immigration
Sylvie Le Minez : "35% des personnes immigrées en France sont des étudiants"
L'Insee publie une étude sur les immigrés et descendants d'immigrés en France : Sylvie Le Minez cheffe de l'unité des études démographiques et sociale à l'Insee est l'invitée de 6h20.
Avec
Sylvie Le Minez responsable de l’unité des études démographiques et sociales à l’INSEE.
L'Insee a publié jeudi une étude sur l'immigration en France, pour la première fois depuis 2012, présentant une photographie sociale des 7 millions d'immigrés en France, soit 10% de la population. "Les personnes immigrées sont des personnes nées de nationalité étrangère à l'étranger et qui sont venues en France – c'est pour ça que l'on parle souvent de première génération", explique Sylvie Le Minez, cheffe de l'unité des études démographiques et sociales à l'Insee. Ce à quoi il faut ajouter la population de deuxième génération, qui a un ou deux parents immigrés, qui représentent 11% de la population. "Et pour la première fois, on sait aussi combien il y a de petits-enfants d'au moins une personne immigrée, et c'est 10% des personnes de moins de 60 ans", ajoute-t-elle.
En termes d'origine, 48% d'entre eux viennent d'Afrique, et 30% du Maghreb. "La proportion de personnes qui viennent d'Afrique hors Maghreb est en constante augmentation : en 1968, il n'y avait que 3% des immigrés qui venaient d'Afrique hors Maghreb", selon Sylvie Le Minez, qui ajoute que la part globale des immigrés en France s'est elle aussi accrue depuis 1968, passant de 6,5% à 10,3% aujourd'hui. "Et il y a davantage de femmes parmi les immigrés : aujourd'hui c'est 52% des immigrés qui sont des femmes".
Les études, première cause d'immigration
Autre changement : les causes de l'immigration. "Pour les personnes qui viennent d'ailleurs que l'espace économique européen, et qui ont besoin de titres de séjour, on connait le motif de leur titre de séjour : le nombre de motifs étudiants est devenu très important, c'est 32%, donc la première cause d'immigration, légèrement devant l'immigration familiale, qui représentait 50% des titres de séjour délivrés en 2007 alors que c'est un peu moins de 32% aujourd'hui". L'immigration humanitaire et économique se sont accrues aussi.
Sur le mode de vie, la situation des personnes immigrées est moins favorable que le reste de la population, avec un taux de chômage plus élevé. "Les emplois occupés sont moins qualifiés, beaucoup d'hommes sont dans le bâtiment, beaucoup de femmes dans les services à la personne. En revanche à la deuxième génération, ils occupent des professions plus proches de celles des personnes qui n'ont pas d'ascendance migratoire", affirme Sylvie Le Minez.
Et en même temps, cette deuxième génération se sent discriminée : 24% des personnes immigrées se sont dites victimes de discriminations, notamment sur le marché du travail. "Quand on regarde certaines origines, on voit que les descendants d'immigrés déclarent plus souvent des discriminations que la première génération".
/https%3A%2F%2Fwww.radiofrance.fr%2Fs3%2Fcruiser-production%2F2023%2F03%2F0665b676-911e-4e56-99d0-f53d93d2a8dc%2F1200x680_sc_video-12.jpg)
Sylvie Le Minez : "35% des personnes immigrées en France sont des étudiants"
L'Insee a publié jeudi une étude sur l'immigration en France, pour la première fois depuis 2012, présentant une photographie sociale des 7 millions d'immigrés en France, soit 10% de la populat...
A lire... "Immigration : le grand déni", par François Héran
Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé en France depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la loi Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.
Professeur au Collège de France sur la chaire « Migrations et sociétés », François Héran anime l’Institut Convergences Migrations. Il a notamment publié Avec l’immigration (La Découverte, 2017), Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression (La Découverte, 2021) et codirigé la 4e édition de Controlling immigration. A comparative perspective (Stanford, 2022).
/https%3A%2F%2Fref.lamartinieregroupe.com%2Fmedia%2F9782021531145%2Fpetite%2F153114_couverture_Hres_0.jpg)
Immigration : le grand déni , Françoi...
Par un étrange paradoxe, ceux qui s'imaginent que la France ferait face à un " tsunami " migratoire, par la faute des politiques, de l'Union européenne ou des juges, sont également convaincus q...
https://www.seuil.com/ouvrage/immigration-le-grand-deni-francois-heran/9782021531145
Nouveau projet de loi sur l'immigration : un humanisme de façade ?
Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 11 décembre : la nouvelle loi immigration, qui fera l’objet d’un débat au Sénat mardi prochain.
