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Explosion des gestes suicidaires des adolescentes depuis le Covid : un phénomène sans frontière qui demeure inexpliqué
Du Canada à l’Australie en passant par Hongkong, on constate, comme en France, une très forte croissance des gestes suicidaires recensés pour les filles de 10 à 19 ans depuis fin 2020. Alors que la hausse a été faible ou inexistante chez les adolescents. Les chercheurs restent prudents dans les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène.
Début 2022, Libération avait révélé que la hausse des gestes suicidaires enregistrée en France chez les adolescents et les jeunes adultes depuis fin 2020 était essentiellement portée par une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes (+27,7 % d’hospitalisations pour lésions auto-infligées chez les femmes âgées de 10 à 19 ans sur la période couvrant septembre 2020 à août 2021 comparée à l’année 2019). Fin septembre, un rapport de la Drees est venu confirmer les éléments que nous avions alors présentés.
Une très forte augmentation des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les seules adolescentes et jeunes femmes avait déjà été rapportée aux Etats-Unis. Les centres de prévention des maladies avaient en effet observé «un bond de 50 %» des hospitalisations hebdomadaires pour tentatives de suicide chez les adolescentes entre février 2021 et mars 2021, par rapport la même période en 2019. Alors que le nombre d’hospitalisations pour les mêmes causes chez les adolescents demeurait stable sur la même période.
De nombreuses études scientifiques parues depuis un an démontrent que ces deux pays ne sont pas des exceptions. Ainsi, en Espagne, l’analyse du registre des tentatives de suicides de Catalogne montre que les tentatives de suicides des adolescentes ont augmenté de 195 % sur la période courant de septembre 2020 à mars 2021, comparée à la même période une année plus tôt.
Si l’on regarde du côté du Canada, les tendances sont également évocatrices. Ainsi, pour le Québec, entre 2019 et 2021, le taux de visites aux urgences en raison d’idée suicidaires a crû de 50,9 % chez les filles de 10-14 ans et de 16,3 % chez les filles de 15-19 ans (à comparer avec une progression de -1 % et -14,5 %, respectivement, chez les garçons). Concernant les tentatives de suicides, la progression est de 84,8 % et 21,3 % dans ces deux classes d’âges (contre 28,9 % et 8,7 % chez les garçons), selon les chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec.
De telles tendances se retrouvent également en Australie. Selon une étude publiée courant 2022, relative à la situation dans le sud-est du pays, «chez les jeunes femmes (10-24 ans), la croissance des taux de présentation aux urgences pour automutilation ou idées suicidaires s’est accélérée depuis le Covid-19, pour atteindre 31,7 % par an. Les adolescentes âgées de 13 à 17 ans sont à l’origine de la majeure partie de cette augmentation, les taux augmentant de 47,1 % par an […]. En revanche, chez les hommes âgés de 10 à 24 ans, il n’y a pas eu de croissance significative des présentations au cours de la période». Chez les hommes de 18 à 24 ans, «ces taux ont même diminué : -5,2 % par an».
«Limiter les comparaisons directes»
Si ces courbes semblent similaires, le psychiatre au CHU Bicêtre et chercheur à l’université de Paris-Saclay Fabrice Jollant met en garde contre la juxtaposition de chiffres issus de travaux qui peuvent suivre des méthodologies très différentes : «Dans ces études, il y a beaucoup de variabilité sur l’âge des populations, sur ce qui est mesuré (tentatives de suicide, suicides, gestes auto-infligés, idées suicidaires), sur les périodes étudiées (selon qu’elles couvrent ou non le début de pandémie), les modalités de “recrutement” des personnes qui sont le sujet des recherches (personnes passant par les urgences, patients hospitalisés uniquement, sondages téléphoniques en population générale, ou auprès de populations étudiantes, etc.). Les pays en eux-mêmes varient sur le plan culturel, mais également sur celui des modalités de contrôle de la pandémie, des actions de soutien à l’économie… Tout cela complique les synthèses. De fait, il est souvent plus pertinent de limiter les comparaisons directes, ou tout du moins de les restreindre aux pays sociologiquement et économiquement proches.»
