education
Pour la Cour des comptes, il faut « recentrer » les missions des inspecteurs de l’éducation nationale
EXTRAITS
Multiplication des tâches, entretiens individuels chronophages… Les inspecteurs de l’éducation nationale sont trop sollicités, selon l’institution. Elle préconise de favoriser l’accompagnement pédagogique des équipes enseignantes.
Les missions des inspecteurs de l’éducation nationale, dans le premier comme dans le second degré, devraient être « recentrées » sur « l’accompagnement pédagogique des professeurs et équipes enseignantes ». C’est ce que préconise la Cour des comptes, dans un référé adressé en janvier au ministre de l’éducation, et rendu public mardi 3 mai. Leur activité, « de plus en plus morcelée », souffre d’une multiplication de missions « trop peu hiérarchisées », déplore la Cour.
Parmi ces missions, on trouve évidemment l’évaluation et l’accompagnement des enseignants – la raison d’être des deux corps d’inspection –, mais aussi l’organisation des examens et concours, la promotion des réformes, le contrôle de l’instruction à domicile ou encore le pilotage administratif et pédagogique des écoles. « Cet éparpillement s’effectue au détriment de leur mission première, qui reste le suivi des enseignants et l’appui pédagogique », insiste l’institution.
Elle souligne également le fait que l’évaluation individuelle des enseignants lors des « rendez-vous de carrière » – instaurés en 2017 pour renforcer l’équité dans l’avancement des fonctionnaires – absorbe jusqu’au tiers du temps de travail des inspecteurs. Dès lors, il n’est fait « qu’une place résiduelle aux réunions d’équipes autour de l’inspecteur, aux visites conseil, à l’accompagnement pourtant nécessaire des professeurs qui entrent dans le métier ».
Déléguer aux chefs d’établissement
Dans une série de six recommandations, la Cour recommande de « recentrer » les missions des inspecteurs sur l’accompagnement pédagogique. Pour y parvenir, une solution serait de déléguer une partie du suivi individuel aux chefs d’établissement, sur le modèle des « entretiens annuels », en laissant, le cas échéant, à l’inspecteur un rôle de régulation.
Informé en janvier de ces recommandations, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a adressé, le 27 avril, une réponse détaillée à la Cour. Il y est fait référence aux engagements du Grenelle de l’éducation, une série de consultations menées durant l’hiver 2020-2021, qui visaient à « transformer » le système éducatif. Sur le « recentrage » des missions, le ministre rappelle, par exemple, qu’il s’est engagé à rendre possible l’évaluation entre pairs – c’est-à-dire entre enseignants – pour décharger en partie les inspecteurs. A l’époque, la proposition avait alarmé les syndicats, qui craignaient la création d’une « hiérarchie intermédiaire » entre enseignants, rappelle Sophie Venetitay, du SNES-FSU. Le ministère de l’éducation nationale précise au Monde que des enseignants « chargés de mission d’inspection » seront à l’œuvre dès la rentrée 2022 – sans préciser combien.
(...)
Le référé de la Cour des comptes signale, enfin, une inégale répartition des 3 650 inspecteurs sur le territoire, en donnant l’exemple de la Seine-Saint-Denis, où le ratio, dans le 1er degré, est de 307 enseignants pour un inspecteur, contre 229 en moyenne nationale. La répartition des inspecteurs est en cours de rééquilibrage, répond le ministre, mais cela « représente un travail important ».
« Le fond de l’affaire, c’est que les inspecteurs ne sont pas assez nombreux, insiste Paul Devin. En Seine-Saint-Denis, mais aussi dans l’absolu. Le meilleur moyen de résoudre ce problème de temps – nous en manquons pour accompagner les enseignants, c’est indéniable – serait d’être plus nombreux. » Le ministère de l’éducation nationale rappelle que « le nombre d’inspecteurs a augmenté ces dernières années ».
Discriminations LGBT+: aux grands maux, les petits mots
L’association SOS Homophobie, qui intervient notamment en milieu scolaire pour lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, demande un engagement plein et entier du président de la République sur le sujet.
«Comment un enfant vit avec deux parents homosexuels face au regard de ses camarades ?», «quelle est la meilleure façon de faire son coming out transgenre ? » Ces extraits de petits papiers anonymes, rédigés par les jeunes que nous rencontrons en «intervention en milieu scolaire» (IMS) sont autant de questions trop souvent laissées sans réponse, et auxquelles les bénévoles de SOS Homophobie tentent chaque jour d’apporter des réponses. Elles sont aujourd’hui un outil précieux au service de la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre.
