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Vivement l'Ecole!

pauvrete

En France, un tiers des pauvres sont des enfants

17 Janvier 2023 , Rédigé par Liberation Publié dans #Enfance, #Jeunesse, #Pauvreté

Le code pénal pourrait punir la discrimination pour pauvreté | L'Humanité

Selon un rapport de l’Observatoire des inégalités publié mardi, les moins de 18 ans sont de plus en plus précaires. Pour les associations et les experts, les réponses des pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur du problème.

Ils sont mentionnés spécifiquement dans le préambule de la Constitution de 1946. Au onzième alinéa, les enfants se voient garantis par la nation «la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs», ainsi qu’un «droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence». Et pourtant. Les enfants et les adolescents comptent pour près d’un tiers des 5,2 millions de personnes situées sous un seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian, alors qu’ils ne représentent que 20 % de la population totale en France. En élargissant aux 18-30 ans, moins protégés que les autres adultes car les droits au revenu de solidarité active (RSA) ne s’ouvrent qu’à 25 ans, une personne pauvre sur deux a moins de 30 ans. En dressant ce constat, dans son troisième rapport sur la pauvreté en France, publié mardi, l’Observatoire des inégalités distingue deux catégories : «Les jeunes adultes, souvent en difficulté d’insertion sur le marché du travail» et «les enfants qui subissent la pauvreté de leurs parents».

Les enfants ne sont pas non plus épargnés par la grande pauvreté, définie par le fait d’avoir à la fois à vivre sous le seuil de pauvreté et de subir sept privations sévères, comme ne pas pouvoir s’acheter de vêtements neufs ou maintenir son logement à bonne température. Alors que le taux de pauvreté de l’ensemble de la population reste quasi stable depuis deux décennies, autour de 7,6 % en 2020, celui des mineurs se dégrade, passant de 8,7 % en 2004, à 11,5 % en 2019, selon les relevés de l’Insee. Pour l’Observatoire des inégalités, cette pauvreté des mineurs «est la conséquence de l’importance de la pauvreté des familles monoparentales – essentiellement des femmes seules avec enfant(s) – qui représentent un quart des très pauvres contre 10 % de la population». Plusieurs facteurs font varier le taux de pauvreté des enfants, comme la taille de la fratrie dans laquelle ils grandissent et le nombre d’adultes avec lesquels ils vivent.

Succession de crises

Sans qu’il soit aisé de les dénombrer, les mineurs seraient des «milliers à dormir à la rue, faute de place dans les hébergements d’urgence», souligne aussi le rapport sur la pauvreté. Le 22 août au soir, la Fédération des acteurs de la solidarité et l’Unicef France ont constaté que les enfants représentaient 40 % des personnes hébergées en urgence par le 115. Ils étaient cette nuit-là 41 098 précisément. Près d’un sur trois avait moins de 3 ans. Toujours selon ce baromètre, 1 658 avaient dormi dans la rue. L’Unicef France alerte sur «l’extrême pauvreté» des mineurs non accompagnés (MNA) qui, parce que leur demande de protection est en cours d’évaluation par les départements ou en attente d’audience devant le juge lorsque leur minorité a été contestée, ne bénéficient «la plupart du temps d’aucune forme de protection, vivent souvent dans la rue ou dans des habitats précaires». Ils souffrent d’un accès difficile à la scolarisation. Et l’agence onusienne de rappeler qu’en France, l’influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE avec 20 % en France contre 13 % en moyenne (enquête PISA, 2018). «La persistance d’inégalités tant sociales que territoriales – en particulier dans les quartiers prioritaires de la ville et les territoires d’Outre-mer – empêche un trop grand nombre d’enfants d’avoir accès à l’école, aux services de santé ou de protection», résume Adeline Hazan, la présidente d’Unicef France.