Par ailleurs, la hausse statistique des pensées suicidaires et des tentatives de suicides ne se retrouve toutefois pas dans tous les pays pour lesquels des données existent (la grande majorité des données proviennent de pays à revenu élevé). Ainsi, au Danemark, aucune différence statistiquement significative entre les sexes n’a été constatée depuis le début de la crise, comme l’ont confirmé à CheckNews les auteurs d’une étude parue en septembre 2021, qui ont poursuivi l’analyse et le suivi après publication. Une étude suisse mentionne également une augmentation «statistiquement non significative» des passages des filles aux urgences psychiatriques en 2021 comparé à 2019. Un suivi de cohorte réalisé à Hongkong au fil des deux premières vagues, dont le détail nous a été transmis par les auteurs, suggère que la part d’adolescentes présentant des idées suicidaires est restée stable (autour de 24,5 %) – bien que, dans le même temps, celle des adolescents diminuait de manière très notable (passant de 24 % à 17 %).
Pour l’heure, si le phénomène semble s’observer dans plusieurs pays, aucun bilan n’a encore été dressé, à l’échelle mondiale, sur le sujet.
Distinguer gestes suicidaires et décès par suicide
Comme nous l’expliquions début 2022, il est important de distinguer pensées suicidaires et tentatives de suicide d’une part, et des suicides conduisant à la mort d’autre part (dits «suicides aboutis»). Notons par exemple que, dans l’essentiel des pays pour lesquels les données sont disponibles, le Covid n’a pas entraîné d’augmentation du nombre de morts par suicide chez les adolescents (voir par exemple en Allemagne). Toutefois, une étude sur 24 pays à revenus élevés et 9 à revenus moyens a identifié une augmentation significative des suicides des adolescentes en Angleterre, en Autriche, au Japon et en Estonie (les services statistiques du pays nous confirment qu’aucune donnée n’est collectée sur les seules pensées suicidaires ou tentatives de suicides). Selon des données consultées par le Washington Post, une augmentation de 43 % des suicides chez les femmes d’une vingtaine d’années aurait été rapportée en Corée du Sud au cours du premier semestre de 2020, alors même que le taux de suicide chez les hommes diminuait.
Si la surreprésentation des femmes, en particulier jeunes, dans les statistiques liées aux idées suicidaires (ou aux tentatives de suicides n’aboutissant pas à la mort) semble donc avoir été accrue depuis la pandémie, de manière parfois spectaculaire, dans plusieurs pays, celle-ci n’est pas du tout une chose nouvelle. «Les différences de genre dans les conduites suicidaires entre filles et garçons sont l’un des résultats les plus forts de l’épidémiologie des comportements suicidaires», note ainsi le psychiatre Charles-Edouard Notredame, spécialiste des enfants et adolescents au CHU de Lille. Ce constat se retrouve dans de nombreuses régions du monde. A titre d’exemple, en Australie, avant le Covid-19, les taux de présentation aux urgences des femmes de 10 à 24 ans pour ces motifs étaient déjà près de deux fois supérieurs à ceux de leurs homologues masculins, selon l’étude précitée.
Pierre-André Michaud, professeur honoraire de l’université de Lausanne spécialiste de la santé des adolescents, résume le constat habituellement dressé sur ce sujet : «Les garçons, de façon générale, expriment leur malaise dans l’action : ils ont des accidents, et lorsqu’ils font des tentatives de suicide, elles se terminent plus fréquemment par un décès que chez les filles. Ces dernières ont tendance à manifester leur malaise à travers la communication et moins au travers l’action.» Mais comme le précise Charles-Edouard Notredame, «ce phénomène extrêmement connu, ancien même s’il n’est pas constant ou continu, reste paradoxalement assez mal expliqué. Il n’y a, à vrai dire, pas énormément d’études qui traitent spécifiquement des causes des différences de genre au niveau des conduites suicidaires. Et, à ma connaissance, aucune étude n’a présenté de résultat spécifique sur la cause de cette différence de genre durant le Covid».
