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Vivement l'Ecole!

litterature

Coup de coeur... Jean Rouaud...

28 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

Résultat de recherche d'images pour "jean rouaud les champs d'honneur"

Le crachin n'a pas cette richesse rythmique de l'averse qui rebondit clinquante sur le zinc des fenêtres, rigole dans les gouttières et, l'humeur toujours sautillante, tapote sur les toits avec un talent d'accordeur au point de distinguer pour une oreille familière, les matériaux de couverture: ardoise, la plus fréquente au Nord de la Loire, tuile d'une remise, bois et tôles des hangars, verre d'une lucarne. Après le passage du grain de traîne qui clôt la tempête, une voûte de mercure tremblote au-dessus de la ville. Sous cet éclairage vif-argent, les contours se détachent avec une précision de graveur: les accroche-cœur de pierre des flèches de Saint-Nicolas, la découpe des feuilles des arbres, les rémiges des oiseaux de haut vol, la ligne brisée des toits, les antennes-perchoirs. L' acuité du regard repère une enseigne à 100 mètres- et aussi l'importun qu'on peut éviter. Les trottoirs reluisent bleu comme le ventre des sardines vendues au coin des rues, à la saison. Les autobus passent en sifflant, assourdis, chassant sous leurs pneus de délicats panaches blancs. Les vitrines lavées de près resplendissent, le dôme des arbres s'auréole d'une infinité de clous d'argent, l'air a la fraîcheur d'une pastille à la menthe, la ville repose comme un souvenir sous la lumineuse clarté d'une cloche de cristal.

Son dernier livre

zoom

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Coup de ceour... Serge Joncour...

27 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

 
Sept heures du soir, c'est l'heure où l'avenir est immédiat, à sept heures du soir si l'on n'y voit pas bien clair au-dedans de soi on risque de tout rater, le dîner, la soirée, la nuit, la journée du lendemain, un couple en crise un soir d'été, c'est la plus façon qu'a le jour de tomber.
Il étira les jambes, pencha la tête en arrière, flottant dans un de ces moments où il n'y a plus de question, de ces instants tissés de filaments de bien-être.

Pour la première fois de sa vie il explorait ce moment-là du jour où l'aujourd'hui bascule vers le demain.

Ne pas pouvoir s'aimer, c'est peut-être encore plus fort que de s'aimer vraiment, peut-être vaut-il mieux s'en tenir à ça, à cette très haute idée qu'on se fait de l'autre sans tout en connaître, en rester à cette passion non encore franchie, à cet amour non réalisé mais ressenti jusqu'au plus intime, s'aimer en ne faisant que se le dire, s'en plaindre ou s'en désoler, s'aimer à cette distance où les bras ne se rejoignent pas, sinon à peine
du bout des doigts pour une caresse, une tête posée sur les genoux, une distance qui permet tout de même de chuchoter, mais pas de cri, pas de souffle, pas d'éternité, on s'aime et on s'en tient là, l'amour sans y toucher, l'amour chacun le garde pour soi, comme on garde soi sa douleur, une douleur ça ne se partage pas, une douleur ça ne se transmet pas par le corps, on n'enveloppe pas l'autre de sa douleur comme on le submerge de son ardeur. C'est profondément à soi une douleur. L'amour comme une douleur, une douleur qui ne doit pas faire mal.
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Coup de coeur... Florence Aubenas...

