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Vivement l'Ecole!

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Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022 : «J’écris pour venger ma race et venger mon sexe»

8 Décembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Litterature, #Droit des femmes, #Femme, #Feminisme

À Stockholm, Annie Ernaux met en garde contre une « idéologie de repli » -  Elle

L’écrivaine doit recevoir samedi le prix Nobel de littérature qui lui a été attribué le 6 octobre. «Libération» publie son discours, prononcé mercredi 7 décembre à Stockholm.

Par où commencer ? Cette question, je me la suis posée des dizaines de fois devant la page blanche. Comme s’il me fallait trouver la phrase, la seule, qui me permettra d’entrer dans l’écriture du livre et lèvera d’un seul coup tous les doutes. Une sorte de clef. Aujourd’hui, pour affronter une situation que, passé la stupeur de l’événement – «est-ce bien à moi que ça arrive ?» – mon imagination me présente avec un effroi grandissant, c’est la même nécessité qui m’envahit. Trouver la phrase qui me donnera la liberté et la fermeté de parler sans trembler, à cette place où vous m’invitez ce soir.

Cette phrase, je n’ai pas besoin de la chercher loin. Elle surgit. Dans toute sa netteté, sa violence. Lapidaire. Irréfragable. Elle a été écrite il y a soixante ans dans mon journal intime. J’écrirai pour venger ma race. Elle faisait écho au cri de Rimbaud : «Je suis de race inférieure de toute éternité». (1) J’avais vingt-deux ans. J’étais étudiante en Lettres dans une faculté de province, parmi des filles et des garçons pour beaucoup issus de la bourgeoisie locale. Je pensais orgueilleusement et naïvement qu’écrire des livres, devenir écrivain, au bout d’une lignée de paysans sans terre, d’ouvriers et de petits commerçants, de gens méprisés pour leurs manières, leur accent, leur inculture, suffirait à réparer l’injustice sociale de la naissance. Qu’une victoire individuelle effaçait des siècles de domination et de pauvreté, dans une illusion que l’Ecole avait déjà entretenue en moi avec ma réussite scolaire. En quoi ma réalisation personnelle aurait-elle pu racheter quoi que ce soit des humiliations et des offenses subies ? Je ne me posais pas la question. J’avais quelques excuses.

Depuis que je savais lire, les livres étaient mes compagnons, la lecture mon occupation naturelle en dehors de l’école. Ce goût était entretenu par une mère, elle-même grande lectrice de romans entre deux clients de sa boutique, qui me préférait lisant plutôt que cousant et tricotant. La cherté des livres, la suspicion dont ils faisaient l’objet dans mon école religieuse, me les rendaient encore plus désirables. Don Quichotte, Voyages de Gulliver, Jane Eyre, contes de Grimm et d’Andersen, David Copperfield, Autant en emporte le vent, plus tard les Misérables, les Raisins de la colère, la Nausée, l’Etranger : c’est le hasard, plus que des prescriptions venues de l’Ecole, qui déterminait mes lectures.

Le choix de faire des études de lettres avait été celui de rester dans la littérature, devenue la valeur supérieure à toutes les autres, un mode de vie même qui me faisait me projeter dans un roman de Flaubert ou de Virginia Woolf et de les vivre littéralement. Une sorte de continent que j’opposais inconsciemment à mon milieu social. Et je ne concevais l’écriture que comme la possibilité de transfigurer le réel.

Urgence secrète et absolue

Ce n’est pas le refus d’un premier roman par deux ou trois éditeurs – roman dont le seul mérite était la recherche d’une forme nouvelle – qui a rabattu mon désir et mon orgueil. Ce sont des situations de la vie où être une femme pesait de tout son poids de différence avec être un homme dans une société où les rôles étaient définis selon les sexes, la contraception interdite et l’interruption de grossesse un crime. En couple avec deux enfants, un métier d’enseignante, et la charge de l’intendance familiale, je m’éloignais de plus en plus chaque jour de l’écriture et de ma promesse de venger ma race. Je ne pouvais lire «La parabole de la loi» dans le Procès de Kafka sans y voir la figuration de mon destin : mourir sans avoir franchi la porte qui n’était faite que pour moi, le livre que seule je pourrais écrire.

Mais c’était sans compter sur le hasard privé et historique. La mort d’un père qui décède trois jours après mon arrivée chez lui en vacances, un poste de professeur dans des classes dont les élèves sont issus de milieux populaires semblables au mien, des mouvements mondiaux de contestation : autant d’éléments qui me ramenaient par des voies imprévues et sensibles au monde de mes origines, à ma «race», et qui donnaient à mon désir d’écrire un caractère d’urgence secrète et absolue. Il ne s’agissait pas, cette fois, de me livrer à cet illusoire «écrire sur rien» de mes vingt ans, mais de plonger dans l’indicible d’une mémoire refoulée et de mettre au jour la façon d’exister des miens. Ecrire afin de comprendre les raisons en moi et hors de moi qui m’avaient éloignée de mes origines.

Aucun choix d’écriture ne va de soi. Mais ceux qui, immigrés, ne parlent plus la langue de leurs parents, et ceux, transfuges de classe sociale, n’ont plus tout à fait la même, se pensent et s’expriment avec d’autres mots, tous sont mis devant des obstacles supplémentaires. Un dilemme. Ils ressentent, en effet, la difficulté, voire l’impossibilité d’écrire dans la langue acquise, dominante, qu’ils ont appris à maîtriser et qu’ils admirent dans ses œuvres littéraires, tout ce qui a trait à leur monde d’origine, ce monde premier fait de sensations, de mots qui disent la vie quotidienne, le travail, la place occupée dans la société. Il y a d’un côté la langue dans laquelle ils ont appris à nommer les choses, avec sa brutalité, avec ses silences, celui, par exemple, du face-à-face entre une mère et un fils, dans le très beau texte d’Albert Camus, «Entre oui et non». De l’autre, les modèles des œuvres admirées, intériorisées, celles qui ont ouvert l’univers premier et auxquelles ils se sentent redevables de leur élévation, qu’ils considèrent même souvent comme leur vraie patrie. Dans la mienne figuraient Flaubert, Proust, Virginia Woolf : au moment de reprendre l’écriture, ils ne m’étaient d’aucun secours. Il me fallait rompre avec le «bien écrire», la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait. Spontanément, c’est le fracas d’une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté, qui m’est venue, une langue de l’excès, insurgée, souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire des mépris, de la honte et de la honte de la honte.