«Difficile de bien interpréter des données hospitalières»
De fait, les auteurs des études menées dans les différents pays concernés restent encore très prudents dans les hypothèses avancées pour expliquer l’évolution des chiffres.
«Qu’elles portent sur le suicide ou les tentatives de suicide, les statistiques doivent être interprétées avec prudence, insiste Pierre-André Michaud. Tout d’abord parce que dans certaines cultures et dans certains pays, le suicide lui-même n’est pas toujours enregistré comme tel. D’autre part, parce que les autorités sanitaires mettent toujours un certain temps, généralement plusieurs années, à mettre à jour les statistiques de mortalité. Et il en va de même pour les tentatives de suicide. Celles qu’on peut enregistrer sont celles qui résultent d’une hospitalisation. Mais tous les pays n’ont pas les standards de la France en la matière, qui recommande une hospitalisation pour toute tentative de suicide. Par ailleurs, si les hôpitaux universitaires tiennent des statistiques, dans tous les pays les petits hôpitaux ne répertorient pas nécessairement ces hospitalisations.»
La chercheuse à l’université McGill de Montréal Marie-Claude Geoffroy, spécialisée dans la prévention du suicide des jeunes, juge également «difficile de bien interpréter des données hospitalières». «Cela reflète-t-il une aggravation de la détresse plus marquée chez les filles ? Une augmentation de la recherche d’aide plus marquée chez les filles ? Une diminution des services à l’externe [avec un report massif sur l’hôpital, ndlr] ?»
L’hypothèse selon laquelle les chiffres traduiraient, au moins en partie, une meilleure recherche d’aide de la part des filles est avancée par plusieurs interlocuteurs. «Présentement, on n’est pas capables d’affirmer qu’il y aurait une augmentation des tentatives de suicide, ou s’il n’y aurait pas plutôt une plus grande vigilance à l’égard des tentatives de suicide, note ainsi Jérôme Gaudreault, président de l’Association québécoise de prévention du suicide. Car s’il y avait plus de tentatives de suicide, il y aurait plus de morts par suicide, ce qui n’est pas le cas.» Pierre-André Michaud, de son côté, note «qu’en Suisse, mais aussi en Pologne, ainsi qu’en Slovénie, on a observé une forte augmentation des consultations pour idées suicidaires depuis le début de la crise du Covid, alors même que la mortalité par suicide a – très modestement – diminué. On peut émettre l’hypothèse que grâce à ces consultations, grâce au repérage qu’on peut faire de l’adolescent à risque de suicide, on fait diminuer le taux de mortalité par suicide».
La croissance observée dans les statistiques pourrait donc être celle des pensées suicidaires exprimées à un professionnel de santé, et non pas les pensées suicidaires dans l’absolu. L’expression plus précoce du mal-être permettrait un meilleur diagnostic, une meilleure prise en charge. Tout en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une hypothèse explicative parmi d’autres, «qui n’est pas encore étudiée scientifiquement», Jérôme Gaudreault souligne ainsi que «les efforts de sensibilisation sur la santé mentale, sur la prévention du suicide, particulièrement la santé mentale chez les jeunes, pourraient avoir conduit à ce que les professionnels de santé, mais aussi le grand public, identifient mieux les troubles de santé mentale. On va demander de l’aide plus rapidement, et on va plus rapidement orienter vers l’hôpital. On pourrait aussi ajouter que les urgentologues, dans les hôpitaux, prennent les tentatives de suicides plus au sérieux, particulièrement chez les jeunes, et vont avoir tendance à hospitaliser les gens davantage».
Les femmes plus exposées aux risques de la crise
Mais ces interprétations sont loin d’être les seules hypothèses en lice pour expliquer l’explosion des gestes suicidaires recensés depuis fin 2020 chez les adolescentes et les jeunes femmes. Aux Etats-Unis, des travaux réalisés auprès d’adolescents hospitalisés en psychiatrie suggèrent que, durant le Covid, les pensées suicidaires pourraient avoir été renforcées par l’apparition de conflits familiaux, de problèmes financiers, de changements marqués dans les modes de vie, et l’impossibilité de participer à des événements importants à ces âges. D’autres travaux, plus spécifiquement centrés sur les adolescentes, suggèrent un rôle central de la perte d’interactions sociales durant la pandémie sur l’apparition d’idées suicidaires.