La succession de crises, avec, deux ans après la pandémie, le retour d’une inflation élevée, aggrave encore les difficultés. Les prix de l’alimentation, par exemple, accusent en novembre une hausse de 12,2 % sur un an. Ceux du gaz et de l’électricité augmenteront en janvier de 15 % pour tout le monde, et bien que les chèques énergie prévus pour les plus démunis permettront d’amortir le choc, ils ne l’effaceront pas. La sociologue Vanessa Stettinger, maîtresse de conférences à l’université de Lille, l’une des rares spécialistes des enfants pauvres, observe : «La pauvreté existait avant dans leur quotidien, cela ne peut que s’aggraver. L’inflation vient renforcer les difficultés préalables sur l’alimentation des enfants, sur l’achat de leurs habits. La hausse du prix de l’énergie va aussi les toucher plus fortement, notamment quand ils vivent dans des logements mal isolés impossibles à chauffer. Ce ne sont pas les aides ponctuelles qui vont les aider à sortir de cette situation-là.» Elle évoque aussi ceux qui n’apparaissent pas encore dans les statistiques : «A côté des enfants qui vivent dans des familles où la pauvreté est persistante, des familles sont à la lisière du seuil de pauvreté. La question de l’inflation pèse sur ces familles, elle les fait basculer.»

Le sujet n’échappe pas aux biais

Les premiers constats, en provenance des associations, sont alarmants. Les Restos du cœur observent que les files d’attente s’allongent. Le Secours catholique estime, lui, que le budget des ménages qu’il accueille rétrécit. Et ce malgré les aides publiques. Le reste à vivre a diminué depuis deux ans, avec moins de 5 euros par jour et par personne pour la moitié des ménages rencontrés. «Avec cela, il faut acheter à manger, des produits d’hygiène, s’habiller…», rappelle l’association, qui ajoute : «Deux ans après le début de la crise, 48 % des ménages rencontrés se retrouvent donc dans l’incapacité de couvrir leur dépense alimentaire quotidienne.» Une hausse de trois points en deux ans.

De quoi peser sur un quotidien, celui des enfants pauvres, qui se joue au sein des foyers, et que les statistiques, seules, ne peuvent décrire. Un quotidien sur lequel les études récentes font défaut. «On n’interroge pas les enfants sur la manière dont ils vivent la pauvreté, sur ce qu’elle leur fait. Même les nombreux travaux sur la sociologie de l’enfance ne se penchent que très peu sur la différence sociale, sur la pauvreté des enfants», regrette Vanessa Stettinger. Or, un enfant pauvre «qui rentre dans une chambre d’hôtel, qui n’a pas assez à manger, n’a pas une vie d’enfant», résume Adeline Hazan. Leurs conditions de vie au sein de logements petits, insalubres, mal isolés «sont très différentes de celles des autres enfants», complète la sociologue : «Le manque de place entraîne des tensions, les couples n’ont pas d’intimité, les enfants se dérangent les uns les autres.»

Le sujet n’échappe pas à certains biais, poursuit-elle : «Sur la pauvreté des enfants, on va porter un regard particulier, souvent misérabiliste, en se focalisant sur leur devenir, avec cette peur que suscite l’enfant pauvre, que l’on lie souvent à un enfant délinquant, en échec scolaire. On ne va pas s’intéresser à sa vie au quotidien.» Là n’est pas le seul écueil : «Ces familles ne sont pas invisibles, mais leur pauvreté l’est. Envers elles, l’approche est souvent relationnelle, psychologique. Ce qui est important, mais insuffisant. Il faut une approche autour de l’environnement. On va, par exemple, traiter l’alcoolisme d’un parent, mais cela ne suffit pas pour transformer leur logement en quelque chose de vivable.»

Cette multiplicité de conséquences de la pauvreté sur les conditions de vie des pauvres, le gouvernement l’a identifiée. C’est une réponse au spectre large qu’il promet au travers du comité interministériel à l’enfance lancé le 21 novembre, qui marque, selon la Première ministre, Elisabeth Borne, «un coup d’accélérateur en faveur de l’enfance». Objectif, selon l’exécutif : «Faire que chaque enfant ait les mêmes chances, où qu’il naisse.» Pour cela, plusieurs ministères sont mobilisés : Intérieur, Justice, Santé, Logement, Education, Handicap, Travail, Collectivités territoriales… La secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, assure l’animation de cette instance.

Constat d’échec

De quoi répondre en partie aux attentes des associations qui plaident pour une stratégie globale et réclament toujours un ministère de plein exercice autour de la protection de l’enfance, ce qu’elles n’ont pas obtenu, malgré les promesses de campagne d’Emmanuel Macron d’en faire une «grande cause nationale». La réponse apportée par les politiques publiques est, en effet, jugée inadaptée par nombre d’observateurs. Louis Maurin, le président de l’Observatoire des inégalités, juge qu’il existe un «grand décalage entre la réalité sociale et les politiques mises en place. Il n’est pas possible de dire qu’il n’y a pas de préoccupation, mais ce n’est pas à la hauteur. Cela ne correspond pas aux besoins sociaux les plus forts». Lui, comme les autres, insiste : «Ce sont d’abord les parents qui sont pauvres.»

