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Face à la pression scolaire, des lycéens en burn-out
EXTRAITS
Alors que les élèves de terminale passent pour la première fois les épreuves d’enseignement de spécialité du baccalauréat, les enseignants s’alarment de la hausse des phénomènes anxieux liés au contrôle continu et à l’orientation chez les adolescents.
Lise (certains lycéens ont requis l’anonymat) craint la crise d’angoisse. Mercredi 11 mai et jusqu’au 13, cette élève de terminale passera les épreuves de spécialité, qui comptent pour un tiers de la note du baccalauréat. Même si elle va mieux depuis quelques mois, la lycéenne lyonnaise a peur d’une rechute au plus mauvais moment. Après une année de seconde compliquée par des « relations toxiques » avec d’autres élèves, elle fait une crise d’angoisse en plein devoir sur table, en début de classe de première. « J’ai eu un trou noir et des bouffées de chaleur, je me répétais en boucle que je n’allais pas y arriver. Je suis sortie de la salle en tremblant en plein milieu du contrôle, j’avais perdu tous mes moyens », se remémore la jeune fille.
Lise passe une année de première chaotique, fait régulièrement des malaises lors des évaluations, au point d’avoir des difficultés à les passer. Elle s’accroche et continue malgré tout d’aller en cours. Le passage à l’enseignement hybride – un jour de cours au lycée, un jour de cours à distance, du fait de l’épidémie de Covid-19 – et l’absence non remplacée, pendant plusieurs mois, de son enseignant de la spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ne calment pas ses appréhensions, bien au contraire. « Je pleurais tous les soirs, je n’arrivais pas à m’enlever de la tête que j’allais rater le bac. Heureusement, mes enseignants comme mes parents ont été bienveillants », dit-elle. Depuis décembre 2021, elle remonte la pente grâce à la psychologue qui la suit depuis la seconde, mais elle se sent encore fragile et reste sous anxiolytiques.
Lise fait partie des lycéens en burn-out scolaire. Le terme ne fait pas toujours consensus et le phénomène, caractérisé par un épuisement, une perte de sens et de motivation face à un stress chronique, est difficile à quantifier tant les indicateurs font défaut, mais les personnels de l’éducation nationale sont formels : les lycéens sont plus sujets qu’auparavant à l’anxiété, aux crises de larmes, voire à la dépression ou à la phobie scolaire.
Si de multiples facteurs entrent en ligne de compte dans le mal-être des adolescents, « l’angoisse de la performance », comme l’appellent les psychologues, n’est pas à négliger.
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« Je pleure beaucoup »
L’impression de « jouer sa vie à chaque évaluation » domine, sans toujours connaître en plus précisément les règles du jeu de Parcoursup. Maud en a fait l’expérience. Cette lycéenne des Deux-Sèvres veut entrer à Sciences Po Paris l’année prochaine. « Mes enseignants m’ont aidée à préparer mon dossier, mais ils avaient du mal à me dire sur quels critères précis j’allais être jugée », confie-t-elle.
Y a-t-il un profil d’élève plus sujet à l’angoisse, voire au burn-out, que d’autres ? De l’avis des enseignants interrogés, les bons élèves, alors qu’ils ont de bonnes notes, sont plus angoissés. « Je pleure beaucoup chez moi le soir quand je me rends compte de tout ce que j’ai à faire », confie Kassandra, qui prépare un double bac français-espagnol près de Lyon.
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Cette pression s’installe de plus en plus en tôt, dès la classe de seconde. Deborah, qui enseigne le français à Paris (elle a requis l’anonymat), s’en rend compte. Pour la première fois cette année, plusieurs élèves ne lui ont pas rendu la fiche de dialogue sur l’orientation à la fin du deuxième trimestre, dans laquelle ils formulent leur souhait d’enseignements de spécialité. « Il n’y aura pas d’avenir, madame », a-t-elle entendu. « Ils attendent qu’on choisisse pour eux, car ils sont pétrifiés par les conséquences de leurs décisions », note l’enseignante, qui regrette que « toute note soit devenue une sanction » avec le contrôle continu.
« Questions existentielles »
Sylvie Amici, présidente de l’Association des psychologues de l’éducation nationale, s’aperçoit également de cette difficulté des adolescents à se projeter. « Pourquoi choisir un métier ? Quel sens cela a de faire des études ? », entend-elle parfois quand elle parle de projet d’orientation. « La pandémie ne leur a pas permis de vivre des expériences qui aident à se construire. La crise climatique, la guerre en Ukraine ajoutent à l’anxiété. Les questions existentielles comme “qu’est-ce que je vais devenir ?” ou “qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?” se posent de manière forte », analyse la spécialiste de l’orientation.
Les parents se retrouvent désemparés face au mal-être de leurs enfants. Emilie, qui préfère rester anonyme, est tombée de haut. « Je ne savais même pas que cela pouvait exister », se désole cette mère dont le fils ne va plus au lycée depuis deux ans. Brillant élève de seconde, Erwan a décroché en quelques semaines en début de première. « Il est rentré de son premier devoir de maths en disant qu’il avait tout raté et que, pour Parcoursup, c’était foutu », se remémore Emilie. Il voulait alors entrer en prépa. Les angoisses montent crescendo, si bien que, quelques mois plus tard, Erwan n’arrive plus à sortir de son lit pour aller au lycée.
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La pression scolaire a été le facteur déclenchant de la dépression. Suivent de longs mois d’attente avant de pouvoir trouver la prise en charge adaptée. « Au départ, on n’y croit pas du tout. On se dit que c’est la crise d’adolescence », souligne Emilie.