Le 8 avril 2022, Emmanuel Macron déclarait sur Brut qu’il n’était pas favorable aux interventions en milieu scolaire en école primaire et au collège. Le 20 avril, dans l’entre-deux-tours, il faisait marche arrière, rappelant dans le magazine Têtu le rôle «essentiel» de ces interventions, saluant «le travail des associations LGBT+ et leur intervention en milieu scolaire, mais aussi périscolaire». SOS Homophobie tient à faire part de sa circonspection quant à la sincérité de l’engagement du président de la République pour défendre les droits des personnes LGBTI et attend de sa part des actions concrètes.
Armes pédagogiques
Face à cette situation, il est important de démystifier une bonne fois pour toute nos IMS. Face au rejet et à l’exclusion, nous avons choisi le débat et l’échange. Ces interventions sont avant tout des moments de liberté et d’ouverture où chacune et chacun peut partager librement son point de vue et ses sentiments. Leur objectif est de sensibiliser à toutes les formes de discrimination et de déconstruire les nombreux stéréotypes entourant la construction du genre et de l’orientation sexuelle, à un âge où chacune et chacun se construit, découvre sa sexualité et son identité.
Les interventions de SOS Homophobie s’adressent à tous les publics, en réseau d’éducation prioritaire comme dans les établissements les plus favorisés. Y compris à la communauté éducative qui parfois accueille de grandes souffrances et ne dispose pas toujours d’outils et d’armes pédagogiques pour y répondre. Parce que les discriminations n’ont pas de frontières sociales. Ces interventions sont aussi l’occasion de rappeler que les discriminations, le harcèlement ou les insultes ne sont pas des actes anodins mais relèvent de comportements pénalement répréhensibles. Nous le constatons chaque jour, il est encore parfois difficile de parler librement de son identité de genre et de son orientation sexuelle ou amoureuse.
Fraternité et sororité
Nous avons rencontré 18 000 élèves au cours de l’année scolaire 2020-2021, 225 000 élèves depuis notre première IMS en 2004. Nous savons, de par notre travail de terrain continu, les défis rencontrés par les jeunes en construction. De façon plus ou moins consciente, la société enjoint de suivre des comportements sociaux différenciants et binaires. Ce sont sur ces injonctions, fondées sur le sexisme et les stéréotypes de genre, que prospèrent la plupart des discriminations tenant au genre et à l’orientation sexuelle. Il est essentiel de lutter contre ce phénomène pour faire germer chez nos jeunes les graines indispensables au respect de l’autre, la fraternité et la sororité, pour la construction d’un monde inclusif.
Parce que nous ne voulons pas laisser libre cours à la provocation, aux contre-vérités et à la haine, SOS Homophobie s’engage plus que jamais pour la défense des interventions en milieu scolaire, essentielles à la défense des droits de chacune et de chacun. La multiplication des attaques contre les personnes LGBTI et les questionnements des plus jeunes appellent à l’engagement plein et entier du président de la République et de son gouvernement. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Lucile Jomat, présidente de SOS Homophobie
/https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fresizer%2F227MrSp3lS13qZpvjZde-p8znG0%3D%2F1200x630%2Ffilters%3Aformat%28jpg%29%3Aquality%2870%29%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FOLJA733VKZAKNNGVAQZAOK6DYA.jpg)
Discriminations LGBT+: aux grands maux, les petits mots
L'association SOS Homophobie, qui intervient notamment en milieu scolaire pour lutter contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre, demande un engagement p...
Le « syndrome de la salle des profs » est-il un mythe ?
EXTRAITS
A quelques jours du premier tour, Emmanuel Macron avait déclenché la colère des enseignants sur les réseaux sociaux en évoquant ce supposé syndrome, selon lequel les professeurs les moins investis décourageraient les plus motivés.
Le métier d’enseignant, réputé plutôt solitaire, serait soumis aux dynamiques de groupe – et plutôt pour le pire que pour le meilleur. C’est en tout cas ce qu’a sous-entendu Emmanuel Macron, le 6 avril, en campagne pour sa propre réélection à l’Elysée, dans les colonnes du Figaro, lorsqu’il a déclaré vouloir « répondre au syndrome de la salle des profs, où celui qui se démène est parfois moqué par celui qui fait le minimum syndical ».
