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Vivement l'Ecole!

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Inégalités scolaires : comment l’origine sociale pèse le plus sur les trajectoires des élèves

8 Septembre 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education

Inégalités scolaires : comment l’origine sociale pèse le plus sur les trajectoires des élèves

Dans un rapport publié mercredi 6 septembre, France Stratégie, service lié à Matignon, évalue le poids des caractéristiques héritées par les élèves dans les inégalités scolaires, et ce dès la petite enfance. La première d’entre elles ? L’origine sociale, bien devant le genre et l’ascendance migratoire.

En pleine rentrée scolaire, France Stratégie a publié mercredi 6 septembre son rapport «Scolarités : Le poids des héritages», consacré aux dynamiques de formation des inégalités. Des disparités que l’école échoue encore à réduire, selon l’étude réalisée à partir des trajectoires et performances scolaires de la petite enfance à l’entrée dans l’enseignement supérieur. Ceci pour faire «le lien entre les rémunérations en milieu de vie active et les caractéristiques “héritées” que sont le milieu social où l’on est né, le fait d’être une femme ou un homme, l’endroit où l’on a grandi, et l’ascendance migratoire», écrit Gilles de Margerie, commissaire général de l’organisme rattaché à Matignon.

La crèche a ainsi, dans les premières années, un effet bénéfique sur les enfants d’origine modeste, qui sont pourtant ceux qui y accèdent le moins. Et si la maternelle semble «propice à la réduction des inégalités» pour les enfants défavorisés, les écarts selon l’origine sociale et le genre s’installent et se creusent pendant l’école élémentaire, pourtant «favorable aux enfants d’immigrés». Les différences s’accentuent alors au collège, avec une mixité insuffisante et des orientations qui creusent les écarts sous l’effet des projections des familles et de l’institution – puis se cristallisent entre le lycée et l’enseignement supérieur.

Elèves favorisés et élèves modestes : pas les mêmes chances

Parmi toutes ces variables, un même constat : l’origine sociale, mesurée à partir des professions, catégories socioprofessionnelles et niveaux de revenus des parents, demeure le facteur le plus important dans la fabrique des inégalités. Cela «aussi bien sur les performances des élèves […] que sur leurs trajectoires, […] et qu’in fine leur diplôme», précisent les autrices de l’étude, Johanna Barasz, Peggy Furic et Bénédicte Galtier.

Ainsi, le rapport démontre que les élèves d’origine favorisée ont des parcours plus fluides, avec moins de redoublements : dès la sixième, seuls 8,3 % d’entre eux accusent un retard important, contre 19,4 % chez les jeunes d’origine modeste. Ils sont également minoritaires en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa).

Au lycée, l’écart se creuse : si 79,3 % des élèves favorisés poursuivent leur scolarité en seconde générale, le chiffre tombe à 35,8 % chez les élèves modestes – en revanche plus nombreux à sortir précocement du système scolaire, et plus représentés dans les voies technologiques, professionnelles ou CAP. En bout de parcours, seuls deux tiers des élèves d’origine modeste obtiennent leur baccalauréat (contre 90 % des enfants de cadres et enseignants) et moins de 3 sur 10 entreprennent des études supérieures.

L’influence paradoxale de la variable du genre

Deuxième facteur d’inégalités : le genre. Les écarts de performance entre garçons et filles sont constants tout au long de la scolarité. «Comme les élèves favorisés, [les filles] progressent plus et parviennent mieux à surmonter leurs difficultés, est-il rédigé dans le rapport. A niveau d’acquis comparable à l’entrée en sixième, elles ont plus de chances que les garçons d’atteindre la seconde en quatre ans et deviennent plus fréquemment bachelières.» Elles sont également 38,8 % à rejoindre une terminale générale, contre 26,9 % des garçons, pourtant plus nombreux en filière scientifique.

Et c’est là que le bât blesse, car cette variable exerce une influence paradoxale : si les filles sont plus diplômées que les garçons à l’issue de leur scolarité, elles s’orientent moins vers les filières considérées comme prestigieuses et sélectives. «Ces diplômes sont acquis dans des filières souvent moins “rentables” sur le marché du travail, relève France Stratégie. Cela fait suite à un long processus de construction, depuis la petite enfance, de compétences et de projections divergentes, qui contribuent à une spécialisation genrée aux conséquences paradoxales.»

