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Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?
À la rentrée 2019, l’instruction est devenue obligatoire dès 3 ans, au lieu de 6 ans. L’objectif de cette mesure était de faire de l’école maternelle un « véritable tremplin vers la réussite tout au long de la scolarité » pour « faire émerger, grâce à l’école, une société plus juste ». On peut cependant se questionner sur les effets possibles d’une telle décision puisque, bien que non obligatoire, l’école maternelle scolarise déjà depuis les années 1990 la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans. Cela n’a pas empêché que des inégalités de réussite scolaire fortement marquées socialement s’y soient développées.
Les études de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale montrent ainsi qu’à l’entrée au CP, parmi les 10 % d’élèves obtenant les moins bons scores aux évaluations, un tiers ont des parents ouvriers ou inactifs.
La sociologue Marie Duru-Bellat a également souligné que si, à l’école maternelle, les enfants sont déjà inégaux, les écarts tendent à s’accentuer au fil de la scolarité, car « certains enfants “profitent” plus des pédagogies à l’œuvre à ce niveau d’enseignement ». Voilà qui incite à se pencher sur ce qui, au sein de la dimension pédagogique, alimente les inégalités à l’œuvre.
Apprentissages implicites
On sait tout d’abord que, en fonction des conditions matérielles dans lesquelles ils vivent et du capital culturel et scolaire de leurs parents, les enfants arrivent à l’école maternelle avec des expériences fortement diversifiées. Ces expériences les préparent inégalement aux activités scolaires.
C’est ce que montre de manière éclairante l’ouvrage Enfances de classe donnant à voir, entre autres, comment Ashan qui vit seul avec sa mère parlant peu le français dans un foyer de sans-abri, Annabelle dont les parents veillent au quotidien à son développement éducatif ou Valentine qui pratique des loisirs élitistes dans la haute bourgeoisie parisienne « vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde ». Ils n’abordent pas, en conséquence, l’école maternelle et les apprentissages qui s’y jouent avec la même aisance.
D’autres recherches, dans les années 1970, ont mis en évidence que la pédagogie qui s’est développée à l’école maternelle n’est pas neutre socialement. Le sociologue britannique Basil Bernstein a qualifié cette forme de pédagogie d’« invisible » car elle mise prioritairement sur une organisation de la classe mettant à disposition des enfants des activités ou des jeux supposés favoriser en eux-mêmes les apprentissages. L’enfant est laissé relativement autonome pour agir et jouer dans cet environnement considéré comme stimulant, mais les contenus d’apprentissage proprement dits restent de l’ordre de l’implicite.
En France, Jean-Claude Chamboredon et Jean Prévot ou Éric Plaisance ont également insisté sur la proximité de cette approche avec le mode éducatif des classes moyennes et souligné comment, pour les enfants de milieu populaires qui ne sont pas préparés à percevoir les apprentissages implicites qui leur sont proposés à l’école maternelle, cela peut conduire à l’accroissement des inégalités scolaires.
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Des observations plus récentes de classes maternelles ont permis d’approfondir cette dimension en insistant sur les formes de différenciation liées à l’origine sociale qui s’y développent. Muriel Darmon montre par exemple que la rupture entre école et famille qui se joue à l’entrée en petite section se déroule différemment suivant l’origine sociale des élèves. Elle marque une rupture radicale pour les enfants de milieu populaire, elle s’inscrit dans la continuité pour les enfants de classe moyenne.
La sociologue souligne, en outre, que les jugements portés sur les élèves, ou leurs parents, varient fortement selon leur appartenance sociale. Ainsi, les élèves des classes moyennes et supérieures sont décrits comme plus mûrs, plus compétents, ayant une meilleure tenue. Ils font l’objet d’indulgence en cas d’écarts par rapport aux comportements attendus. La non-participation des élèves des classes populaires aura tendance, au contraire, à être interprétée comme relevant de difficultés d’ordre psychologique, amenant à naturaliser ce qui relève en fait du social.
Enfin, plusieurs travaux récents se sont intéressés à la construction des inégalités scolaires dans les pratiques pédagogiques au sein des classes d’école maternelle. Ces travaux montrent que, comme pour les niveaux ultérieurs de scolarité, certaines pratiques pédagogiques tendent à brouiller pour les élèves de milieux populaires les enjeux d’apprentissage et que ceux-ci en restent le plus souvent aux aspects les plus formels de la tâche qui leur est proposée. Ainsi une activité centrée sur la reconstitution de phrases à partir d’étiquettes-mots pourra être essentiellement perçue comme une activité de découpage/collage pour les enfants qui n’en perçoivent pas la dimension cognitive.
Ils soulignent également comment l’enseignant tend à moduler son action en fonction des perceptions qu’il a de ses élèves et de leurs aptitudes, les interactions privilégiant alors des modalités plus fermées et restreintes pour les élèves les plus en difficulté, renforçant encore leurs prédispositions initiales.
Au-delà des étiquettes pédagogiques
Le fait de mettre en place une pédagogie différente change-t-il la donne ? L’observation d’activités d’inspiration montessorienne fait apparaître certains processus similaires. Ainsi, les formes d’activités autonomes laissent une faible part à la régulation des activités par l’enseignant et, de ce fait, permettent peu de rétroaction avec les élèves, notamment avec ceux qui ne s’approprient pas les tâches proposées sur le mode attendu.
Cet aspect est encore renforcé dans le cas des activités inspirées de la pédagogie Montessori par le fait que le type d’activité et sa durée sont laissés au libre choix de l’enfant. Ainsi, ceux déjà engagés dans une logique scolaire auront tendance à choisir les activités les plus exigeantes intellectuellement, quand d’autres vont en rester à des activités moins rentables scolairement.
En revanche, on peut noter que l’engagement des élèves dans les activités d’inspiration montessorienne est généralement plus fort. La distinction pédagogie alternative/pédagogie ordinaire n’est donc pas en soi un gage de réduction des inégalités scolaires en maternelle et il convient, au-delà de l’étiquette pédagogique mise en avant, de regarder avec précision ce qui se met en place en termes d’apprentissage pour l’ensemble des élèves.