Très vite aussi, il m’a paru évident – au point de ne pouvoir envisager d’autre point de départ – d’ancrer le récit de ma déchirure sociale dans la situation qui avait été la mienne lorsque j’étais étudiante, celle, révoltante, à laquelle l’Etat français condamnait toujours les femmes, le recours à l’avortement clandestin entre les mains d’une faiseuse d’anges. Et je voulais décrire tout ce qui est arrivé à mon corps de fille, la découverte du plaisir, les règles. Ainsi, dans ce premier livre, publié en 1974, sans que j’en sois alors consciente, se trouvait définie l’aire dans laquelle je placerais mon travail d’écriture, une aire à la fois sociale et féministe. Venger ma race et venger mon sexe ne feraient qu’un désormais.

Comment ne pas s’interroger sur la vie sans le faire aussi sur l’écriture ? Sans se demander si celle-ci conforte ou dérange les représentations admises, intériorisées sur les êtres et les choses ? Est-ce que l’écriture insurgée, par sa violence et sa dérision, ne reflétait pas une attitude de dominée ? Quand le lecteur était un privilégié culturel, il conservait la même position de surplomb et de condescendance par rapport au personnage du livre que dans la vie réelle. C’est donc, à l’origine, pour déjouer ce regard qui, porté sur mon père dont je voulais raconter la vie, aurait été insoutenable et, je le sentais, une trahison, que j’ai adopté, à partir de mon quatrième livre, une écriture neutre, objective, «plate» en ce sens qu’elle ne comportait ni métaphores, ni signes d’émotion. La violence n’était plus exhibée, elle venait des faits eux-mêmes et non de l’écriture. Trouver les mots qui contiennent à la fois la réalité et la sensation procurée par la réalité, allait devenir, jusqu’à aujourd’hui, mon souci constant en écrivant, quel que soit l’objet.

Le «je», une conquête démocratique

Continuer à dire «je» m’était nécessaire. La première personne – celle par laquelle, dans la plupart des langues, nous existons, dès que nous savons parler, jusqu’à la mort – est souvent considérée, dans son usage littéraire, comme narcissique dès lors qu’elle réfère à l’auteur, qu’il ne s’agit pas d’un «je» présenté comme fictif. Il est bon de rappeler que le «je», jusque-là privilège des nobles racontant des hauts faits d’armes dans des Mémoires, est en France une conquête démocratique du XVIIIe siècle, l’affirmation de l’égalité des individus et du droit à être sujet de leur histoire, ainsi que le revendique Jean-Jacques Rousseau dans ce premier préambule des Confessions «Et qu’on n’objecte pas que n’étant qu’un homme du peuple, je n’ai rien à dire qui mérite l’attention des lecteurs. […] Dans quelque obscurité que j’aie pu vivre, si j’ai pensé plus et mieux que les Rois, l’histoire de mon âme est plus intéressante que celle des leurs.» (2)

Ce n’est pas cet orgueil plébéien qui me motivait (encore que…) mais le désir de me servir du «je» – forme à la fois masculine et féminine – comme un outil exploratoire qui capte les sensations, celles que la mémoire a enfouies, celles que le monde autour ne cesse de nous donner, partout et tout le temps. Ce préalable de la sensation est devenu pour moi à la fois le guide et la garantie de l’authenticité de ma recherche. Mais à quelles fins ? Il ne s’agit pas pour moi de raconter l’histoire de ma vie ni de me délivrer de ses secrets mais de déchiffrer une situation vécue, un événement, une relation amoureuse, et dévoiler ainsi quelque chose que seule l’écriture peut faire exister et passer, peut-être, dans d’autres consciences, d’autres mémoires. Qui pourrait dire que l’amour, la douleur et le deuil, la honte, ne sont pas universels ? Victor Hugo a écrit : «Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui» (3). Mais toutes choses étant vécues inexorablement sur le mode individuel – «c’est à moi que ça arrive» – elles ne peuvent être lues de la même façon que si le «je» du livre devient, d’une certaine façon, transparent, et que celui du lecteur ou de la lectrice vienne l’occuper. Que ce «je» soit en somme transpersonnel.

C’est ainsi que j’ai conçu mon engagement dans l’écriture, lequel ne consiste pas à écrire «pour» une catégorie de lecteurs, mais «depuis» mon expérience de femme et d’immigrée de l’intérieur, depuis ma mémoire désormais de plus en plus longue des années traversées, depuis le présent, sans cesse pourvoyeur d’images et de paroles des autres. Cet engagement comme mise en gage de moi-même dans l’écriture est soutenu par la croyance, devenue certitude, qu’un livre peut contribuer à changer la vie personnelle, à briser la solitude des choses subies et enfouies, à se penser différemment. Quand l’indicible vient au jour, c’est politique.

Idéologie de repli et de fermeture

On le voit aujourd’hui avec la révolte de ces femmes qui ont trouvé les mots pour bouleverser le pouvoir masculin et se sont élevées, comme en Iran, contre sa forme la plus archaïque. Ecrivant dans un pays démocratique, je continue de m’interroger, cependant, sur la place occupée par les femmes dans le champ littéraire. Leur légitimité à produire des œuvres n’est pas encore acquise. Il y a dans le monde, y compris dans les sphères intellectuelles occidentales, des hommes pour qui les livres écrits par les femmes n’existent tout simplement pas, ils ne les citent jamais. La reconnaissance de mon travail par l’Académie suédoise constitue un signal d’espérance pour toutes les écrivaines.