Des promesses, il y en a eu. La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, lancée en 2018, a pris fin sur un constat d’échec. Le rapport d’évaluation publié cet été par France stratégie qualifie ses résultats de «limités» et constate que seules 4 des 35 mesures «ont été intégralement mises en œuvre». Le gouvernement a esquissé la suite en lançant une concertation avec les collectivités et les associations et en annonçant un «pacte des solidarités» avec quatre axes. Et pour «traiter l’urgence», la Première ministre a indiqué fin novembre à l’Assemblée nationale que 2,3 millions de ménages modestes recevront une prime de Noël. Un nouveau chèque, après les indemnités inflation, chèques énergie, et autres primes de rentrée. Les mesures de soutien aux plus pauvres depuis le début de la pandémie ont certes été amplifiées, mais privilégier les aides exceptionnelles par rapport à des mesures pérennes est devenu une habitude.

La réponse gouvernementale ne peut être efficace sans moyens, et sur ce point, les associations restent aussi dubitatives. Face à l’inflation, des solutions doivent être apportées au plus vite pour prévenir un «drame social», alerte le Secours catholique. Pour ne pas seulement «gérer la pauvreté» mais «permettre aux gens de s’en sortir», celui-ci réclame une revalorisation des minima sociaux à 40 % du revenu médian et des bas salaires et un droit effectif à l’emploi pour les chômeurs de longue durée. A quelques semaines de l’entrée en vigueur de la nouvelle réforme de l’assurance chômage qui va réduire la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi, le Secours catholique appelle le gouvernement «à mesurer l’impact de toutes les décisions de politique publique sur les plus pauvres», souvent «hors de radar». Et sur leurs enfants.

Amandine Cailhol et Anne-Sophie Lechevallier

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Des enfants sans toit ni loi pour les abriter

13 Décembre 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education, #Enfance, #Pauvreté

Scandale : 42 000 enfants sont SDF en France - L'insoumission

Aïcha et Sami, respectivement 10 et 12 ans, dorment dehors depuis six mois. Sara, 28 ans, et sa fille ont été expulsées de leur logement cet été, sans solution de relogement. Chacun raconte ses nuits d’errance, sans sommeil et sans-abri.

Elles sont douze associations à s’être réunies pour publier, en novembre 2019, un manifeste indigné et demander des moyens supplémentaires. Il y a la Fédération des acteurs de la solidarité, la Fondation Abbé Pierre, le Samu Social de Paris ou encore Unicef France. Ces associations indiquent que chaque soir il y a à Paris 700 enfants qui dorment dans la rue avec leurs parents, qu’en France ce sont des milliers d’autres enfants qui sont sans-abri ou très précaires, et que, par ailleurs, 20 000 mineurs vivent à l’hôtel en Île-de-France avec leur famille. En 2019, huit d’entre eux, mineurs, sont morts dans la rue selon le Collectif Morts de la Rue. "Cette situation est indigne de la France, sixième puissance économique mondiale et signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant", ajoutent ces associations.

Les Pieds sur terre sont donc partis à la rencontre de ces enfants sans toit ni loi pour les abriter. Chacun raconte ses nuits d’errance, sans sommeil et sans-abri. À Paris notamment, le nombre de familles à la rue est en forte augmentation et le système d’hébergement d’urgence, saturé. Frère et sœur, Sami et Aïcha, respectivement 12 et 10 ans, dorment dehors depuis six mois.

“Nous n'avons pas d'hébergement. Il y a six mois, nous avons passé notre première nuit dehors. Un monsieur nous a donné des couvertures et nous avons dormi au parc. Ma mère a dormi sur le banc et moi et mes sœurs, nous avons dormi par terre, sur l'herbe. Et parfois l'herbe est mouillée.” Sami

“Mes amis du collège ne sont pas au courant que je dors dans la rue. Parfois, je leur dis que j'ai une maison car si je leur dis la vérité, ils ne vont plus me parler, ils ne vont plus m'aimer. Déjà qu'ils me reprochent de porter toujours les mêmes habits…” Sami

“J'ai peur de devoir rester toute ma vie dans la rue, c'est ça qui me fait flipper.” Sami

“Dès fois, les passants nous regardent bizarrement alors je me cache le visage avec ma capuche. Mais pourquoi croyez-vous que nous sommes là ? On ne fait pas exprès !” Aïcha

“Moi, si j'étais présidente ou maire, je donnerais à toutes les familles qui vivent dans la rue, un logement.” Aïcha

Sara, 28 ans, et sa fille ont été expulsées de leur logement cet été, sans solution de relogement.