Finalement, on pourrait penser que la pédagogie à l’école maternelle produit les inégalités. Ce serait négliger que l’on peut également observer dans les classes des moments d’ouverture des apprentissages, y compris pour les élèves considérés en difficulté. En effet, un certain nombre de situations montrent que les interactions qui se nouent au cours des activités scolaires, notamment entre l’enseignant et les élèves, peuvent amener ces derniers à reconsidérer leur manière d’appréhender les activités scolaires qui leur sont proposées, y compris pour des élèves considérés en difficulté.
Cela peut se produire quand les indices qui permettent d’identifier les savoirs en jeu sont explicités (par exemple quand la connaissance du son que produisent certaines lettres est utilisée pour distinguer des mots différents). Cela s’observe également quand l’enseignant part de la difficulté propre à un élève pour le guider, mais en lui laissant une part de la réflexion à accomplir lui-même.
Ces moments d’ouverture des apprentissages restent cependant relativement ponctuels et les enseignants n’ont souvent pas la disponibilité nécessaire pour les repérer et y consacrer leur attention, alors qu’ils constituent un élément essentiel aux apprentissages, notamment pour les élèves qui ne peuvent trouver de telles opportunités à l’extérieur de la classe. Ainsi, si la pédagogie participe à la construction des inégalités scolaires, c’est également en grande partie par elle que passe leur réduction.
Ariane Richard-Bossez, Maitre de conférences (MESOPOLHIS, Aix-Marseille Université, CNRS, Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?
Selon l'environnement familial et le milieu social d'où ils viennent, les enfants s'adaptent plus ou moins facilement aux exigences scolaires. Les pédagogies alternatives changent-elles la donne ?
Maternelle : l’autonomie des enfants, nouvelle priorité éducative ?
L’« autonomie » de l’enfant est devenue un leitmotiv de la société actuelle. Les institutions éducatives la recherchent, tout comme les parents. Et le monde du marketing n’est pas en reste : il nous a été donné de voir une paire de chaussures vantée pour… ses scratchs censés développer l’autonomie de leur très jeune propriétaire !
Comment comprendre l’omniprésence de cette valeur contemporaine ? Quels en sont les enjeux ? Critiquer cette quête de l’autonomie enfantine est-il possible ? Ces questions supposent de revenir sur l’histoire des représentations du développement psychologique de l’enfant, ainsi que sur l’histoire de l’école.
En effet, l’évolution du statut de l’enfant à l’école maternelle est emblématique de la montée en puissance de ces injonctions à l’autonomie. Dans les années 1960-70, cette institution était considérée comme un « avant », voire un « ailleurs », vis-à-vis de l’école, préparant certes aux disciplines scolaires mais étant aussi un lieu de jeux et de fêtes, marqué par des relations affectives entre les enfants et la maîtresse.
Depuis les années 1980, les politiques éducatives n’ont eu de cesse de réformer cette institution pour la réorienter sur la transmission des apprentissages scolaires. La maternelle a été de plus en plus pensée comme le premier moment de l’école, jusqu’à devenir obligatoire en 2019. Davantage que jadis, les enseignants doivent y justifier leur travail et montrer que de nombreux apprentissages ont lieu, réalisations des enfants à l’appui.
Des émotions aux apprentissages
Une logique « productiviste » se met ainsi en œuvre dès l’entrée en maternelle (2-3 ans). Les maîtresses n’ont pour ainsi dire plus le temps d’apprendre à l’enfant à devenir élève, mais ont besoin qu’il le soit déjà pour mener à bien les multiples activités scolaires attendues, avec un rythme dense. Dans ce contexte, se développent des attentes d’autonomie de l’enfant, aux multiples facettes.
Il s’agit d’abord d’une autonomie dans les apprentissages scolaires : savoir se concentrer, réaliser seul une tâche jusqu’au bout, décoder les informations nécessaires pour la bonne réalisation de l’activité, etc.
Il s’agit aussi d’une autonomie affective. L’enfant doit vite jouer son rôle d’élève, ce qui suppose un certain état émotionnel : capacité à ne pas jouer avec les camarades lors des moments d’activité par exemple, « maîtrise » de certaines émotions peu propices au travail scolaire, etc.).
Il s’agit enfin d’une autonomie dans la gestion de ses propres soins corporels. Les maîtresses de maternelle se pensent, plus encore que jadis : elles sont également plus diplômées, ce qui n’est pas sans lien), comme des enseignantes. Dès lors, elles considèrent que ce n’est pas de leur ressort de s’occuper de la dimension corporelle et hygiénique de l’enfant. Les enfants s’avèrent ainsi bien moins accompagnés notamment aux toilettes qu’il y a une cinquantaine d’années.
Ces attentes d’autonomie ne touchent pas que l’école maternelle. À la crèche, Catherine Bouve s’inquiète d’évolutions similaires. Nous avons pu constater que plusieurs crèches considèrent le développement de l’autonomie comme plus important que le développement de la sociabilité, par exemple.
Cette autonomie est alors notamment travaillée dans le cadre de l’habillage, du déshabillage, ou lors des moments de repas. Il s’agit de savoir faire seul, et tôt, sans avoir besoin de l’adulte.
Une forme d’individualisme
Plusieurs critiques peuvent être énoncées face à cette recherche d’autonomie enfantine. Premièrement, il apparaît que l’autonomie pourrait porter en creux la vision d’un individu n’ayant presque plus besoin des autres. Une forme d’individualisme, voire de solipsisme, pourrait être contenu au sein même de la notion. Cela est d’autant plus problématique que, côté enfant, l’apprentissage suppose toujours une interaction, un accompagnement par un autre, qui ouvre des voies nouvelles, ce que Vygotski nomme « zone proximale de développement ».
Certaines pédagogies actuellement en vogue qui mettent au centre la notion d’autonomie, notamment d’inspiration montessorienne, aboutissent à limiter les moments collectifs en classe, par exemple, en supprimant les coins « regroupement » à l’école maternelle, symboles d’un apprentissage en commun (entre enfants, et entre enfants et adulte).
Du côté affectif, il paraît aussi nécessaire de rappeler que l’enfant a besoin de liens. Même si les travaux de Bowlby ont été travaillés et en partie nuancés depuis les années 1950-60, ils avaient montré la nécessité de l’attachement (et du regard « positif » de l’adulte) pour que l’enfant développe un rapport « secure » de soi à soi.
