jeunesse
18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients

Dans un contexte difficile, les jeunes sont plus positifs qu'on ne le pense face aux défis de demain, plus matures aussi et se définissent principalement par les causes qu'ils défendent en privilégiant des modes d'action dans la sphère privée plutôt que dans un espace public qui ne les inspire pas.
Tels sont les principaux enseignements de l'enquête exclusive réalisée en octobre auprès des 18-25 ans pour The Conversation France par le cabinet d'études George(s).

Retrouvez l'enquête exclusive « Jeune(s) en France » réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d'un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu'ils défendent et leur vision de l'avenir.
Alors que de nombreux sondages montrent les inquiétudes des parents pour leur progéniture, les jeunes interrogés sont majoritairement optimistes en pensant à l'avenir (71%) et environ un quart d'entre eux se disent « très optimistes » mais ils envisagent leurs leviers d'action dans un cadre familial ou amical plutôt que collectif.
Ils se déclarent aussi adultes à 86% et font de l'autonomie financière une condition primordiale de leur vie future.
Un engagement qui se matérialise dans la sphère privée
L'un des faits frappants de l'étude est que la confiance exprimée est ancrée dans l'environnement proche, alors que la famille (à 45%) et les amis (41%) sont les éléments qui les rendent « très heureux ».
Les jeunes interrogés déclarent se définir en premier lieu à travers les causes qu'ils soutiennent, principalement d'ordre environnemental et sociétal : gaspillage alimentaire, défense de l'environnement, lutte contre les violencers faites aux femmes, combat contre le racisme et les discriminations…
Mais cet engagement, qui est donc au cœur de leur identité, est à la fois un engagement personnel et citoyen.
La mobilisation ou l'appartenance à un parti politique ou à un syndicat ne représentent ainsi pas à leurs yeux des preuves fortes d'engagement. Pas plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition, traduisant un réel fossé entre leurs préoccupations et la possibilité de les exprimer dans le monde qui les entoure.
Plusieurs formes de « dons » sont en fait mises en avant par rapport au fait de s'engager : aider une personne dépendante ou malade (83%), donner de son temps en général (80%), faire des dons d’argent (75%) sont largement cités.
L’engagement est à la fois proximal et intime. Il témoigne d'une véritable résilience et prend tout son sens à travers les actions et les gestes du quotidien. Interrogés sur « les personnes dont l'exemple vous donne envie de vous engager, de vous mobiliser », ils citent tout d'abord leurs parents, puis des « gens de leur génération qu’ils ont rencontrés » et en troisième « des membres de leur famille ».
Reste une singularité, même si seulement 16% d'entre eux estiment que leurs « opinions politiques » contribuent à dire qui ils sont et que l'on connaît les faibles taux de participations des jeunes aux élections, 79% considèrent toujours le vote comme une preuve d'engagement.
Un élément apparemment contradictoire mais qui semble traduire le décalage entre la représentation politique actuelle et celle que l'on aimerait et qui déclencherait l'envie de participer aux scrutins.
Une maturité assumée face au contexte économique
Être autonome financièrement (à 58%), avoir une situation professionnelle stable (à 46%), bénéficier d'un logement à soi (à 40%) … ces trois éléments sont les premiers qui sont pris en considération par les 18-25 ans comme étant constitutifs d'un passage à l'âge adulte.
Une vision qui traduit la réalité d'une génération qui doit aussi faire à une certaine précarité. Il faut noter d'ailleurs que 41% des 18-25 ans estiment que leur santé mentale et physique est très importante pour comprendre qui ils sont et en font donc une pierre angulaire de leur équilibre.
La question de l'orientation scolaire ou professionnelle montre des divergences. Une majorité des jeunes interrogés (56%) estiment ainsi avoir le sentiment d'avoir vraiment pu choisir cette orientation mais chez les actifs, c'est le fait d'avoir un métier qui ne correspond pas à leur diplôme qui domine (à 53%).
Face au travail, les jeunes sont à la fois très raisonnés et très exigeants, projetant une véritable maturité. Parmi les choses considérées comme « très importantes » figurent l’ambiance de travail (51%), mais aussi la rémunération et les avantages matériels (50%), le niveau de responsabilité (31%) et le temps libre (44%). La possibilité d’évoluer (43%) est jugée plus importante que les valeurs et engagements de l’entreprise (34%).
Autant de constats qui semblent privilégier une approche très pragmatique face au travail, loin des déclarations que l'on peut voir de ci et là sur certaines quêtes de sens priorisées sans grande considération matérielle.
Une ambiguïté face aux médias
Parce qu'ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias.
Quand ils décident de s'informer, la priorité n'est pas donnée à la politique ou à l'économie. Ils préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7,05/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (6,63) ou au sport (6,21). Sans surprise par rapport à notre constat sur l'engagement, l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale (5,54) ou internationale (5,38).
Face à l'actualité, ils se disent à la fois inquiets (41%) et curieux (36%), fatigués (33%) et optimistes (24%). Mais l’angoisse (25%) et la méfiance (29%) n'aboutissent pas forcément à de l’indignation (14%) ou de la mobilisation (10%).
Un point à souligner : les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48% vs 33%), plus fatiguées (39,5% vs 26%), angoissées (31,8% vs 18%) ou dépassées ( 29,6% vs 19,5%).
Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation France
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients
L'enquête exclusive de The Conversation France sur les 18-25 ans montre une jeunesse positive et qui s'engage dans la sphère privée pour relever les défis du futur.
https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935
Pourquoi les « jeunes de cité » défient les institutions
La mort de Nahel.M, 17 ans, abattu par un tir policier lors d'un contrôle de véichule à Nanterre mardi 27 juin au matin a déclenché une série d'émeutes dans plusieurs communes populaires en Ile-de-France et une vague d'indignation dans le pays. Les destructions et dégradations ont conduit le chef de l'Etat jeudi 29 à dénoncer « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables ».