26 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

 
"- Je sais que je n'ai pas de rendez-vous, mais je voudrais juste vous demander de supprimer mon numéro de téléphone sur mon dossier. J'ai peur qu'un employeur se décourage, s'il essaye d'appeler et que ça ne répond pas.
- Pourquoi ? demande l'employée, qui est aujourd'hui une blonde de petite taille.
- il ne marche plus.
- Qu'est-ve qui ne marche plus ?
- mon téléphone.
- Pourquoi il ne marche plus ?
- On me l'a coupé pour des raisons économiques.
- mais vous ne pouvez pas venir comme ça. Il faut un rendez-vous.
- bon, on va se calmer. Je recommence tout : je voudrais un rendez-vous, s'il vous plaît, madame.
La jeune femme blonde paraît sincèrement ennuyée. "je suis désolée, monsieur. On ne peut plus fixer de rendez-vous en direct. Ce n'est pas notre faute, ce sont les nouvelles mesures, nous sommes obligés de les appliquer. Essayez de nous comprendre. Désormais, les rendez-vous ne se prennent plus que par téléphone.
- mais je n'ai plus le téléphone.
- il y a des postes à votre disposition
au fond de l'agence, mais je vous préviens : il faut appeler un numéro unique, le 39 49, relié à un central qui vient d'être mis en place. Il est pris d'assaut. L'attente peut-être longue.
- Longue ?
- Parfois plusieurs heures".
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Coup de coeur... Vercors...

25 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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Le ciel est vide, c'est vrai, mais on a beau le savoir, on ne s'habitue pas. On ne s'habitue pas à ce que nos actes n'aient aucun sens ... - que les bons comme les mauvais engendrent au hasard les bienfaits ou la pestilence ... Dieu est toujours, toujours muet ... Nous n'avons, pour fonder le bien et le mal, que le sable mouvant des intentions ... Rien ne vient nous guider...

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Coup de coeur... Dino Buzzati..

24 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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Jusqu’alors, il avait avancé avec l’insouciance de la première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite. On chemine placidement, regardant avec curiosité autour de soi, il n’y a vraiment pas besoin de se hâter, derrière vous personne ne vous presse, et personne ne vous attend, vos camarades aussi avancent sans soucis, s’arrêtant souvent pour jouer. Du seuil de leurs maisons, les grandes personnes vous font des signes amicaux et vous montrent l’horizon avec des sourires complices ; de la sorte, le cœur commence à palpiter de désirs héroïques et tendres, on goûte l’espérance des choses merveilleuses qui vous attendent un peu plus loin ; on ne les voit pas encore, non, mais il est sûr, absolument sûr qu’un jour on les atteindra.

Est-ce encore long ? Non, il suffit de traverser ce fleuve, là-bas, au fond, de franchir ces vertes collines. Ne serait-on pas, par hasard, déjà arrivé ? Ces arbres, ces prés, cette blanche maison ne sont-ils pas peut-être ce que nous cherchions ? Pendant quelques instants, on a l’impression que oui, et l’on voudrait s’y arrêter. Puis l’on entend dire que, plus loin, c’est encore mieux, et l’on se remet en route, sans angoisse.

De la sorte, on poursuit son chemin, plein d’espoir ; et les journées sont longues et tranquilles, le soleil resplendit haut dans le ciel et semble disparaître à regret quand vient le soir.

Mais, à un certain point, presque instinctivement, on se retourne et l’on voit qu’un portail s’est refermé derrière nous, barrant le chemin de retour. Alors, on sent que quelque chose est changé, le soleil ne semble plus immobile, il se déplace rapidement ; hélas ! on n’a pas le temps de le regarder que, déjà, il se précipite vers les confins de l’horizon, on s’aperçoit que les nuages ne sont plus immobiles dans les golfes azurés du ciel, mais qu’il fuient, se chevauchant l’un l’autre, telle est leur hâte ; on comprend que le temps passe et qu’il faudra bien qu’un jour la route prenne fin.

A un certain moment, un lourd portail se ferme derrière nous, il se ferme et est verrouillé avec la rapidité de l’éclair, et l’on n’a pas le temps de revenir en arrière. Mais, à ce moment-là, Giovanni Drogo dormait ignorant, et dans son sommeil, il souriait, comme le font les enfants.