À ce titre, certains ouvrages à destination des parents d’aujourd’hui (ici encore, d’inspiration montessorienne) inquiètent lorsqu’ils font primer l’activité individuelle et solitaire de l’enfant sur la relation à autrui, et ce, dès l’âge du bébé. C’est négliger que toute réalisation personnelle s’inscrit aussi dans un collectif, une communauté, qui lui donne sens et constitue un horizon d’attente.
Ces questions se posent d’autant plus du côté des enfants qui possèdent le moins de ressources à jouer ce rôle d’apprenant solitaire et autonome. Les enfants de milieu populaire ont moins été acculturés à jouer ce rôle d’élève ou pratiquer des jeux éducatifs ; les enfants vulnérables au niveau psychoaffectif (ceux par exemple qui ont subi des violences) ont sûrement davantage besoin d’une attention spécifique, etc.
Dès lors, on saisit que la notion d’autonomie peut être le cache-sexe d’une logique de déresponsabilisation de la prise en charge des moins bien dotés. Au-delà de la petite enfance, il est par exemple attesté que les logiques qui entourent la prise en charge des chômeurs en réfèrent de plus en plus à des logiques de responsabilisation et d’« autonomie » (puiser en soi, en ses ressources supposées, être « acteur », plutôt que d’être accompagné par autrui ou la collectivité).
Dans les institutions de la petite enfance, l’enfant qui n’apprend pas comme attendu, ou ne joue pas la partition émotionnelle attendue, peut alors se voir reprocher son manque d’autonomie, qui peut aussi éventuellement être renvoyé aux parents.
Liberté ou mise en ordre ?
On saisit ainsi que l’autonomie est, in fine, liée à la notion d’ordre social. Que ce soit à l’école ou dans la famille, l’enfant autonome est un enfant qui fait seul, et précocement, ce que l’on attend de lui, sans que l’adulte ait besoin de le lui rappeler. Il est donc aussi profondément obéissant.
La croissance de la notion d’autonomie nous paraît à corréler à des attentes de mises en ordre sociales plus affirmées, fussent-elles en apparence parfois moins visibles. Ce n’est pas un hasard que la notion d’autonomie connaisse aussi un grand succès dans le monde du travail. Le travailleur contemporain n’est pas dirigé à la baguette ; il a des marges d’initiative dont il est attendu qu’il se saisisse pour être créatif, force de proposition, de plus en plus performant, etc. Les écarts à cette discipline implicite n’en sont pas moins dûment réprimandés.
En somme, la recherche d’autonomie de l’enfant pourrait être liée à la diffusion de valeurs néo-libérales : dissolution des solidarités, valorisation des « potentiels » supposés de chacun, délaissement des moins bien dotés, dans une société où la contestation est de moins en moins possible.
Initialement, le mot d’« autonomie » veut dire « se fixer ses propres règles », ce qui paraît très loin de l’usage actuel de la notion, qui consiste plutôt à se conformer à l’ordre social le plus tôt possible, et sans qu’il y ait besoin de rappel, au point même que l’on oublie qu’il s’agisse qu’une injonction (cela semble venir de l’enfant).
Pour conclure, la notion pourrait être retournée contre l’usage qui en est aujourd’hui fait, pour identifier des visions de l’éducation contraires à celles que nous venons de décrire. Accéder à l’autonomie serait apprendre, notamment grâce à autrui, à remettre en cause ces attentes de mises en ordre précoces, possiblement différentes de ce que l’individu-enfant veut pour lui-même et qui reste à inventer.
Ghislain Leroy, Maître de conférences en sciences de l'éducation, chercheur au laboratoire CREAD, Université Rennes 2
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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A propos des classes maternelles... Par Christophe Chartreux
« Depuis que je suis enseignante, je me suis très souvent remise en question » ; « Il est nécessaire d’avoir des idées biodégradables en pédagogie. Il faut se débarrasser des stéréotypes » ; J’adore inventer des situations nouvelles pour vois comment vont réagir les enfants » ; « Mes lectures ? Des livres de pédagogie, de linguistique, de psychologie de l’enfant, et pas seulement du Dolto… ».
Mais quel est ce Professeur d’Ecole qui s’exprime aussi librement, avec autant d’enthousiasme ? Certainement une « mordue » qui ne décrochera plus.
Oui mais seulement voilà…
C’est une veinarde : elle enseigne en maternelle, la section « chouchoute », l’univers clos, protégé, à l’écart des conflits et du démon de l’échec scolaire. En maternelle, ni examen, ni sanction. De plus, c’est la vitrine de la recherche pédagogique. Bref la maternelle est une oasis, un lieu d’expression et d’épanouissement épargné par les contraintes.
Coin-poupées, coin-cuisines, coin-livres…Des images aux couleurs vives accrochées partout aux murs…Un cochon d’Inde dans une cage, la mascotte des enfants…L’énorme calendrier où sont notés les anniversaires…En rouge et en gros caractères le di-manche...Des bouts de moquette de toutes les couleurs où l’on s’assoit pour lire, en puisant à pleines mains dans de grands paniers remplis de livres…Nathalie s’est mise à part ; elle prépare la cuisine des poupées…Tout à l’heure sera « le temps des mamans » où chacune d’elles viendra dans la classe chercher son enfant, en prenant tout le temps qui lui sera nécessaire…C’ est qu’elle a bien changé l’école maternelle. Hier on y exécutait les ordres au sifflet ; aujourd’hui elle est le salon de l’innovation pédagogique, enviée par le monde entier ! Lentement mais sûrement, la scolarisation des tout-petits (2 ans) progresse. Personne ne conteste plus les apports d’une école maternelle vivifiée par les recherches pédagogiques et par l’application de méthodes nouvelles :
- elle permet de repérer très tôt les handicaps
- elle offre de meilleures chances pour la réussite scolaire ultérieure
Il convient néanmoins de nuancer ces indiscutables réussites. L’école maternelle n’efface pas la tare indélébile du système éducatif, à savoir la reproduction des inégalités sociales. Le fils d’ouvrier/employé qui rentre à l’école à trois ans n’a guère d’espoir, statistiquement parlant, de mieux réussir sa scolarité primaire que son camarade fils de cadre, lequel ne l’aura pourtant rejoint qu’en CP. Et la créativité des professeurs d’école en maternelle n’est pas encore pour eux un passeport pour la réussite scolaire. Hélas !
