litterature
Coup de coeur... Philippe Sollers...
(reçu à Paris le mardi 14 avril 1981 à 17 heures)
Le 12 Avril 81
« Dimanche des Rameaux »
Mon amour,
Deux jours d’effondrement physique : sommeil, sommeil et sommeil. Un peu mieux aujourd’hui. Pas encore retrouvé la « main ». La « main », c’est le moment où le corps tout entier est précédé par un halo du cerveau qui a déjà formé les phrases avant qu’elles arrivent. Question d’apesanteur. Six mois de lourdeur — c’est-à-dire d’identité — « c’est moi » — etc…
Temps splendide aujourd’hui — après deux jours de brume et de pluie douce. Soleil mouillé, mais fort, insistant, et aussitôt le vent tourne au jaune, le bleu au blanc — et l’ensemble à la transparence d’avant la couleur. Tout est couvert de fenouil (l’odeur, écrasée dans la main, est fabuleuse). Giroflées. Soucis.
J’ai regardé, ce matin, l’intronisation solennelle du Grand Rabbin Sirat — nouveau Grand Rabbin de France1. Il y avait là un officiant à la voix de ténor très souple, récitant de l’hébreu à toute allure — on aurait dit Paradis. Modulation des ondes. Le chandelier brûlant depuis le fond des temps. C’était très beau, clandestin, désespéré, triste, ferme, et sublime.
Ci-joint une carte de Saint-Étienne d’Ars sur qui le soleil vient se coucher, à l’ouest. Le vent du nord-ouest a soufflé légèrement toute la journée.
Je me sens suspendu — très loin, à vrai dire. Comme si la parution du volume 1 (navette spatiale) m’avait projeté tout à fait ailleurs2.
Je pense, le plus froidement possible, à l’idée du « roman public »3. J’ai écrit deux pages. Ça pourrait être amusant.
Vive le Gâteau4 ! Je t’aime plus que jamais (souligné deux fois), je t’embrasse —
Ph
reçu à Paris le jeudi 16 juillet 1981 à 9 heures.
(mercredi) Le Martray, le 15 juillet 81
Mon amour,
Si je m’écoutais, je te téléphonerais tout le temps… Rien d’autre à faire, au fond, sinon travailler, nager, retravailler, dormir, travailler. Le tennis m’amuse : il s’agit de calculer les coups… Ça me rappelle quand j’avais 12 ou 14 ans, légèreté, souplesse, bondissements — j’en suis loin ! Mais, tout de même, certaines finesses reviennent spontanément… Rien ne se perd tout à fait… L’œil, le bras, le long de la ligne… Mon revers est meilleur que mon coup droit… Je renvoie mieux que je n’attaque… Trop sur la défensive… L’habitude d’être attaqué… Tu connais ce mot de Baudelaire à propos de Manet ? « Il n’a pas l’air de se rendre compte que plus l’injustice augmente, plus sa situation s’améliore1. » C’est beau, non ?
Paysage impassible, toujours en mouvement. Je suis là depuis des siècles…
J’avance rapidement dans Femmes — la difficulté est de garder en même temps Paradis 2 sous la main. Femmes, ça va être du Paradis appliqué, ponctué, déplié, figuratif — la démonstration consistant à mettre en évidence que la 4ème dimension contient la 3ème sans que le contraire soit vrai.
C’est curieux et drôle (j’espère). Idée : une sorte de Possédés2 des temps modernes. Dérision de tout…
Le Gâteau est un chef-d’œuvre. Repose-toi. Garde bien le Veineux3.
Je t’aime, je t’embrasse —
Coup de coeur... Louis Aragon...
Nous autres femmes, c’est peut-être là ce qui fait notre grandeur, ou tout au moins notre sagesse. Mais cependant exposées que nous sommes à toutes sortes de dangers, dont le moindre n’est pas l’opinion qu’on se fait trop vite de nous, nous ne devons donner prise ni à la médisance, ni à la sévérité. Or, une jeune fille, presque une enfant, vous permettez ? n’est-ce pas, je songe à Marie-Jeanne, une enfant salir ses yeux et son imagination avec de tels livres, des auteurs dont elle n’oserait pas même prononcer devant quelqu’un le nom synonyme de… enfin d’un tas de choses.
Louis Aragon - Les Cloches de Bâle
Coup de coeur... Octave Mirbeau...