Bien des jours passeront avant que Drogo ne comprenne ce qui est arrivé. Ce sera alors comme un réveil. Il regardera autour de lui, incrédule ; puis il entendra derrière lui un piétinement, il verra les gens, réveillés avant lui, qui courront inquiets et qui le dépasseront pour arriver avant lui. Il entendra les pulsations du temps scander avec précipitation la vie. Aux fenêtres, ce ne seront plus de riantes figures qui se pencheront, mais des visages immobiles et indifférents. Et s’il leur demande combien de route il reste encore à parcourir, on lui montrera bien encore d’un geste l’horizon, mais sans plus de bienveillance ni de gaieté. Cependant, il perdra de vue ses camarades, l’un demeuré en arrière, épuisé, un autre qui fuit en avant de lui et qui n’est plus maintenant qu’un point minuscule à l’horizon.

Passé ce fleuve, diront les gens, il y a encore dix kilomètres à faire et tu seras arrivé. Au lieu de cela, la route ne s’achève jamais, les journées se font toujours plus courtes, les compagnons de voyage toujours plus rares, aux fenêtres se tiennent des personnages apathiques et pâles qui hochent la tête.

Jusqu’à ce que Drogo reste complètement seul et qu’à l’horizon apparaisse la ligne d’une mer démesurée, immobile, couleur de plomb. Désormais, il sera fatigué, les maisons le long de la route auront presque toutes leurs fenêtres fermées et les rares personnes visibles lui répondront d’un geste désespéré : ce qui était bon était en arrière, très en arrière, et il était passé devant sans le savoir. Oh ! il est trop tard désormais pour revenir sur ses pas, derrière lui s’amplifie le grondement de la multitude qui le suit, poussée par la même illusion, mais encore invisible sur la route blanche et déserte.

A présent, Giovanni Drogo dort à l’intérieur de la troisième redoute. Il rêve et il sourit. Pour la dernière fois, viennent à lui, dans la nuit, les douces images d’un monde totalement heureux. Gare à lui s’il pouvait se voir lui-même, tel qu’il sera un jour, là où finit la route, arrêté sur la rive de la mer de plomb, sous un ciel gris et uniforme, et sans une maison, sans un arbre, sans un homme alentour, sans même un brin d’herbe, et tout cela depuis des temps immémoriaux.

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Coup de coeur... Jean Tardieu...

23 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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OFFERTE A LA NUIT

Offerte à la nuit qui de toutes parts nous déborde et envahit le jour lui-même à cette nuit qui nous dessine et nous allonge ici toute chose se tient debout sur son ombre entre un envol toujours futur toujours déçu et la chute vertigineuse ici c'est ici que les solitaires qui se cherchent les peuples déchirés les astres volant en éclats se rejoignent et se passent le mot sans le comprendre ici sur le seuil de ce temple au fronton écroulé autrefois résonnant de conseils aujourd'hui plus éloquent encore d'être muet nous savons qu'il n'y a rien à connaître sinon l'enchaînement fatal des questions lancées à tous les murs d'où ne revient que leur écho et que tout est à redouter des ruses de l'espace car ce triomphe à l'horizon étincelant ce gage l'espérance enfoui dès l'origine au fond de notre espèce n'est plus qu'un vaste oubli d'or et de feu où les poussières de la vie et de la mort pareilles aux nombres-tourbillons dans le creuset des machines géantes ont enfin démasqué cet ordre illusoire ce séjour inutile et superbe sans raison condamné à retourner toujours et toujours sur lui-même cendre et brasier fuite et fureur comme une phrase ressassée.