Selon une étude islandaise parue mi-2021, «les symptômes dépressifs plus marqués [durant la crise du Covid] étaient associés à une utilisation passive accrue des médias sociaux et à une diminution des contacts avec les membres de la famille par téléphone ou par les médias sociaux chez les filles, et à une diminution du sommeil et à une augmentation des jeux en ligne en solitaire chez les garçons. Les inquiétudes concernant le fait d’avoir contracté le Covid, les changements dans la routine quotidienne et scolaire, et le fait de ne pas voir ses amis en personne figuraient parmi les principaux facteurs contribuant à une mauvaise santé mentale identifiés par les jeunes, en particulier les filles».
Une étude slovène, qui corrobore une surreprésentation des femmes parmi les personnes exprimant des idées suicidaires durant le Covid-19, avance des éléments de réflexion complémentaires, soulignant que «les jeunes femmes constituent un groupe potentiellement particulièrement touché par l’isolement social, ce qui entraîne un niveau plus élevé de solitude, d’anxiété et de stress». Les auteurs estiment que les adolescents «ont généralement une capacité plus faible que les adultes à faire face aux situations stressantes et sont enclins à réagir de manière impulsive et émotionnelle. Par conséquent, la détresse liée à la pandémie peut entraîner une augmentation des comportements suicidaires». Parmi d’autres hypothèses avancées, le fait que «le stress lié aux études, aux notes et aux difficultés à suivre des cours en ligne en raison d’un soutien technique ou adulte inadéquat [pourrait constituer] l’un des facteurs de risque importants contribuant à l’augmentation du comportement suicidaire des adolescents pendant la pandémie de Covid-19».
Selon l’ONU Femmes, en charge de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes au sein des Nations unies, la pandémie s’est accompagnée d’une augmentation et d’une intensification des violences à l’égard des femmes et des filles, en particulier au sein des foyers.
Florian Gouthière
"La pauvreté est sexiste" - Najat Vallaud-Belkacem (Vidéo)
Najat Vallaud-Belkacem fut ministre des Droits des Femmes de 2012 à 2014. Aujourd’hui elle est directrice pour la France de l’ONG ONE, une ONG co-fondée par le chanteur Bono, qui lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables. Pour Najat Vallaud-Belkacem, la pauvreté touche majoritairement les femmes de tous les continents, la pauvreté est sexiste !
L’ancienne ministre donne quelques exemples de la précarité des femmes. Ainsi, elles ne possèdent que 3% des terres agricoles alors qu’elles sont très nombreuses à travailler la terre. De plus, la crise du COVID a fortement impacté le travail des femmes, par exemple aux Etats-Unis ce sont essentiellement elles qui se sont retirées du marché du travail.
Les politiques publiques doivent agir afin que les inégalités entre les femmes et les hommes ne se perpétuent pas.
Le Forum Génération Égalité qui s’est déroulé Paris du 30 juin au 2 juillet 2021 a lancé des actions concrètes visant à réaliser des progrès d’égalité entre les femmes et les hommes. Najat Vallaud-Belkacem regrette la faible couverture médiatique de ce projet ambitieux qui a mené à la création d’un fond de 40 milliards de dollars pour les pays en développement sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes.