Des propos jugés blessants par de nombreux professeurs – quand d’autres, moins nombreux, assuraient avoir déjà fait l’expérience de salles des profs figées dans des habitudes anciennes qui les empêchaient d’avancer.
Le « syndrome de la salle des profs » est-il un mythe ou une réalité ? Et dans quelle mesure les dynamiques collectives influent-elles sur le travail dans chaque classe ?
Les enseignants prêts à démontrer les retombées positives d’un « effet de groupe » sont évidemment plus nombreux que ceux qui dénoncent son caractère délétère. Beaucoup sont échaudés par les déclarations du président de la République – et tiennent à souligner que, de la « cueillette des fraises » du premier confinement jusqu’au « syndrome de la salle des profs », la Macronie n’a cessé d’entretenir l’image d’une profession minée par l’indolence supposée de quelques-uns.
(...)
La formation par les pairs – en échangeant des supports pédagogiques, en mélangeant les groupes, voire en visitant la classe de l’autre – est plébiscitée par ceux qui la pratiquent. « En général, c’est quand quelque chose ne marche pas qu’on a besoin d’échanger, rappelle Raphaël Giromini, professeur de mathématiques et militant du SNES au lycée Le Corbusier d’Aubervilliers – un établissement de Seine-Saint-Denis systématiquement classé en tête des meilleurs lycées en valeur ajoutée du taux de réussite, et réputé pour le travail concerté de son équipe pédagogique. C’est pour cela que c’est important. Il y a beaucoup d’établissements où, sans l’équipe, on ne tiendrait pas. »
(...)
A toutes les échelles de la vie quotidienne, « l’esprit d’équipe » – ou son absence – transforme la vie des enseignants, juge cette professeure des écoles. Arrivée quasiment débutante dans sa précédente école, elle avoue y avoir « dépéri », privée d’échanges avec des enseignants plus âgés dont elle aurait apprécié l’aide et les conseils. « Bizarrement, plus j’étais en difficulté, plus ils m’appréciaient », s’amuse-t-elle aujourd’hui.
(...)
Les professeurs interrogés sur la « petite phrase » d’Emmanuel Macron tiennent aussi à revenir sur l’expression « minimum syndical », qui convoque l’image de l’enseignant militant, critique de tout et constamment sur le point de déclarer la grève. « C’est un vieux cliché, mais en pratique, ça ne tient pas, assure Raphaël Giromini. Pour être un bon syndicaliste, vous devez d’abord être un bon prof, poursuit-il. Si vous ne fichez rien de la journée, les gens n’auront pas envie de vous suivre ! »
/https%3A%2F%2Fimg.lemde.fr%2F2022%2F05%2F02%2F808%2F0%2F3896%2F1948%2F1440%2F720%2F60%2F0%2Ffd29ff3_1651483175896-000-par2131938.jpg)
Le " syndrome de la salle des profs " est-il un mythe ?
A quelques jours du premier tour, Emmanuel Macron avait déclenché la colère des enseignants sur les réseaux sociaux en évoquant ce supposé syndrome, selon lequel les professeurs les moins inv...
«On va morfler»: les profs à cran après la réélection de Macron
Dépités après le premier mandat macroniste et suspendus aux résultats des législatives, les professeurs, pourtant moins engagés à gauche qu’avant, craignent une nouvelle nomination de Jean-Michel Blanquer qu’ils verraient comme une «déclaration de guerre».
L’ambiance est à la gueule de bois. «C’est pas la fête», «on accuse le coup», «c’est la déprime», «je suis en colère»... Après le second tour de la présidentielle, les enseignants contactés par Libération ont le cafard. Eux qui ont pesté durant cinq ans contre les décisions d’Emmanuel Macron en matière d’éducation rempilent pour un quinquennat dont l’orientation plus libérale est clairement assumée. Dur dur. «Je pense que les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier, on va morfler», prédit Céline Benin, professeure des écoles à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Si elle a consenti à faire barrage au RN au second tour, de «peur d’avoir l’extrême droite au pouvoir», lui reste désormais en bouche «un goût amer». «Il y a un danger pour l’école de la République. On part de plus en plus vers une école qui va ressembler à du privé», souffle-t-elle.