Pourquoi tout casser, tout détruire ? Les histoires de bandes ou de violences dans les quartiers populaires, notamment lors d'événements déclencheurs (interpellations, blessures ou comme ici, un décès après une intervention policière) défrayent régulièrement la chronique.
Si les parcours sociaux des individus sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît, comme je le montre sur mon terrain mais aussi comme le font de nombreux travaux universitaires dont ceux de la sociologue Emmanuelle Santelli, il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers populaires urbains qui les conduisent, certes en fonction des trajectoires spécifiques, à des confrontations avec les institutions d’encadrement comme la police, l’école ou le travail social.
Nous sommes donc en droit de nous demander si ces différentes manifestations de violence et d’agressivité véhiculées par certains jeunes adultes ne sont-elles pas en quelque sorte l’expression de formes politiques par le bas ? Une forme de résistance infra-politique qui prend la forme d’incivilités, que l’anthropologue James C. Scott appelle le « texte caché ».
Cette question nous paraît désormais centrale dans la mesure où les revendications politiques et sociales de la majorité des habitants des quartiers populaires et notamment des différentes générations de jeunes n’ont jamais été véritablement prises en compte par les institutions.
L’exemple des révoltes urbaines récurrentes depuis les années 80
L’un des moments marquants illustrant cette hypothèse est l’épisode des « émeutes de 2005 ». Les médias avaient ainsi relayé leur incompréhension, indignation et condamnation morale face aux incendies de nombreuses écoles primaires. Or comme l’explique le sociologue Didier Lapeyronnie, le fait d’incendier les écoles – parfois occupées par les petites sœurs ou petits frères – ne peut être appréhendé comme un geste de violence « gratuite », mais plutôt comme un sentiment de revanche contre une institution, l’école, perçue comme humiliante et excluante.
Cette forme d’ostracisme n’est pas sans conséquence pour ces jeunes dans la mesure où la sélection sociale cautionnée par l’institution scolaire a condamné définitivement leur avenir notamment pour celles et ceux qui en sortiront sans diplôme.
L’action de brûler les écoles constitue pour ces jeunes le moyen d’occasionner un mouvement de rébellion, écrit Lapeyronnie, bien que dépourvus d’idéologie et de règle, mais visant à provoquer une « réaction » ou des « réformes » de la part de ces mêmes institutions.
Se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus
Il s’agit également de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un « système » qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années comme l’affirme Didier Lapeyronnie un peu plus loin :
« L’émeute est une sorte de court-circuit : elle permet en un instant de franchir les obstacles, de devenir un acteur reconnu, même de façon négative, éphémère et illusoire et d’obtenir des « gains » sans pour autant pouvoir contrôler et encore moins négocier ni la reconnaissance ni les bénéfices éventuels. »
Les formes de provocations et autres « incivilités » véhiculées par certains jeunes des « quartiers » envers les enseignants pourrait être appréhendée comme une réponse quotidienne au rôle central de l’école comme moyen verdict social pour l’avenir des jeunes.
Affrontements permanents avec la police
Sur nos terrains d’enquête, nous avons aussi constaté des attitudes quelque peu ambiguës de la part d’agents de police dans l’espace public à l’égard de jeunes et parfois même de moins jeunes.
Par exemple, tel dimanche, en début d’après-midi, lorsque cinq jeunes adultes âgés de trente à trente-cinq ans, qui sont pour la plupart mariés et ont une situation professionnelle plus ou moins stable, se retrouvent dans la cité comme à l’accoutumée, avant d’aller voir jouer l’équipe municipale de football plus tard. Survient alors une 106 blanche « banalisée », avec à son bord des inspecteurs qui regardent de façon soupçonneuse les jeunes adultes en pleine conversation ; l’un des policiers baisse la vitre de la voiture et lance de manière impromptue : « Alors, les petits pédés, ça va ? ! » La réaction des jeunes adultes et des trentenaires présents se mêle de rires et d’incompréhensions face à une interpellation insultante et gratuite mais qui traduit aussi un ordinaire.
Cet ordinaire reflète une forme de négligence vis-à-vis de ces « quartiers populaires » où l’exception en matière de régulation policière, mais aussi en termes de politique de la ville, du logement, de marché du travail…
La recherche de la confrontation avec la police
Il est également vrai que certains jeunes ne sont pas en reste avec les forces de police. L’historique et l’expérience sociale ont fait que certains jeunes récemment n’hésitent pas non plus à provoquer ou à narguer la police. Si certains trafiquants sont parfois dangereux en raison des enjeux économiques inhérents aux trafics, d’autres jeunes ayant intériorisé les pratiques agonistiques de rue perçoivent la police comme un ennemi.
Il existe donc des représailles de la part des jeunes : au bout de plus de 30 ans de confrontations, une sorte de cercle vicieux s’est ainsi instauré entre certains jeunes et certains policiers.
Pour autant si la prise de recul est nécessaire pour appréhender la nature de ces rapports de force – qui tourne le plus souvent à l’avantage des policiers à moyen terme – nous observons que les tensions étudiées qui ont cours dans les quartiers populaires sont liées à un quadrillage policier spécifique à l’encontre de ses jeunes perçus comme indésirables qui est sans commune mesure entre la police et les autres groupes sociaux (hormis les groupes extrêmes et récemment les « gilets jaunes »).
Du côté du bras gauche de l’État
Du côté des politiques sociales, on a constaté une suspicion générale des jeunes envers les formes d’accompagnement proposés par le travail social par exemple.
En effet, contrairement aux discours médiatiques, beaucoup de jeunes adultes en grande difficulté préfèrent le plus souvent contourner les institutions et fuir les conflits notamment avec les forces de l’ordre et les institutions en général car leur survie sociale et/ou physique en dépend.
Les questions relatives à l’illégalité, à la déviance, au mensonge se situent aux confins de la débrouillardise et du « système D » et constituent un moyen de défense et de survie pour les classes populaires en grande difficulté.