Depuis, elle a changé de regard sur le système scolaire : « On veut faire de nos enfants des chevaux de course. Il faut être performant, performant, performant… Mais que se passe-t-il quand ça craque ? Qu’est-ce qu’on leur propose ensuite ? » Son fils a repris doucement des cours à distance, après plus d’une année complète d’interruption.
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Face à la pression scolaire, des lycéens en burn-out
Alors que les élèves de terminale passent pour la première fois les épreuves d'enseignement de spécialité du baccalauréat, les enseignants s'alarment de la hausse des phénomènes anxieux li...
Diagnostics HPI: haute arnaque potentielle
En une décennie, les détections de «haut potentiel intellectuel» ont explosé à la faveur d’un écosystème aux mains de charlatans ou de psys complaisants, notamment auprès de parents angoissés par la compétition scolaire. Un dévoiement qui alerte les scientifiques.
H.P.I. Ces trois lettres ne vous disent peut-être pas grand-chose. Pourtant, il est désormais difficile de ne pas croiser des personnes qui revendiquent ce sigle, pour elles-mêmes ou pour leur enfant. Le haut potentiel intellectuel s’invite partout : blogs, forums, groupes Facebook dédiés, presse spécialisée, talk-shows… Sans compter la littérature, abondante sur le sujet. D’ailleurs, selon Nicolas Gauvrit, chercheur en sciences cognitives à l’Ecole pratique des hautes études à Paris, un livre «a contribué à ce que beaucoup se reconnaissent dans le haut potentiel» : Trop intelligent pour être heureux ? de la psychologue praticienne Jeanne Siaud-Facchin, paru en 2008, vendu à 453 000 exemplaires. A ce jour, ce «long-seller» fait encore partie des dix livres le plus vendus chaque mois chez Odile Jacob et depuis plus d’une décennie, Jeanne Siaud-Facchin, avec Christel Petitcollin (formatrice en communication et développement personnel), autrice de Je pense trop (Guy Trédaniel), et Monique de Kermadec (psychologue clinicienne et psychanalyste), qui a signé l’Adulte surdoué (Albin Michel), trustent les ventes de livres sur le sujet. Avec plus de 100 000 exemplaires en moyenne, elles font également salle comble lors de leurs conférences ou de rencontres autour de leurs ouvrages.
Preuve de l’engouement pour cette caractéristique particulière, elle a inspiré une série à TF1. Lancée en avril 2021, HPI (dont la troisième saison est en préparation) a pulvérisé les records d’audimat : un mois après la diffusion, la première salve a réuni en moyenne 11,5 millions de téléspectateurs, en comptant le replay. Très attendue, la saison 2 débarque sur la Une jeudi. La fiction met en scène une femme de ménage surdouée (jouée par Audrey Fleurot) qui réussit à démêler des affaires policières grâce à sa finesse d’esprit. Elle est devenue la troisième série la plus visionnée depuis les mesures d’audience instaurées dans les années 90. «Ce feuilleton télévisé a contribué à populariser le sujet», confirme Nathalie Clobert, psychologue clinicienne qui a codirigé avec Nicolas Gauvrit l’ouvrage Psychologie du haut potentiel (De Boeck), paru l’an dernier.
«Une réponse rassurante»
«Haut potentiel intellectuel», «surdoué», «précoce», «HQI» (haut quotient intellectuel) ou encore «zèbre» (concept popularisé par Siaud-Facchin et qui a intégré le dictionnaire Larousse en 2020) : tous ces termes se rejoignent, pour désigner une aptitude intellectuelle supérieure à la moyenne. Leur variété reflète l’absence de consensus sur la définition, bien que l’un des indicateurs communément retenus soit un score d’au moins 130 au test de QI. Cette caractéristique rare, qui s’accompagne parfois d’un sentiment de mal-être ou de décalage, ne concernerait selon les experts qu’environ 2 % de la population. Un pourcentage inversement proportionnel à son aura. Au point que le phénomène suscite tout un écosystème, de fournisseurs de test de QI, de coachs parfois autoproclamés, au détriment de la détresse de personnes en difficulté ou de parents obsédés par la réussite de leur enfant, sur fond de compétition scolaire.
Dans son cabinet, en Seine-et-Marne, Nathalie Clobert reçoit des adolescents et des adultes orientés par des réseaux de professionnels ou qui ont été reconnus comme HPI depuis leur enfance. Et de plus en plus de gens qui ont passé des évaluations qu’elle juge «discutables» : «On se rend compte que, parfois, les critères qui ont été retenus pour parler de haut potentiel sont loin d’être ceux du consensus scientifique.» Face à la frénésie de l’offre (charlatans qui bricolent des tests douteux, psys complaisants qui ont tendance à classer leurs patients comme HPI, coachs de développement personnel…), il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Or, «l’étiquette HPI peut être perçue comme une réponse rassurante, avance Nathalie Clobert. Mais si le fait d’être haut potentiel peut participer à un sentiment de décalage, ce n’est pas l’unique explication de la souffrance, qui est souvent à chercher ailleurs. Notamment dans l’hypersensibilité ou les difficultés de gestion émotionnelle, qui ne sont pas des caractéristiques propres aux HPI, contrairement à ce que croit le grand public.»