Le discours n’est pas neuf, qui est ressassé depuis des mois par une partie de la communauté éducative, à plus forte raison depuis la présentation du programme d’Emmanuel Macron à la mi-mars. Mais le président qui portait ce projet a été réélu. Alors maintenant, quoi ? «La seule chose que je peux attendre de l’avenir, c’est qu’il y ait un contre-pouvoir, avec des gens qui vont à l’Assemblée, qui sont présents, qui déposent des amendements», indique Céline Benin. «Les législatives, c’est notre dernier recours. Après, ça sera les grèves, les manifestations», complète Anne Duc-Maugé, professeure de lettres à Orchies et représentante du SE-Unsa dans le Nord. Autour d’elle, des profs ont déjà prévu de faire des économies pour débrayer.
Si la volonté d’Emmanuel Macron d’octroyer plus d’autonomie aux établissements et de différencier les rémunérations selon l’implication des enseignants a cristallisé la colère des intéressés ces dernières semaines, un autre sujet, non catégoriel, est venu reléguer ces préoccupations au second plan : les retraites. Le Président entend en effet repousser l’âge légal de départ de 62 à 65 ans – éventuellement 64 ans. «Plus on a d’ancienneté dans le métier, moins on en voit la fin. Quand j’ai commencé, les collègues partaient à 55 ans. Aujourd’hui, si on veut une retraite à taux plein, il faut travailler jusqu’à 64 ans, même pour moi qui ai démarré dans l’Education nationale à 22 ans», note Haydée Leblanc, 52 ans, cosecrétaire départementale du Snuipp-FSU dans la Somme.
Des profs plus à droite
Anne Duc-Maugé, 55 ans, avait fait les comptes : elle comptait partir à 62 printemps. Avec une décote de plusieurs centaines d’euros, certes, mais ça valait mieux que de trimballer son lourd cartable jusqu’à 67 ans. «J’aime bien mon travail, mais il y a des limites», juge-t-elle, se voyant mal face à des élèves avec plus d’un demi-siècle de plus qu’eux. Fin mars, Emmanuel Macron a laissé entendre que les enseignants pourraient bénéficier d’un régime plus souple en raison de la pénibilité de leur métier. Les intéressés n’y croient pas. Les syndicats de l’Education nationale discutent déjà avec d’autres professions de mobilisations à venir sur cette question.
Le profil des 870 000 enseignants a changé. S’ils restent plus à gauche que l’ensemble de la population, eux qui furent longtemps des soutiens du PS votent désormais majoritairement à droite, à 54%, selon une enquête du Cevipof sur les intentions de vote des profs réalisée fin mars. Un grand tournant. Emmanuel Macron, dont le ministre de l’Education fait pourtant l’unanimité contre lui en salle des profs, est parvenu à garder les faveurs de 25% d’entre eux. «Quand ils sont en formation, les professeurs adhèrent aux idées de gauche selon lesquelles il faut faire progresser tous les élèves et réduire les inégalités. Mais ensuite, ils se rendent compte que ça leur coûte énormément. Il y a un tel décalage entre les idéologies affichées et les moyens qu’ils ont pour pouvoir les assumer qu’il est extrêmement fréquent d’avoir des enseignants qui disent “il y a des élèves pour qui on ne peut rien”, ce qui relève plutôt d’une valeur de droite», analyse un sociologue de l’éducation qui a étudié ces questions et qui souhaite rester anonyme.
Selon cette même enquête du Cevipof, 17% des profs comptaient même donner leur voix à un candidat d’extrême droite : 8% pour Marine Le Pen comme pour Eric Zemmour et 1% pour Nicolas Dupont-Aignan. «Les enseignants se rendent compte que la droite et l’extrême droite risquent d’être pires, et en même temps, certains sont tellement à cran qu’ils peuvent être tentés de voter pour les partis d’extrême droite. Ils n’ont pas de souvenirs suffisamment récents de politiques de gauche qui leur permettent de travailler dans de meilleures conditions. On les a acculés à évoluer de cette façon», estime le spécialiste de l’éducation cité précédemment.
«Perte de culture du conflit»
«Les murs de la forteresse enseignante se sont lézardés et les professeurs ne constituent plus un bloc aussi cohérent que par le passé» écrivait d’ailleurs la Fondation Jean-Jaurès début 2021. Qui pointait également un intérêt déclinant pour la syndicalisation, passée de 45% au début des années 90 à 30% aujourd’hui – même si les enseignants restent l’une des professions les plus syndiquées. La fondation prédisait même un écroulement de l’adhésion syndicale, la faute à un manque de renouvellement générationnel (18% des moins de 30 ans sont syndiqués contre au moins 30% dans toutes les autres classes d’âge).