Mais lorsque ces stratégies de survie entre des économies parallèles ne peuvent plus s’opérer en raison de conjonctures économiques défavorables ou d’institutions trop répressives dans les quartiers populaires urbains, le « système D » s’efface au profit des résistances, de révoltes ou des formes d’agressivité à l’égard d’agents de l’État appréhendés comme opposés aux possibilités de s’en sortir des personnes rencontrées sur le terrain.
Une situation de tensions permanentes
Depuis les années 1970, une fraction des classes populaires urbaines se retrouve de plus en plus confrontée aux forces de police en période pourtant stable du point de vue politique. Si auparavant des conflits éclataient entre paysans et agents royaux durant l’Ancien Régime, et à partir du milieu du XIXe siècle entre ouvriers et la police, c’était le plus souvent en périodes de troubles sociaux ou politiques conséquence d’émeutes à répétition.
Même constat au sujet de la naissance du mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle – période de déstabilisation pour les classes populaires assujetties aux travaux rugueux et normatifs du monde industriel naissant – où les résistances et parfois les révoltes se développent à l’encontre des pouvoirs.
Au sujet des quartiers populaires urbains, la question semble quelque peu différente, car même en période d’« accalmie » ou stable, la police paraît toujours présente pour contrôler les jeunes, et ce quelles que soient leurs activités.
L’auteur a récemment publié « Les quartiers (im)populaires ne sont pas des déserts politiques Incivilités ou politisation des colères par le bas », aux Éditions du Bord de l’Eau.
Eric Marliere, Professeur de sociologie à l'université de Lille, Université de Lille
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Pourquoi les " jeunes de cité " défient les institutions
Les comportements qualifiés d'agressifs ou les incivilités observées dans les quartiers populaires manifestent aussi des formes de résistance politique face aux différentes formes de pouvoir.
https://theconversation.com/pourquoi-les-jeunes-de-cite-defient-les-institutions-199117
Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures


Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : « L’échappée Sciences ». Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.
Alors que l’expérimentation du cannabis thérapeutique suit son cours en France, encadrée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), cette plante demeure au centre de débats parfois houleux dans notre pays. La consommation de cannabis par les jeunes, en particulier, fait encore l’objet de nombreux fantasmes.
Quels risques, à court et long terme, font courir les usages problématiques ? Sont-ils en progression ? Pourquoi la prévention envers les plus jeunes est-elle particulièrement importante ? Que sait-on des liens entre cannabis et schizophrénie ? La consommation de cannabis mène-t-elle à des drogues plus dures ? Alors que la prohibition montrait ses limites, certains pays ont choisi la voie de la légalisation : avec quelles conséquences ?
Sociologue et spécialiste des pratiques sociales des usagers de drogues à l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, Marie Jauffret-Roustide revient sur les idées reçues, et nous présente l’état des connaissances sur ce sujet sensible.
Loin de l’image d’Épinal d’adolescents des quartiers populaires fumant des « joints » de plus en plus tôt, de plus en plus nombreux, déscolarisés et repliés sur eux-mêmes, la recherche scientifique dépeint un tableau tout en nuance des habitudes de consommation des jeunes. Et ouvre des pistes pour mettre en place des politiques de santé publique mieux adaptées, à même d’aider ceux qui en ont réellement besoin.
Dans sa chronique, Émilie Rauscher explore le goût de notre espèce pour les substances psychotropes. Opium et cannabis dans l’Antiquité, tabac et coca au XVIe et XVIIIe siècles, éther au XIXe… Les contextes et les modes de consommation ont beaucoup varié au fil des époques, tout comme les substances expérimentées, sans grande préoccupation pour les conséquences sanitaires. Puis est venu le temps des premières alertes lancées par les médecins. Qui ont abouti à des interdictions… Parfois tardives, lorsque les recommandations de santé publique allaient à l’encontre de certains intérêts économiques. Une époque révolue… Vraiment ?
Animation et conception, Lionel Cavicchioli et Emilie Rauscher. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait, « Je fume pu d’shit », Stupeflip. Écrit et composé par Julien Barthélémy, 2003 Etic System.
Marie Jauffret-Roustide, Research Fellow, Inserm
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures
S'agissant du cannabis, que dit la recherche scientifique des habitudes de consommation des plus jeunes ? Des risques encourus ? De l'efficacité des réglementations actuelles ? Les réponses en ...
https://theconversation.com/jeunes-et-cannabis-au-dela-des-caricatures-208160
Pourquoi les ados sont de plus en plus isolés socialement à cause des réseaux ?
Les groupes, les messages, la géolocalisation... Être jeune en 2020 est plus chargé qu'il n'y parait.
Avec
Manon Mariani Journaliste
Rappelez-vous quand vous étiez au lycée dans les années 2000. Une époque où les réseaux sociaux existaient à peine, et où les portables se limitaient à des Nokia 3310. Les bandes de potes se différenciaient par leurs habits ou les clubs dont elles faisaient partie. Les populaires fumaient des joints devant le lycée et les cools kids faisaient du skate. En tout cas, notre existence n’avait pas encore été bouleversée par internet.
Car c’est malheureusement le cas des ados d’aujourd’hui. Tous leurs rapports et leurs interactions sont à la merci des applications et des réseaux sociaux. Résultat : beaucoup d’ados se sentent exclus socialement. Et les facteurs sont multiples à commencer par les applications de messagerie. Car ce qui cartonne chez les ados : ce sont les groupes de chat.