A ce sujet, il est nécessaire de souligner que les professeurs d’école exerçant en maternelle pratiquent un militantisme pédagogique hors du commun. La liste des « charmes » de l’école maternelle, trop longs à énumérer, est le résultat de ces réflexions en commun, de ces permanentes remises en question, de l’ébullition pédagogique qui font envier notre école maternelle partout dans le monde :
- Le dialogue parents/enseignants y est plus qu’encouragé. Les parents ont le droit d’entrer dans les classes, de s’attarder avec les autres parents et enseignants
- Certains parents mettent la main à la pâte et participent à l’animation de l’école
- Les heures d’accueil peuvent être modulées en fonction du rythme des enfants
- La sonnerie est très souvent supprimée
- Dans les écoles où sont scolarisés les « 2 ans », ceux-ci entrent après les « géants » de 5 ans afin d’éviter les bousculades
- L’enfant est astreint au code collectif de vie mais il peut choisir ses activités, avancer à son rythme
- L’enseignant est délivré de programmes imposés trop contraignants, des carnets de notes et des devoirs
- L’enseignant peut prendre son temps, observer, écouter et attendre tel ou tel bambin.
Mais les premiers sombres nuages commencent à s’accumuler au-dessus de nos écoles maternelles.
On a dit et répété aux parents qu’elles préparaient, qu’elles conditionnaient l’avenir scolaire des enfants. Désormais la maternelle est de plus en plus intégrée dans la stratégie scolaire. (En particulier dans les milieux aisés). Certains vont jusqu’à se persuader qu’intégrer le CP à 5 ans offrira plus de chances à leur progéniture pour « faire » Normale Sup. ou Polytechnique. Les professeurs d’école maternelle font l’objet d’une cour (d’une pression ?) insistante de la part des parents qui souhaitent voir leur enfant savoir lire à 5 ans, voire 4. On veut désormais une maternelle performante, mieux organisée, bref qui « produise » des effets visibles rapidement. Et la maternelle se mue, peu à peu, en antichambre du CP. C’est une erreur formidable ! Mais elle résulte :
- de la pression que d’aucuns font peser sur les parents par un discours lamentablement alarmiste et non dépourvu d’arrières pensées politiques.
- d’une période incertaine où « avenir » rime souvent avec « chômage ».
Il est à craindre que d’autres demandes croissantes pesant sur cette école ne fassent voler en éclats ce qui assurait les belles heures de la maternelle :
- la liberté pédagogique
- l’inventivité et la prise en compte des innovations pédagogiques
- l’absence de contraintes
- la prise en compte du développement de l’enfant sanctionnée par son évolution et par elle seule
Tout ce qui n’existe plus en élémentaire
Christophe Chartreux
Pour changer (vraiment) l'école
6- La recherche pdagogique nest pas entendue, et ceci depuis des dcennies (On ne peut donc laccuser des maux et dfauts de notre enseignement) I - Analyse de lՃcole et de son contexte (cette partie...
Quand le touche-pipi dépasse le jeu d'enfants, le dilemme éthique des enseignantes de maternelle
EXTRAIT
Il faut se garder de criminaliser certains gestes qui relèvent de la curiosité enfantine, tout en étant capable de discerner quand un comportement mérite d'être signalé à la justice.
Jouer au docteur, embrasser «sur la bouche» un copain ou une copine, baisser le pantalon ou regarder sous la jupe des filles... En maternelle, ces expériences des petits sont fréquentes, surtout au printemps, quand les vêtements sont plus légers et que de grandes complicités sont nées entre les enfants. Expression de la curiosité enfantine pour le corps de l'autre, le «monde des grands» et le mystère des origines, il s'agit d'une étape normale que l'adulte accompagne en répondant avec des mots simples et précis aux questions des enfants: «Qu'est-ce qu'un garçon? Une fille?», «D'où viennent les bébés?», «Quand peut-on avoir un amoureux ou une amoureuse?»
L'école maternelle est souvent le principal lieu de socialisation à cet âge, c'est en son sein que l'enfant découvre l'autre et apprend à le respecter. Nous utilisons des jeux, des livres, des poupées et poupons, pour nommer les parties du corps, montrer celles qui relèvent de l'intimité et que l'autre n'a pas le droit de toucher, surtout si l'on n'est pas d'accord. Sans dramatiser les jeux entre enfants, l'enseignante trace aussi clairement que possible la limite de l'intime qui ne doit pas être franchie. «Dès le plus jeune âge, explique la psychologue et psychanalyste Héloïse Castellanos-Colombo, on doit apprendre à s'affirmer et à refuser avec véhémence ce qui dérange de la part des autres enfants.»
(...)
Maëliss Rousseau
Suite et fin en cliquant ci-dessous
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Quand le touche-pipi dépasse le jeu d'enfants, le dilemme éthique des enseignantes de maternelle
Temps de lecture: 8 min Jouer au docteur, embrasser "sur la bouche" un copain ou une copine, baisser le pantalon ou regarder sous la jupe des filles... En maternelle, ces expériences des petits sont
http://www.slate.fr/story/211408/enfant-touche-pipi-reperer-violences-sexuelles-ecole-maternelle
Pourquoi tant de haine contre l’école maternelle ?
La réforme des programmes de l’école maternelle vise notamment à multiplier les évaluations avant d’entrer au cours préparatoire, à coups de tests et de bilans de compétences.
Tribune. L’école maternelle bénéficie d’une image très positive et est appréciée de tous, comme l’atteste le fait que quasiment tous les enfants âgés de 3 ans et plus soient scolarisés, et cela depuis près de deux décennies, comme le notait en 2017 un rapport de l’Inspection générale. Malgré cela, le Conseil supérieur des programmes (CSP) vient de publier un document consternant appelé «Note d’analyse et de propositions sur les programmes de l’école maternelle». Il a pour visée de réformer l’école maternelle de façon à l’enfermer dans une seule de ses missions, celle de préparer au cours préparatoire, ou plus précisément aux tests d’entrée au cours préparatoire. C’est donc un changement d’identité de l’école maternelle qui se prépare.