Quels sont les habitudes, les plaisirs préférés de ceux-là que vous appelez, mon cher, "des esprits cultivés et des natures policées" ? L’escrime, le duel, les sports violents, l’abominable tir aux pigeons, les courses de taureaux, les exercices variés du patriotisme, la chasse… toutes choses qui ne sont, en réalité, que des régressions vers l’époque des antiques barbaries où l’homme – si l’on peut dire – était, en culture morale, pareil aux grands fauves qu’il poursuivait. Il ne faut pas se plaindre d’ailleurs que la chasse ait survécu à tout l’appareil mal transformé de ces mœurs ancestrales. C’est un dérivatif puissant, par où les "esprits cultivés et les natures policées" écoulent, sans trop de dommages pour nous, ce qui subsiste toujours en eux d’énergies destructives et de passions sanglantes. Sans quoi, au lieu de courre le cerf, de servir le sanglier, de massacrer d’innocents volatiles dans les luzernes, soyez assuré que c’est à nos trousses que les "esprits cultivés" lanceraient leurs meutes, que c’est nous que les "natures policées" abattraient joyeusement, à coups de fusil, ce qu’ils ne manquent pas de faire, quand ils ont le pouvoir, d’une façon ou d’une autre, avec plus de décision et – reconnaissons-le franchement – avec moins d’hypocrisie que les brutes… Ah ! ne souhaitons jamais la disparition du gibier de nos plaines et de nos forêts !
Octave Mirbeau - Le Jardin des supplices
Coup de coeur... Nancy Huston, "Lignes de faille"...
A propos de Solly, elle dit au bout d'un moment, je voulais lui acheter un cadeau avant de quitter New York. J'ai passé une heure assez cocasse à sillonner le grand magasin de jouets de la 44e Rue... Je n'arrêtais pas de penser à l'obession de Tess pour la sécurité, alors je me disais: OK, voyons, ça c'est une grue magnifique mais Sol pourrait avaler le crochet et ça se coincerait dans ses intestins et provoquerait une hémorragie interne... Ah! voici une formidable panoplie de chimiste, mais c'est plein de trucs qui flambent et qui pètent et qui pourraient l'empoisonner... Bon, eh bien, ce train électrique m'a l'air sympa... mais Sol pourrait s'électrocuter par mégarde... Hmmm... L'un après l'autre tous les jouets du magasin se sont transformés en armes mortelles, avides d'attaquer et de détruire mon arrière-petit-fils. Alors, j'ai renoncé, et du coup je suis arrivée les mains vides.
Nancy Huston - Lignes de faille
Coup de coeur... Mona Azzam...
" Soudain, tout bascule, toute une vie, toute ta vie se met à voltiger sous ton regard ébahi.
Il a suffi d’un parfum, d’un déclic olfactif pour que le présent se fige.
Arrêt sur image. L’image de moi, cette re-présentation d’un temps autre, écoulé, fané, jauni, qui s’imprime sur la toile de l’existence et sur laquelle je me focalise, concentrée, tendue, arc-boutée sur ces bribes de vie refoulées dans les tiroirs de la mémoire.
En ce matin de mai, j’assiste à ce spectacle suranné, en spectatrice mutique lors même que je tenais le premier rôle, passant ainsi, à la vitesse du son, du statut d’acteur au statut de spectateur.
Sur la photo, c’est moi ; une image de moi, un moi autre..."
Mona Azzam - Nous nous sommes tant aimés
Coup de coeur... Lou Darsan...
Elle oublie son prénom, mais elle ne se noie pas. Elle s'arrache à l'eau glacée, elle grelotte, le bleu des lèvres comme celui des yeux. À quatre pattes sur le limon, et le corps hors de contrôle. Elle se lève et chancelle. Tombe. Se relève, s'appuie sur la paroi. Les dents qui s'entrechoquent, un nouveau rythme, un son auquel s'accrocher pour tenir debout. À grand gifles, elle se frappe les bras, le sternum, le ventre, les fesses, les cuisses. Elle frappe le sol avec les pieds. Elle foule le limon, elle rebondit, les paupières closes, elle écoute ses dents, son torse est une transe désordonnée, elle ne sait plus où sont ses jambes, elle se cogne, son bassin est un pendule. Elle est articulation & cœur & peau & sang. Elle est femme-qui-danse-sous-la-montagne.
Lou Darsan - L'arrachée belle
Coup de coeur... Marie Nimier...