Dans la mise au jour de l’indicible social, cette intériorisation des rapports de domination de classe et /ou de race, de sexe également, qui est ressentie seulement par ceux qui en sont l’objet, il y a la possibilité d’une émancipation individuelle mais aussi collective. Déchiffrer le monde réel en le dépouillant des visions et des valeurs dont la langue, toute langue, est porteuse, c’est en déranger l’ordre institué, en bouleverser les hiérarchies.

Mais je ne confonds pas cette action politique de l’écriture littéraire, soumise à sa réception par le lecteur ou la lectrice avec les prises de position que je me sens tenue de prendre par rapport aux événements, aux conflits et aux idées. J’ai grandi dans la génération de l’après-Guerre mondiale où il allait de soi que des écrivains et des intellectuels se positionnent par rapport à la politique de la France et s’impliquent dans les luttes sociales. Personne ne peut dire aujourd’hui si les choses auraient tourné autrement sans leur parole et leur engagement. Dans le monde actuel, où la multiplicité des sources d’information, la rapidité du remplacement des images par d’autres, accoutument à une forme d’indifférence, se concentrer sur son art est une tentation. Mais, dans le même temps, il y a en Europe – masquée encore par la violence d’une guerre impérialiste menée par le dictateur à la tête de la Russie – la montée d’une idéologie de repli et de fermeture, qui se répand et gagne continûment du terrain dans des pays jusqu’ici démocratiques. Fondée sur l’exclusion des étrangers et des immigrés, l’abandon des économiquement faibles, sur la surveillance du corps des femmes, elle m’impose, à moi, comme à tous ceux pour qui la valeur d’un être humain est la même, toujours et partout, un devoir d’extrême vigilance.

En m’accordant la plus haute distinction littéraire qui soit, c’est un travail d’écriture et une recherche personnelle menés dans la solitude et le doute qui se trouvent placés dans une grande lumière. Elle ne m’éblouit pas. Je ne regarde pas l’attribution qui m’a été faite du prix Nobel comme une victoire individuelle. Ce n’est ni orgueil ni modestie de penser qu’elle est, d’une certaine façon, une victoire collective. J’en partage la fierté avec ceux et celles qui, d’une façon ou d’une autre, souhaitent plus de liberté, d’égalité et de dignité pour tous les humains, quels que soient leur sexe et leur genre, leur peau et leur culture. Ceux et celles qui pensent aux générations à venir, à la sauvegarde d’une Terre que l’appétit de profit d’un petit nombre continue de rendre de moins en moins vivable pour l’ensemble des populations.

Si je me retourne sur la promesse faite à vingt ans de venger ma race, je ne saurais dire si je l’ai réalisée. C’est d’elle, de mes ascendants, hommes et femmes durs à des tâches qui les ont fait mourir tôt, que j’ai reçu assez de force et de colère pour avoir le désir et l’ambition de lui faire une place dans la littérature, dans cet ensemble de voix multiples qui, très tôt, m’a accompagnée en me donnant accès à d’autres mondes et d’autres pensées, y compris celle de m’insurger contre elle et de vouloir la modifier. Pour inscrire ma voix de femme et de transfuge sociale dans ce qui se présente toujours comme un lieu d’émancipation, la littérature.

Annie Ernaux

(1) Arthur Rimbaud, Une saison en enfer. Édition critique. Introduction et notes par H. de Bouillane de Lacoste. Paris : Mercure de France, 1941
(2) Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes I. Les confessions ; Autres textes autobiographiques. Édition publiée sous la direction de Bernard Gagnebin et Marcel Raymond. Paris : Gallimard, 1959
(3) Victor Hugo, Œuvres complètes. Poésie V, Les Contemplations (Préface des Contemplations). Paris : Hetzel-Quantin, 1882
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Cherchez les femmes dans l'Histoire

6 Décembre 2022 , Rédigé par France Inter -Arte Publié dans #Education, #Femme, #Feminisme, #Histoire

Cherchez les femmes ! - Arte

La série d'animation "Cherchez la femme !" donne la parole à des femmes invisibilisées tout au long de l'histoire. Trente épisodes drôles et malins à voir sur le site d'Arte.

Elles sont où ? Oui, elles sont où toutes ces femmes, déterminantes dans l’histoire de l’humanité, et pourtant invisibilisées dans les livres d’histoires ?

Une série animée, composée de 30 épisodes de 3 minutes, et signée Julie Gavras redonne donc, avec humour, la parole à ces personnalités qui ont changé le cours de notre destinée. La voix du narrateur est assurée par Denis Podalydès pendant que les héroïnes sont incarnées par des comédiennes comme Agnès Jaoui, Laetitia Casta, Camille Chamoux Jeanne Balibar...

A chaque épisode, une femme oubliée, ignorée, dans des domaines très divers que sont la science, la littérature, le cinéma, le monde militaire aussi… On découvre ainsi les onna-musha, des femmes samouraïs dans le Japon médiéval. Mais aussi Hatchepsout, pharaonne, dont le nom a longtemps été rayé des archives. Les exemples ne manquent pas malheureusement.

Pour invisibiliser ces femmes, les méthodes sont diverses.
Des travaux de chercheuses minimisés par exemple. Des écrits d’autrices dévalorisés par leurs collègues hommes, comme ce fut le cas pour l’écrivaine Christine de Pizan ou la dramaturge Catherine Bernard.

Femmes ignorées, méprisées...

Parfois, les hommes ne s’embarrassent pas et spolient tout simplement la création d’une femme… Exemple plutôt amusant mais révélateur avec le Monopoly. Pendant des années, on a cru que le célèbre jeu avait été inventé par un certain Charles Darrow. Que nenni ! C’était une femme  : Elizabeth Magie. Charles Darrow a repris son jeu "The Landlord's game", en a modifié quelques détails avant de le proposer à l'éditeur Parker Brothers pour finir par faire fortune grâce au Monopoly !

Evidemment, le destin de ces femmes puissantes est résumé en 3 minutes.
Mais la série a cette immense qualité : susciter notre curiosité. Et nous donne envie d’aller chercher des infos supplémentaires sur ces femmes qui ont compté.
Elles ont d’ailleurs la chance d’avoir une page Wikipédia… Et ce n’est pas donné à tout le monde.
Dans le dernier épisode, il est précisé que seules 20% des biographies de l’encyclopédie en ligne sont consacrés… aux femmes.
Pour une catégorie d’êtres humains représentant la moitié de la population mondiale, avouez que ce n’est pas beaucoup.