Selon Nicolas Gauvrit, ce contresens découle en partie de l’interprétation de certains ouvrages sur le sujet : «La thèse de Trop intelligent pour être heureux, pour ne citer que lui, c’est que le haut potentiel est un facteur de difficulté sociale et émotionnelle, ce que ne montrent pas forcément les études.» Nathalie Clobert dit la même chose en consultation : «Alors, évidemment, certains patients vivent des moments de désillusion. Ils ont du mal à se défaire de l’étiquette HPI qu’ils ont intégrée comme un élément de leur identité.» Sachant qu’avoir un haut potentiel bénéficie souvent d’un a priori positif. «Se présenter comme un haut potentiel intellectuel, c’est plus valorisant et protecteur pour l’image de soi qu’un problème émotionnel ou psychologique, détaille la psychologue clinicienne. Je leur dis souvent que le haut potentiel intellectuel est une différence rare, pas un trouble. Pour résoudre cette question de souffrance, il vaut mieux entreprendre une démarche thérapeutique – psychothérapie, accompagnement psychologique, voire lorsque c’est nécessaire une prise en charge psychiatrique avec un traitement médicamenteux.»
«On a une école de plus en plus compétitive»
L’engouement pour les HPI se vérifie aussi à l’école. «De plus en plus de parents sont convaincus que leur enfant est surdoué, déplore Nathalie Eudes, psychologue de l’Education nationale dans le Nord et référente du syndicat SE-Unsa. Si on disait oui à tout le monde, nous ne ferions plus que des tests de QI !» Elle décrit des familles qui veulent à tout prix obtenir la preuve de la «douance» de leur rejeton, qui viennent parfois la voir avec «des tests déjà validés par des cabinets privés, hélas pas toujours respectueux des règles déontologiques». Un phénomène qu’aborde Corinne Maier dans son essai Dehors les enfants ! (Albin Michel, 2021), où elle critique notamment l’éducation positive et l’hyperparentalité, cette tendance à vouloir en faire trop. «Dans un contexte élitiste favorisé par la compétition scolaire, fondée sur la compétition entre élèves, et entre établissements, avoir un test de QI supérieur à 130 permet au parent d’exiger que son enfant saute une classe ou obtienne des aménagements particuliers pour sa scolarité», pointe l’économiste et psychanalyste. «Malgré mon attachement au service public, force est de constater qu’on a une école de plus en plus compétitive, abonde Nathalie Eudes. L’élève ne doit pas être bon, il doit être le meilleur. Et, évidemment, tout parent veut ce qu’il y a de mieux pour son enfant : autrement dit un saut de classe.» Corinne Maier pointe un effet pervers : «Beaucoup de parents des classes moyennes et supérieures s’illusionnent complètement sur les capacités de leurs enfants, que leurs résultats soient bons ou mauvais.» Au risque d’invisibiliser un autre aspect, moins cool, du HPI.
Isabelle, la mère de Felix, 11 ans, en a fait l’expérience. Son fils est un enfant «plein d’humour et d’esprit» qui a connu des difficultés pendant sa scolarité. Il n’a été détecté HPI qu’à ses 8 ans. «Dès la crèche, j’ai souvent été convoquée pour des problèmes de discipline. Felix se battait souvent, il ne tenait pas en place et semblait s’ennuyer en cours», se remémore Isabelle, qui a fait suivre son enfant par des psychologues dès l’âge de 3 ans. Mais aucun d’entre eux ni aucun membre des équipes éducatives des établissements que Felix a fréquentés n’ont mis Isabelle sur la voie du haut potentiel. Lasse d’être vue comme une mauvaise mère, elle a fini par suivre la recommandation d’une amie, de faire passer à son fils un test de QI chez un psy agréé. «Il s’est avéré que Felix était un haut potentiel très élevé. Ça a été un soulagement de savoir ce qu’il avait, moi qui rasais les couloirs depuis la maternelle parce que j’étais la maman du petit trouble-fête.» Isabelle s’est vu proposer de scolariser son garçon dans des établissements scolaires privés pour enfants à haut potentiel, comme l’école Georges-Gusdorf dans le XIVe arrondissement parisien. «J’ai refusé car je ne voulais pas qu’il grandisse dans une bulle hors du groupe majoritaire.»
Se défaire «de la toute-puissance marketing»
Pour le Dr Fanny Nusbaum Paganetti, spécialisée dans la psychologie et les neurosciences de l’intelligence, le problème ne vient ni de l’Education nationale, ni des parents, ni de la vulgarisation scientifique, mais de la croyance généralisée dans le test de QI comme étant le seul élément objectivable. «Dire qu’à partir du moment où l’on a 130 de QI on est HPI, est faux, assène celle qui préfère le terme de «philo-cognitif». Ce que mes pairs experts sur le sujet ne disent pas, c’est que d’une année à l’autre, le test de QI a un taux de fidélité de 70 %. Autrement dit, une personne peut avoir 130, le repasser plus tard et être à 110.» La dirigeante du centre Psyrene à Lyon, qui fait passer plus de 3 000 tests de QI par an, poursuit : «Le test QI est un outil de clinicien. Il nous permet de prendre une photographie de l’instant, de voir sur le moment comment s’articule la cognition [ensemble des processus mentaux qui ont trait à la fonction de connaissance, ndlr] d’une personne. On peut atteindre 130 de QI sans être philo-cognitif ou encore ne pas les atteindre et l’être. Pour prouver qu’un individu est haut potentiel, il faut faire une évaluation cognitico-comportementale qui porte sur les différentes expressions des capacités et de l’intelligence humaine. Ne voit-on pas des psys embarrassés dire à des patients : “Vous avez toutes les caractéristiques d’un haut potentiel, mais le résultat du test de QI ne le confirme pas” ? Ce qu’il faut préciser, c’est que la disposition mentale ou émotionnelle peut influer sur le résultat.»