Laurent Frajerman, spécialiste de l’engagement enseignant et chercheur associé au Centre de recherche sur les liens sociaux, tient toutefois à nuancer ces constats. Ce désintérêt syndical, «c’est une illusion d’optique», conséquence attendue de la scission de la puissante Fédération de l’Education nationale, en 1992. «Dans l’histoire, toutes les scissions syndicales provoquent une baisse de la syndicalisation», précise celui qui, par ailleurs, anime l’Observatoire de la fédération syndicale unitaire (FSU). Depuis ce bouleversement il y a trente ans, les chiffres sont assez stables, oscillant entre 25% et 30%, dit-il.
Mais alors, cette profession plus syndiquée et malgré tout plus à gauche que les autres est-elle partie pour batailler ferme contre la politique libérale d’Emmanuel Macron ? Après cinq années de dialogue social presque impossible avec leur ministre de tutelle, certains enseignants sont gagnés par l’abattement. «Est-ce qu’on peut faire basculer les choses ? On se rend compte que pas vraiment. Je sais qu’on n’a pas de poids, tranche Céline Benin, syndiquée mais pas militante. Si on voulait avoir du poids, il faudrait que tout le monde dise «puisqu’on est si nuls et qu’on sert à rien, pendant une semaine l’école ferme».» Mais tant que les syndicats n’avanceront pas plus unis, ce vœu restera pieux, songe-t-elle. «Une bonne partie des syndicats sont dans une volonté de cogestion qui ne fonctionne pas. Ils ont complètement perdu la main, [les gouvernants] ne les écoutent pas», tacle Nicolas Glière, du collectif les Stylos rouges, qui réunit près de 75 000 personnels de l’Education nationale.
«Déclaration de guerre»
«Il y a eu une perte de culture du conflit et un fatalisme. Les enseignants ont moins l’habitude des actions sur la durée et sont moins patients», constate Laurent Frajerman. Ce fut d’ailleurs flagrant à l’issue de la grève du 13 janvier, historique car elle a réuni l’ensemble de la communauté éducative, des Atsem aux inspecteurs, pour dénoncer la gestion de la crise du Covid à l’école par le gouvernement : le soir même, une partie du personnel éducatif appelait à maintenir la pression et à enquiller les mobilisations quand une autre se lamentait de n’avoir pas obtenu entière satisfaction en une journée d’action, criant à l’incompétence des syndicats. Une nouvelle mobilisation avait lieu une semaine plus tard, qui ne parvenait pas à drainer les foules. «Le métier se désengage politiquement et syndicalement par découragement, mais aussi parce qu’on a des enseignants de moins en moins formés, ce ne sont plus des intellectuels», estime Nicolas Glière. La faute selon lui aux recrutements moins exigeants, faute de candidats à la hauteur, et au recours de plus en plus massif aux contractuels.
Croire que les profs ne sont plus capables de faire entendre collectivement leur colère serait toutefois une erreur. Outre ce mouvement massif du début de l’année, ils l’ont prouvé en décembre 2019, lors des manifestations contre la réforme des retraites de Macron – déjà. «C’était une grève exceptionnelle, qui a montré que les enseignants étaient toujours capables de se mobiliser. C’était leur mouvement le plus important depuis 2003», indique Laurent Frajerman. Cette fois, la capacité d’opposition de la profession est suspendue aux résultats des législatives. «Si Macron a une majorité, le fatalisme peut l’emporter ou au contraire on peut avoir une action plus radicalisée», analyse Laurent Frajerman.