HENNISSEMENT DE L'INCONNU

Cependant que s'obscurcissent et se mélangent à qui mieux mieux l'erreur le vrai le songe et la raison dans le grenier des accessoires hors d usage el de sens démentiel désordre le hasard implacable prend place et s'impose partout amplement fourni (selon le déroulement d'une suite sans logique et sans freiN) de mouvements opposés variables et insensibles qui ne se peuvent traduire qu'en termes de douleur car il est devenu évident que l'aigle et sa proie font de leur couple horrible et de leur inséparable agonie la seule clé pour nos mains talonnantes d'aveugles et la seule mesure possible de ce qui comble à tout casser ce lieu sans lieu ce dôme autrefois transparent mais qui pour jamais s'est voilé de conjectures furibondes ce ciel sonore et infaillible ce recours cet abri peuplé de protecteurs de démons et d'oracles figures familières jouant leur rôle et portant leur nom même insulté veilleurs toujours reconnaissables et toujours prêts à nous défendre aux frontières sauvages où piaffe où hurle où hennit l'imprévisible l'inconnu.

LES VOLETS

Pendus aux murs de la maison comme feuilles aux branches mobiles mais tenus comme les feuilles au grand marronnier de la place par une matinée tournante incertaine triste et joyeuse d'orage et d'éclaircies les volets les uns ouverts les autres clos ou bien les mêmes tour à tour le vent les ouvre et les rabat comme autant d'oreilles de lapins famille de lapins famille de volets poursuivis immobiles par le vent qui va-vient par le soleil qui s'endort dans un nuage et se réveille dans un courant d'air le bruit des oreilles de bois de lapins toujours battant les volets de la maison jamais lassés d'indiquer l'heure qui s'ouvre et l'heure qui se ferme la présence ou l'absence des habitants de la maison le temps qu'il fait le temps qui passe qui toujours va qui toujours vient toujours revient sinon pour nous qui partirons mais pour tous ceux qui reviendront.

UN REGARD POUR UN SOUFFLE

Tombé soudain là sous mes pas du plus lointain de cet espace et de ce temps coalisés pour nous confondre ce faible souffle sur le sol entre le mur et le buisson me fait trembler d'effroi de joie de gratitude et de vertige car il contient mais inversée la même charge sans mesure que mon regard lorsque l'été lorsque la nuit droit vers le ciel s'élance et plane vidé de poids et de pensée mon esprit simple et démuni qui ne croit rien que ce qu'il touche et se sent proche des points d'or disséminés ici et là même de l'astre le plus pâle et le plus seul à peine vu ni reconnu sur le gravier et pas à pas franchi le seuil où rien n'est plus qui nous réponde je m'aventure hors de moi-même vers ma fin sans adresser à tant d'énigmes torturantes à ce soleil à cet amour qui m'ont fait naître et m'ont fait vivre à ces splendeurs qui vont s'éteindre à ces horreurs qui vont cesser à cet espoir qui va dormir à toute main que j'ai serrée à toute lèvre que j'ai bue aucun reproche ni regret car la souffrance est dépassée car la mémoire est en deçà du pur instant du seul regard navigateur qui ma quitté pour le voyage sans retour.

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Cop de coeur... Albert Camus... "Oui, c’est peut-être ça le bonheur, le sentiment apitoyé de notre malheur. "

21 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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S’il est vrai que les seuls paradis sont ceux qu’on a perdus, je sais comment nommer ce quelque chose de tendre et d’inhumain qui m’habite aujourd’hui. Un émigrant revient dans sa patrie. Et moi, je me souviens. Ironie, raidissement tout se tait et me voici rapatrié. Je ne veux pas remâcher du bonheur. C’est bien plus simple et c’est bien plus facile. Car des heures, que du fond de l’oubli, je ramène vers moi, s’est conservé surtout le souvenir intact d’une pure émotion, d’un instant suspendu dans l’éternité. Cela seul est vrai en moi et je le sais toujours trop tard. Nous aimons le fléchissement d’un geste, l’opportunité d’un arbre dans le paysage. Et pour recréer tout cet amour, nous n’avons qu’un détail mais qui suffit : une odeur de chambre trop longtemps fermée, le son singulier d’un pas sur la route.  Ainsi de moi. Et si j’aimais alors en me donnant, j’étais moi-même puisqu’il n’y a que l’amour qui nous rende à nous-même.