Mais les jeunes eux ont des dizaines de groupe, répartis selon leurs potes de lycée, de sport, leur groupe de travail, la famille, les vacances etc… Ils en ont sur Whatsapp, Instagram ou encore Snapchat. Imaginez la charge mentale que ça représente… surtout quand on a 16 ans. Car plus qu’une simple conversation, être dans un groupe de chat marque surtout leur appartenance sociale. Sur Reddit, beaucoup parlent de la pression qu’ils ressentent à cause de ses groupes. Devoir toujours répondre, être disponible pour ses amis, être toujours drôle ou piquant… Ça peut être fatiguant. Leur peur ultime : être exclu du groupe, comme le dit une jeune ado le dit dans un post sur le forum : “J’ai un groupe Whatsapp avec mes amis. Sauf que j’ai découvert qu’ils avaient le même à l’identique, mais sans moi dedans. Que dois-je faire?”. Forcément quand on est ado, ces choses-là sont prises à cœur. Et ça peut très vite être un motif d’isolement… voire de dépression.
Il y a aussi la géolocalisation car c’est un outil très utilisé par les ados en particulier sur Snapchat. L’application propose une Snapmap. C’est simple, si on choisit d’activer notre localisation, nos amis peuvent voir en temps réel où on se trouve. Plus de 300 millions de personnes dans le monde l’utilisent. Alors, il y a plusieurs choses à redire sur cette fonctionnalité. Notamment le fait qu’elle puisse être dangereuse si elle n’est pas limitée à nos proches… il faut donc être vigilant.
Mais surtout, elle semble de plus en plus nocive pour les ados qui se sentent exclus quand ils voient leurs amis se réunir sans eux. C’est ce que raconte un article du Wall Street Journal. Une jeune fille dit qu’à cause de cette Snapmap, elle a pu voir tous ses amis à une soirée où elle n’était pas invitée et que ça l’a mise dans un profond état d’anxiété. Forcément, elle a l’impression d’être mise de côté, que des gens vont potentiellement parler derrière son dos, mais aussi de louper un événement important dans sa vie d’ado. Ce n’est pas agréable.
C’est toujours pareil : pour être accepté quelque part on a envie de faire comme tout le monde, de suivre la meute. Mais les ados commencent à être moins naïfs là-dessus. Selon une étude, 45% des jeunes filles interrogées disent que la géolocalisation a un impact négatif sur elles. Au moins elles s’en rendent compte. Dans une époque où les adolescents sont de plus en plus anxieux, où leur santé mentale est mise à rude épreuve avec les réseaux sociaux… il faut rester attentif à ce qu’ils font sur leur smartphone. Car oui, pour eux se faire exclure d’un groupe de chat est tout sauf anodin.
Manon Mariani
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Pourquoi les ados sont de plus en plus isolés socialement à cause des réseaux ?
Rappelez-vous quand vous étiez au lycée dans les années 2000. Une époque où les réseaux sociaux existaient à peine, et où les portables se limitaient à des Nokia 3310. Les bandes de potes ...
Pour s’informer, les jeunes ont-ils délaissé les médias traditionnels ?
Il est courant de lire que les jeunes ne se préoccupent plus de l’actualité, qu’ils délaissent les médias traditionnels pour se focaliser sur les contenus diffusés par les réseaux sociaux numériques. Dans ces déclarations, souvent sous forme de déploration, plusieurs approches sont confondues. Ne pas lire de presse papier et ne pas écouter la radio ne signifie pas délaisser l’actualité.
Seulement, il est vrai que la presse quotidienne et magazine est confrontée à un problème de renouvellement des générations qui laisse à penser qu’une véritable gageure est à relever dans les décennies à venir pour relayer son lectorat vieillissant. Un nouveau rapport avec la presse s’instaure, passant par le numérique et davantage basé sur l’information.
Un accès à l’information par les réseaux sociaux
À rebours des idées reçues, les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives confirment depuis plusieurs années l’intérêt des jeunes pour l’actualité, et cette tendance s’est renforcée depuis la pandémie. Quand ils recherchent une information, un quart à un tiers des 18-25 ans a le réflexe de se tourner vers les sites numériques des journaux de presse nationale, qu’ils considèrent comme des sources fiables.
Mais alors que les générations précédentes développaient des préférences pour tel ou tel titre, ils consultent les uns ou les autres relativement indifféremment. Quand on les interroge, lycéens comme étudiants peinent à situer les lignes éditoriales des quotidiens ou leur sensibilité sur l’échiquier politique. Ce qui les intéresse, c’est l’information journalistique, plus que de savoir si elle émane du Monde, de Libération ou du Figaro. Ils ne consultent pas un quotidien pour son positionnement mais pour la garantie de qualité qu’il représente. Ainsi, les grands journaux fonctionnent de manière globale comme des « marques » de référence.
Avant 18 ans, ce sont plutôt les journaux télévisés et les chaînes d’information en continu qui sont regardés et continuent d’être jugés comme des sources fiables. En revanche, la grille horaire des programmes, avec la « grand-messe » du 20 heures n’a plus vraiment de sens pour eux, à moins que les traditions familiales ne perpétuent les dîners en famille devant le JT.
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Pour les adolescents, comme pour les jeunes majeurs, la plus grande scission avec les générations précédentes réside dans les usages numériques de l’information. À une écrasante majorité, ce sont les réseaux sociaux numériques qui leur servent de portes d’entrée vers l’actualité, en particulier YouTube, Instagram et Twitter, mais aussi Spotify et TikTok dans une moindre mesure.
Les formes brèves qui sont en usage sur ces réseaux font écho au rapport que les jeunes eux-mêmes entretiennent avec l’écrit, à travers textos et émojis. La mise en image des messages y est appréciée, tout comme la possibilité d’envoyer à ses contacts les informations, éventuellement avec ses propres commentaires, ce qui permet d’adopter une posture plus active face à l’information.
Flux d’actualité et risques d’infobésité
Alors que les seniors demeurent très attachés à la presse papier, les jeunes la jugent souvent difficile à lire, parfois absconse et onéreuse. Surtout, aller en kiosque suppose une démarche volontaire dont ils ne voient pas forcément l’utilité puisqu’ils ont pris l’habitude d’obtenir des nouvelles directement sur leur smartphone, sans aucune sollicitation de leur part, si ce n’est d’avoir activé des notifications sur leur téléphone une fois pour toutes.