La concomitance de deux événements qui, apparemment, n’ont rien à voir entre eux doit nous alerter : pile au moment où le Parlement examine une loi qui interdit l’instruction à domicile, le CSP publie un projet de refonte des programmes de l’école maternelle. Mais d’abord, pourquoi réformer l’école maternelle ? Le CSP est bien embarrassé pour répondre à cette question. Les auteurs de la note justifient la refonte des programmes par l’obligation d’instruction à partir de 3 ans inscrite dans la loi de 2019, puis par l’obligation de scolarisation qui va être votée. Mais eux-mêmes ne semblent pas croire à cet argument, d’autant que toutes les études montrent que ces mesures ne peuvent avoir d’incidence sur la fréquentation de l’école.
On se souvient qu’en 2019, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait tenté d’introduire dans sa mal nommée loi sur «l’école de la confiance», une mesure rendant obligatoire la scolarisation à partir de 3 ans afin que les municipalités soient obligées de financer l’école maternelle privée. Le Conseil constitutionnel avait retoqué cette mesure et le ministre avait dû se contenter du fait que la loi porte uniquement sur l’obligation d’instruction. Mais il n’allait pas en rester là : l’obligation de scolarisation réapparaît par le biais de l’article 21 du projet de loi «respect des principes de la République» (anciennement appelée loi sur le séparatisme) qui stipule : «l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés». Ainsi chassée par la porte, l’obligation de scolarisation revient par la fenêtre et est invoquée à point nommé pour justifier une refonte des programmes de l’école maternelle. Mais ce n’est qu’un prétexte. La refonte des programmes vise à satisfaire trois partis pris ministériels : concentrer l’enseignement sur les «fondamentaux» ; accélérer les apprentissages avec l’idée que cela ferait gagner des points dans les comparaisons internationales, piloter le système éducatif par l’évaluation.
A l’épreuve des tests
Le ton est donné par le mantra ministériel «lire, écrire, compter», (ou sa variante «lire, écrire, compter, respecter autrui») que les auteurs de la note psalmodient à intervalles réguliers. Mais que signifie «lire» ou «écrire» dans le texte du CSP ? On connaît la boutade d’Alfred Binet, le psychologue qui mit au point les premiers tests de QI, et qui, lorsqu’on lui demandait de définir l’intelligence, répondait : «c’est ce que mesure mon test», avec humour. Mais c’est sans humour que le CSP envisage la lecture uniquement sous l’angle des tests que passent désormais les élèves à l’entrée du cours préparatoire. De la riche palette des activités scolaires destinées à initier les enfants de maternelle au fonctionnement de l’écrit et à la culture de l’écrit, notamment grâce à la fréquentation de la littérature de jeunesse, il ne devrait donc subsister que les exercices qui visent à des apprentissages strictement techniques puisque ces derniers sont mesurés par les tests.
S’il est vrai que l’école maternelle prépare les élèves à entrer au cours préparatoire, est-il bien raisonnable de focaliser toute la scolarité en maternelle sur ce seul objectif, surtout si l’unique indicateur retenu est la réussite aux tests d’entrée au CP ? Les auteurs de la note en sont persuadés et ils fulminent contre les enfants de maternelle dont ils dressent un portrait calamiteux, quasiment haineux, parce que les résultats nationaux aux tests ne répondent pas à leur attente. Et au lieu de se demander si des tests auxquels l’ensemble des élèves échoue sont bien adaptés à leur âge, ils préfèrent croire que ce sont les élèves qui ne sont pas adaptés aux tests…
Les auteurs de la note ne se sont autorisés à consulter que trois chercheurs en grâce auprès du ministre et en ont interprété les propos, se privant ainsi des apports de la recherche en sociologie, linguistique de l’acquisition, didactique, etc. qui permettent de comprendre l’école maternelle. C’est dommage. Ils nous auraient épargné des remarques qui confinent souvent à l’absurde ou des propositions puisées dans le répertoire de l’école élémentaire, voire du collège, comme si cela pouvait hâter la croissance des petits de maternelle. Ils se seraient abstenus de se plaindre que les élèves de maternelle ne maîtrisent pas les marques des relations de cause et de conséquence, parce qu’ils auraient su qu’elles s’acquièrent plus tard. Ils auraient évité de préconiser aux maîtres de petite section d’exiger d’enfants de 3 ans qu’ils reformulent leur propos jusqu’à arriver à une forme correcte, car ils auraient su que le grand défi des enseignants de petite section est d’amener les enfants à oser prendre la parole en classe. Ils auraient évité de dire des élèves qui ne savent pas encore écrire qu’ils doivent tenir un «cahier de mots» comme on le fait à l’école élémentaire ou au collège…
Le bilan de compétences des enfants
Tous ceux qui connaissent l’école maternelle sont atterrés par cette note du CSP, qui s’attache à détruire toute l’expérience acquise par l’école maternelle à travers une attaque frontale contre un programme qui avait reçu l’assentiment de la communauté éducative. Cela pour satisfaire une frénésie évaluative qui trouve son point d’orgue dans la proposition de faire un bilan de compétences des enfants de 3 ans, lors de leur entrée en petite section. Pour terminer sur une note optimiste, on signalera qu’il reste malgré tout un passage à sauver de cette note du CSP, celui où est formulé le souhait que les enseignants bénéficient de plus de formation et que les effectifs des classes soient moins nombreux.
Sylvie Plane - professeure émérite de sciences du langage, ancienne vice-présidente du Conseil supérieur des programmes
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Pourquoi tant de haine contre l'école maternelle ?
Tribune. L'école maternelle bénéficie d'une image très positive et est appréciée de tous, comme l'atteste le fait que quasiment tous les enfants âgés de 3 ans et plus soient scolarisés, et...
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La start-up nation commence désormais en maternelle...