« Pour One, si une solution existe à un problème, il n’est pas possible de ne rien faire. C’est pourquoi, sans être une ONG de terrain, nous agissons par le plaidoyer auprès des Etats les plus riches pour qu’ils décident de politiques publiques d’aide au développement. Nous avons ainsi créé un Fond global de lutte contre les maladies évitables qui rapporte aujourd’hui, tous les trois ans, 15 milliards de dollars, c’est énorme ! Nous l’avons ensuite complété par le Fond mondial pour l’éducation, et les considérons comme nos deux réussites. Notre action est donc d’informer et de faire ensuite pression pour que les pays riches se sentent concernés et agissent contre la pauvreté. Mais ça ne suffisait pas. Il a fallu y ajouter la lutte contre la corruption ou l’évasion fiscale qui sont les dysfonctionnements favorisant la pauvreté. N’oublions pas que celle-ci n’est pas une fatalité, on peut y remédier !
Enfin, nous défendons la nécessité de toujours prendre en compte les filles et les femmes dans les projets qui sont soutenus : quelle répercussion ceux-ci auront-ils sur la vie des femmes au quotidien ? Il faut qu’ils leur apportent à la fois l’autonomie financière, l’aide à l’entreprenariat, mais aussi l’accès à la santé sexuelle et reproductive. C’est ce qu’une diplomatie féministe devrait soutenir, et non seulement au travers d’une influence culturelle, telle qu’elle est trop souvent conçue aujourd’hui… »
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine
Vidéo Rafaël Flepp 50-50 Magazine
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Najat Vallaud-Belkacem : " la pauvreté est sexiste! " - 50 - 50 Magazine
Najat Vallaud-Belkacem fut ministre des Droits des Femmes de 2012 à 2014. Aujourd'hui elle est directrice pour la France de l'ONG ONE, une ONG co-fondée par le chanteur Bono, qui lutte contre ...
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La vérité sur le corps des femmes - Vidéo avec Najat Vallaud-Belkacem - Kaori Ito Fanny Arama - Camille Froidevaux-Metterie -
Vidéo visible uniquement sur Youtube...
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Au lycée, des ateliers pour briser le tabou des règles et lutter contre la précarité menstruelle
A l'occasion de la journée de l'hygiène menstruelle, le 28 mai, l'association "Règles élémentaires" lance son premier festival "Sang gène" pour déconstruire les tabous autour de la question des règles. Une action qu'elle mène toute l'année dans les établissements scolaires.
Ils sont 19 lycéens de Terminale ST2S du lycée Sadi Carnot-Jean Bertin de Saumur réunis autour de Florence Lépine, l'animatrice de l'association Règles élémentaires qui propose l'atelier. C'est leur professeure de Sciences-médico-sociales qui a organisé la rencontre. Un an qu'elle les fait travailler sur la précarité menstruelle jusqu'à organiser dans leur établissement une collecte. A priori, ils sont donc déjà avertis et pourtant, "même si, selon eux, ce n'est pas tabou dans leur entourage, au sein de leur famille, parmi leurs amis, on se rend compte qu'il y a certains tabous qui sont persistants. Il y a toujours cette question liée à la honte, à la saleté et que les règles, ça pue. Et il y a également des croyances ou des superstitions. Comme on ne peut pas faire monter une mayonnaise quand on a ses règles, ou que les règles, ça attire les requins. Il y a quand même plein de choses qui restent à déconstruire." constate l'animatrice.
Pour déconstruire ces tabous et idées reçues, elle va donc reprendre les choses à la base en commençant par expliquer comment fonctionne le cycle féminin. Elle va aussi les faire réfléchir à la notion de tabou en constatant par exemple que dans le langage courant, il est rare que le mot "règles" soit utilisé. "On parle des ragnagnas, on dit que les Anglais ont débarqué, que c'est les chutes du Niagara, qu'on est dans la zone rouge, que le nez du clown saigne... tout un tas d'expression qui invisibilise les règles", décrit Florence Lépine. "Il existe 5000 expressions différentes dans le monde pour ne pas dire règles. C'est comme les pubs avec le liquide bleu à la place du sang sur les serviettes hygiéniques. Il a fallu attendre 2018 pour qu'une marque s'autorise à montrer un liquide rouge."
Six ans de règles dans la vie d'une femme
L'animatrice de Règles élémentaires fait circuler les différentes protections qui existent actuellement dans le commerce, serviettes hygiéniques jetables, tampon avec ou sans applicateur, cup menstruelle et culotte de règles. Elle rappelle que les trois premiers ne doivent pas être utilisés plus de 4 heures alors que la dernière peut être gardée toute la journée, jusqu'à 12 heures d'affilées.