Tous les matins, ils sont ainsi alertés des principales actualités : « Quand je regarde mon smartphone, j’ai tout de suite accès à l’essentiel des informations importantes et cela me renvoie vers les grands journaux » nous explique Charlotte, 16 ans, dans une enquête en cours auprès de lycéens et d’étudiants de la région Grand Est. Si le sujet l’intéresse, elle n’a donc plus qu’à cliquer.
Cette manière de s’informer a rendu particulièrement floues les logiques éditoriales. L’intérêt est suscité par la nouvelle, peu importe aux yeux du jeune internaute vers quel journal ou le pure player d’information l’algorithme du smartphone le renvoie.
Au final, le risque serait plutôt celui d’une « infobésité » que d’une anémie informationnelle. Être informé en continu par les réseaux sociaux peut provoquer une anxiété face aux désordres du monde. Nous pourrions parler de « stress informationnel », provoqué par le fait d’être informé en continu. Cela ne laisse aucune respiration et peut même devenir culpabilisant pour celle et celui qui désireraient s’en soustraire. Ainsi, le temps de la lecture que représentait la lecture d’un journal papier a volé en éclats. S’y est substituée une logique du clic et du rebond bien plus chronophage, et sans hiérarchisation éditoriale.
Lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux, cela peut aussi laisser la part belle aux « fake news » et à la désinformation puisque la reprise et la viralité des informations échangées sont facilitées, quels que soient leur valeur et leur degré de fiabilité.
Le rôle de l’éducation à l’information
Faudrait-il en conclure que les adultes n’ont plus de place dans le rapport que les jeunes entretiennent avec l’actualité ? Lorsque des journaux et des magazines sont achetés par les parents et laissés à disposition dans la maison, les enfants ont tendance à les feuilleter. Maxence (20 ans), jeune étudiant, lit le journal local acheté par sa mère, tout comme Amel (19 ans) : « Papa laisse sur la table du salon l’Est éclair, ce qui me donne envie de le lire le week-end ». Chloé (19 ans), quant à elle, déjeune avec son grand-père tous les midis et en profite pour lire le journal régional.
L’avis des adultes, et en particulier des professeurs, compte. En témoigne Pauline (17 ans) : « J’ai choisi de recevoir les nouvelles du Figaro sur mon téléphone car c’est un enseignant qui nous l’a conseillé ». Les séances d’éducation aux médias et à l’information en classe portent leurs fruits et sensibilisent les jeunes à la lecture de la presse et à l’actualité. Les pays européens prennent progressivement conscience de son importance, certains ayant par exemple soutenu le programme européen MEDEAnet promouvant l’apprentissage aux médias numériques et audiovisuels.
De la même manière, produire des journaux lycéens et étudiants suscite le goût pour la presse et l’information journalistique, et permet de mieux comprendre les exigences déontologiques de la profession. Ainsi, Lucie (20 ans) se rappelle des séances en EMI au collège qui lui ont fait découvrir les métiers liés au journalisme.
Il revient enfin aux journalistes et aux médias traditionnels de penser davantage aux jeunes, en leur donnant la parole, en traitant de sujets dont ils se sentent proches : l’écologie, les questions de genre, la parité… La participation des journalistes à la semaine de la presse à l’école est aussi un moyen de mieux faire connaître la presse et la diversité de l’offre médiatique, son importance pour vivifier la démocratie.
Laurence Corroy, Professeure des universités, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Pour s'informer, les jeunes ont-ils délaissé les médias traditionnels ?
Il est courant de lire que les jeunes ne se préoccupent plus de l'actualité, qu'ils délaissent les médias traditionnels pour se focaliser sur les contenus diffusés par les réseaux sociaux ...
Près d’un tiers des mineurs consultent un site porno chaque mois...
Cette proportion est à peine plus faible que chez les adultes (37 %), Le téléphone portable a fait exploser la consultation des sites à contenu pornographique depuis quelques années.
Près d’un tiers des moins de 18 ans consultent chaque mois au moins un site pornographique, une pratique qui augmente depuis plusieurs années avec l’utilisation du smartphone, révèle jeudi une étude de Médiamétrie commandée par l’Arcom.
2,3 millions de mineurs (30 %) sont ainsi exposés à des images pornographiques pendant plus de 50 minutes en moyenne chaque mois, une proportion à peine plus faible que chez les adultes qui sont 37 % à consommer ces contenus, selon l’étude réalisée en France en 2022 auprès de 25 000 panélistes.
Surtout, ils sont 600 000 mineurs de plus depuis l’automne 2017, lorsque la mesure a commencé à être réalisée sur trois écrans (ordinateur, smartphone, tablette numérique). De fait, les trois quarts des moins de 18 ans utilisent exclusivement leur téléphone pour ces consultations, contre 55 % des majeurs.
Pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée par la loi de protéger les mineurs face à ces images, «on est vraiment sur une consultation de masse des sites pornographiques par les mineurs, […] qui se fait essentiellement sur les smartphones, c’est-à-dire hors du regard parental».
«Ces mineurs sont encore plus jeunes que ce qu’on pensait. On a 51 % des garçons de 12-13 ans qui regardent des sites pornographiques chaque mois, et quand même 21 % des garçons de 10-11 ans», alerte auprès de l’AFP Laurence Pécaut-Rivolier, présidente du groupe de travail de l’Arcom sur la protection des publics.
La fréquentation des adolescentes est très inférieure : non représentative jusqu’à 11 ans, 31 % à 12-13 ans et cette proportion diminue jusqu’à la majorité, tandis qu’elle augmente chez les garçons, note l’étude.
Parmi les 179 sites étudiés, la plateforme gratuite Pornhub appartenant au géant mondial du porno Mindgeek se distingue, en étant consultée par 18 % des mineurs (1,4 million, +900 000 en cinq ans). Son audience est ainsi constituée à hauteur de 17 % de mineurs, contre 12 % pour la moyenne des autres sites du genre.
