’enfant scripteur peut ainsi mettre son écrit à distance, apprendre à se relire en voyant son essai à travers les yeux des autres. Il reconnaît ses erreurs et ses réussites dans celle des autres. Lorsque l’enfant ne le fait pas ou pas consciemment, c’est alors à l’enseignant de le pointer, de l’expliciter. Tout ce langage oral, créé autour des écrits d’enfants, tâtonnant et progressivement devenant plus assuré, est source d’apprentissage et d’évolution.

Enseigner l’écriture dans toute sa complexité

Car la difficulté d’enseigner à écrire ou à lire réside en la complexité même de l’écrit. Cette complexité saute aux yeux de l’adulte qui essaie de faire écrire un enfant de six ans : à cet âge-là, l’enfant ne sait pas toujours tracer les lettres dans le bon sens, les lier les unes aux autres.

Parfois, il ne tient pas encore bien son stylo, ne sait pas quoi faire lorsqu’il n’y a plus de place sur la ligne. Il n’a pas toujours compris le principe alphabétique, le fait que chaque son que l’on prononce peut se traduire par une ou plusieurs lettres. Il sait encore moins que de nombreux mots, en français, ne peuvent pas s’écrire en écoutant les sons qui le composent, car trop irréguliers : on peut écouter « caravane » pour l’écrire, mais pas « aujourd’hui », qu’il faudra connaître par cœur.

Certains enfants n’osent simplement pas écrire, car ils ne savent pas encore le faire, ou parce que leurs parents ne le font jamais. Certains écrivent sans se rendre compte que leur écrit ne répond pas à la question posée, se plaçant ainsi « hors sujet ».

Le rôle de l’enseignant est ainsi de proposer une progressivité dans la somme des savoirs à maîtriser, que ce soit ceux qui relèvent de la composante graphique, sémantique ou affective. Il aménage un espace où les enfants peuvent co-construire les savoirs, où l’écrit n’est plus un objet d’inhibition voire d’angoisse pour personne mais au contraire un moyen d’expression et d’émancipation qui fera de chaque enfant un individu réflexif et outillé.The Conversation

Véronique Magniant, Doctorante Université de Bordeaux au LABE3D, Université de Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Éducation : dans les Landes, les méthodes d'un enseignant font l'unanimité

16 Décembre 2022 , Rédigé par France Info Publié dans #Education, #Pedagogie

Depuis septembre 2022, les élèves d'une classe de CM1-CM2 apprennent différemment, et sont responsabilisés par leur enseignant. Après un trimestre, les progrès sont déjà visibles.

Entre les maths et la grammaire, les élèves d'une école suivent des cours de yoga. Depuis plus de trois mois, les CM1-CM2 ont de cette classe ont découvert la méthode atypique de leur enseignant. La classe est en mouvement : on peut y entrer en chaussons, les élèves n'ont pas de place attribuée et ils peuvent s'assoir sur des poufs s'ils le souhaitent. "Il y a moins de sollicitations des élèves, il y a une coopération qui s'est créée dans la classe", indique Fabrice Réchède, enseignant en CM1-CM2 de l'école Jacques Prévert du Vignau (Landes). 

Des progrès qui se mesurent 

Le maître souhaite inscrire ses élèves à un concours national de lecture, dont la finale aura lieu à la Comédie Française à Paris. Pour les entraîner, il les fait lire sur scène, à voix haute, devant leurs camarades. Après un trimestre, les élèves ont déjà fait des progrès importants. Si le CM2 se passe bien, certains s'inquiètent déjà de leur rentrée au collège, où ils seront moins libres. 

M.Subra-Gomez, G.Marque, A.Richard, Y.Kadouch

"Si le CM2 se passe bien, certains s'inquiètent déjà de leur rentrée au collège, où ils seront moins libres."

D'où l'importance du lien CM2/6e.