Florence Lépine donne aussi des repères chiffrés aux jeunes qui sont face à elle : 12,5 ans, l'âge moyen des premières règles pour les jeunes filles en France, 5 jours pour la durée moyenne des règles, 51 ans, l'âge moyen de la ménopause. 2250 jours de règles dans la vie d'une femme. L'équivalent d'une tasse à café de sang perdu par cycle. 45 millions de déchets de protections périodiques produits chaque année. 500 millions de femmes dans le monde qui n'ont pas les moyens de se procurer régulièrement ces protections et qui les remplacent par des torchons, du papier toilette, de la paille ou des bouteilles en plastique coupées en guise de cup.
La précarité menstruelle au coeur de leurs préoccupations
Plus aucun jeune ne ricane. Tous se rendent compte de l'importance de l'action qu'ils ont mené avec la collecte qu'ils ont organisée depuis quelques semaines. "Je ne pensais pas que ça coûtait aussi cher" s'afflige Lucas. "C'est énorme par rapport à une vie", renchérit Lilou. "Tout le monde ne peut pas s'en procurer tous les mois. C'est compliqué", constate Romain. Les filles éclatent de rire : "On a déjà parlé de ça, ils ne se rendent pas compte. Ils ne sont pas eux-mêmes concernés par les règles. C'est beaucoup de personnes qui sont dans ce cas là. Donc je pense que c'est vraiment intéressant ces ateliers pour les gars," remarque Lola.
Avec Alicia, Déborah et Camille, la conversation embraille sur la question du tabou : "C'est vrai que c'est intéressant de parler avec des hommes pour leur faire comprendre que c'est pas facile tous les jours. Pour moi, c'est pas du tout un sujet tabou. Que ce soit avec des hommes ou avec des femmes, ça ne me dérange pas d'en parler. Mais c'est vrai qu'il y a des professeurs qui en parlent pas. Souvent, c'est des hommes parce qu'ils ne savent pas trop quoi faire ou quoi dire, ou peut être pour éviter d'intimider les filles qui ont ce problème." "Moi, je sais que dans ma famille, j'ai de la chance. C'est très ouvert là-dessus et on ne considère pas ça comme un tabou. Mais je vois que ce n'est pas le cas dans certaines famille, quand j'en parle avec des copines. Elles n'en parlent pas, et encore moins avec le papa, par exemple. Le chemin est encore long."
Avec l'anonymat, la parole se libère encore plus
Vient enfin la séance de questions anonymes. De nouveaux sujets apparaissent, comme celui de la couleur des règles, de la normalité du cycle et, comme à chaque atelier, de la sexualité pendant les règles. Florence Lépine répond aux questions et rassure. "Parfois, c'est plus facile que ce soit une personne extérieure qui vienne s'emparer de ce sujet. Parce que les élèves ne nous connaissent pas forcément, je pense qu'il y a plus de liberté. Ils savent qu'on va être là seulement une heure à une heure et demie, que c'est le moment où ils vont pouvoir poser des questions, toutes les questions qu'ils souhaitent."
Le message porté par Règles élémentaires passe d'autant mieux qu'il est concret pour ces jeunes. En France, chaque année, 130 000 élèves ratent les cours à cause de leurs règles.
Anne Orenstein
"Sang Gène", le festival qui change les règles, les 27, 28 et 29 mai à Paris. Plus d'informations sur le site du festival.
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Au lycée, des ateliers pour briser le tabou des règles et lutter contre la précarité menstruelle
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A lire... "La conversation des sexes - Philosophie du consentement" - Manon Garcia
Pour en lire un extrait, cliquer ci-dessous
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La conversation des sexes. Philosophie du consentement - Manon Garcia
L'affaire Weinstein et le mouvement #MeToo ont mis la question des violences sexuelles au premier plan. Depuis, le consentement renvoie naturellement au consentement sexuel et amoureux, envisagé ...