Lentes, pénibles et graves, ces heures reviennent, aussi fortes, aussi émouvantes – parce que c’est le soir, que l’heure est triste et qu’il y a une sorte de désir vague dans le ciel sans lumières. Chaque geste retrouvé me révèle à moi-même. On m’a dit un jour : « C’est si difficile de vivre. » Et je me souviens du ton. Une autre fois, quelqu’un a murmuré :  " La pire erreur, c’est encore de faire souffrir. " Quand tout est fini, la soif de vie est éteinte. Est-ce là ce qu’on appelle le bonheur ? En longeant ces souvenirs, nous revêtons tout du même vêtement discret et la mort nous apparait comme une toile de fond aux tons vieillis. Nous revenons sur nous-mêmes. Nous sentons notre détresse et nous en aimons mieux. Oui, c’est peut-être ça le bonheur, le sentiment apitoyé de notre malheur.

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Coip de coeur... Marie Le Gall...

20 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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Extraits

« Nous nous sommes toutes de suite reconnues et il était écrit que j’allais obéir à tes ordres muets. Entrainée dans ta folie, je ne connaîtrai de la vie que ce tu m’en diras, frontière entre le monde et moi. » 

« On n’a pas le droit de choisir le jour de sa mort. C’est interdit. Pas plus qu’on ne demande à naitre. Deux moments imposés où il n’y aurait donc pas de liberté. Entre les deux, notre vie nous appartient, il paraît. Et il nous appartient d’en faire ce que nous voulons en faire. Certaines vies semblent pourtant vouées à l’échec, quoi que l’on fasse, prisonnières d’une spirale infernale, d’un labyrinthe effrayant dont la sortie est un mirage que l’on aperçoit comme les flaques de soleil sur la route en été que l’on prend pour de l’eau. Une fausse oasis, une illusion d’optique qui se reproduira pourtant, mais alors nous saurons que nous sommes bernés. L’eau salvatrice est ailleurs. » 

« Les normaux ne comprennent rien. Ce sont eux qui sont fous.»

« On attendait la Sœur comme  on attend la foudre parce qu'on a perçu le grondemment annonciateur de l'orage qui va éclater, sans que l'on sache tout à fait quand, mais cependant sûr de ce bombardement dans les nuages puis de l'éclaire qui déchire le ciel. [...] Vivante plus que jamais, souffrante toujours mais laissant exloser sa joie aussi, joie de nous voir, joie de nos vies meurtries.»

« Marcher sur les traces de son passé, c’est avancer dans une nuit aveugle, désespérer de trouver une issue. Il n’y a aucun signal, aucun phare dans le lointain. »

« Est revenue, comme un refrain, cette petite histoire née d'un doute, ce genre de questionnement qui vous habite depuis toujours et prend un temps infini à se manifester. Née comme ça. Elle avait pris racine, je ne sais quand. Ce fut d'abord un rêve insaisissable et déstabilisant, des images qui défilaient, d'autres qui éclataient comme des bulles à la surface de l'eau. Enfin tous ces visages dans une lumière crue.»

« Ce ne sont pas les souvenirs qui comptent mais les traces qu’ils laissent fans les balbutiements d’une mémoire engluée, des visions soudaines et néanmoins obsédantes qui déferlent une vie entière comme des vagues lointaines, quand on a vécu au bord de l’océan on sait que ça ne s’arrête jamais, seules ces traces-là ont un sens. Mais quelle importance ? Pourquoi cette importance ? Parce que cela doit être écrit, puisé au fond de soi dans une accumulation de perceptions que le corps garde secrètement. »

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Coup de coeur... Jean-Christophe Rufin...

19 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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C'était il y a quarante ans et nous en avions vingt. 

Avant de partir, nous avions accompli en Europe cette cérémonie désuète qui, pour ne pas être un sacrement, n'en avait pas moins à nos yeux valeur d'engagement éternel : nous nous étions fiancés. Sur le bastingage souillé de cambouis du cargo, quand je pressais ta main fine, je sentais avec bonheur la bague que je t'avais offerte. Elle était ornée d'un diamant, petit comme nos moyens d'étudiants mais solide, brillant et aussi incorruptible que notre amour. 