EXTRAIT
Jeudi 10 décembre, mes collègues et moi étions très occupées à rattraper chez quelques jeunes élèves les effets d’une déscolarisation prolongée, lorsque nous avons eu connaissance d’une note émanant du CSP. Laquelle note formule des propositions pour une modification des programmes de maternelle.
Un changement de programme. Il ne manquait plus que cela pour achever une année qui nous a vu construire à marche forcée un enseignement à distance, puis un enseignement hybride au printemps, puis une grande reprise en main éducative au mois de septembre avec des enfants qui ont passé six mois loin de l’école. Nous commençons tout juste à pouvoir construire de nouveaux apprentissages, à trouver une organisation avec un protocole sanitaire qui semble enfin s’être stabilisé… Nous voilà sommées de nous projeter dans une nouvelle logique pédagogique. Je l’avoue, j’étais passablement irritée lorsque j’ai commencé la lecture des cinquante pages de la Note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de l’école maternelle (ça ne s’est pas amélioré par la suite).
Dans sa forme et son ton, le texte est un peu décousu. Après une introduction sur les « enjeux de la maternelle » et un paragraphe sur le jeu, on trouve trois chapitres : un sur le langage, un sur les nombres, et un dernier sur les sciences.
UNE IMAGE NÉGATIVE DES ENSEIGNANTS ET DES ÉLÈVES
La première moitié du document adopte un ton plutôt blessant pour les enseignants, les élèves et les familles. Grâce à « l’instruction obligatoire à partir de 3 ans », l’école maternelle devient une « école à part entière », « une école de l’exigence et de l’ambition ». Je découvre qu’en travaillant en maternelle depuis douze ans, jusqu’ici, je n’étais pas enseignante « à part entière ». Plus loin, on demande aux enseignants de « renoncer à parler bébé », ils apprécieront. On est dans la veine de la communication du ministère depuis la nomination de Jean-Michel Blanquer : nier l’expertise de l’enseignant, le traiter comme un exécutant.
Les élèves, eux, sont regardés sous l’angle de leurs déficits et non de leurs potentiels : « Nombre d’entre eux arrivent à l’école à l’âge de 3 ans en parlant un français très éloigné de celui qu’ils vont apprendre à lire et à écrire. Il s’agit d’abord d’une pauvreté de vocabulaire et de sa compréhension approximative ou erronée. »
À ce stade, il faut rassurer les familles : l’immense majorité des enfants de 3 ans possède toutes les capacités pour acquérir ces compétences au cours des années suivantes. En effet, si l’on prend les résultats de l’évaluation nationale de début de CP de 2019 fournis par la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ), 85,8 % des élèves réussissent l’épreuve « comprendre des textes à l’oral », 84% réussissent à l’épreuve « comprendre des phrases à l’oral » [1].
Les passages consacrés aux nombres et aux sciences ont un ton plus consensuel. Ils correspondent davantage à ce que j’attends d’un programme : décrire les processus d’apprentissage, proposer des démarches d’enseignement que l’on juge plus efficaces ou plus appropriées, mettre en garde contre des oublis ou des pratiques sources de malentendus chez l’élève, et enfin fixer des objectifs d’apprentissage.
Voilà pour la forme, et sur le fond, que dit-elle, cette note ?
(...)
Maëliss Rousseau
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La start-up nation commence désormais en maternelle
Jeudi 10 décembre, mes collègues et moi étions très occupées à rattraper chez quelques jeunes élèves les effets d'une déscolarisation prolongée, lorsque nous avons eu connaissance d'une n...
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Maternelle - « Quel nouveau programme ? », « Ah bon ? Qui a dit ça ?! », « C’est quoi cette histoire encore ? »
EXTRAIT
Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a rendu publique une Note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de la maternelle, le ministre de l’Éducation nationale lui ayant confié pour mission de se pencher sur ce niveau en 2020-2021. Cette note a provoqué beaucoup d’émoi chez les professeurs des écoles, en particulier ceux enseignant en maternelle : elle semble préfigurer des programmes centrés sur l’enseignement quasi exclusif des mathématiques et du français, et destinés à faire réussir aux élèves les tests passés à l’entrée en CP, plutôt qu’à leur faire apprendre ce qui leur sera nécessaire pour réussir au cours de leur scolarité.
« Quel nouveau programme ? », « Ah bon ? Qui a dit ça ?! », « C’est quoi cette histoire encore ? », « Ce n’est pas sûr encore… Si ? », « Encore ?! Ras le bol ! », « Mais faut vraiment qu’ils mettent leur grain de sel partout ! », « Et ça va servir à quoi de changer de programme ? », « Et c’est encore le yo-yo ! Un coup c’est ci, et après ça, et maintenant re-ci, pfffff... », « Et c’est quoi le but ? »
Voici quelques réactions qui ont surgi quand j’ai demandé à mes collègues s’ils étaient informés qu’un nouveau programme pour l’école maternelle allait surgir du chapeau ministériel. Pour faire simple, la première réaction a été une surprise, parfois agacée, parfois teintée de lassitude blasée. Un orage, ça finit toujours par passer…
Mais, au fait, c’est quoi un programme ? Plus ou moins explicitement, un programme a deux visées. La première est de donner les grandes orientations, il recèle les buts sociopolitiques de ses créateurs. Par exemple, dans le programme 2015 était écrit « L’école maternelle est une école bienveillante, plus encore que les étapes ultérieures du parcours scolaire. Sa mission principale est de donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité. Elle s’appuie sur un principe fondamental : tous les enfants sont capables d’apprendre et de progresser. En manifestant sa confiance à l’égard de chaque enfant, l’école maternelle l’engage à avoir confiance dans son propre pouvoir d’agir et de penser, dans sa capacité à apprendre et réussir sa scolarité et au-delà. »
Sont donc ici exprimés une visée émancipatrice dépassant le cadre scolaire (l’enfant y apprend à penser et agir par lui-même, à devenir un être singulier dans le collectif, la réussite visée n’étant pas seulement scolaire), ainsi que le postulat que tout enfant peut apprendre, quels que soient son origine, son milieu de vie, ses difficultés.