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Le grand complot des livres d'histoire contre les femmes...
EXTRAITS
Pourquoi l'évolution des places respectives des femmes et des hommes dans la société ne mériterait-elle pas d'être enseignée?
Après des mois de travail dans le cadre de mon nouveau livre, je suis en mesure de vous annoncer un scoop: les femmes n'existent pas. En tout cas d'après les programmes d'histoire de l'Éducation nationale.
C'est même pire.
De façon contre-intuitive quand on voit l'évolution actuelle de la société, la place des femmes dans les nouveaux programmes d'histoire est en régression par rapport aux précédents. Comme le soulignent les historiennes Véronique Garrigues et Julie Pilorget: «Aujourd'hui, avec les nouveaux programmes de collège et de lycée, on constate un nouveau recul de la présence des femmes dans l'histoire enseignée, et les enseignements de spécialité font avant tout la promotion d'un “roman national” tourné vers les faits militaires et les événements politiques.»
Il faut dire que, pendant longtemps, cette absence a été facile à justifier. On pensait que les femmes, cantonnées aux travaux domestiques et à la maternité, n'avaient pas eu les possibilités matérielles de participer à l'histoire. Mais la recherche a montré qu'il s'agissait d'un mythe. Il porte même un nom, «le mythe de la femme empêchée». En réalité, tant qu'on postulait que les femmes n'avaient rien fait, et donc qu'on ne les cherchait pas, elles restaient invisibles. Du moment où l'on a commencé à chercher les femmes dans les sources, on les a trouvées: des femmes peintres, sculptrices, compositrices, des reines, des chevaleresses, des femmes soldats, des femmes bâtisseuses de cathédrales au Moyen Àge. Et encore plus étonnant: nombre de ces femmes ont rencontré un grand succès à leur époque.
(...)
Rétablir la vérité
Je repense avec une certaine colère à mes cours au lycée sur la démocratie athénienne ou la révolution française. Chaque fois, le fait que les femmes aient été exclues de cette citoyenneté était présenté par les profs, et dans les manuels, comme un détail. Un truc pas très important. On le mentionnait en passant, pour évacuer le sujet.
En vérité, considérer que l'exclusion des femmes est un détail historique et ne mérite pas la première place, c'est clairement dire que les femmes elles-mêmes sont accessoires, secondaires. Anecdotiques.
Il s'agirait de rétablir des vérités historiques qui ont été masquées par des préjugés sexistes que les programmes d'histoire reproduisent.
Et cela, c'est une décision politique. Une décision qui devrait paraître insupportable à tout le monde, pas seulement aux femmes. Parce que, messieurs, ce sont aussi vos ancêtres qui ont été effacées, c'est la moitié de votre arbre généalogique sur lequel on tire un trait.
(...)
Cet été, j'ai lu cette phrase dans Le Carnet d'or de Doris Lessing (romancière qui a eu le prix Nobel et qui pourrait facilement à son tour tomber dans l'oubli). C'est sa psychanalyste qui s'adresse à l'héroïne: «En quoi êtes-vous différente? Voulez-vous dire qu'il n'y a jamais eu de femmes artistes? Qu'il n'y a jamais eu de femmes indépendantes? Qu'il n'y a jamais eu de femmes qui réclament leur liberté sexuelle? Je vais vous dire: une immense file de femmes s'étend derrière vous, dans le passé, et il faut que vous les cherchiez, que vous les trouviez en vous-même, et que vous preniez conscience d'elles.» Cela date de 1962.
Bref, Les grandes oubliées sort cette semaine aux éditions de l'Iconoclaste, avec une merveilleuse préface de Michelle Perrot, et j'en suis fière.
Titiou Lecoq
Texte complet à lire en cliquant ci-dessous
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Le grand complot des livres d'histoire contre les femmes
Temps de lecture: 4 min Après des mois de travail dans le cadre de mon nouveau livre, je suis en mesure de vous annoncer un scoop: les femmes n'existent pas. En tout cas d'après les programmes ...