Heureusement, le bruit rauque du démarreur de la Land Rover a rempli son office et ce stupide attendrissement m'a quitté. Sans y penser, j'ai mis les essuie-glaces et ils ont étalé sur le pare-brise un épais voile de poussière gluante. Il m'a fallu sortir nettoyer la vitre verticale. Enfin, j'ai enclenché la vitesse d'un bon coup du bras gauche. Au fait, t'en souviens-tu ? On conduit à gauche au Mozambique. L'influence anglaise... Nous avions lu tout cela, à l'époque : sans l'arbitrage, à la fin du XIXe siècle, du général Mac-Mahon - le nôtre ! - qui a concédé une large partie de la région aux Portugais, Lourenço Marques aurait été britannique... De l'épisode, il reste le nom de la bière locale, la célébrissime Mac-Mahon, dite MM - prononcer : "Dois M" -, qui coule à flots dans le pays. 

Par un chemin défoncé, j'ai rejoint la route, celle qui mène au royaume montagneux du Swaziland. La frontière n'est qu'à trois kilomètres, mais elle est fermée pour cause d'interminables travaux. Nous sommes passés par là ensemble il y a quarante ans et tu avais aimé grimper dans ces collines ensoleillées. A l'époque portugaise, cette région n'était guère différente : le Mozambique est si vaste qu'il n'a jamais été complètement cultivé. Il a toujours eu, même par ici, ce petit air de brousse à la fois opulente et débraillée, naturelle en somme. Pourtant, si l'on regarde bien, on peut remarquer le long de cette route, bordée de paisibles maquis, les traces de tous les drames qu'a vécus ce pays en quarante années. Je te montrerai de grandes fermes portugaises à l'abandon : les galeries métalliques à colonnettes qui entourent les bâtiments sont rouillées et une végétation d'agrément - bougainvillées, jasmins, glycines -, redevenue sauvage, se lance à l'assaut de leurs arabesques. Nous avons vu tout cela bien ordonné jadis. Les familles de colons proprettes, bien pieuses et bien blanches, régnaient sur leurs vastes fazendas. Et les Noirs étaient en apparence résignés à leur rôle de valetaille ou de bête de somme. A une lettre près, "indigène" devient "indigne", et c'est ici que tu l'as découvert. 

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Coup de coeur... James Ellroy... Perfidia...

18 Avril 2017 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

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Ces rafles sont une connerie monumentale, et nous le savons tous les deux. La plupart de nos Japs sont des gens bien, mais il est préférable de les incarcérer jusqu’au moment où cette guerre tournera à notre avantage. Ce que je redoute, c’est une réaction brutale de la presse. Nous ne la méritons pas – surtout en cette période où la conscription va nous priver de nos meilleurs éléments. … Ce que je souhaite, c’est voir ces putains de Japonais derrière les barreaux, une ville où règne le calme malgré la guerre en cours, et ces branleurs de réformateurs à la Bill Parker tenus en échec jusqu’à mon départ en retraite. A ce moment-là, je partirai pour Puerto Vallarta, je prendrai une cuite tous les soirs et je baiserai sur mon yacht des señoritas bien roulées. Je veux que cette putain de presse chante les louanges de notre ville et de sa police, aussi reprochables l’une que l’autres, et ça ne me dérangerait pas de toucher un paquet au passage. Vous et moi, Dud, nous savons nous y prendre pour ramasser du fric. Nous voulons les mêmes choses, c’est clair, et vous avez carte blanche, dans les limites raisonnables , pour nous obtenir ce que nous désirons tous les deux. … Je veux qu’avant le Nouvel An l’affaire Watanabe soit résolue, et qu’une inculpation soit prononcée par le jury d’accusation.

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