La deuxième visée d’un programme est de préciser ce que les enfants-élèves doivent apprendre en classe pour avancer avec réussite sur le chemin de l’école, et comment les enseignants doivent s’y prendre. Le fait par exemple d’indiquer que l’enfant apprend en jouant, en résolvant des problèmes, nécessite pour l’enseignant de maternelle de mettre en place des environnements et situations d’enseignement-apprentissage où l’enfant joue pour apprendre, où l’enfant résout des problèmes pour apprendre. Y sont également présentés, de façon plus précise, des gestes professionnels tel que « l’enseignant s’adresse aux enfants les plus jeunes avec un débit ralenti de parole » (programme de 2015).
(...)
Rachel Harent
Professeure des écoles dans le Finistère
À lire également sur notre site
L’École maternelle par celles et ceux qui la font vivre par Rachel Harent
« L’école maternelle, est une école à part entière, école première où l’on apprend ensemble ! », lettre ouverte au ministre de l’Éducation nationale
Jean, Sofiane, Shaïma et Pauline, avant-propos de notre n° 517 "Tout commence en maternelle", par Christophe Blanc et Valérie Neveu
La réussite pour tous en CP : oui, mais comment ? Par Claude Seibel
Suite et fin en cliquant ci-dessous
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La maternelle, " enfin " une école ?
" Quel nouveau programme ? ", " Ah bon ? Qui a dit ça ?! ", " C'est quoi cette histoire encore ? ", " Ce n'est pas sûr encore... Si ? ", " Encore ?! Ras le bol ! ", " Mais faut vraiment qu'ils ...
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Petit tour en maternelle... Ecrit en 2006... Les menaces évoquées sont en passe de devenir réalités...
« Depuis que je suis enseignante, je me suis très souvent remise en question » ; « Il est nécessaire d’avoir des idées biodégradables en pédagogie. Il faut se débarrasser des stéréotypes » ; J’adore inventer des situations nouvelles pour vois comment vont réagir les enfants » ; « Mes lectures ? Des livres de pédagogie, de linguistique, de psychologie de l’enfant, et pas seulement du Dolto… ».
Mais quel est ce Professeur d’Ecole qui s’exprime aussi librement, avec autant d’enthousiasme ? Certainement une « mordue » qui ne décrochera plus.
Oui mais seulement voila…C’est une veinarde : elle enseigne en maternelle, la section « chouchoute », l’univers clos, protégé, à l’écart des conflits et du démon de l’échec scolaire. En maternelle, ni examen, ni sanction. De plus, c’est la vitrine de la recherche pédagogique. Bref la maternelle est une oasis, un lieu d’expression et d’épanouissement épargné par les contraintes.
Coin-poupées, coin-cuisines, coin-livres…Des images aux couleurs vives accrochées partout aux murs…Un cochon d’Inde dans une cage, la mascotte des enfants…L’énorme calendrier où sont notés les anniversaires… En rouge et en gros caractères le dimanche... Des bouts de moquette de toutes les couleurs où l’on s’assoit pour lire, en puisant à pleines mains dans de grands paniers remplis de livres… Nathalie s’est mise à part ; elle prépare la cuisine des poupées… Tout à l’heure sera « le temps des mamans » où chacune d’elles viendra dans la classe chercher son enfant, en prenant tout le temps qui lui sera nécessaire… C’ est qu’elle a bien changé l’école maternelle. Hier on y exécutait les ordres au sifflet ; aujourd’hui elle est le salon de l’innovation pédagogique, enviée par le monde entier ! Lentement mais sûrement, la scolarisation des tout-petits (2 ans) progresse. Personne ne conteste plus les apports d’une école maternelle vivifiée par les recherches pédagogiques et par l’application de méthodes nouvelles :
- elle permet de repérer très tôt les handicaps
- elle offre de meilleures chances pour la réussite scolaire ultérieure
Il convient néanmoins de nuancer ces indiscutables réussites. L’école maternelle n’efface pas la tare indélébile du système éducatif, à savoir la reproduction des inégalités sociales. Le fils d’ouvrier/employé qui rentre à l’école à trois ans n’a guère d’espoir, statistiquement parlant, de mieux réussir sa scolarité primaire que son camarade fils de cadre, lequel ne l’aura pourtant rejoint qu’en CP. Et la créativité des professeurs d’école en maternelle n’est pas encore pour eux un passeport pour la réussite scolaire. Hélas !
A ce sujet, il est nécessaire de souligner que les professeurs d’école exerçant en maternelle pratiquent un militantisme pédagogique hors du commun. La liste des « charmes » de l’école maternelle, trop longs à énumérer, est le résultat de ces réflexions en commun, de ces permanentes remises en question, de l’ébullition pédagogique qui font envier notre école maternelle partout dans le monde :
- Le dialogue parents/enseignants y est plus qu’encouragé. Les parents ont le droit d’entrer dans les classes, de s’attarder avec les autres parents et enseignants
- Certains parents mettent la main à la pâte et participent à l’animation de l’école
- Les heures d’accueil peuvent être modulées en fonction du rythme des enfants
- La sonnerie est très souvent supprimée
- Dans les écoles où sont scolarisés les « 2 ans », ceux-ci entrent après les « géants » de 5 ans afin d’éviter les bousculades
- L’enfant est astreint au code collectif de vie mais il peut choisir ses activités, avancer à son rythme
- L’enseignant est délivré de programmes imposés trop contraignants, des carnets de notes et des devoirs
- L’enseignant peut prendre son temps, observer, écouter et attendre tel ou tel bambin.
Mais les premiers sombres nuages commencent à s’accumuler au dessus de nos écoles maternelles. On a dit et répété aux parents qu’elles préparaient, qu’elles conditionnaient l’avenir scolaire des enfants. Désormais la maternelle est de plus en plus intégrée dans la stratégie scolaire. (En particulier dans les milieux aisés). Certains vont jusqu’à se persuader qu’intégrer le CP à 5 ans offrira plus de chances à leur progéniture pour « faire » Normale Sup. ou Polytechnique. Les professeurs d’école maternelle font l’objet d’une cour (d’une pression ?) insistante de la part des parents qui souhaitent voir leur enfant savoir lire à 5 ans, voire 4. On veut désormais une maternelle performante, mieux organisée, bref qui « produise » des effets visibles rapidement. Et la maternelle se mue, peu à peu, en antichambre du CP. C’est une erreur formidable ! Mais elle résulte :
- de la pression que d’aucuns font peser sur les parents par un discours lamentablement alarmiste et non dépourvu d’arrières pensées politiques.