Tout dépendra aussi de la capacité d’Emmanuel Macron à écouter réellement le terrain, lui qui a affirmé vouloir placer son second quinquennat sous le signe de la concertation. «On a vu ce que ça a donné avec le Grenelle [de l’éducation, en 2021, ndlr], personne n’est dupe ! Faire des réunions pour l’affichage alors que les grandes lignes sont déjà fixées et non négociables, ce n’est pas une concertation, c’est de la communication, balaie Marie-Laure Guegan, professeure de physique-chimie dans un collège normand et militante au Snes-FSU. L’éducation sort abimée comme jamais après cinq ans de Blanquer, il faut changer radicalement de méthode.» L’actuel ministre de l’Education, annoncé par France Inter candidat aux législatives dans le Loiret, a publiquement dit son envie de rempiler rue de Grenelle tant il fourmille d’idées pour l’école. Si tel était le choix d’Emmanuel Macron, le comité d’accueil serait glacial. «Ne pas changer de ministre, ce serait une déclaration de guerre», résume Jean-Rémi Girard, président du Snalc. Et un motif de mobilisation massive.
Elsa Maudet
/https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fresizer%2FoenjIn2T4V9lk7yDrajeLlhqatA%3D%2F1200x630%2Ffilters%3Aformat%28jpg%29%3Aquality%2870%29%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FOWTAUD523BHWTFZEZRKBVTZNQE.jpg)
"On va morfler": les profs à cran après la réélection de Macron
Dépités après le premier mandat de Macron et suspendus aux résultats des législatives, les professeurs, moins engagés à gauche qu'avant, craignent une nouvelle nomination de Blanquer qu'ils ...
Blanquer : un ministre sans foi ni loi ? - Par Claude Lelièvre
En 2017, il promet qu'il n'y aura pas de « loi Blanquer ». En 2019, il porte « la loi pour l'école de la confiance ». Sur le site du ministère magnifiant les « 5 ans d'action pour l'école de la République », cette loi n'a pas de nom d'auteur, au contraire de trois autres : « la loi Gatel sur les écoles hors contrat, la loi Rilhac sur les directeurs d’école, la loi Balanant sur le harcèlement ».
On a finalement en point d'orgue un bel exemple du jeu de cache-cache auquel s'est livré Jean-Michel Blanquer tout au long des cinq ans qu'il a passés à la tête du ministère de l'Education nationale : une communication régulièrement aménagée en vue de ce qui l'arrange à tel ou tel moment de son long parcours.
L'auteur de « la loi pour l'école de la confiance » n'est pas mis en valeur, ni même son contenu dans le texte bilan qui vient d'être mis sur le site du ministère. L'accent est mis sur tout autre chose : « Les changements ont eu lieu pour donner à chaque élève de France des racines et des ailes. Les racines : le socle des savoirs fondamentaux [...] Les ailes : la personnalisation du parcours, la réforme du lycée en particulier »
Et pourtant, la même métaphore « des racines et des ailes » avait été dûment utilisée par Jean-Michel Blanquer le 11 février 2019 lors de la présentation du projet de « loi pour une école de la confiance » à l'Assemblée nationale. C'était alors le moment du lyrisme : « Par ce projet nous souhaitons donner à nos enfants des racines et des ailes, leur faire ressentir la fierté d'être des citoyens de France et la fierté d'être eux-mêmes. Alors nous pourrons croire à notre destin, parce que nous aurons préparé celui de nos enfants sur la seule base qui vaille : celle de la liberté, de l'égalité et de la fraternité »
Mais le lyrisme n'est apparemment plus de saison pour cette loi anonymée. Il est vrai que cette loi faite d'articles hétéroclites et sans colonne vertébrale peut difficilement s'inscrire durablement dans la mémoire historique. Comme il était souligné dans mon billet du 15 février 2019, « on se demande encore ce qui a poussé Jean-Michel Blanquer à mettre en œuvre cette loi faite de bric et de broc, une loi fourretout et attrape tout composée de 25 articles hétéroclites : les uns apparaissant comme de simples commodités, d'autres pouvant être considérés comme lourds de menaces, sans compter certains articles pouvant soigner avant tout la vanité du ministre »
Surtout, la remise en mémoire de certains de ses articles peut apparaître actuellement fort peu opportune pour son auteur. On peut citer par exemple l'article 1 sur « l'exemplarité » des professeurs qui a suscité parmi eux une vive inquiétude, même si in fine la rédaction de cet article a été quelque peu édulcorée. Ou bien la création d' « établissements publics de savoirs fondamentaux » (EPSF), constitués des classes d'un collège et d'une ou plusieurs écoles du secteur de recrutement du collège, l'EPSF devant être dirigé par un principal de collège, seul chef d'établissement. Mais devant la bronca majoritaire et conjuguée des professeurs des écoles et des collectivités territoriales, cet article de la loi sur les « EPSF » n'a pas été mis en œuvre...