«Probablement y a-t-il un certain nombre d’éléments incitatifs (sur ce site, ndlr), comme la place sur les moteurs de recherche», analyse Laurence Pécaut-Rivolier.
Saisie par des associations sur le fondement de la loi sur les violences conjugales de juillet 2020, l’Arcom a mis en demeure 15 sites pour qu’ils instaurent un véritable contrôle d’âge de leurs visiteurs et a saisi la justice pour demander le blocage de sept d’entre eux, dont Pornhub. Une décision du tribunal judiciaire de Paris est attendue le 7 juillet.
Par Libération et AFP
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Près d'un tiers des mineurs consultent un site porno chaque mois
Près d'un tiers des moins de 18 ans consultent chaque mois au moins un site pornographique, une pratique qui augmente depuis plusieurs années avec l'utilisation du smartphone, révèle jeudi une ...
Sebastian Roché : «Une police violente menace l’intégration politique des jeunes»
Nier, par un maintien de l’ordre répressif et un discours martial, la souveraineté populaire qui s’exprime ces jours-ci dans la rue, risque de favoriser la défiance des jeunes manifestants à l’égard des institutions démocratiques, met en garde le sociologue Sebastian Roché.
Multiplication des nasses, arrestations massives et gardes à vue arbitraires… De nombreux témoignages rapportés par Libération font état d’une répression accrue des manifestations contre la réforme des retraites, imposée par le gouvernement via le recours au 49.3, le 16 mars. Dans son allocution télévisée de mercredi, le chef de l’Etat a justifié cette stratégie du maintien de l’ordre par la nécessité de protéger les élus de la République et d’empêcher une radicalisation de la protestation populaire.
Pour le sociologue Sebastian Roché, qui a enseigné près de vingt-cinq ans en école de police, travaillé comme expert pour l’ONU et le Conseil de l’Europe sur ces questions, et publié la Nation inachevée. La jeunesse face à la police et l’école (Grasset, 2022), l’articulation entre libertés fondamentales et rôle de la police reste insuffisamment pensée, au profit d’une gestion purement tactique et autoritaire par l’exécutif, et au risque, alerte le spécialiste, de creuser la défiance des jeunes citoyens à l’égard des institutions démocratiques.
Assiste-t-on à un tournant dans la stratégie du maintien de l’ordre, ces derniers jours ?
Nous sommes dans une situation intermédiaire par rapport au niveau de violences policières atteint dans la crise des gilets jaunes en 2019. Depuis le départ du préfet Lallement à Paris, le déroulement plutôt calme des manifestations – qui a entraîné certaines louanges de la nouvelle gestion du préfet Nuñez, malgré des incidents graves – tient davantage à la nature des cortèges et à une planification conjointe du maintien de l’ordre entre la préfecture et les organisations qu’à des techniques nouvelles. Le vrai test apparaît quand la situation se tend, avec un risque de désordre.
Ces derniers jours, on assiste avec le retour au contact physique et au corps-à-corps, à une gestion proche de celle des gilets jaunes. L’idée est de déraciner les petits groupes, d’éradiquer la possibilité d’une implantation comme avec l’occupation des ronds-points. La généralisation du recours aux instruments comme la nasse, les Brigades anticriminalité (BAC) ou les BRAV-M cible des publics indifférenciés. Les arrestations et les renvois systématiques vers des officiers de police judiciaire pour mise en garde à vue – la plupart du temps injustifiés puisque les personnes arrêtées sont ensuite relâchées – ne relèvent pas des décisions des agents sur le terrain. Elles supposent une planification et donc une véritable stratégie d’intimidation des décideurs.
La radicalisation du conflit social suffit-elle à expliquer celle des répressions ?
L’annonce du 49.3 a mis fin à l’expression de la démocratie sociale. La logique de démonstration pacifique de la force par le nombre tombe à l’eau et fait place à une colère qui était auparavant institutionnalisée. L’Etat dispose alors de deux options : rétablir des espaces de dialogue, ou aller à la confrontation – option choisie par l’exécutif. Et la réponse politique de Macron consiste à opposer le manque de légitimité des manifestants à celle des élus. Ce faisant, il nie la souveraineté du peuple, dont la reconnaissance est la condition d’un maintien de l’ordre pacifié. Cet «idéal policier» a commencé à être exprimé sous la IIIe République, porteuse d’un idéal démocratique qui s’incarnait plus largement dans l’éducation ou la souveraineté populaire. A l’inverse, Macron croit que l’Etat peut fabriquer la nation et valorise un modèle très hiérarchique à tendance autoritaire. Dans son discours, il a qualifié les protestataires de «factions et de factieux», a assimilé le mouvement à l’envahissement du Capitole – oubliant au passage de dire que c’était l’extrême droite qui était à la manœuvre.
Le droit est-il suffisant pour protéger la liberté de s’exprimer par la manifestation ?
Le problème réside dans un double manque en France. On fait face à une codification juridique faible. Le droit de manifester n’apparaît pas dans la Constitution. Dans les écoles de police, je peux en témoigner, on enseigne les textes mais pas les valeurs portées par ces droits. Les leaders syndicaux policiers majoritaires ne s’y réfèrent pas, le ministre de l’Intérieur Darmanin encore moins. Quand celui-ci donne des instructions visant à éradiquer les rassemblements – des «infractions» selon lui –, il méconnaît publiquement le droit à se rassembler. Et le Conseil constitutionnel ne protège pas plus ce droit de manifester, alors qu’il pourrait, à l’occasion d’une saisine, réaffirmer son caractère sacré et les garanties permettant son exercice.