“C'est un 28 juin, à 9 heures du matin, que je suis expulsée de mon appartement, juste avant les vacances scolaires. Heureusement, ma fille n'était pas présente à ce moment-là car elle était à l'école. Trois policiers et un huissier ont débarqué. J'étais prise de panique. Je leur ai demandé combien de temps j'avais et ils m’ont dit qu'il fallait faire vite. J'ai donc pris avec moi quelques affaires et je me suis retrouvée dehors, sans relogement... Je me suis effondrée.” Sara

“A 28 ans, on ne s'imagine pas se retrouver dans ce genre de situation avec son enfant. Psychologiquement, c'est dur.” Sara

Merci à Aïcha et Sami, Sara, Nathalie Martz, Samia Abdi et Violette Volson.

Première diffusion : 30/12/2019

Reportage : Olivia Müller

Réalisation : Clémence Gross et Emily Vallat

Musique de fin : The Day The Sun Came de Raashan Ahmad feat. Keren Ann

Des nouvelles

Aïcha et Sami habitent dans un hôtel dans l'Essonne. Aïcha est désormais en troisième et Sami a intégré un lycée professionnel dans le 15e arrondissement de Paris, en spécialité électricité et informatique.

Le père de famille vient d'obtenir un titre de séjour de deux ans et cherche du travail dans le BTP. Les enfants sont également en situation régulière. Reste la maman, à qui on a refusé deux fois de suite un titre de séjour.

La situation est toujours compliquée au quotidien, ils espèrent fort que le père trouvera un travail, ils manquent d'argent et de nourriture pour tous les enfants.

Pour aller plus loin : 700 enfants et leur famille à la rue chaque soir à Paris ! publié le 20 novembre 2019 via Morvan56 sur Mediapart

Sonia Kronlud

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Grande pauvreté - A l’école, des cours d’inclusion pour casser la spirale de la précarité

7 Décembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Pauvreté

Dessin d'Aurel/Le Monde - https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/26/l-ecole-au-defi-de-la-pauvrete_5402157_3224.html

Dessin d'Aurel/Le Monde - https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/26/l-ecole-au-defi-de-la-pauvrete_5402157_3224.html

L’association de lutte contre le grande pauvreté ATD Quart Monde s’attelle à aider le corps enseignant à mieux accompagner les enfants issus de milieux précaires.

Enfant, Jacqueline était toujours «au fond de la classe». «Je ne cherchais pas à comprendre, même pas à savoir si un jour je pourrais faire quelque chose de ma vie», confie cette femme de 56 ans. A l’école, avant même d’avoir l’occasion de montrer qui elle était, elle était cataloguée. Parce qu’issue de la communauté des gens du voyage. Et parce que les familles de son père comme de sa mère étaient considérées comme «les deux pires de la Marne». A l’époque, elle essuie insultes et brimades à longueur de temps. «Entre gamins, c’était “voleurs de poules”, “pouilleux” ; avec les maîtres et maîtresses, c’était “de toute façon, tu vas arrêter [l’école] à 16 ans, pourquoi s’occuper de toi ?”»

Désormais, Jacqueline franchit les portes des écoles de bon cœur. «Pour ne pas reproduire ce que nous on a vécu.» Militante à ATD Quart Monde, elle apporte son expérience de la grande pauvreté afin d’aider l’école à mieux traiter les enfants qui en sont issus. Elle intervient dans le cadre de la recherche-action Cipes (Choisir l’inclusion pour éviter la ségrégation) menée par l’association dans quelques établissements scolaires, qui réunit des parents comme elle et des chercheurs, pour repérer des enfants vivant dans la grande pauvreté, observer les pratiques des enseignants, et in fine lutter contre l’orientation souvent subie par ces élèves.