Les 30 épisodes de "Cherchez la femme !" sont disponibles gratuitement sur le site arte.tv

Eva Roque

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Najat Vallaud Belkacem est l’invitée de Sophie Iborra dans Les Héritières (Audio)

2 Décembre 2022 , Rédigé par La Tribune Publié dans #Feminisme, #Femmes

Najat Vallaud Belkacem est l’invitée de Sophie Iborra dans Les Héritières (Audio)

Les crises, qu’elles soient sanitaires, climatiques, ou liées à des conflits géopolitiques, ont-elles des impacts spécifiques sur les femmes et les jeunes filles ? Force est de constater que la place des femmes a longtemps été négligée dans les travaux visant à quantifier et à analyser leur exil.

En France, la part des femmes dans la migration est en augmentation depuis ces dernières années. Le nombre de femmes étrangères présentes sur le territoire dépasse ainsi celui des hommes depuis 2008 avec 51,5% du total en 2020 tous types d'immigrations confondues. Originaires à 55% du continent africain, elles sont aussi issues d'Europe à 24%. Les Nations Unies indiquent ainsi qu'elles représentent plus de la moitié des personnes déplacées dans le monde en 2020.

Pourquoi est-il si important d'analyser ces données avec un prisme de genre ? Parce qu'il existe bel et bien des spécificités féminines à l'origine de leur exil :  mariages forcés et précoces, violences conjugales et intra-familiales, traites aux fins d'exploitation sexuelle, mutilations sexuelles...en constante augmentation chaque année. L'exil leur permet donc le plus souvent d'échapper à des situations dangereuses et intenables pour elles.

Leur parcours d'intégration est aussi plus difficile que celui des hommes. Accès aux soins, formation professionnelle, emplois ou apprentissage de la langue, les traumatismes et les violences subis dans leur pays d'origine ou pendant le trajet migratoire sont autant de freins à une véritable insertion réussie.

En 2018, le Haut Conseil à l'Égalité pointait, notamment, le manque de place d'hébergement spécifique pour ces femmes et la formation des acteurs de l'asile en la matière.

Depuis, 300 places ont été créées au sein d'un dispositif national d'accueil dédié aux femmes en danger qu'elles soient demandeuses d'asile ou réfugiées. Des sessions de formation sur les questions de vulnérabilité et de violences faites aux femmes ont été mises en place pour former, notamment, les personnels et agents de l'OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration). Enfin un plan vulnérabilité publié en 2021 par le Ministère de l'Intérieur a pour objectif, entre autres, d'améliorer leur prise en charge.

Épisode 3- Saison 2 -Najat Vallaud Belkacem

Symbole de la diversité et de l'intégration réussie, surdouée de la politique avec un parcours fulgurant, mon invitée, ce mois-ci, dans les Héritières, est une femme engagée à gauche. Femme libre et curieuse de tout, Directrice générale d'une ONG qui lutte contre l'extrême pauvreté dans le monde, elle est aussi Présidente de France Terre d'Asile qui défend, accueille et accompagne, les demandeurs d'asile et les mineurs isolés étrangers.

Najat Vallaud Belkacem est la nouvelle invitée du podcast Les Héritières - Saison 2

Bonne écoute !

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Violences sexuelles dans la recherche : «Doctorante, on est le premier maillon de la chaîne alimentaire»

28 Novembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Universite, #Feminisme, #Droit des femmes

Comment les universités luttent contre le harcèlement sexuel - Le Figaro  Etudiant

Dans l’intimité d’un laboratoire ou lors d’un colloque international, les jeunes chercheuses sont les premières victimes de comportements abusifs à connotation sexiste ou sexuelle. Pour «Libération», plusieurs doctorantes ou ex-doctorantes témoignent. Les procédures disciplinaires demeurent incertaines, malgré une attention accrue du ministère de l’Enseignement supérieur.

Après huit mois de thèse, Julia (1) jette l’éponge. L’ambiance toxique de son laboratoire a raison de son doctorat. Elle mène à l’époque, en 2021, une recherche en physique nucléaire, une discipline identifiée comme masculine. Dans son équipe, les brimades sexistes, qui s’apparentent à du harcèlement sexuel aux yeux de la loi, sont monnaie courante. «Dans les couloirs, à la cafèt, lors de mes présentations, c’est toujours une petite remarque glissée, malveillante.» Du genre «t’es bien une femme pour faire des jolis PowerPoint». Quand ce n’est pas des allusions et des blagues plus douteuses. «On vous compare à un chien, on rit de vous parce que vous avez la bouche pleine. C’est du niveau collège, et tout le monde se marre.» La jeune femme raconte un lourd climat sexiste entretenu par son directeur de thèse en personne. Très vite, elle sollicite un référent du pôle «égalité et parité» de son département, qui lui propose une médiation avec ses «harceleurs». L’idée d’une confrontation directe la met en pleurs. Elle refuse.

Julia peine à alerter la direction de son université de l’Est de la France. «J’ai fait face à des murs», dit-elle. Entamer des démarches pour changer de tuteur, de laboratoire voire de département de recherche peut s’avérer très complexe : le contrat doctoral, principale forme de soutien, notamment financier, attribué aux étudiants souhaitant se lancer dans une thèse, est fléché en fonction de projets scientifiques validés en amont par des pairs et en concertation avec le directeur de thèse lui-même. Dans la plupart des cas, ce dernier est aussi à l’initiative de la composition du comité de suivi de thèse, bureau chargé de veiller au bon déroulement de la formation doctorale. Ecœurée, elle finit par s’isoler. «J’avais peur de sortir de mon bureau pour aller aux toilettes, fumer une clope ou rester tard le soir.» Après deux mois et demi d’arrêt maladie, elle fait un abandon de poste et parvient à négocier son licenciement.