« Il faut imaginer une campagne modeste, légèrement défigurée, sans exagération. Au fond de la vallée, notre vallée, s’élèvent des bâtiments entourés d’orties. Il ne s’agit pas d’une ferme abandonnée. Les orties, c’est nous qui les avons plantées.
Les orties, c’était mon idée.
Vue du ciel, la maison principale, celle que j’habite avec Simon et nos deux enfants, Anaïs et Noé, respectivement dix-sept et treize ans, semble petite comparée aux constructions alentour. Les granges sont recouvertes de tôles plates ou ondulées. Certaines, tapissées d’une mousse épaisse, donnent envie d’être un oiseau pour y plonger le bec. D’autres, mangées par la rouille, se transforment au fil des années en dentelles si fines qu’on se demande comment elles tiennent au vent.
Et ce jour-là, il y a du vent. Un vent d’ouest qui apporte la pluie. L’histoire commence un jeudi. Elle commence au printemps, le 28 mars très exactement. Je suis en train de trier les cagettes entassées près de l’ancien fenil quand apparaît un bruit du côté de la route, comme une contraction de paupière dans le paysage, ce qu’on appelle, je crois, une impatience. À mesure que je l’écoute, le bruit prend corps, se répétant à intervalles réguliers, sans que je puisse savoir s’il est effectivement plus fort ou si c’est moi qui l’entends mieux. La sonnette d’un vélo ? Des bouteilles qui s’entrechoquent ? Une clochette au cou d’un animal ?
Je m’avance, cherchant à voir au-delà des draps qui sèchent sur le fil. Rien. Je monte sur le tracteur pour élargir mon champ de vision. Je m’attends à trouver une chèvre égarée près du bras mort de la rivière, ce n’est pas plus compliqué que ça, une chèvre ou un mouton, me dis-je pour me rassurer, même s’il ne reste plus l’ombre d’un troupeau dans la région, et qu’il n’y a aucune raison objective de s’inquiéter. Pourtant oui, à cet instant, mon cœur se met à battre plus vite, et plus vite encore quand le bruit s’interrompt. Le silence s’étire pendant quelques secondes, je reste suspendue, en équilibre sur le marchepied. J’ai l’impression que quelqu’un m’observe.
Je me retourne : quelqu’un m’observe.
Marie Nimier - Le palais des orties
Najat Vallaud-Belkacem : « Je suis une obsessionnelle de la lecture »
EXTRAITS
Après Hubert Védrine, et Clémentine Autain, la troisième invitée de la bibliothèque des politiques est une femme de gauche qui a décidé de prendre de la distance avec la politique, ancienne ministre de légalité hommes-femmes et de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem a reçu Guillaume Gonin. Au menu : une discussion à bâtons rompus sur les livres, la littérature, l’écriture et la politique. Joyeux !
(...)
En 2017, vous êtes espérée comme première secrétaire d’un Parti socialiste aux abois. Finalement, vous choisissez de diriger une collection chez Fayard. Les livres, c’est la continuation de la politique par d’autres moyens ?
Najat Vallaud-Belkacem : C’est exactement ça. J’ai considéré que si nous avions eu les bons arguments pour convaincre les Français en 2017, nous les aurions convaincus ! Il n’y a pas de secret. Les bons arguments, c’est à la fois les bons projets, et les bons mots. Continuer, comme un hamster dans sa roue, me semblait être une erreur. Donc, j’ai préféré prendre du recul pour les repenser. Et c’est vrai que c’est la politique par d’autres moyens car, en réalité, tout ce que j’ai fait depuis 2017 s’apparente à cela.
(...)
C’est aussi en tant qu’auteure que vous abordez cette question des mots, comme en conclusion de la « Société des Vulnérables », votre dernier livre paru dans la collection des Tracts de Gallimard – dans lequel vous dénoncez le discours guerrier de la gestion de la pandémie, masculinisant à outrance les réponses à la crise et reléguant en deuxième voire troisième ligne la notion plus féminine de « care » …
Najat Vallaud-Belkacem : Absolument. Au fond, si je devais résumer ce que j’ai fait ces trois dernières années, je dirais que depuis 2017 j’ai délibérément refusé d’être dans le commentaire de la petite phrase d’actualité. Parce que cela empêche de penser. De la même façon que les heures que vous passez à scroller votre fil twitter ne font pas avancer vos analyses d’un pouce, passer sa vie à regarder le monde par le petit bout de la lorgnette du traitement de l’actualité immédiate vous rend myope aux grands mouvements, aux tectoniques de plaques en cours, aux idées reçues ou aux résistances structurelles toujours présentes dans les sociétés sur un nombre de sujets … Après les années gouvernementales que j’avais vécues, j’avais besoin de réfléchir plus longuement, plus posément, à tout cela.