L’autrice des Philo-cognitifs (2019) et du Secret des performants (Odile Jacob, 2021) estime qu’il faudrait se défaire «de la toute-puissance marketing de David Wechsler». Ce psychologue américain a créé, au siècle dernier, le test d’intelligence qui porte son nom. Le Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) fait la loi à travers le monde, y compris en France. «Un philo-cognitif, c’est quelqu’un qui a des capacités de raisonnement supérieures, ce n’est rien d’autre que ça, pose Fanny Nusbaum Paganetti. Et être psy, c’est être formé à comprendre l’humain, c’est notre travail de savoir si quelqu’un est haut potentiel en posant des questions et en l’observant. Encore une fois, ce n’est pas l’humain qu’il faut remettre en question, c’est l’investissement que l’on met dans ce test.» D’ici là, le business autour des tests de QI, et la mode HPI, ont encore le temps de prospérer.
Balla Fofana
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Diagnostics HPI: haute arnaque potentielle
En une décennie, les détections de "haut potentiel intellectuel" ont explosé à la faveur d'un écosystème aux mains de charlatans ou de psys complaisants, notamment auprès de parents angoiss...
Une salle de classe dans un théâtre, c'est possible !
À Chalon-sur-Saône, la scène nationale a installé une salle de classe permanente dans ses murs. Nicolas Royer, directeur de "L'espace des arts" nous raconte ce dispositif inédit.
Depuis 2021, la scène nationale L’espace des arts accueille une salle de classe entre ses murs, à l’intérieur même de la scène nationale et propose des semaines de classe artistiques en immersion pour les élèves du territoire du Grand Chalon. Pour en savoir plus Marie Sorbier s’est entretenue avec Nicolas Royer, directeur de L’espace des Arts de Chalon-sur-Saône.
L’expérience "Trop Classe"
Le dispositif d’accueil des élèves mis en place depuis la rentrée 2021, intitulé Trop Classe, est désormais un acte fort lié à l’identité de L’espace des Arts de Chalon-sur-Saône. Pour Nicolas Royer, les objectifs de ce projet sont multiples :
« Ayant moi-même vu mes parents enseignants très impliqués dans des classes vertes / de neige, j'ai eu l’idée de faire des classes au théâtre. L’outil formidable qu’est L’espace des Arts est désormais dédié à la jeunesse, à la médiation et la pratique de la classe mais aussi à la recherche sur l’oralité dans l’enseignement. L’endroit a aussi été pensé de manière futuriste, comme la salle de classe de demain. » Nicolas Royer
« Cela permet d’approcher de manière différente, in-situ, avec un artiste, le théâtre. L’oralité peut déclencher en eux d’autres désirs. On voit très vite des changements de comportement, le bon élève n’est pas forcément celui qui est le plus à l’aise à l’endroit de l’oralité. Ça change les regards de chacun dans la microsociété qu’ils créent dans leur classe, leur rapport avec les enseignants ou tout simplement entre eux. Et j’espère que plus tard, ils puissent rentrer dans un espace de culture en se sentant chez eux. » Nicolas Royer
Une priorité à l’oralité payante
Après la création de Trop Classe par Nicolas Royer, l'idée a fait son chemin et a été reprise par d'autres structures. Pourtant à l'époque de la création du projet, le pari de l'oralité ne faisait pas l'unanimité. Il a fallu que Nicolas Royer soit convaincant face à l’éducation nationale afin de mettre en place ces classes transplantées :
« Il a fallut convaincre l’Education Nationale de la nécessité du projet, et de l’importance de l’oralité, ce qui n’était pas évident. L’histoire nous a donné raison puisque maintenant il y a des grands oraux au brevet des collèges et au bac. Petit à petit l’oralité s’est hissée au centre des préoccupations de l’Education Nationale, le projet tombait au bon moment. »
En perpétuelle réinvention, le projet Trop Classe expérimente pour travailler autour de la désormais très contemporaine question de l’oralité, le tout, main dans la main avec les enfants et les artistes.
« On ne s’interdit pas de faire des cours de maths dans la salle de classe du théâtre, mais ce n’est pas une obligation, la liberté est le mot d’ordre. Puisqu’il y a deux espaces qui leurs sont dédiés, la classe et le studio de théâtre, on peut mettre en groupe les élèves, tour à tour avec l’enseignant ou l’artiste. Cet espace de liberté, qui est pour eux très angoissant au départ, devient un espace de jeu, peut-être une utopie facilitant leur vivre-ensemble. » Nicolas Royer
Le projet Trop Classe proposé pat L’espace des Arts de Chalon-sur-Saône est un véritable décentrement de ce que proposent les théâtres aujourd'hui. En effet, c'est un choix mûrement réfléchi que d’ouvrir les portes d’une scène nationale aux enfants, car le plus souvent ces dernières se cantonnent à la programmation de spectacles :
« C’est en effet une priorisation des moyens de la scène nationale. L’ensemble des dix classes qui vont vivre cette expérience sur une saison, c’est équivalent au prix d’une production, mais c’est un coût qui vaut le coup. C’est un engagement aussi volontariste que fructueux, car je vois que les enfants changent au fur et à mesure de la semaine qu’ils passent ici et je sais que ça les marquera. On sème une petite graine ! » Nicolas Royer
Marie Sorbier
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Une salle de classe dans un théâtre, c'est possible !
Depuis 2021, la scène nationale L'espace des arts accueille une salle de classe entre ses murs, à l'intérieur même de la scène nationale et propose des semaines de classe artistiques en immers...