Ou encore l'article sur ''l'affichage'' du texte de la Marseillaise et des drapeaux français et européens dans chaque classe (dont on doute, là aussi, de la généralisation de son application) . D'autant plus que le rappel de cet article engage celui des tractations du ministre de l'Education nationale avec le leader de droite extrême de LR, à savoir Eric Ciotti (ce qui n'est plus vraiment de saison aujourd'hui...)
Le 11 février 2019, le député Eric Ciotti défend un amendement qui « tend à faire en sorte que le drapeau français soit installé dans chaque classe de chaque école de la République. Nous avons évoqué la Marseillaise ; nous parlons maintenant du drapeau français ». Dans un premier temps, le ministre de l'Education nationale n'abonde pas dans ce sens : « Je ne dis pas que c'est une proposition absurde, mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable de multiplier les affichages en classe pour des raisons pratiques évidentes ».
Mais d'autres députés LR soutiennent l'amendement. Il y a une suspension de séance à l'issue de laquelle est proposé (et voté) un « compromis historique''(?) à la suite de « propositions faites par le Gouvernement, avec l'aval du premier signataire de l'amendement n°102 (Eric Ciotti) » . Cet amendement rectifié est désormais ainsi rédigé : « La présence de l'emblème national de la République française, le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, du drapeau européen ainsi que les paroles du refrain de l'hymne national est obligatoire dans chacune des salles de classe du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat »
Bref, Jean-Michel Blanquer avait assuré devant le congrès des parents d'élèves PEEP de fin mai 2017 : « il n'y aura pas de loi Blanquer ; j'en serai fier » . Il ne peut donc être fier, bien au contraire , qu'il y ait une loi Blanquer. Et par ailleurs, selon toute apparence, il peut aussi difficilement se montrer fier de cette loi-là. In fine, Jean-Michel Blanquer s'avère être un ministre « sans foi ni loi ».
On aura remarqué la prédilection idiosyncrasique de Jean-Michel Blanquer pour la métaphore « des racines et des ailes ». Elle est présente dans ses discours dès son arrivée au ministère. Par exemple à la rentrée scolaire de fin août 2017 lorsqu'il se déclare pour le renforcement de la place des langues anciennes : « il ne s'agit pas de faire montre d'élitisme […] mais de donner des racines et des ailes aux élèves » .
Après avoir tenté de trouver un point de chute dans une circonscription d'Ile-de-France pour les prochaines élections législatives, Jean-Michel Blanquer s'en va à tire d'aile jusqu'au Loiret essayer de s'enraciner dans la circonscription de Montargis. On lui souhaite un bon atterrissage.
Claude Lelièvre
/https%3A%2F%2Fwww.mediapart.fr%2Fassets%2Ffront%2Fimages%2Fsocial%2Fog_image%2Fbillet_blog.png)
Blanquer : un ministre sans foi ni loi ?
En 2017, il promet qu'il n'y aura pas de " loi Blanquer ". En 2019, il porte " la loi pour l'école de la confiance ". Sur le site du ministère magnifiant les " 5 ans d'action pour l'école de la ...
Éducation : Tiens-toi bien ! - Vidéo
"L’éducation a pour but de former des êtres adaptés à un système", explique le philosophe Johannes Winter. Pourtant, depuis Rousseau, il est admis que l’enfant doit pouvoir s’épanouir librement.
Mais peut-on éduquer des sociétés entières ? Ronja en parle avec un maître-nageur berlinois, des activistes d’Extinction Rebellion et un couple d’artistes qui s’apprête à pouponner.
Magazine (Allemagne, 2021, 26mn) Disponible jusqu'au 10/12/2026
Au revoir, JM Blanquer ?
EXTRAITS
Alors que le président de la République tarde à publier la composition de son nouveau gouvernement, deux faits encadrent le devenir de JM Blanquer. Lui-même publie un bilan élogieux des 5 années de son ministère. Il le fait au moment même où la hausse du SMIC amène le salaire de départ des enseignants à son point historiquement le plus bas : 1.1 fois le smic. Malgré la communication ministérielle, le maintien de JM Blanquer rue de Grenelle semble impossible. Mais deux réalités cadrent le nouveau mandat ministériel. Quel que soit le successeur de JM Blanquer, il aura à affronter une situation sociale extraordinairement dégradée. Surtout, il devra le faire tout en mettant en œuvre la même politique que JM Blanquer. La page n'est pas tournée…
Un auto bilan élogieux
"Une école qui transmet à tous les élèves les savoirs et les valeurs qui le guideront tout au long de la vie, une nouvelle gestion des ressources humaines pour développer la personnalisation, renforcer l'esprit d'équipe et améliorer le service public d'éducation". Ainsi JM Blanquer présente-il, sur le site de son ministère, les 5 années de son mandat.