- d’une période incertaine où « avenir » rime souvent avec « chômage ».
Il est à craindre que d’autres demandes croissantes pesant sur cette école ne fassent voler en éclats ce qui assurait les belles heures de la maternelle :
- la liberté pédagogique
- l’inventivité et la prise en compte des innovations pédagogiques
- l’absence de contraintes
- la prise en compte du développement de l’enfant sanctionné par son évolution et par elle seule
Tout ce qui n’existe plus en élémentaire...
Christophe Chartreux
PS: M. Blanquer et sa réforme de la maternelle auront donc bientôt dépassé mes craintes...
Réforme - "Maternelle : Mireille Brigaudiot : "On va vers des échecs considérables"
EXTRAIT
" On va vers des échecs considérables en CP. Les enfants, surtout en REP, seront perdus devant le « charabia » des correspondances graphèmes – phonèmes le jour de la rentrée". Spécialiste de l'apprentissage du langage, Mireille Brigaudiot analyse la Note du CSP sur les nouveaux programmes de maternelle.
Voici les caractéristiques de ce texte :
L’opportunité : profiter de la scolarité obligatoire à 3 ans pour écrire un autre Programme.
Le but : imposer les documents Blanquer déjà en ligne (lecture et vocabulaire).
Les moyens : les approches scientifiques (il y en a 2, et seulement 2, celles de Dehaene et Bentolila).
Le style du texte : beaucoup de copier – coller, sans tenir compte des incohérences que cela entraîne souvent.
Les disparitions catastrophiques: l’évaluation positive et le Langage
Sur l’évaluation des élèves, en 2015, le groupe de rédaction avait choisi de faire un pas de géant vers une école moins injuste : l’évaluation positive, définie comme les progrès d’un enfant par rapport à lui-même. Elle devenait le geste le plus professionnel qui soit. Elle supposait un maître, formé, ayant des connaissances développementales (scientifiques !) et des objectifs de fin de cycle clairs considérés comme noyaux durs pour un bon démarrage en CP. Tout ça a disparu de ce texte. Pour la formation, on remarquera qu’elle est évoquée par la seule phrase du texte au conditionnel : « il conviendrait de consacrer des heures de formation… ». Pour l’évaluation des élèves, on doit se reporter aux évaluations actuelles de début CP. Et comme on le sait, celles-ci ont fait apparaître un scandale : les enfants entrant au CP ne savent pas lire…
(...)
Mireille Brigaudiot
Maître de conférence en sciences du langage
A propos du guide Les mots de la maternelle
En maternelle, que faire de la circulaire de rentrée ?
Suite et fin à lire en cliquant ci-dessous. Et c'est TRES inquiétant!
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Maternelle : Mireille Brigaudiot : "On va vers des échecs considérables"
" On va vers des échecs considérables en CP. Les enfants, surtout en REP, seront perdus devant le " charabia " des correspondances graphèmes - phonèmes le jour de la rentrée". Spécialiste de ...
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"Une note du CSP annonce un nouveau programme de maternelle"
EXTRAITS
Epargnée jusque là, l'école maternelle va elle aussi être profondément modifiée par JM Blanquer. Arguant de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, le Conseil supérieur des programmes (CSP) définit un recadrage important du programme de maternelle. La nouvelle école maternelle sera celle des fondamentaux, des évaluations nationales (de le PS à la GS), des listes de vocabulaire et surtout de la préparation de l'évaluation de CP. Car l'école maternelle sera axée sur la préparation à l'entrée en CP. Alors que les programmes existants donnent toute satisfaction, le ministre fait plus qu'amener un nouveau programme. Il construit une véritable rupture dans la culture professionnelle des enseignants de maternelle.
(...)
Etablir les fondamentaux
Le premier objectif de la maternelle devient "permettre une entrée en CP réussie". " L’école maternelle acquiert un nouveau statut : elle devient une école à part entière, un lieu qui constitue le premier jalon de la scolarité. Il lui revient d’établir les fondements, éducatifs et pédagogiques, qui permettront aux enfants de bénéficier des meilleures conditions pour aborder, dès le cours préparatoire, l’apprentissage des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui". Il est précisé d'ailleurs que les enseignants devront "se conformer à des protocoles précis" pour enseigner en maternelle.
On ne trouvera donc dans la Note de définition du nouveau programme que pour le français, les maths et les sciences. Tout le reste disparait. L'école maternelle se recentre sur les fondamentaux.
Fabriquer des français
L'accent est mis sur le langage, ce qui n'est pas une nouveauté à l'école maternelle. Mais l'approche est toute autre. " Si le programme en vigueur affirme bien « la place primordiale du langage comme condition essentielle de la réussite de toutes et de tous », il ne met pas suffisamment l’accent sur la « langue », orale et écrite, comme premier moyen d’entrer dans les apprentissages et comme condition de la réussite scolaire".
Voilà la nouvelle présentation de l'apprentissage de la langue : " Le langage désigne une faculté d’expression et de communication qui recouvre diverses formes, mais aussi un immense défi de conceptualisation et d’énonciation que l’Homme a relevé. Ainsi, pour l’être humain, le langage remplit une fonction essentielle intimement liée au fait qu’il soit doué de pensée. C’est dans une langue déterminée que le langage réalise sa fonction proprement humaine... Cette langue est d’abord celle de son milieu familial, sa langue maternelle. À l’école maternelle, l’enfant apprend la langue française qui est la langue de la Nation, creuset commun qui lui est ouvert dès l’âge de 3 ans. Cette langue, facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, constitue le socle de son identité en France et dans le monde". Car l'école maternelle a pour mission de fabriquer des Français.
(...)
François Jarraud
A lire intégralement en cliquant ci-dessous
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Une note du CSP annonce un nouveau programme de maternelle
Epargnée jusque là, l'école maternelle va elle aussi être profondément modifiée par JM Blanquer. Arguant de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, le Conseil supérieur des programmes (CSP)...
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