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Face à la pénurie de professeurs remplaçants, une académie expérimente l’enseignement à distance
C’est une première en France. Face à la pénurie de contractuels, l’académie de Nancy-Metz va expérimenter la création d’une brigade remplacement numérique. Les profs enseigneront à distance.
Peut-on enseigner à distance ? Oui, répondront en chœur les promoteurs des cours en ligne et autres Moocs, qui se sont fortement développés depuis vingt ans. La réponse est ici avant tout individuelle. Mais quand est-il pour des classes entières ? Peut-on se passer du format classique : un professeur devant un tableau face à des élèves sagement assis ? Pas si simple : les confinements ont montré les limites, techniques, pratiques, pédagogiques, du télé-enseignement.
Difficultés à recruter
L’académie de Nancy-Metz envisage pourtant de mettre en place, à la rentrée, une brigade numérique de remplacement constituée d’enseignants titulaires qui n’exerceront qu’en visioconférence. L’académie a perdu 495 postes d’enseignants de collège et lycée depuis 2017. Vingt-neuf autres seront supprimés à la rentrée. Or, dans certains territoires et dans certaines disciplines, nous avons de grandes difficultés à recruter des enseignants contractuels
, constate le recteur Jean-Marc Huart, dans des propos rapportés par L’Est-Républicain.
La fiche de poste, que nous avons pu consulter, précise que les professeurs (titulaires sur zone de remplacement dans le jargon de l’Éducation nationale) seront rattachés au lycée le plus proche de leur domicile. Ils pourront ainsi travailler au sein d’une équipe pédagogique »,
avoir accès au centre de documentation et d’information (CDI) et seront bien sûr dotés de leur propre équipement informatique (ordinateur portable, connexion 4G de secours, etc.). Durant le cours, les élèves seront, eux, surveillés par un assistant d’éducation (AED).
L’annonce a surpris. Ce n’est pas sérieux, un enseignement rigoureux ne peut se faire que face à des élèves
, tempête Solange de Jesus, secrétaire départementale du Syndicat national des collèges et lycées (Snalc). Un enseignant n’est pas statique dans sa classe, il circule entre les rangs, ajuste son enseignement. Le processus d’apprentissage nécessite de l’interaction, un dialogue permanent entre le professeur et ses élèves afin d’être en mesure d’adapter au mieux sa pratique aux réactions, aux besoins de ces derniers
, insiste le syndicat FO.
Initialement, la brigade numérique de remplacement devait comprendre seize visio-remplaçants
. Face au tollé syndical, elle n’en comprendra que sept dans un premier temps. Les recrutements sont en cours
, précise le rectorat.Il s’agit d’une expérimentation propre à l’académie de Nancy-Metz. Nous n’avons pas planifié de l’étendre, au niveau central »,
indique Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, au ministère de l’Éducation nationale.
Arnaud Bélier
Face à la pénurie de professeurs remplaçants, une académie expérimente l'enseignement à distance
Peut-on enseigner à distance ? Oui, répondront en chœur les promoteurs des cours en ligne et autres Moocs, qui se sont fortement développés depuis vingt ans. La réponse est ici avant tout ...
Repenser la démocratie scolaire : une clé pour dynamiser la participation citoyenne ? - Par Claude Lelièvre
Le taux d’abstention élevé lors des deux tours de la présidentielle met au premier plan la question de changer le fonctionnement des institutions, voire d’aller vers une Sixième République. Cela devrait induire aussi la question corrélative du fonctionnement de l’école républicaine pour qu’elle forme effectivement des citoyens participant à la vie politique du pays.
Avant même l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu, le « Comité d’évaluation des politiques publiques » a déposé un important rapport d’information, enregistré le 8 mars de cette année à la présidence de l’Assemblée nationale, sur « l’évaluation des politiques publiques en faveur de la citoyenneté ». C’était déjà un véritable cri d’alarme.
Le constat général : « La désaffection des jeunes envers la politique est importante. Elle touche les partis politiques comme les institutions et conduit à relativiser l’importance de la démocratie. Elle se traduit par des pratiques différentes : une abstention en moyenne supérieure de dix points par rapport au reste de la population. Un vote par intermittence »
Le rapport indique une ambition clairement présente dans les programmes du secondaire à partir de 2013 : « une ambition à la citoyenneté qui s’est considérablement développée dans ses thématiques comme dans ses modalités : deux axes essentiels avec l’enseignement moral et civique (EMC) et l’éducation aux médias et à l’information (EMI) ; et en parallèle le développement de la démocratie scolaire ». Mais le rapport signale avec force que le « bilan est en deçà des textes : apprentissage du débat évité, transversalité de l’enseignement inexistante, démocratie scolaire rarement effective […]. Déçus, collégiens et lycéens tendent à se détourner des instances de démocratie scolaire ».
Mode « simultané », mode « mutuel »
L’un des deux facteurs expliquant le bilan décevant de « l’éducation morale et civique » tient donc à « la marginalisation de la démocratie scolaire » selon le rapport. Les travaux de Mme Géraldine Bozec (citée nommément) dont les recherches portent sur l’éducation à la citoyenneté et ses effets mettent effectivement en avant que les élèves gardent le sentiment de ne pas être entendus dans l’espace scolaire car les instances participatives développées ces dernières années ne modifient pas les rapports de pouvoir entre adultes et élèves.