Car les chiffres sont sans appel : 72,1 % des jeunes de Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) et 80 % des élèves d’Ulis, les Unités localisées pour l’inclusion scolaire (destinées aux enfants en situation de handicap), viennent de milieux défavorisés. Des parcours scolaires qui risquent de les maintenir, une fois adultes, dans la pauvreté. «Dès qu’on sait que la famille a des problèmes sociaux, d’argent, on ne fait pas confiance, on décide à sa place. Aucun enseignant ne mettrait son enfant en Segpa, mais pour ces parents, il dit que c’est très bien, parce qu’il y a moins d’élèves. Il ne dit pas qu’ils ne suivent pas le même programme que dans les autres classes», dénonce Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde et autrice de l’Egale dignité des invisibles : quand les sans-voix parlent de l’école.

Ruser pour attirer les parents

Franck Lenfant l’a vécu : ses trois filles sont allées en Segpa. Cet homme de 53 ans, militant lui aussi à ATD et impliqué dans Cipes, vient également d’une famille de gens du voyage et a eu «de grosses difficultés» à l’école car «souvent insulté, méprisé». Alors, lorsque ses enfants ont démarré leur scolarité, il n’a pas su s’y intéresser. Jusqu’à ce que l’une de ses filles insiste pour qu’il se rende aux réunions parents-profs. «En discutant avec l’institutrice, je me suis aperçu que l’image que j’avais gardée n’était pas forcément la bonne. Et je me suis dit que si je faisais un peu l’effort d’aller voir les instituteurs, peut-être que mes enfants se sentiraient plus considérés par moi et sentiraient que leurs parents étaient considérés», estime-t-il.

«Il ne faut surtout pas s’imaginer que ces parents sont moins intéressés par l’école que les autres. Au contraire, ils croient encore vraiment en l’école de la République, qui va permettre à leurs enfants d’avoir une vie meilleure que la leur», pointe Marie-Aleth Grard. Pour les faire venir sans les intimider, il faut parfois ruser, en organisant par exemple des «cafés des parents», rendez-vous plus détendus et informels qu’une convocation par l’enseignant.

l’école Hélène-Boucher de Mons-en-Barœul (Nord), catégorisée REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé) et membre de Cipes, les parents sont invités à proposer des ateliers au sein de l’établissement. «On essaye de donner une place aux familles, leur donner une nouvelle image de l’école. Si l’enfant sent que ses parents sont en confiance, à la maison il va entendre parler positivement de l’école et ça se répercutera sur son travail», loue Sébastien Fermen, le directeur. A défaut, «vous avez de grandes chances que l’enfant entre dans un conflit de loyauté, remarque Marie-Aleth Grard. De manière inconsciente, il bloque les apprentissages dans sa tête de peur de trahir sa famille, son milieu».

Sans compter que vivre dans la précarité a des conséquences physiologiques. «Le milieu social d’origine entraîne des différences de croissance du cerveau dès l’âge de 4 mois. Dans les familles qui vivent dans la grande pauvreté, l’instabilité très forte en termes de ressources crée du stress chronique. Et quand vous y êtes soumis, vous libérez le cortisol [hormone de stress sécrétée par les glandes surrénales, ndlr] qui se fixe sur des récepteurs dans le cerveau, ce qui a des effets sur le développement cérébral, éclaire Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement à l’université Paris-Cité. Mais il n’y a aucun déterminisme sociologique. La force du cerveau est d’être plastique.»

Le dilemme des devoirs

D’où l’importance d’adapter l’école à ces enfants. Pour aider les enseignants, dont la plupart ont un bac +5 et sont issus des classes moyennes, ATD Quart Monde leur propose des formations à la grande pauvreté. De quoi éviter des incompréhensions. Marie-Aleth Grard cite l’exemple de cette professeure qui, pensant bien faire, avait demandé à un enfant d’apporter un gâteau fait maison pour la fête de l’école, songeant que cela coûterait moins cher que de l’acheter tout fait. L’élève s’est présenté avec un gâteau du commerce. «Quand on vit dans une chambre d’hôtel, on n’a pas de four…», souligne la présidente d’ATD.

A Mons-en-Barœul, l’équipe s’est interrogée sur les devoirs. Selon les textes officiels, il ne faut pas en donner, mais la pratique est courante. «Dans les écoles privées, ils font des devoirs à gogo. Nous, en école publique, on se dit qu’on a des familles en situation difficile, donc qu’on ne va pas en donner. Mais en même temps, on veut les tirer vers l’excellence», expose Sébastien Fermen. Face à ce dilemme, les élèves eux-mêmes ont accouché d’une solution : banaliser une demi-heure hebdomadaire dans l’emploi du temps pour permettre à ceux qui le souhaitent d’apprendre leurs leçons et faire leurs exercices.