«Mon directeur m’a dit : “Je te baise”»

Un rapport soutenu par la Défenseuse des droits et rendu public en octobre fait état de conditions d’études «grevées par un climat sexiste et sexualisé» dans le milieu universitaire en France, doctorat compris. Au point de «conduire à l’abandon des études ou à des difficultés à suivre des enseignements». Un constat qui corrobore le panorama brossé dans Comment l’université broie les jeunes chercheurs (Autrement, 2022), une enquête effectuée par questionnaire en ligne auprès de 1 800 doctorants et docteurs par Adèle B. Combes, elle-même docteure en neurobiologie : 25 % des répondants disent y avoir «subi une situation à connotation sexuelle ou sexiste au moins une fois durant leur doctorat». L’encadrant de thèse est souvent cité comme l’auteur des agissements, même si de telles situations impliquent aussi des collègues aux statuts variés et sensiblement du même âge que les victimes. «Une fois, mon directeur m’a dit : “Je te baise”», confie une ancienne doctorante à Adèle B. Combes.

Proche de la quarantaine, Sandrine (1) est aujourd’hui une chercheuse titulaire en sciences de la Terre. Elle dit avoir été violée par son supérieur hiérarchique alors qu’ils étaient en mission sur le terrain. Les faits remontent à une dizaine d’années mais elle ne porte plainte qu’en 2020, comme l’atteste un procès-verbal consulté par Libération«J’étais jusqu’à il y a peu dans une situation précaire où j’enchaînais les contrats s’étalant de quelques mois à quelques années. Je reste persuadée que si j’avais parlé, je n’aurais fait que briser mon rêve de devenir chercheuse. Il s’agit d’un petit monde où les relations professionnelles s’entremêlent aux liens amicaux. Ça m’aurait porté préjudice sans que ça l’atteigne lui. C’est quelqu’un de très charismatique, j’étais fière de travailler avec lui. Je n’ai rien vu venir.»

D’après son récit, ni son désir ni son consentement n’ont été interrogés pendant l’acte. Après les faits, elle raconte des années «en mode pilote automatique» et un travail de longue haleine chez des psychothérapeutes et des gynécologues pour retrouver le «goût de la vie». En parallèle de la procédure judiciaire, une enquête administrative est en cours au sein de l’institut parisien employeur du mis en cause au moment des faits.

Certaines doctorantes en viennent à redouter les colloques scientifiques. Cadre idéal pour diffuser ses résultats et débattre entre pairs, les séminaires et autres congrès internationaux sont aussi des lieux propices aux situations de harcèlement et d’agression. Aujourd’hui jeune docteure en études politiques, Manon (1) se souviendra toujours de son premier colloque et ses commentaires dégradants. Alors que son directeur de thèse la présente à des collègues, l’un d’eux remarque : «On comprend pourquoi tu l’as choisie, tu t’emmerdes pas mon salaud.» «Comme si je n’étais pas là», se remémore-t-elle.

Selon elle, les gestes déplacés lors de ce type de rencontres sont récurrents. «Lors d’un nouveau colloque à l’étranger, je parle avec un ponte de mon domaine, quelqu’un de plus âgé et dont je cite les écrits dans mes recherches. On logeait dans le même hôtel. En rentrant, il me propose un verre au bar. Je préfère montrer me coucher. Il m’accompagne et fait le piquet devant la porte de ma chambre. C’était en 2018, je finissais ma thèse, j’étais effrayée et sans recours. Avec le recul, je comprends qu’il a interprété mon intérêt pour son travail comme un blanc-seing.»

«Vieux profs un peu dégueu»

Les colloques constituent «un observatoire privilégié pour analyser la ligne de tension entre consentement et abus de pouvoir», écrit Farah Deruelle, doctorante en sociologie à Toulouse Jean-Jaurès, dans la revue Terrains et Travaux (Cairninfo, 2022). «Ainsi, si la proximité physique entretenue par les colloques autorise les transgressions de toutes sortes, leur confinement géographique assoit le sentiment d’omnipotence des auteurs de violences, constate-t-elle au terme d’une enquête menée au sein d’une délégation régionale du CNRS. Dans un mouvement parallèle, il favorise aussi leur non-dénonciation, chez des victimes plutôt résolues à les subir.»

Car ces journées d’études, où circulent promesses d’embauche, projets de publication, opportunités de collaboration avec des entreprises et d’intégration de sociétés savantes, sont des espaces d’échanges informels indispensables au développement d’une carrière naissante. «En recherche, il se passe plein de trucs au bar. Moi, c’est comme ça que j’ai trouvé mon postdoc», raconte une chercheuse en biologie à Farah Deruelle.

Pour Manon, être une femme, jeune et de surcroît doctorante, c’est la triple peine. «On doit supporter les autres doctorants, les docteurs, les enseignants-chercheurs un peu plus installés et certains vieux profs un peu dégueu en fin de carrière, résume l’ancienne thésarde. En fin de compte, jeune doctorante, on est le premier maillon de la chaîne alimentaire.» Un statut d’autant plus vulnérable que le secteur de la recherche, où les titularisations sont rares, est marqué par une forte concurrence.

L’horizon professionnel s’assombrit plus encore pour les femmes : trois ans après l’obtention de leur doctorat, elles gagnent en moyenne 7 % de moins que leurs homologues masculins et sont 63 % à accéder à un emploi stable contre 68 % des hommes, d’après les données du ministère de l’Enseignement supérieur. Et si elles sont aussi nombreuses que les hommes en doctorat, toutes filières confondues, elles ne sont que 35 % à occuper des directions de thèses et 29 % à devenir professeures des universités, l’un des postes les plus prestigieux du monde académique.