À cet égard, il faut bien voir que cet état de fait est l’héritage d’une longue et étrange histoire qui tend à perdurer… Durant toute la première moitié du XIXe siècle, les deux « modes » pédagogiques qui se disputaient alors le leadership de l’école (à savoir le « mode simultané » des Frères des Écoles chrétiennes, et le « mode mutuel » de la Société pour l’Instruction élémentaire d’obédience politiquement libérale) considéraient à l’évidence que leur mode d’organisation scolaire devait être homologue au type de société qu’ils souhaitaient et soutenaient.
Le « mode simultané » des Frères des Écoles chrétiennes – où un maître enseigne à tous les élèves les mêmes savoirs en même temps – apparaît aux protagonistes comme le « mode » même, dans son organisation et sa pédagogie, d’une conception théocratique de la société, celle des ultra-royalistes qui veulent restaurer l’Ancien Régime, une monarchie absolue de droit divin. Leur première vertu est évidemment l’obéissance. Les autres sont la régularité, l’humilité, la modestie. Il s’agit de discipliner, de se discipliner. L’autorité magistrale est au cœur de cette ambition et de ce dispositif.

Le « mode mutuel » de la Société pour l’Instruction élémentaire est perçu et explicitement décrit par les protagonistes comme l’expression pédagogique du libéralisme et de la monarchie constitutionnelle. Là, les classes réunissent des élèves d’âge et de niveau différents, et les élèves les plus avancés secondent l’enseignant, jouant le rôle de répétiteurs et transmettant à de petits groupes de leurs camarades leurs savoirs. Dès 1816, le Bulletin de la Société pour l’Instruction élémentaire affirme ainsi :
« on chercherait vainement ailleurs une plus fidèle image d’une monarchie constitutionnelle ; la règle, comme la loi, s’y étend à tout, y domine tout, et protégerait au besoin l’élève contre le moniteur et contre le maître lui-même. L’instituteur représente le monarque. Il a ses moniteurs généraux (des élèves) qui, comme ses ministres, gouvernent sous lui ; ceux-ci à leur tour sont secondés par des moniteurs particuliers. À l’ombre de cette organisation vraiment gouvernementale, la masse des élèves a ses droits ainsi que la nation »
Le « mode mutuel » tient son nom de la place qu’il accorde aux « moniteurs », élèves conduisant l’instruction des autres élèves. Le « mérite » est récompensé par l’accès aux différents postes de moniteurs ; ce qui ouvre, par ailleurs, à la possibilité de participer à quelques jurys d’enfants. En effet, lorsqu’il y a faute grave, le maître constitue un jury (composé des élèves les plus distingués parmi les moniteurs) chargé d’instruire le procès et de prononcer la peine.
C’est aussi ce qui ne peut pas être admis par des ultraroyalistes, par les partisans de la monarchie absolue de droit divin. Lamennais s’insurge : « On y dénature la notion même de pouvoir en remettant à l’enfance le commandement […] Habituer les enfants au commandement, leur déléguer l’autorité magistrale, n’est-ce pas là prendre le contrepied de l’ancienne éducation, n’est-ce pas transformer chaque établissement scolaire en république ? »
Expérience civique scolaire
Le paradoxe est que l’école républicaine va manifestement fonctionner avec un pouvoir des enseignants plus proche de la « monarchie absolue » des Frères de Écoles Chrétiennes (ou du « despotisme éclairé » cher au courant dominant de la philosophie des Lumières), que de la « monarchie constitutionnelle » et du libéralisme de la Société pour l’Instruction élémentaire.
Il est néanmoins tout à fait significatif que la question refasse surface dans la mouvance de « l’éducation nouvelle ». Par exemple, lorsqu’au début du XXe siècle l’un de ses initiateurs les plus marquants (à savoir Adolphe Ferrière) tente de mettre en lumière une conception « consciente et réfléchie » d’une éducation nouvelle « jusqu’ici mal définie et incomplètement précisée » en pointant une trentaine de caractéristiques, il est remarquable que l’on trouve au point 21 l’évocation du « système de la République scolaire quand il est possible » et au point 22 « à défaut du système démocratique intégral », la « monarchie constitutionnelle ».

Le célèbre Plan Langevin-Wallon de 1947, qui dessine une réforme globale de l’enseignement à la libération, commence le chapitre consacré à cette question par une citation tout à fait caractéristique de Paul Langevin :
« L’école fait faire à l’enfant l’apprentissage de la vie sociale et, singulièrement, de la vie démocratique. Ainsi se dégage la notion du groupe scolaire à structure démocratique auquel l’enfant participe comme futur citoyen et où peuvent se former en lui, non par les cours et les discours, mais par la vie et l’expérience, les vertus civiques fondamentales : sens de la responsabilité, discipline consentie, sacrifice à l’intérêt général, activités concertées et où on utilisera les diverses expériences de “self-government” dans la vie scolaire ».
Et le texte du Plan Langevin-Wallon d’expliquer que l’éducation morale et civique doit s’accompagner d’une pratique dans le cadre scolaire, l’école offrant aux élèves « une société à leur mesure » où peuvent s’expérimenter le respect d’autrui, le sens des responsabilités ou encore le goût de l’initiative. « Chaque citoyen, en régime démocratique, est placé dans la vie professionnelle, en face d’une double responsabilité : responsabilité du dirigeant, responsabilité de l’exécutant. Il sera donc nécessaire que les activités scolaires s’organisent de telle sorte que tous aient alternativement des responsabilités de direction et d’exécution. »
Eh bien, il faut le dire, soixante-quinze ans après, ces enjeux apparaissent (plus que jamais ?) à l’ordre du jour. Faut-il en finir avec l’organisation de la Ve République d’essence foncièrement plus bonapartiste que républicaine, et avoir pour cela une organisation ad hoc de l’école républicaine où chacun est effectivement formé à être « co-souverain » ?
Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Repenser la démocratie scolaire : une clé pour dynamiser la participation citoyenne ?
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Pour la Cour des comptes, il faut « recentrer » les missions des inspecteurs de l’éducation nationale
EXTRAITS
Multiplication des tâches, entretiens individuels chronophages… Les inspecteurs de l’éducation nationale sont trop sollicités, selon l’institution. Elle préconise de favoriser l’accompagnement pédagogique des équipes enseignantes.
Les missions des inspecteurs de l’éducation nationale, dans le premier comme dans le second degré, devraient être « recentrées » sur « l’accompagnement pédagogique des professeurs et équipes enseignantes ». C’est ce que préconise la Cour des comptes, dans un référé adressé en janvier au ministre de l’éducation, et rendu public mardi 3 mai. Leur activité, « de plus en plus morcelée », souffre d’une multiplication de missions « trop peu hiérarchisées », déplore la Cour.
Parmi ces missions, on trouve évidemment l’évaluation et l’accompagnement des enseignants – la raison d’être des deux corps d’inspection –, mais aussi l’organisation des examens et concours, la promotion des réformes, le contrôle de l’instruction à domicile ou encore le pilotage administratif et pédagogique des écoles. « Cet éparpillement s’effectue au détriment de leur mission première, qui reste le suivi des enseignants et l’appui pédagogique », insiste l’institution.
Elle souligne également le fait que l’évaluation individuelle des enseignants lors des « rendez-vous de carrière » – instaurés en 2017 pour renforcer l’équité dans l’avancement des fonctionnaires – absorbe jusqu’au tiers du temps de travail des inspecteurs. Dès lors, il n’est fait « qu’une place résiduelle aux réunions d’équipes autour de l’inspecteur, aux visites conseil, à l’accompagnement pourtant nécessaire des professeurs qui entrent dans le métier ».
Déléguer aux chefs d’établissement
Dans une série de six recommandations, la Cour recommande de « recentrer » les missions des inspecteurs sur l’accompagnement pédagogique. Pour y parvenir, une solution serait de déléguer une partie du suivi individuel aux chefs d’établissement, sur le modèle des « entretiens annuels », en laissant, le cas échéant, à l’inspecteur un rôle de régulation.
Informé en janvier de ces recommandations, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a adressé, le 27 avril, une réponse détaillée à la Cour. Il y est fait référence aux engagements du Grenelle de l’éducation, une série de consultations menées durant l’hiver 2020-2021, qui visaient à « transformer » le système éducatif. Sur le « recentrage » des missions, le ministre rappelle, par exemple, qu’il s’est engagé à rendre possible l’évaluation entre pairs – c’est-à-dire entre enseignants – pour décharger en partie les inspecteurs. A l’époque, la proposition avait alarmé les syndicats, qui craignaient la création d’une « hiérarchie intermédiaire » entre enseignants, rappelle Sophie Venetitay, du SNES-FSU. Le ministère de l’éducation nationale précise au Monde que des enseignants « chargés de mission d’inspection » seront à l’œuvre dès la rentrée 2022 – sans préciser combien.
(...)
Le référé de la Cour des comptes signale, enfin, une inégale répartition des 3 650 inspecteurs sur le territoire, en donnant l’exemple de la Seine-Saint-Denis, où le ratio, dans le 1er degré, est de 307 enseignants pour un inspecteur, contre 229 en moyenne nationale. La répartition des inspecteurs est en cours de rééquilibrage, répond le ministre, mais cela « représente un travail important ».
« Le fond de l’affaire, c’est que les inspecteurs ne sont pas assez nombreux, insiste Paul Devin. En Seine-Saint-Denis, mais aussi dans l’absolu. Le meilleur moyen de résoudre ce problème de temps – nous en manquons pour accompagner les enseignants, c’est indéniable – serait d’être plus nombreux. » Le ministère de l’éducation nationale rappelle que « le nombre d’inspecteurs a augmenté ces dernières années ».
Discriminations LGBT+: aux grands maux, les petits mots
L’association SOS Homophobie, qui intervient notamment en milieu scolaire pour lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, demande un engagement plein et entier du président de la République sur le sujet.
«Comment un enfant vit avec deux parents homosexuels face au regard de ses camarades ?», «quelle est la meilleure façon de faire son coming out transgenre ? » Ces extraits de petits papiers anonymes, rédigés par les jeunes que nous rencontrons en «intervention en milieu scolaire» (IMS) sont autant de questions trop souvent laissées sans réponse, et auxquelles les bénévoles de SOS Homophobie tentent chaque jour d’apporter des réponses. Elles sont aujourd’hui un outil précieux au service de la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre.
Le 8 avril 2022, Emmanuel Macron déclarait sur Brut qu’il n’était pas favorable aux interventions en milieu scolaire en école primaire et au collège. Le 20 avril, dans l’entre-deux-tours, il faisait marche arrière, rappelant dans le magazine Têtu le rôle «essentiel» de ces interventions, saluant «le travail des associations LGBT+ et leur intervention en milieu scolaire, mais aussi périscolaire». SOS Homophobie tient à faire part de sa circonspection quant à la sincérité de l’engagement du président de la République pour défendre les droits des personnes LGBTI et attend de sa part des actions concrètes.