Pour rappel, la 6e de collège appartient au même "cycle" d'enseignement : le cycle 3 (CM1/CM2/6e)

Christophe Chartreux

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Pourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants

1 Décembre 2022 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Pedagogie

Pourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants
Émotions et cognition sont indissociables. Shutterstock
Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Après avoir longtemps été passées sous silence, car jugées néfastes et contraires à la raison, les émotions connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt tant au sein du grand public que dans le cadre de la recherche. En montrant qu’émotions et cognition sont indissociables, Damasio a redonné leurs lettres de noblesse aux émotions dans le contexte éducatif.

Depuis la fin des années 1990, des études internationales se sont penchées sur les émotions dans la salle de classe. Ces recherches portent le plus souvent sur les émotions des élèves et leur lien avec les apprentissages. Lorsqu’elles s’intéressent aux émotions des enseignants, c’est généralement pour analyser leur impact sur les élèves et les apprentissages. Mais dans le contexte actuel de crise d’attractivité du métier, les étudier en tant que telles pourrait aider à comprendre comment les enseignants vivent leur métier, et ce qui pousse un nombre croissant d’entre eux à démissionner, et notamment en début de carrière.

S’il existe initialement une crise de vocation qui explique pour une part la pénurie d’enseignants, un grand nombre de stagiaires s’inscrivent toujours en formation initiale en manifestant une grande motivation pour le métier. Ce n’est qu’en cours d’année qu’ils expriment un certain mal-être.

Peu de recherches ont été jusque-là consacrées aux enseignants novices (les stagiaires et les enseignants nouvellement titularisés) en France. Quelles émotions ressentent-ils au quotidien ? Qu’est-ce qui déclenche leurs émotions ?

Un tourbillon émotionnel

Rappelons qu’une émotion n’est pas une simple réponse à un stimulus comme on l’a longtemps pensé. Elle ne peut se définir de manière isolée car elle a besoin d’un contexte pour se construire. Son point de départ réside dans la représentation/l’image mentale/le scénario qu’une personne se fait d’une situation. Lorsque ce scénario se confronte à la réalité, le décalage engendré fait alors émerger l’émotion.

Les enseignants novices débutent leur carrière avec des représentations du métier liées à leur parcours d’élèves en réussite, aux clichés véhiculés par les médias et le grand public tels « Les profs sont toujours en vacances », « être enseignant est le plus beau métier du monde », « enseigner l’anglais à des débutants demande peu de préparation », « dans certains quartiers, ça ne peut que mal se passer », etc.

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Ces images mentales génèrent chez les débutants des représentations fantasmées de ce qu’est un « bon » enseignant, un « bon » élève, un « bon » cours, de l’institution, des collègues, etc. La réalité effective en classe peut être fort différente et ce décalage peut engendrer des émotions intenses, voire douloureuses.

Afin de comprendre quelles sont les émotions les plus fréquentes chez les enseignants, ce qui les déclenche et comment elles évoluent avec l’expérience, une étude a été menée durant quatre ans, de 2016 à 2019, avec des cohortes de professeurs d’anglais novices et des enseignants plus expérimentés à différents stades de leur carrière.

L’analyse des réponses obtenues a permis d’observer que, quels que soient leur ancienneté et leur niveau de compétences, les enseignants ressentent majoritairement des émotions négatives au quotidien (57,5 % chez les enseignants novices). Cependant, si on établit un classement des émotions en fonction de leur nombre d’occurrences, la joie arrive toujours en première place, et la colère en deuxième position. Ceci signifie que le métier d’enseignant joue sur les extrêmes et n’est pas de tout repos émotionnellement parlant.

Entre doutes et colère

De manière assez cohérente, la rupture du contrat pédagogique, et plus spécifiquement le « comportement inadapté des élèves » émerge comme le premier élément déclencheur de la colère, comme on peut l’observer dans l’exemple suivant :

« J’ai ressenti de la colère avec une classe de sixième pénible aujourd’hui : bavarde, passive, travail non fait. Si l’on ne peut plus compter sur les petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité, alors où va-t-on ? ! »

On constate ici que la représentation que l’enseignant s’est construite à propos des élèves de sixième (« petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité ») est en décalage avec la réalité en classe (« une classe de sixième pénible »), ce qui génère de la colère.