Les situations abusives ne se déroulent pas que dans l’intimité d’une relation de subordination propre à l’encadrement doctoral. En septembre 2021, Léa vient à bout de sa thèse en mathématiques au prix d’une dégradation de son état de santé physique et morale. En cause, le harcèlement sexuel qu’elle subit de la part d’un collègue de labo pendant près d’un an, jusqu’à l’agression. «Dès qu’on se croisait, il me faisait des réflexions sur mes fesses, mes seins ou comment j’étais habillée, que je mette un col roulé ou une jupe. Je me suis surprise à réfléchir à quelle tenue j’allais mettre le matin pour être tranquille au bureau. Puis, il a commencé à me toucher, à mettre ses mains sur mes épaules, au niveau de la taille sans s’apercevoir que ça me gênait.» A plusieurs reprises, elle lui demande d’arrêter. Il insiste et tourne sa requête en dérision. Un soir lors d’un verre entre collègues : «Il m’a glissé la main sur la cuisse et l’a remontée sous ma robe jusqu’à mon sexe. Je lui ai tout de suite retirée. Je lui ai fait comprendre que je ne voulais pas mais il m’a quand même suivie jusqu’à chez moi.»

Opacité des procédures disciplinaires

Après l’agression, Léa déserte autant que possible le campus et consulte un médecin spécialisé en psychiatrie à plusieurs reprises. Elle n’envisage aucun recours en justice mais dépose une main courante pour signaler la situation. «L’ambiance de travail est déjà assez pourrie avec les histoires de manque d’argent, de manque de postes… On est tous un peu dans la même merde, je ne voulais pas que ça aille trop loin.» Ce n’est qu’en apprenant que d’autres doctorantes ont elles aussi eu affaire à son agresseur, que son directeur de thèse était au courant de faits similaires précédents et qu’après une suspension de contrat son collègue avait été autorisé à reprendre son poste, qu’elle porte plainte. Elle se constitue partie civile. Son dossier remonte au procureur de la République qui retient le qualificatif de «harcèlement sexuel». Son agresseur est notifié d’un rappel à la loi assorti de l’obligation d’une indemnisation de 800 euros en échange de la fin des poursuites judiciaires, selon les pièces du dossier consultées par Libération.

Pour prévenir les faits de harcèlement et de violences physiques, un arrêté du 26 août 2022 a renforcé les missions de détection et d’alerte des comités de suivi de thèses, introduits dans la réglementation nationale en 2016. Les écoles doctorales ont désormais l’obligation de signaler à une cellule d’écoute au sein de l’établissement tous les «actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes» dès qu’elles en ont connaissance.

Tout en reconnaissant qu’il y a «des cas d’abus dans les organismes de recherche comme dans tout milieu professionnel», les garde-fous «sont plus vertueux qu’ailleurs», assure Sylvie Pommier, présidente du Réseau national des collèges doctoraux (RNCP), qui a publié en octobre un guide de suivi de thèse destiné aux écoles doctorales. «A la différence des entretiens annuels en entreprise, les comités de suivi de thèse ne se font pas avec le n + 1.»

De son côté, le CNRS a mis sur pied cette année une cellule de signalements assurant «l’organisation des enquêtes administratives jugées nécessaires», explique le Centre de recherches. «Il y a un réel décalage entre toutes ces évolutions qui sont très récentes et théoriques, et la réalité encore loin de permettre aux victimes de s’exprimer en toute confidentialité», explique May Morris biochimiste au CNRS et coordinatrice d’un programme de mentorat des doctorantes au sein de l’association Femmes et Sciences.

En octobre, la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, annonçait dans le Parisien doubler le budget annuel alloué contre les violences sexistes et sexuelles en 2023, de 1,7 à 3,5 millions d’euros. Si l’institution se décide à agir, les démarches pouvant mener à des procédures disciplinaires relèvent encore du parcours du combattant, pour de multiples raisons : longueur et opacité des procédures, sanctions peu dissuasives ou encore bon vouloir du président d’université, seul à pouvoir décider de saisir une section disciplinaire, selon le code de l’éducation.

«Il reste beaucoup à faire, commente Anne (1), maîtresse de conférences à l’université Toulouse Jean-Jaurès, qui a alerté sur le comportement d’un professeur des universités, déjà mis en cause par le passé. Il y a un véritable plafond de verre, ajoute-t-elle, un professeur des universités qui siège dans un conseil d’administration ou occupe un rôle syndical important reste intouchable car il a trop de pouvoir.» Après n’avoir jamais été inquiété, l’intéressé a pris sa retraite et s’est vu décerner l’éméritat, un titre honorifique. Ce qui l’autorise à continuer d’encadrer des thèses.

Simon Blin

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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La nocturne féministe de Najat Vallaud-Belkacem à Orléans

24 Novembre 2022 , Rédigé par MagCentre.fr Publié dans #Feminisme, #Droit des femmes, #Femmes

La nocturne féministe de Najat Vallaud-Belkacem à Orléans

L’ex-ministre Najat Vallaud-Belkacem était l’invitée ce jeudi 17 novembre 2022 de la nocturne féministe du FRAC Centre Val-de-Loire. La directrice de l’ONG ONE est venue parler des leçons féministes de la crise du Covid avec son livre La Société des vulnérables, co-écrit avec la philosophe Sandra Laugier. Un ouvrage vif et incisif qui a le mérite de mettre en avant des vérités dérangeantes.

Ce n’est pas tous les jours que le FRAC reçoit une ex-ministre à Orléans. Même si Najat Vallaud-Belkacem est directrice de l’ONG ONE depuis le 7 avril 2020, et plus récemment. présidente de France Terre d’Asile, elle est bien sûr largement revenue sur son expérience de ministre chargée du droit des femmes entre 2012 et 2014, (un ministère qui avait disparu pendant 26 ans, NDLR) puisqu’elle était l’invitée de la nocturne féminisme de Novembre.

Une femme qui reste résolument du côté des femmes avec son livre La société des Vulnérables, leçons féministes d’une crise co-écrit avec la philosophe Sandra Laugier et publié en septembre 2020 en pleine crise du Covid dans la collection Tracts Gallimard.

C’est Abdelkader Damani, directeur du FRAC qui a mené la discussion. Beaucoup de thèmes ont été abordés durant plus d’une heure. En voici quelques extraits en commençant tout d’abord par la vulnérabilité :

Tous mes engagements passés et actuels tournent autour de la vulnérabilité parce que pour moi le vrai rôle du politique est d’être au service des plus vulnérables, c’est-à-dire de ceux qui ne peuvent compter que sur des services et des politiques publiques adapté.e.s. Et depuis trois années que j’ai décidé de faire un pas de côté et de m’engager dans le monde des ONG, c’est clair que j’ai encore une fois été attirée par cette question des plus vulnérables, notamment le souci des populations les plus pauvres dans les pays du Sud mais aussi le sort des demandeurs d’asile en France. 