" Rehausser le niveau général et lutter contre les inégalités sociales : tels étaient les deux objectifs que nous affichions très clairement dès 2017, dans la lignée des engagements pris par le président de la République lors de son élection. Depuis, tous ces engagements ont été tenus et même dépassés", écrit-il. Il cite les dédoublements, la revalorisation des primes rep+, les réformes du lycée et du lycée professionnel. " Le principe a été de donner une assise scientifique et républicaine renforcée à ces politiques par la création d’un Conseil scientifique de l’éducation nationale et d’un Conseil des sages de la laïcité".
Les résultats ne sont pas là
Curieusement il y a un vrai record dont le ministre ne se vante pas, c'est celui de la longévité. Mais au bout de 5 années de son ministère, les résultats ne sont pas, contrairement à ce qu'il assure, au rendez vous. Commençons par ceux des élèves. Améliorer le niveau des élèves a été proclamé par JM Blanquer comme son objectif principal. Pour l'évaluer il a créé un outil ministériel, directement dépendant de lui, qui évalue tous les élèves de CP, CE1, 6ème et , théoriquement, 2de (mais au lycée il a échoué à l'imposer). JM Blanquer a promis "100% de réussite" en CP. Il a mis des moyens pour cela en dédoublant les classes de l'éducation prioritaire (Rep et Rep+). Ce que montrent les évaluations mêmes du ministère c'est que le niveau monte lentement. Ne nous laissons pas impressionner. Dans tous les pays qui utilisent ces évaluations, le niveau progresse ne serait ce que parce que les élèves sont mieux préparés aux tests. Par contre ce que disent les données ministérielles c'est que les objectifs ne sont pas atteints. JM Blanquer avait promis un vrai bond au début de l'école primaire grâce à plus de 10 000 postes. En fait l'évolution est faible. Pire, les résultats des élèves socialement défavorisés des classes dédoublées ne sont pas meilleurs que ceux des élèves défavorisés des classes non dédoublées. On ne saurait mieux attester de l'impasse pédagogique dans laquelle le ministre s'est mis.
(...)
Les 5 années du ministère Blanquer se traduisent par un rejet inédit de la politique ministérielle. Toutes les enquêtes le disent qu'il s'agisse du Baromètre Unsa ou des enquêtes menées par la FSU. Selon le baromètre Unsa, la confiance est morte entre le ministre et ses personnels depuis 2018. En 2021 il compte seulement 8% de soutiens chez les professeurs des écoles et 6% chez les enseignants du 2d degré. Cela touche aussi les cadres. Un inspecteur (IPR ou IEN) ou personnel de direction sur quatre seulement partage les vues de JM Blanquer. En 2017, trois inspecteurs sur quatre adhéraient aux réformes de N Vallaud Belkacem. Selon le sondage Harris pour le Snuep Fsu, 71% des PLP jugent négativement la réforme de la voie professionnelle. Selon le sondage réalisé pour le Snuipp Fsu, seulement 5% des enseignants du 1er degré soutiennent la politique ministérielle. 85% sont contre la loi Rilhac.
(...)
F Jarraud
Billet complet à lire en cliquant ci-dessous
/http%3A%2F%2Fwww.cafepedagogique.net%2FSiteCollectionImages%2F0205221.jpg)
Alors que le président de la République tarde à publier la composition de son nouveau gouvernement, deux faits encadrent le devenir de JM Blanquer. Lui-même publie un bilan élogieux des 5 ann...
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/05/02052022Article637870774925990726.aspx
Réforme du BAC : Jean-Michel Blanquer et Philippe Meirieu/2018 - Vidéo
Je n'ai pas résisté au plaisir - mais aussi à la souffrance lorsque je réentends JM Blanquer - de vous (re)proposer cet échange Blanquer/Meirieu.
Beaucoup de propos prémonitoires...
Ce fut le SEUL débat entre les deux hommes...
C Chartreux