Un autre enseignant raconte :

« J’avais tout orchestré comme on nous l’a appris et comme le fait ma tutrice. Je me suis même procuré un clavier et une souris sans fil pour que les élèves écrivent eux-mêmes. Tout était fait pour bien se passer. Mais, comme d’habitude, trop de bavardages, insolence, des “mais je n’ai rien fait” alors que je VOIS les élèves faire ! J’en ai eu marre et j’ai fini par hurler. »

Là, ce sont trois scénarios qui sont contrariés : celui de « l’enseignant stagiaire performant » qui parvient à faire un « bon » cours et auquel « les élèves adhèrent ». La colère ne peut qu’être forte comme en attestent ses hurlements.

La colère peut être en lien avec l’enseignant lui-même, surtout en début de carrière. Elle peut venir de sa difficulté à mettre en place son identité professionnelle, à ses doutes et questionnements sur ses pratiques et sa légitimité, ce qui est très fréquent chez les novices et pourrait expliquer certaines démissions précoces. Je ressens de la « colère de ne pas avoir réussi à canaliser une de mes classes et d’avoir pris du retard. J’ai fait un cours très éloigné de ce que j’avais prévu », note ainsi un participant de l’enquête. La représentation mentale du cours est ici explicite, à travers « ce que j’avais prévu ».

Quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tous ressentent de la colère lorsqu’ils ont le sentiment d’avoir donné un « mauvais cours » et/ou ont conscience de leurs difficultés et erreurs, comme le montre le témoignage suivant :

« J’ai ressenti de la colère envers moi-même en excluant un élève. C’était pour moi un échec. Je n’ai pas réussi à sauver cet élève. »

On y voit un décalage entre la représentation du professeur tout-puissant et sans faille, et la réalité du terrain.

La colère peut aussi provenir d’un décalage entre la vision que l’enseignant a de l’institution et la réalité : « Je ressens de la colère et de la solitude car je me sens jugée, évaluée, critiquée, mais pas soutenue », dit l’un des participants ; « La colère, la fureur. Le sentiment que notre matière est totalement sacrifiée, que notre travail, notre profession sont dévalorisés, réduits à néant. Ras-le-bol, envie de me barrer de l’éducation nationale », écrit un autre.

Déconstruire les représentations

Si le métier engendre de la colère, il suscite aussi beaucoup de joie. La réalisation effective peut être en adéquation (décalage zéro) avec le scénario que l’enseignant a élaboré, voire aller au-delà (décalage positif) en se passant « mieux que prévu ».

Voici quelques exemples d’émergence de la joie, liés à l’implication des élèves : « Je m’attendais à ce que peu d’entre eux fassent quelque chose de constructif. Joie qu’ils soient impliqués dans l’activité et montrent de l’enthousiasme », à leur réussite : « joie de voir mes élèves réussir leur évaluation finale mieux que je le pensais », et à leur connivence avec leurs professeurs : « surprise et joie qu’un élève me dise qu’il espère que je serai sa prof l’année prochaine ».

Ce sont des vecteurs importants, quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tout comme la perception d’avoir donné un « bon cours ». Les novices ressentent aussi de la joie lorsqu’ils se sentent progresser et soutenus par l’institution.

Les enseignants novices sont pris dans un tourbillon émotionnel au quotidien dans lequel les émotions négatives dominent. Si la colère est très présente et douloureuse, la joie est aussi au rendez-vous. Ces émotions sont engendrées par le décalage (négatif ou positif) entre les scénarios échafaudés et la réalisation effective. Une réflexion sur ces représentations afin de les analyser pour les déconstruire apparait aujourd’hui comme un axe central de travail à généraliser au sein de la formation initiale pour lutter contre la souffrance des enseignants novices et l’échec des débuts de carrière.The Conversation

Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Docteure en didactique de l'anglais (chercheure associée à l'université Sorbonne-Nouvelle, laboratoire PRISMES, SeSyLIA), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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