A l’Education nationale, notamment ?
Najat Vallaud-Belkacem : Oui. Par exemple, pourquoi certaines de nos réformes qui visaient à élever le niveau général de l’éducation en France et pour tous les élèves passaient immédiatement pour de l’égalitarisme niveleur par le bas ? Qu’est-ce qui se joue ? Comment aurait-il fallu les amener, les présenter ? Parce que je reste convaincue que le rôle d’une Education Nationale est bien d’élever le niveau de tous les élèves et que tous sont éducables. Clairement, il y a sur ces sujets des nœuds profonds dans la société qu’il faut apprendre à dénouer, sauf à baisser les bras et céder à la fatalité actuelle d’une école de moins en moins mixte socialement, et d’un destin scolaire gravé dans le marbre de votre condition sociale dès le plus jeune âge.
La question de l’enseignement du latin et du grec était typique de cette hystérisation des débats …
Najat Vallaud-Belkacem : L’hystérisation, oui. Ce qui aide à relativiser c’est de comprendre la permanence et la récurrence d’un certain nombre de procès et de débats. Peut-être le savez-vous, j’ai une admiration sans borne pour Jean Zay. Figurez-vous qu’à lui aussi on faisait les mêmes procès – y compris sur le latin. Ce sont toujours les mêmes les mêmes accusations qui sont portées aux ministres qui cherchent à introduire de l’équité dans les opportunités de réussite offertes par le système scolaire. C’est dur, évidemment, ces procès, c’est injuste, mais comprendre les intentions de ceux qui vous les font, vous aide à ne pas perdre de vue vos objectifs.
(...)
La lecture et les livres, aussi.
Najat Vallaud-Belkacem : (Rires) Là-dessus, mes enfants me trouvent pénible, et je dois reconnaitre que je suis un peu obsessionnelle avec ce sujet. Oui il faut lire, oui le meilleur service qu’on puisse rendre à un jeune c’est de mettre un livre entre ses mains ! Quand je me rendais dans les établissements en tant que ministre et que j’avais affaire à des élèves qui ne lisaient pas spontanément, je ne cessais de leur expliquer que la littérature fait voyager et rêver, bien sûr, mais qu’au-delà de ça, la littérature met des mots sur votre réalité. Et ça, c’est incroyablement précieux. La littérature vous aide à y voir plus clair dans votre vie, à voir les embûches. Rien d’autre n’offre cela. Et comme la littérature est infinie, tous les cas de figure, toutes les situations ont déjà été racontées, donc vous finirez forcément par y trouver la vôtre, vos états d’âme, vos interrogations, votre complexité, vos peines, vos joies … Et c’est si merveilleux de pouvoir se comprendre soi-même dans ce miroir-là ! Je passe énormément de temps à rappeler cela à mes enfants … (Rires) J’essaie de les faire adhérer à mes lectures d’enfance et d’adolescence : ça marche moyen-moyen. Mais, de temps en temps, j’ai de bonnes surprises.
En tant qu’ancienne ministre de l’Education, en tant que mère aussi et surtout, estimez-vous que le combat des livres contre l’écran et les divertissements faciles est mal engagé ?
Najat Vallaud-Belkacem : Malheureusement, oui. Je ne peux pas vous dire le contraire, c’est un vrai problème. D’ailleurs, ce n’est pas parce que, quand j’étais ministre de l’Education, j’ai œuvré sur la question du numérique à l’école que je suis fan du tout écran ! Au contraire, je suis la première à être sévère sur cette question – mes enfants en savent quelque chose. Et c’est précisément pour cela que je pense si important que l’école apprenne aux enfants à utiliser le numérique à bon escient et à réguler cette utilisation. Je suis partisane aussi de mettre les développeurs de jeux vidéo et créateurs de contenus devant leurs responsabilités en la matière : cesser de pousser toujours plus loin les mécanismes visant à créer l’addiction, y compris pour des publics très jeunes et puis aussi développer sérieusement des jeux vidéo à la fois attractifs et instructifs, parce que franchement ça manque et, croyez-moi, ce n’est pas faute d’avoir cherché …
(...)