L’institution ne peut toutefois pas tout. «L’école, c’est vingt-quatre heures par semaine», rappelle le directeur d’école. «Il faut une politique sociale de logement, plébiscite quant à elle Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, syndicat partenaire d’ATD. Et à l’Education nationale, on manque de personnels de santé et sociaux. Même quand on constate des situations de précarité économique et sociale forte et qu’on sait qu’il faudrait intervenir, on ne peut pas forcément.» Les enfants, eux, restent alors avec leurs difficultés.

Elsa Maudet

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Précarité étudiante : dans les Crous depuis la rentrée, c’est du « jamais vu » avec 1,5 million de repas supplémentaires

6 Décembre 2022 , Rédigé par Huffington Post Publié dans #Education, #Pauvreté

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« Entre l’an dernier et cette rentrée, pour les deux premiers mois, on constate 17 % d’augmentation d’activité », explique la présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous).

ÉCONOMIE - Les étudiants subissent de plein fouet le coût de la vie depuis ces derniers mois et se nourrir devient de plus en plus compliqué. Selon Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), qui gère notamment les restaurants universitaires partout en France, la fréquentation dans ces établissements a atteint un niveau « jamais vu », explique-t-elle à Ouest-FranceUn symptôme de la précarité étudiante marquée ces dernières années par la crise du Covid puis désormais par l’inflation galopante.

« On atteint un taux de fréquentation jamais vu dans l’histoire des Crous », assure Dominique Marchand qui explique qu’« entre l’an dernier et cette rentrée, pour les deux premiers mois, on constate 17 % d’augmentation d’activité », soit 1,5 million de repas supplémentaires. « Ça explique les longues files d’attente à l’entrée des restaurants universitaires ».

Deux formules de repas sont disponible dans les Crous, un repas est à 3,30 euros, et un autre à 1 euro pour les plus précaires. Ces derniers ont été multipliés par trois. « En septembre et octobre, 100 000 repas à 1 € ont été distribués à 10 000 bénéficiaires non boursiers qui nous ont fait cette demande », précise-t-elle.

Ces repas à ce prix-là, « on ne les trouve pas ailleurs »

« Le nombre de boursiers qui mangent dans nos sites a augmenté de 15 %. Mais surtout, il y a une forte hausse de la fréquentation des étudiants non-boursiers. Ils ont mesuré que ces repas, aussi complet et à ce prix-là, on ne les trouve pas ailleurs », a poursuivi Dominique Marchand.

Rappelant que le coût de production d’un repas est de huit euros, mais facturé 3,30 aux étudiants, la présidente du Cnous évoque des difficultés d’approvisionnement, notamment en pommes de terre à cause des mauvaises récoltes ou l’huile à cause de la guerre en Ukraine. Quand ce ne sont pas simplement les fournisseurs en incapacité de fournir les produits. « Les restaurants des Crous s’approvisionnent via une centrale d’achat. Sur certains produits, les ruptures sont conséquentes. Comme les menus sont prévus quinze jours à l’avance, nos équipes sont en difficulté car elles doivent s’adapter à une fréquentation très importante et aux commandes qui ne sont pas honorées, ou pas totalement », précise Dominique Marchand évoquant aussi des difficultés de recrutement de personnel.

Une façon aussi de répondre à la polémique qui a touché le Crous Bretagne, accusé de faire payer le pain-beurre ou de servir des assiettes et sandwichs « minimalistes ». « Ce Crous a voulu harmoniser sa carte entre les différents sites, et développer l’offre végétarienne réclamée par des étudiants (...) Nous avions vérifié qu’en laissant le pain en libre-service, la moitié se retrouvait à la poubelle (...) Je reconnais que ces mesures n’ont pas été suffisamment expliquées », admet Dominique Marchand.

D’après une étude de l’association COP1-Solidarités étudiantes, citée par Le Parisien, 56 % d’étudiants interrogés avouaient ne pas manger à leur faim de manière générale.