A l’inverse, ce droit est en permanence conditionné et limité, voire suspendu en cas de désordre, dont la définition repose sur une interprétation subjective de l’exécutif. L’approche tactique, sur l’introduction des armes «moins mortelles» en maintien de l’ordre par exemple – qui est bien plus restreint dans des pays comme l’Allemagne, le Danemark ou le Royaume-Uni – ne constitue pas une réflexion de fond sur l’articulation entre les libertés et la police. Les deux sont pensés séparément. D’ailleurs, en 2020, le Conseil d’Etat avait pointé la nécessité d’encadrer le recours à la nasse, dans le schéma national de maintien de l’ordre proposé par le gouvernement – des limites que la seconde version du texte, en vigueur depuis décembre 2021, a davantage intégrées.
Ces dernières années, vous avez mené de larges enquêtes sur le rapport des collégiens et lycéens à la police, en Paca et en Rhône-Alpes. Quelles conséquences en avez-vous tirées sur le plan démocratique ?
En résumé, une «mauvaise police», violente, menace l’intégration politique et citoyenne des jeunes, qui vont avoir tendance à penser que la démocratie ne fonctionne pas bien. Elle brise la confiance qu’ils entretiennent dans les institutions, dans l’idée de justice et d’égalité. Le sentiment d’appartenance à la nation, la croyance dans le bon fonctionnement de la démocratie, ne se décrète pas mais repose sur une expérience sensible. Ainsi, la confrontation directe et physique avec les forces de l’ordre favorise le sentiment de frustration, les peurs et les colères, l’impression d’être une «sous-classe» de citoyens.
De son côté, le discours de Macron associe la nation à la représentation nationale. Comme De Gaulle avant lui, il se présente comme le chef de la nation, ce qu’il n’est pas, ni dans les textes ni dans la réalité. Il joue sur la confusion entre l’Etat – l’appareil – et la nation, qui relève d’un projet collectif et populaire. Or, dans une conception démocratique des institutions, le peuple est nécessairement le souverain, et n’a pas de «chef».
Adrien Franque
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Sebastian Roché : "Une police violente menace l'intégration politique des jeunes"
Pour le sociologue, nier, par un maintien de l'ordre répressif , la souveraineté populaire qui s'exprime dans la rue, risque de favoriser la défiance des jeunes manifestants à l'égard des ...
Réforme des bourses : la jeunesse ne se laissera pas acheter !
Sans repas à un euro pour tous, sans allocation d’autonomie, sans minimum jeunesse, sans gratuité des transports, le gouvernement malgré l’augmentation des bourses de 37 euros n’apaisera pas les inquiétudes de la jeunesse pour son avenir, estiment des membres du Parti socialiste.
par Des membres du Parti socialiste (dont des députés, sénateurs, parlementaires européens et des secrétaires nationaux)
Alors que la présence des jeunes n’a jamais été aussi importante dans les cortèges que lors des dernières manifestations contre la réforme des retraites, le gouvernement tente d’endiguer la mobilisation en augmentant de 37 € par mois les bourses étudiantes.
Ces mesures, attendues et promises depuis 2017, concernent l’acte 1 de la réforme des bourses sur critères sociaux des étudiants, devraient être effectives à la rentrée 2023. Mieux que rien, ces annonces arrivent cependant bien trop tard, et ne sont pas encore à la hauteur des besoins et des attentes des étudiantes et des étudiants. Le gouvernement montre encore une fois qu’il est en décalage avec les attentes des jeunes de France qui réclament ces mesures depuis de longues années.
Après avoir ignoré les organisations étudiantes, leurs revendications et les appels à l’aide des étudiants qui font la queue lors de distributions alimentaires, qui manifestent pour leur dignité et leur futur, le gouvernement fait le choix du pansement sur une jambe de bois. Particulièrement depuis la crise sanitaire, les ministres successifs, pourtant alertés sur l’urgence de la précarité et du désespoir grandissant de la jeunesse sont restés sourds. Cinq ans pour une décision qui reste incomplète. Ce n’est pas sérieux.
Des mesures pas à la hauteur des besoins
La France est l’un des premiers pays européens en nombre d’étudiants et pourtant 24 % des 18-24 ans vivent sous le seuil de pauvreté, ce chiffre atteint même 40 % pour les étudiants décohabitants, les mesures annoncées sont donc loin d’être à la hauteur. 70 % des étudiants restent écartés du système de bourses et sont pour beaucoup obligés de conjuguer salariat et études au détriment de leur réussite et de leur santé. En outre, l’inflation touche aussi particulièrement la population étudiante. Avec déjà 57 % de leur budget mensuel consacré au logement (1) les étudiants sont également touchés par l’augmentation du prix des fluides (+15 %), de l’alimentation (+13 %) ou des transports.
Même si nous saluons une augmentation – toujours bienvenue – des bourses et de leur montant, cette décision démontre ainsi un cruel manque de vision quant au sort des étudiants et de l’enseignement supérieur en France. Quel avenir proposez-vous à la jeunesse Monsieur le Président ?
Le Parti socialiste se mobilise sur ces sujets depuis toujours. Dans les derniers mois, plusieurs propositions de loi ont d’ailleurs été déposées, la dernière en date concernait la généralisation du repas à un euro pour tous les étudiants. Refusée à une voix près par l’Assemblée nationale, cette proposition avait un but précis : permettre à une large partie des étudiants de vivre mieux.
Et le pouvoir de vivre, la santé, les transports ?
La question du pouvoir de vivre des étudiants ne peut donc pas trouver sa réponse uniquement dans les aides directes : que fait l’Etat sur l’encadrement des loyers ? Sur l’accès aux logements sociaux pour les étudiants ? Quelles sont les mesures fortes et d’ampleur concernant la santé des jeunes ? Les transports ?
Les inquiétudes des jeunes sont plus larges et concernent tous les pans de notre société. Ainsi, la réponse parcellaire du gouvernement à la mobilisation des jeunes est loin d’être suffisante. L’avenir du pays réside dans sa jeunesse, qui ne demande d’ailleurs qu’à le construire. Le gouvernement doit l’entendre, la comprendre et surtout investir massivement en elle, en lui permettant, en premier lieu, de vivre dignement.