J’estime que la façon dont les politiques publiques répondent à cette question de la vulnérabilité, c’est précisément ce qui permet de juger la bonne santé ou non d’une société. 

“Tout commence par la discrimination des femmes”

Mais Najat Vallaud-Belkacem place la discrimination entre les hommes et les femmes comme étant celle qui conditionne toutes les autres :

Parce que la première des hiérarchies qui a été créée entre les êtres, c’est bien celle entre les sexes. C’est pour cela d’ailleurs qu’en arrivant ici au FRAC je souriais en voyant dans la cour la grande toile Fuck Patriarcat. Merci de l’assumer et de le dire comme ça. Car ce qui est en jeu lorsque l’on combat le patriarcat, c’est un monde de hiérarchies. Et ne vous y trompez pas dans ce  monde qui déconsidère une partie des individus, on retrouve aussi bien le sexisme que le racisme. Parce qu’à partir du moment où vous vous convainquez que tous les êtres ne se valent pas vraiment, alors vous allez appliquer ça sur tout un tas de critères : l’ethnie, l’orientation sexuelle…

Mais à la base de tout cela, de façon historique et documentée et quelles que soient les sociétés à travers le monde, ça commence toujours par une hiérarchie entre les hommes et les femmes. Et il ne faut pas s’illusionner par l’idée qu’il y aurait des pays où l’on ne connaîtrait plus du tout ça, où l’on serait passé à autre chose. En fait, ce n’est pas du tout le cas.

Le mépris du domaine pourtant essentiel du Care 

D’ailleurs, notre livre La société des Vulnérables nous a été dicté par l’irritation que l’on a ressenti au moment de la crise du Covid. Nous avons en effet constaté que Simone de Beauvoir avait raison lorsqu’elle disait qu’il suffira d’une crise pour que les droits des femmes soient remis en question. Car cette crise, par sa spécificité, donnait le sentiment que les femmes allaient être mieux valorisées et mises en lumière, ne serait-ce que parce qu’elles constituent le gros des bataillons des soignants, des premiers de corvée et des métiers de première nécessité qui prennent soin de nous justement et que l’on a tellement applaudis à nos fenêtres.  

Mais la vérité c’est que, très vite, elles ont totalement disparu à la fois de l’analyse de la situation, du discours politique sur ce qui était en train de se passer et évidemment de la conception des réponses et des solutions politiques à apporter. 

Souvenez-vous de ces tribunes publiées dans la presse et qui n’étaient signées que par des hommes. Ces couvertures de journaux sur le monde de demain où comme hasard on ne trouvait plus aucune femme à mettre en avant. Ces plateaux-télé où l’on interrogeait plus que des hommes. Sans oublier les conseils de défense autour du Président de la République totalement masculins alors que soi-disant on avait la parité au gouvernement, c’était flagrant.

Quand j’étais ministre du droit des femmes, je disais que le combat pour le droit des femmes c’est comme le vélo : quand on arrête de pédaler, on ne fait pas du surplace, on tombe. Et on régresse parce que, malheureusement, la tentation naturelle de nos sociétés notamment avec la montée des populismes, c’est de nous tirer en arrière du point de vue du droit des femmes. Regardez la remise en cause de l’IVG en Pologne et aux États-Unis…  

Car si les leçons féministes du Covid ont été clairement identifiées, elles sont loin aujourd’hui d’être appliquées dans notre société qui s’est empressée de retrouver ses mauvais réflexes du monde d’avant, en oubliant très vite selon la formule percutante de Najat Vallaud-Belkacem « le primat de la qualité de vie sur toute autre considération ».

Par Sophie Deschamps 

 

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Nocturne féministe avec Céline Piques 

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A Voir... Riposte féministe...

8 Novembre 2022 , Rédigé par Youtube Publié dans #Cinema, #Feminisme

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Femmes dans l'histoire : comment mettre fin à l'oubli ?

7 Octobre 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Histoire, #Feminisme, #Femmes

Les chevaleresses, de la gloire à l'oubli

Résumé

À l'occasion de la publication de "Les grandes oubliées" de Titiou Lecoq, Être et savoir s'interroge sur la place des femmes dans les manuels scolaires et l'enseignement de l'Histoire.

avec :

Titiou Lecoq (Journaliste, romancière), Véronique Guarrigues (Professeure agrégée au collège (académie de Toulouse), docteure en histoire moderne, membre du bureau de Mnémosyne), Yannick Ripa (Professeure en histoire contemporaine, histoire sociale et politique de l’Europe, membre du Centre d’Etudes féminines et d’études du Genre à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis).

En savoir plus

Comment se saisir de la question de l'effacement des femmes dans l’enseignement et la transmission de l’Histoire ? Ces femmes qui furent chevaleresses, bâtisseuses, recluses, paysannes, autrices, ouvrières, suffragistes, journalistes (ce sont parfois les mêmes personnes), scientifiques, résistantes, et que quelques noms célèbres (oui Jeanne d’Arc, Madame de Lafayette, Olympe de Gouge) ont finalement peut-être servi à encore plus invisibiliser...

Réponse ce soir avec nos invitées Titiou Lecoq, journaliste, essayiste et romancière, autrice de Les grandes oubliées : pourquoi l'histoire a effacé les femmes (L’Iconoclaste, 16/09/21, préface de Michelle Perrot), Véronique Garrigues, professeure agrégée au collège (académie de Toulouse), docteure en histoire moderne, membre du bureau de Mnémosyne, association pour le développement de l'histoire des femmes et du genre et Yannick Ripa, professeure en histoire des femmes et du genre à l’Université Paris 8, autrice notamment de L'Histoire féminine de la France de la Révolution à la loi Veil (Belin, 2020) et de Femmes d'exception, les raisons d'un oubli, réédité en poche au Cavalier Bleu en juin 2021.