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A lire - L'égale dignité des invisibles - Quand les sans-voix parlent de l'école (vidéo)

7 Novembre 2022 , Rédigé par Ed Quart Monde Publié dans #Education, #Pauvreté

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À un moment où les inégalités s’accroissent et où la grande pauvreté augmente dans notre pays, alors que plus de 3 millions d’enfants appartiennent à des familles vivant en dessous du seuil de pauvreté et que la France reste le pays où les origines sociales jouent le plus sur le destin solaire des élèves, ces questions ont été totalement absentes des débats lors des élections présidentielle et législatives qui viennent de se dérouler.

La question de la grande pauvreté et des inégalités scolaires est sortie à nouveau du champ de la visibilité.

Pour la première fois, ce livre donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais et qui sont condamnés au silence.

Pour parler d’eux, de leurs enfants, de leurs expériences, de leurs échecs, de leurs blessures, de leurs humiliations, de leurs regrets, mais aussi de leurs espoirs, de leurs ambitions, de leurs rencontres heureuses avec des femmes et des hommes qui ont su leur tendre la main, de leur reconnaissance et de leurs valeurs. 

Éducateurs, Professeurs, personnels d’encadrement, élus, citoyens, responsables politiques, tous doivent entendre ces voix, lire ces récits.

Ils disent beaucoup de ce que nous sommes. 

Avec brutalité, avec humilité, avec humanité, ces témoignages toujours bouleversants, souvent dérangeants, nous disent aussi beaucoup du chemin que nous avons à parcourir si nous voulons être à la hauteur des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont celles de notre République.

 

Alliée du Mouvement ATD Quart Monde depuis 40 ans et passionnée des questions d’éducation, membre du CESE durant 13 ans et auteure d’un Avis Une école de la réussite pour tous Marie-Aleth Grard travaille actuellement avec d’autres à une recherche sur l’orientation scolaire des enfants de milieu défavorisé.

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Conférence de Mme Najat Vallaud Belkacem - Université Euro Méditerranéenne de Fès (vidéo)

30 Octobre 2022 , Rédigé par Université Euro Méditerranéenne de Fès Publié dans #Environement, #Education, #Pauvreté

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Monde solidaire : l'extrême urgence ? Les candidats répondent - ONE France/Libération

31 Mars 2022 , Rédigé par One France Publié dans #Pauvreté

Le 22 mars dernier, nous avons organisé une journée spéciale en partenariat avec le journal Libération, au théâtre du Rond-Point à Paris, pour interpeller les candidates et les candidats à la présidentielle et leurs porte-paroles sur le retour de l’extrême pauvreté partout sur la planète et ses conséquences. Retrouvez le résumé de cette journée en deux minutes

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Les engagés, avec Najat Vallaud-Belkacem....

13 Mars 2022 , Rédigé par TelesudTV Publié dans #Pauvreté, #Monde

L'ONG One lutte pour la prise en compte de l'extrême pauvreté et la mobilisation des pouvoirs publics sur ce terrain. Najat Vallaud-Belkacem en est la Directrice France. L'organisation forme des jeunes ambassadeurs au plaidoyer dans leur environnement proche.

#najatvallaudbelkacem #one #u2 #bono #sida #tuberculose #malaria #fondsmondial #pauvrete #annees90 #theatredurondpoint #liberation

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Rétro... C'était le 30 janvier 2021...

1 Janvier 2022 , Rédigé par Najat Vallaud-Belkacem Publié dans #pauvreté

« En quelques années, nous pourrions mettre fin à l’extrême misère : qu’attendons-nous ?»
Chacun d’entre nous a intérêt à vivre dans un monde sûr, où la richesse est justement répartie. Nous pourrions y être. Nous n’y sommes pas. Nous avons les moyens d’y être dans dix ans, nous n’en prenons pas le chemin.
L’aide au développement est aujourd’hui notre unique instrument de redistribution planétaire des ressources publiques. Mérite-t-elle les critiques, les caricatures, les procès en inefficacité, gaspillage, détournement, assistanat, néocolonialisme et j’en passe ?
Qu’attend-on pour aider les Français à y voir plus clair, pour pousser les gouvernements à revoir leurs ambitions à la hausse?
Ce livre s’adresse à ceux qui veulent comprendre, réfléchir, et agir.
Librio, Flammarion.
Objectif 2030 : un monde sans extrême pauvreté Pour une solidarité  internationale assumée - Poche - Najat Vallaud-Belkacem - Achat Livre ou  ebook | fnac
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