Ce nouveau projet de loi vise à la fois à expulser plus facilement les personnes en situation irrégulière, et en même temps à régulariser une partie des travailleurs sans papiers. Ce que révèle ce texte, il me semble, c’est une conception bien particulière de l’accueil et de l’immigration.
Pour le montrer, je me suis penché sur les mots utilisés par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Souvenez-vous : le 2 novembre dernier, dans les couloirs de l’Assemblée, il avait eu une formule choc. "Nous devons désormais être gentils avec les gentils, c'est-à-dire les étrangers qui veulent travailler en France, respecter nos règles, parler notre langue, être amoureux de notre drapeau. Et être méchants avec les méchants : ne pas accepter que quelqu'un qui ne veut pas s'intégrer, qui ne respecte pas nos règles, qui commet des actes de délinquance, reste sur le sol national."
"Gentil avec les gentils, et méchants avec les méchants" : le monde divisé entre le bien et le mal, c’est la définition du manichéisme ! La politique vue par les yeux d’un enfant de 5 ans. Le ministre de l’Intérieur s’est défendu en expliquant que ce n’était qu’une formule, mais c'est une formule qui produit tout de même des effets. Parler des étrangers qui auraient commis des actes de délinquance comme de "méchants", c’est une essentialisation. L’idée derrière, c’est que ces personnes, quoi qu’elles aient fait, quel que soit le contexte, ne seraient ni pardonnables, ni intégrables : la seule solution serait de les expulser le plus rapidement possible, par tous les moyens possibles.
Soyons clairs : ce qui pose problème, ce n’est pas la fermeté. Si des actes enfreignent les lois de la République, ils doivent être punis. Ce qui pose problème, c’est de confondre les actes et la personne. Désigner des "méchants", c’est la première étape pour faire sauter tous les garde-fous. Si on n’y prend pas garde, elle peut rapidement conduire à justifier l’injustifiable. Rappelons tout de même que c’est au nom de la "lutte du bien contre le mal" que George W. Bush avait fait la guerre en Irak.
Essentialisation et instrumentalisation de l'immigré
Gérald Darmanin n’a pas repris cette phrase quand ont été précisés les contours du texte. Mais il en a trouvé une autre : "S'ils travaillent en France, s'ils parlent français, ils seront intégrés. S'ils commettent des actes de délinquance ils seront expulsés. On veut ceux qui bossent, on ne veut pas ceux qui rapinent". Le verbe rapiner signifie commettre des vols ou de menus larcins. La phrase semble moins caricaturale, mais, en fait, elle ne sort ni du manichéisme, ni de l’essentialisation puisque, in fine, le débat reste centré sur une opposition entre bons et mauvais étrangers.
Mais surtout, il me semble que cette formule nous révèle l’idée que ce gouvernement se fait, fondamentalement, de l’immigration. Tout est contenu dans le verbe principal : "On veut". Ce que l’on distingue ici, c’est une conception purement instrumentale de l’immigration. Les nouveaux arrivants sont présentés comme des outils, évalués à l’aune de l’intérêt qu’ils présentent pour la nation. Ceux qui veulent rester doivent pouvoir démontrer une utilité directe, immédiate, matérielle. Les autres doivent repartir.
C'est d'ailleurs l’idée qui structure, aujourd’hui, l’essentiel des discours sur l’immigration. C’est, notamment, la perspective promue par le Rassemblement national… mais ce n’est pas la seule. On pourrait au contraire mettre en avant une conception humaniste de l’immigration. En insistant sur le parcours de vie des exilés, qui bien souvent fuient la guerre, la misère ou le réchauffement climatique, et que la France pourrait s’enorgueillir d’accueillir. On pourrait insister sur ce que ces personnes apportent au patrimoine immatériel de notre pays, par leur culture qui vient irriguer la nôtre, s’hybrider, se mêler à la nôtre, comme ça n’a jamais cessé d’être le cas depuis que la France est France. On pourrait aussi insister sur ce que ces personnes apportent à notre patrimoine matériel : deux études publiées récemment, l’une par trois chercheurs du CNRS en 2018, l’autre par France Stratégie en 2019, concluent à un effet bénéfique de l’immigration sur la croissance.
Les déplacements de population vont se poursuivre
Enfin, on pourrait parler de l’immigration comme d’une réalité intangible. Et là, ce sont les travaux de François Héran, professeur au Collège de France, qui a bien montré que, de toute façon, les individus se déplacent sur la surface du globe ; ils se sont toujours déplacés, ils continueront de se déplacer. La preuve : cette loi sera la 22e en 30 ans sur l’immigration. Aucune d’entre elles n’a jamais empêché, et n’empêchera probablement jamais, les gens de venir trouver refuge sur notre sol.