Dans cette émission vous entendrez également les voix de Michelle Perrot, historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot, autrice notamment de Les femmes ou les silences de l’Histoire (Flammarion, réédition, 2020), de Maryse Wolinski, journaliste et autrice, notamment de Dis maman y a pas de dames dans l’Histoire (La Farandole, 1982) et de Stefania Giannini, sous-directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation.

Écrire l’Histoire

"La question c’est de savoir qui écrit, avant de se poser la question du contenu", explique Véronique Guarrigues.

"Un récit historique c’est un choix." Michelle Perrot

"Il faut saluer le travail de nos devancières, de femmes comme Edith Thomas, qui ont fait un travail considérable." Michelle Perrot

"Y compris quand les femmes ne sont pas là, elles jouent un rôle." Yannick Ripa

"Pendant longtemps, on a considéré que les femmes ne faisaient pas l’histoire" rappelle Michelle Perrot.

"Il y un soupçon qui pèse sur l’histoire des femmes qui serait une histoire militante." Titiou Lecoq

"Georges Sand, Jeanne d’Arc, c’est le piège de la femme exceptionnelle." Titiou Lecoq

"Cherchons Edith Thomas dans les manuels, je vous mets au défi de la trouver." Véronique Guarrigues

(...)

 

Suite et fin à lire et à entendre en cliquant ci-dessous

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Face à l’affaire Bayou, on ferait bien de relire Gisèle Halimi

4 Octobre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Feminisme, #Droit des femmes, #Femmes

Gisèle Halimi : l'avocate de tous les défis (1re partie) - Contribution :  Le Soir d'Algérie

Les écologistes, qui regroupent certainement les militants les plus en pointe sur les questions de sexisme, devraient se replonger dans un texte publié par l’avocate en 2003, après la sortie d’une enquête sur les violences sexistes et sexuelles.

Comment en est-on arrivé à cette dérive inquisitoriale qui conduira peut-être à la mort politique du parti écologiste alors même que, sur l’état de la planète, ce sont bien les écologistes qui ont eu raison avant tout le monde ? Comment les écologistes qui, là encore, sont précurseurs et avant-gardistes sur la question de l’égalité femmes-hommes en politique et la prise en compte de la réalité de la violence faites aux femmes, comment se sont-ils débrouillés pour se fourvoyer à ce point dans les dérives de l’espionite interne ?

Aux yeux du grand public, EE-LV est une sorte de mouvement politique de quelques milliers de membres, pour la plupart inconnus, qui ne cessent de s’écharper sur leurs statuts internes et se perdent dans une course à la radicalité puriste. Ils avaient pourtant un boulevard parce qu’ils sont dans le sens de l’histoire.

Dérives tragiques

L’historienne Michèle Riot-Sarcey explique que depuis toujours «la liberté aurait dû se décliner dans tous les domaines (politique, social et privé). Or, celle des femmes a été particulièrement négligée». Depuis MeToo, nous assistons à un rattrapage. Pierre Bourdieu soulignait déjà l’existence de la domination masculine qui «inscrit dans la définition de l’être humain des propriétés historiques de l’homme viril, construit en opposition avec les femmes». Le monde (occidental au moins) commence à comprendre que la vraie libération des femmes passera par cette déconstruction masculine et que, donc, le combat féministe n’est pas qu’un combat législatif.

Les partis politiques, ces machines à conquérir le pouvoir politique, sont-ils les mieux formatés pour mener un combat anthropologique ? Non, et les dérives tragiques observées chez les Verts en sont le signe. En France, cette idée selon laquelle le combat féministe le plus important était celui que les hommes devaient faire sur eux-mêmes est apparue au grand jour en 2003, au moment de la publication de l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), qui montre que les violences dont les femmes sont victimes n’apparaissent pas spécifiquement dans les statistiques de la délinquance. Cette enquête, pour la première fois, regroupe alors plusieurs sortes de violences physiques et psychologiques subies par les femmes. Elle révèle que près d’une femme sur dix vivant en couple a été victime de violences conjugales et qu’une femme sur cinq a été importunée sexuellement dans la rue ou au travail en 1999.

Enthousiasmante révolution des rapports humains

Cette enquête avait été très critiquée par la presse de droite et des féministes dites de la vieille école parce qu’elle semblait pointer une responsabilité intrinsèquement masculine plus que politique. Certains (même parmi les féministes) parlaient encore, en défense des hommes, de leurs pulsions souveraines… La crainte était que le féminisme dérive en guerre des sexes. Mais, cette même année 2003, une féministe universaliste et républicaine comme Gisèle Halimi, dans un très beau texte que republie ces jours-ci le Monde diplomatique, à qui il était destiné, défendait l’importance de l’ENVEFF. Gisèle Halimi s’adressait à l’autre partie de l’humanité ainsi : «Les hommes doivent avoir «l’intelligence théorique» de leur libération à travers la nôtre. Nous les convaincrons.»

Le travail le plus utile que puisse mener un parti politique qui voudrait être fer de lance du combat féministe moderne, post-MeToo, serait de suivre le conseil de Gisèle Halimi et d’œuvrer pour convaincre les hommes qu’ils ont tout à gagner de se débarrasser de l’injonction séculaire à la domination, à la virilité violente et écrasante. Les écologistes, qui regroupent certainement les militants les plus en pointe sur ces questions, sont en train de tout gâcher par leurs dérives coupeuses de têtes de surveillance interne. En répondant à ceux qui critiquaient l’enquête de 2003, Gisèle Halimi disait aussi ceci : «Nos procureurs ont-ils voulu nous mettre en garde contre des dérapages éventuels ? Ce serait la (toute) petite utilité de leurs propos.» Les dérapages éventuels, nous y sommes. Mais il ne faudrait pas que la dénonciation utile de ces dérapages ne fasse oublier l’importance et même l’enthousiasmante révolution des rapports humains entre hommes et femmes qui s’amorce en ce début de XXIe siècle.

Thomas Legrand

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