Armes pédagogiques
Face à cette situation, il est important de démystifier une bonne fois pour toute nos IMS. Face au rejet et à l’exclusion, nous avons choisi le débat et l’échange. Ces interventions sont avant tout des moments de liberté et d’ouverture où chacune et chacun peut partager librement son point de vue et ses sentiments. Leur objectif est de sensibiliser à toutes les formes de discrimination et de déconstruire les nombreux stéréotypes entourant la construction du genre et de l’orientation sexuelle, à un âge où chacune et chacun se construit, découvre sa sexualité et son identité.
Les interventions de SOS Homophobie s’adressent à tous les publics, en réseau d’éducation prioritaire comme dans les établissements les plus favorisés. Y compris à la communauté éducative qui parfois accueille de grandes souffrances et ne dispose pas toujours d’outils et d’armes pédagogiques pour y répondre. Parce que les discriminations n’ont pas de frontières sociales. Ces interventions sont aussi l’occasion de rappeler que les discriminations, le harcèlement ou les insultes ne sont pas des actes anodins mais relèvent de comportements pénalement répréhensibles. Nous le constatons chaque jour, il est encore parfois difficile de parler librement de son identité de genre et de son orientation sexuelle ou amoureuse.
Fraternité et sororité
Nous avons rencontré 18 000 élèves au cours de l’année scolaire 2020-2021, 225 000 élèves depuis notre première IMS en 2004. Nous savons, de par notre travail de terrain continu, les défis rencontrés par les jeunes en construction. De façon plus ou moins consciente, la société enjoint de suivre des comportements sociaux différenciants et binaires. Ce sont sur ces injonctions, fondées sur le sexisme et les stéréotypes de genre, que prospèrent la plupart des discriminations tenant au genre et à l’orientation sexuelle. Il est essentiel de lutter contre ce phénomène pour faire germer chez nos jeunes les graines indispensables au respect de l’autre, la fraternité et la sororité, pour la construction d’un monde inclusif.
Parce que nous ne voulons pas laisser libre cours à la provocation, aux contre-vérités et à la haine, SOS Homophobie s’engage plus que jamais pour la défense des interventions en milieu scolaire, essentielles à la défense des droits de chacune et de chacun. La multiplication des attaques contre les personnes LGBTI et les questionnements des plus jeunes appellent à l’engagement plein et entier du président de la République et de son gouvernement. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Lucile Jomat, présidente de SOS Homophobie
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Le « syndrome de la salle des profs » est-il un mythe ?
EXTRAITS
A quelques jours du premier tour, Emmanuel Macron avait déclenché la colère des enseignants sur les réseaux sociaux en évoquant ce supposé syndrome, selon lequel les professeurs les moins investis décourageraient les plus motivés.
Le métier d’enseignant, réputé plutôt solitaire, serait soumis aux dynamiques de groupe – et plutôt pour le pire que pour le meilleur. C’est en tout cas ce qu’a sous-entendu Emmanuel Macron, le 6 avril, en campagne pour sa propre réélection à l’Elysée, dans les colonnes du Figaro, lorsqu’il a déclaré vouloir « répondre au syndrome de la salle des profs, où celui qui se démène est parfois moqué par celui qui fait le minimum syndical ».
Des propos jugés blessants par de nombreux professeurs – quand d’autres, moins nombreux, assuraient avoir déjà fait l’expérience de salles des profs figées dans des habitudes anciennes qui les empêchaient d’avancer.
Le « syndrome de la salle des profs » est-il un mythe ou une réalité ? Et dans quelle mesure les dynamiques collectives influent-elles sur le travail dans chaque classe ?
Les enseignants prêts à démontrer les retombées positives d’un « effet de groupe » sont évidemment plus nombreux que ceux qui dénoncent son caractère délétère. Beaucoup sont échaudés par les déclarations du président de la République – et tiennent à souligner que, de la « cueillette des fraises » du premier confinement jusqu’au « syndrome de la salle des profs », la Macronie n’a cessé d’entretenir l’image d’une profession minée par l’indolence supposée de quelques-uns.
(...)
La formation par les pairs – en échangeant des supports pédagogiques, en mélangeant les groupes, voire en visitant la classe de l’autre – est plébiscitée par ceux qui la pratiquent. « En général, c’est quand quelque chose ne marche pas qu’on a besoin d’échanger, rappelle Raphaël Giromini, professeur de mathématiques et militant du SNES au lycée Le Corbusier d’Aubervilliers – un établissement de Seine-Saint-Denis systématiquement classé en tête des meilleurs lycées en valeur ajoutée du taux de réussite, et réputé pour le travail concerté de son équipe pédagogique. C’est pour cela que c’est important. Il y a beaucoup d’établissements où, sans l’équipe, on ne tiendrait pas. »
(...)
A toutes les échelles de la vie quotidienne, « l’esprit d’équipe » – ou son absence – transforme la vie des enseignants, juge cette professeure des écoles. Arrivée quasiment débutante dans sa précédente école, elle avoue y avoir « dépéri », privée d’échanges avec des enseignants plus âgés dont elle aurait apprécié l’aide et les conseils. « Bizarrement, plus j’étais en difficulté, plus ils m’appréciaient », s’amuse-t-elle aujourd’hui.
(...)
Les professeurs interrogés sur la « petite phrase » d’Emmanuel Macron tiennent aussi à revenir sur l’expression « minimum syndical », qui convoque l’image de l’enseignant militant, critique de tout et constamment sur le point de déclarer la grève. « C’est un vieux cliché, mais en pratique, ça ne tient pas, assure Raphaël Giromini. Pour être un bon syndicaliste, vous devez d’abord être un bon prof, poursuit-il. Si vous ne fichez rien de la journée, les gens n’auront pas envie de vous suivre ! »
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Le " syndrome de la salle des profs " est-il un mythe ?
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