Cela ne veut pas dire qu’il faudrait abolir les frontières. Je pose simplement la question, d’une part, du regard que nous portons sur les personnes que nous accueillons. Et, d’autre part, de la manière dont les accueillons. De ce point de vue, le gouvernement me semble bien éloigné de l’humanisme qu’il ne cesse pourtant de revendiquer.
Clément Viktorovitch
/https%3A%2F%2Fwww.francetvinfo.fr%2Fpictures%2Fcz_Rj56ZdbtlFiAimnteQuppivk%2F1500x843%2F2022%2F10%2F31%2FphpxKoxgi.jpg)
Nouveau projet de loi sur l'immigration : un humanisme de façade ?
Article rédigé par Ce nouveau projet de loi vise à la fois à expulser plus facilement les personnes en situation irrégulière, et en même temps à régulariser une partie des travailleurs san...
#Immigration - "Malaise" - Par Najat Vallaud-Belkacem
EXTRAIT
Il fut un temps où, quand le premier personnage de l’Etat parlait de «fuite d’eau», nous entendions de toutes parts de justes réactions d’indignation. Aujourd’hui, des mots aussi déshumanisants que «vague» sont employés sans que personne n’y trouve plus rien à redire. On va jusqu’à employer, au Gouvernement, une rhétorique guerrière avec un appel à «armer le pays». On n’en dira jamais assez les dommages causés, dans notre pays, par ces années de mauvais débats sur l’identité nationale et l’immigration, et qui resurgissent aujourd’hui sous une autre forme, dans d’autres bouches.
En termes de cadrage des perceptions, nous savons combien les métaphores utilisées influent sur la manière dont nous pensons les choses. Ces figures de style et exercices de communication sont donc non seulement dérangeants, sinon odieux, ils sont surtout catastrophiques d’un point de vue politique. Les effets de manche et l’inflation sémantique, loin de compenser les insuffisances des actes ou leur inefficacité, ont en effet un impact direct sur les représentations et les attentes. Le discours de Grenoble et ses suites n’ont rien produit d’autres que de l’intolérance vis à vis de l’immigration, et une polarisation toujours plus grande de l’opinion. Parler des choses, «sans tabou», quand on en parle mal, quand on libère chacun des contraintes des normes sociales et que l’on laisse libre cours aux fantasmes, cela n’apaise rien. Cela aggrave le problème.
Par les mots employés par le Président de la République cette semaine — «parti bourgeois» opposé à ces catégories populaires qui «vivraient avec» -, on semble acter un renoncement politique. En nommant les choses ainsi, on fige en effet une forme de partition sociale que l’on dénonçait pourtant hier à grands coups d’envolées lyriques sur l’émancipation et l’égalité des chances. On semble ainsi renoncer à toute possibilité de réconcilier l’ensemble des Français autour d’intérêts communs, de les fédérer autrement qu’en leur désignant des ennemis et des boucs émissaires.
(…)
Najat Vallaud-Belkacem
Ancienne ministre. Directrice générale « Global Affairs », Ipsos group. Directrice de la collection «Raison de plus», Fayard. Professeur associée, Sciences Po.
Suite et fin en cliquant ci-dessous
Il fut un temps où, quand le premier personnage de l'Etat parlait de "fuite d'eau", nous entendions de toutes parts de justes réactions d'indignation. Aujourd'hui, des mots aussi déshumanisants ...
Mobilisation des quartiers populaires: un éternel recommencement... (Video) 18 décembre 2017
L’historien Karim Taharount retrace les tentatives d’organisation autonome des jeunes issus de l’immigration depuis le début des années 1980 en France. Leurs questionnements traversent encore aujourd’hui les mouvements antiracistes.
(...)
A lire en cliquant ci-dessous
Mobilisation des quartiers populaires: un éternel recommencement
L'historien Karim Taharount retrace les tentatives d'organisation autonome des jeunes issus de l'immigration depuis le début des années 1980 en France. Leurs questionnements traversent encore ...
Immigration - "Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n'avait osé aller jusque-là" - Europe 1/Vidéo
/http%3A%2F%2Fcdn1-europe1.new2.ladmedia.fr%2Fvar%2Feurope1%2Fstorage%2Fimages%2Feurope1%2Fpolitique%2Fimmigration-aucun-gouvernement-depuis-la-seconde-guerre-mondiale-navait-ose-aller-jusque-la-3531317%2F45916760-1-fre-FR%2FImmigration-Aucun-gouvernement-depuis-la-Seconde-Guerre-mondiale-n-avait-ose-aller-jusque-la.png)
Immigration : "Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n'avait osé aller jusque-là"
POLITIQUE - Patrick Weil, historien et politologue, spécialiste de l'immigration, s'inquiète de la posture adoptée par le gouvernement vis-à-vis des migrants, alors qu'une loi immigration est...