Pour répondre aux inquiétudes de la jeunesse le Parti socialiste propose : la refonte complète du système des bourses pour la création d’une véritable allocation d’autonomie étudiante universelle, calculée en adéquation avec le coût de la vie sur un territoire donné et plus largement la mise en place du minimum jeunesse ; l’encadrement des loyers dans les villes étudiantes ; la généralisation du repas à un euro pour tous les étudiants ; la gratuité des protections périodiques ; un minimum santé jeunesse incluant notamment la prise en charge de la santé mentale des jeunes et permettant l’accès au soin pour toutes et tous ; la gratuité des transports pour les étudiants ; la gratuité de l’accès à Internet pour les étudiants et la garantie d’un droit à l’équipement informatique pour toutes et tous.
Signataires : Olivier Faure (député, premier secrétaire du PS), Rémi Cardon (sénateur socialiste de la Somme), Yan Chantrel (sénateur socialiste des français établis hors de France), Arthur Delaporte (député socialiste du Calvados), Inaki Echaniz (député socialiste des Pyrénées-Atlantiques), Fatiha Keloua Hachi (députée socialiste de Seine-Saint-Denis), Nora Mebarek (eurodéputée socialiste), Anna Pic (députée socialiste de la Manche), Emma Rafowicz (présidente des jeunes socialistes), Alexane Riou (Secrétaire nationale adjointe en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche), Gulsen Yildirim (Secrétaire Nationale du PS en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche)
(1) Enquête nationale de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) 2022.
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Sans repas à un euro pour tous, sans minimum jeunesse, sans gratuité des transports, le gouvernement malgré l'augmentation des bourses de 37 euros n'apaisera pas les inquiétudes de la jeunesse ...
Paroles de jeunes manifestants contre la réforme des retraites : «Si on ne change pas les choses maintenant, ça ne changera jamais»
EXTRAIT
Entre 49.3, violences policières et colère contre Macron, les jeunes sont bien plus nombreux dans les manifestations qu’au début de la mobilisation contre la réforme des retraites. «Libération» est allé à leur rencontre ce mardi dans les cortèges, à Paris et en régions.
Ils sont jeunes salariés, étudiants, lycéens. Certains manifestaient pour la première fois, d’autres se mobilisent depuis quelques jours. Sur leurs pancartes, ils dénoncent pêle-mêle la réforme des retraites, le 49.3, la manière de faire d’Emmanuel Macron, les violences policières, et s’inquiètent de l’avenir qui s’offre à eux. A Paris, Marseille, Rouen et Montpellier, Libération a recueilli la parole de la jeunesse qui se mobilise dans la rue.
Tristan, 21 ans, étudiant à l’université de Versailles Saint-Quentin
«Le 49.3 a été un vrai tournant»
«On est venu pour se battre contre la réforme des retraites mais surtout contre le 49.3. Ne pas faire voter une loi alors que tout le peuple est contre, c’est surréaliste. C’est un déni de démocratie. Vu que leur texte n’était pas sûr de passer, ils n’ont même pas osé prendre le risque de passer par le vote. Quelle honte. Le 49.3 a été un vrai tournant. On a réussi à bloquer notre fac qui n’avait plus été bloquée depuis le CPE en 2006 et qui est très peu politisée. C’est dire la colère que le gouvernement provoque dans la société. Sans compter les prises de parole d’Emmanuel Macron, qui sont au-delà de l’arrogance. Son discours très paternaliste et très infantilisant n’a qu’un seul effet : nous mobiliser et nous radicaliser face à lui. Notre but c’est de continuer comme ça parce qu’on sait que c’est la jeunesse qui peut faire bouger les choses aujourd’hui. Nous serons présents jusqu’au retrait de la réforme en bloquant les facs, en aidant les grévistes à bloquer leurs lieux de travail ou dans les manifestations. On va également se mobiliser jusqu’à la démission d’Elisabeth Borne et de son gouvernement. Ils ont peur. Comme s’ils savaient qu’à la fin c’est nous qui allons gagner.»
Dilan, 16 ans, lycéenne en 1re à Vitry-sur-Seine
«On veut montrer que la jeunesse est en colère»
«On est là pour s’opposer à la réforme des retraites, mais aussi au passage en force du gouvernement avec le 49.3. C’est ce qui nous fait le plus peur à nous les jeunes, car s’ils en arrivent à faire passer en force une loi d’une telle ampleur, on peut craindre que cela se généralise à l’avenir quoi qu’ils disent. Le 49.3 a choqué les jeunes. Ils se sont rendu compte qu’avec cet outil, il était possible de ne pas faire voter les députés et donc de ne pas prendre en considération les voix des citoyens. Ça fait peur ! En manifestant, on veut montrer que la jeunesse est en colère, qu’elle a son mot à dire, qu’elle pense aussi et qu’elle a envie de dire que notre modèle de société ne nous correspond pas. Si on n’a pas de moyen d’agir en votant, il nous reste les manifestations. Et puis on se bat aussi pour nos retraites. J’ai 16 ans aujourd’hui, on nous demande de travailler jusqu’à 64 ans, mais ça sera quoi à l’avenir pour notre génération si ça continue comme ça ? 70 ans ? On s’est battu pour l’avoir, on doit continuer pour la garder à un âge convenable.»
(...)
par Sarah Finger, correspondante à Montpellier, Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille, Sacha Nelken et David Darloy
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Réforme des retraites : le péril jeune
Entre protestations contre la réforme des retraites, lutte contre la précarité et combat écologique, comment la jeunesse française se mobilise-t-elle au XXIe siècle ? Ces mouvements peuvent-ils faire basculer les décisionnaires politiques ?
Avec
Salomé Saqué journaliste à Le Vent se Lève
Tom Chevalier Politiste, chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes et chercheur associé au Centre d’Etudes Européennes.
Albane Branlant Porte-parole des Jeunes avec Macron
A écouter en cliquant ci-dessous
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