« Nous sommes peu formés à aborder cette question avec les filles » : les règles, un tabou que l’école voudrait dépasser
EXTRAITS
La région Ile-de-France, qui a lancé à la rentrée 2020 une campagne pour équiper les lycées en distributeurs de serviettes hygiéniques et tampons gratuits, estime qu’une élève sur trois ne dispose pas d’un accès satisfaisant aux protections périodiques.
Il y a ces collégiennes qui demandent à sortir « avec un regard entendu », celles qui « envoient la copine demander un tampon » à voix basse à l’enseignante, celles qui ne viennent pas en cours, tous les mois, pendant une journée ou deux – parce qu’elles craignent les accidents ou ont trop mal au ventre pour se déplacer. A l’adolescence, l’apparition des règles peut compliquer la scolarité de certaines jeunes filles, pour au moins deux raisons : l’inconfort physique provoqué par les menstruations et le manque d’accès aux protections – voire d’informations à leur sujet.
Difficile de savoir combien d’élèves sont concernées. La grande majorité d’entre elles seront réglées au cours de leurs années collège… Et toutes ne souffrent pas de douleurs incapacitantes ni d’un manque d’accès aux protections les obligeant à rater la classe. Selon une étude IFOP pour l’association Dons solidaires parue en 2019, 1,7 million de femmes en France sont touchées par la précarité menstruelle. La marque Always estime, quant à elle, sur la base d’une étude Google Survey, que 130 000 Françaises ratent les cours, chaque année, à cause de leurs règles. La région Ile-de-France, qui a lancé à la rentrée 2020 une campagne pour équiper les lycées en distributeurs de serviettes hygiéniques et tampons gratuits, avance qu’une élève sur trois ne dispose pas d’un accès satisfaisant aux protections périodiques.
(...)
Importance de la pédagogie
« L’argument principal n’est pas économique, poursuit Marie-Caroline Ciuntu. Les jeunes filles n’ont pas besoin d’être en grande précarité pour utiliser le distributeur. L’idée est que les lycéennes sachent que le problème est réglé, qu’elles n’ont plus à s’en préoccuper et peuvent venir en cours l’esprit tranquille. » Le coût de l’opération, pour les 31 établissements, s’élève à 40 000 euros en 2020. Etendre la mesure au reste des 465 établissements publics de la région coûtera 1 million d’euros en 2021, puis 700 000 euros par an – le prix de l’approvisionnement régulier des distributeurs en tampons et serviettes.
Les premiers retours des établissements concernés – dont un tiers sont situés en Seine-Saint-Denis – sont positifs, assure la région. Les élèves se servent et les distributeurs ne sont pas dégradés. « On nous a dit que les serviettes étaient utilisées à peu près dans les proportions que nous avions prévues, mais les tampons beaucoup moins, note Marie-Caroline Ciuntu. Quand les jeunes filles les prennent, c’est plutôt pour observer l’objet. »
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Enseignants « peu formés »
De ce point de vue, sortir la question des règles de l’infirmerie, est-ce la bonne solution ? Pas toujours, affirme Saphia Guereschi, secrétaire générale du SNICS-FSU, le syndicat majoritaire des infirmières scolaires. « Quand une élève vient demander une protection à l’infirmerie, cela déclenche une conversation, défend-elle. Derrière le simple oubli, il peut y avoir de la précarité, mais aussi d’autres enjeux sur le rapport au corps et à l’intimité. » L’infirmière peut aussi – à la différence du distributeur – faire un travail de prévention et de prise en charge. « A un âge où les règles peuvent être douloureuses, certaines pensent que c’est normal : une femme, ça souffre et c’est comme ça. On peut leur apprendre à gérer leur douleur, avec une poche de chaleur pour détendre l’utérus, par exemple. » Mais, parfois, les jeunes filles ont de vrais problèmes de santé. « Quand on soupçonne de l’endométriose, on peut orienter l’élève pour qu’elle soit prise en charge de manière adaptée », souligne Mme Guereschi.
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Violaine Morin
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