A l’Éducation nationale, pendant trois ans, vous n’avez donc pas lu de romans ?
Najat Vallaud-Belkacem : Si, j’ai tout de même volé du temps, rassurez-vous. Mais c’était le dimanche, difficilement en semaine, et dans les quelques déplacements à l’étranger en avion. Pour cela, c’est extraordinaire les vols ! Mais c’est vrai qu’une des choses que j’ai le plus appréciées à partir de 2017 ça a été ça : maitriser mon temps d’évasion.
Vous rappelez-vous de votre premier saut en librairie, mi-mai 2017 ?
Najat Vallaud-Belkacem : J’ai souvenir de ça à Villeurbanne, avec mes enfants – mais c’était un salon du livre.
Pour la promotion de votre livre, « La vie a plus d’imagination que toi ? »
Najat Vallaud-Belkacem : Non, mon livre est sorti en février ou en mars 2017, ce qui n’était pas stratégique du tout, à une période où c’était condamné à passer sous les radars – non, en vrai, il a plutôt très bien marché. En fait, il est tout simplement sorti quand j’ai fini de l’écrire ! (Rires) Je trouve que ça raconte assez bien mon rapport à la politique, finalement : je ne suis pas stratège pour un sou. Non, le salon du livre dont je vous parle est en mai ou en juin. Et c’est vrai que retrouver des rangées de livres sans aucune exigence, obligation, c’était très plaisant.
(...)
Les professeurs ou instituteurs vous ont-ils ouvert à la lecture ?
Najat Vallaud-Belkacem : Honnêtement, comme tout le monde, j’ai eu des professeurs de français qui ont été parfois aidants, parfois vraiment dans l’impulsion et l’encouragement, et je les en remercie. Mais ce n’est pas forcément ce qui a joué le rôle le plus décisif pour moi dans ce rapport à la lecture. C’est pour cela que je dis qu’il faut arrêter de considérer que les seuls éducateurs sont les enseignants : il y a tout un écosystème autour des élèves. Parfois, c’est beaucoup plus prescripteur pour les élèves de se voir conseiller la lecture d’un livre par un copain ou par un éducateur sportif parce que précisément ce sera vu comme autre chose qu’une obligation scolaire. Certains ont la chance d’avoir leurs parents, aussi, pour cela. Chacun doit donc jouer son rôle dans cet écosystème. Pour revenir à moi donc c’est plutôt l’absence d’autres canaux d’évasion qui m’a poussé vers les livres. Au début, c’est des « Mon bel oranger » de José Mauro de Vasconcelos ou « Les quatre filles du Docteur March » de Louisa May Alcott. Et puis votre aventure littéraire s’enrichit. Mais je ne voudrais pas en tirer comme conclusion que pour qu’un enfant arrive à la lecture il faille le mettre dans un environnement extrêmement sommaire (Rires). Donc, toute ma question est celle-ci : comment peut-on transmettre l’amour de la littérature à des enfants qui ont mille autres occasions de se divertir, de voyager ? Vous, par exemple, comment êtes-vous venu à la littérature ?
(...)
Un conseil de lecture pour terminer, votre dernier coup de cœur ?
Najat Vallaud-Belkacem : « Le Chardonneret », de Donna Tartt. C’est le livre qui m’a fait claironner partout : j’ai adoré, adoré, adoré. Bon j’ai surtout pleuré tout le temps en fait (Rires). Pour résumer, sans spoiler : c’est un gamin qui vit seul avec sa mère. Cela se passe aux Etats-Unis. Un jour, elle reçoit un message du proviseur de l’établissement disant qu’il faut venir, car son fils s’est mal comporté. Le lendemain, ils y vont ensemble. Elle est irritée bien sûr. Ils arrivent un peu en avance, et elle propose d’aller regarder des tableaux dans le musée en face. Et il va se passer quelque chose dans ce musée qui bouleversera à tout jamais la vie de cet enfant. Tout ça sous les yeux d’un petit tableau magnifique, le Chardonneret. Voilà je ne peux pas vous en dire plus, il faut le lire maintenant.
(...)
Guillaume Gonin
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Vallaud-Belkacem : "Je suis une obsessionnelle de la lecture" - Ernest Mag
Après Hubert Védrine, et Clémentine Autain, la troisième invitée de la bibliothèque des politiques est une femme de gauche qui a décidé de prendre de la distance avec la politique, ancienne...
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