L’ascendance migratoire : «des écarts incontestables, mais limités»

Sans surprise, l’ascendance migratoire est également un facteur d’inégalités important, «sans toutefois bouleverser les hiérarchies induites par l’origine sociale», précise le rapport. Ainsi, les enfants de deux parents immigrés – toutes origines confondues – redoublent davantage, notamment en primaire (25 % contre 15 %). Ils sont également plus nombreux que les enfants sans ascendance migratoire en Segpa, et sortent plus souvent non diplômés du système scolaire. Des écarts qui restent toutefois nuancés, car ces élèves se retrouvent cependant moins souvent dans les filières professionnelles que les enfants sans ascendance migratoire et suivent, dans la voie générale, des trajectoires proches. «Comme pour les autres enfants, c’est l’origine socio-économique et le capital culturel qui demeurent le déterminant majeur des trajectoires des enfants d’immigrés», concluent les autrices.

Un autre rapport, commandé lui par l’Assemblée nationale, est en cours de rédaction. Il viendra compléter celui-ci en s’intéressant aux impacts des inégalités scolaires sur la mobilité sociale des jeunes.

Benjamin Soyer

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Uniforme à l’école : ce maire a essayé, il raconte pourquoi ça n’a pas marché

8 Septembre 2023 , Rédigé par Ouest France Publié dans #Education

Uniforme à l’école : ce maire a essayé, il raconte pourquoi ça n’a pas marché

Alors que le port de l’uniforme fait son retour dans les débats en cette rentrée scolaire, le maire de Provins (Seine-et-Marne) avait instauré en 2018, sans succès, l’uniforme dans ses écoles. Il revient pour « Ouest-France » sur cette expérience.

(...)

Vous avez instauré le port de l’uniforme à l’école pour finalement l’abandonner. Pourquoi ?

Le port de l’uniforme avait fait l’objet d’un travail de concertation très important, avec les enseignants et les parents d’élèves, qui a débouché sur une consultation des parents. On a réussi à convaincre environ 70 % d’entre eux. Le gros problème, c’est que cela ne peut fonctionner dans la durée que s’il y a un cadre juridique précis : une disposition législative ou plus simplement une modification du règlement intérieur des écoles pour rendre la tenue obligatoire.

Or, on n’a pas eu le feu vert de l’inspection académique, alors même que le ministre de l’Éducation à l’époque [Jean-Michel Blanquer] s’était dit favorable à l’expérimentation. Donc on s’est retrouvé dans une situation où tous les élèves ne portaient pas l’uniforme. Il y avait un biais entre deux catégories d’élèves et vous passez alors à côté de l’ambition de départ. Et ça s’est donc effiloché petit à petit.

On a aussi été confronté à plusieurs difficultés : c’est qu’après la première année, vous avez des enfants qui entrent en CP, donc il faut reprendre le travail de persuasion auprès des parents comme avec ceux des enfants qui arrivent en cours d’année. Il faut recommencer tout ça.

Pourquoi l’inspection académique a-t-elle refusé de vous donner le feu vert ?

Alors là… C’est là où parfois le débat est un peu « schizophrène ». C’est-à-dire qu’à un moment, si le gouvernement y est réellement favorable, il faut que les consignes descendent pour qu’on puisse réviser le règlement intérieur pour imposer la tenue unique. Et si ce n’est pas le cas, ça veut dire que c’est un double discours et que ça ne fonctionnera pas.

Qui payait les uniformes ?

C’était majoritairement les parents. De toute façon les parents paient les vêtements de leurs enfants. La commune participait en aidant les enfants avec des difficultés financières. On était sur des prix tout à fait raisonnable, avec un trousseau complet – une quinzaine de pièces – autour de 150 €. Il y avait le choix : pantalon, jupe, pulls, sweat-shirts, polo…

Malgré l’échec de la démarche, l’uniforme a-t-il permis de répondre à certains enjeux ?

Malheureusement, ça n’a pas duré suffisamment longtemps. Les élèves qui le portaient étaient ravis, mais comme tous ne le portaient pas dans les classes… Même les enseignants qui étaient plutôt favorables au principe, ça leur posait quand même des difficultés quand dans une même classe, vous aviez des enfants qui le portaient et d’autres non. C’est impossible de faire un bilan. Ça ne peut fonctionner que si on nous permet, par un cadre juridique clair, de le rendre obligatoire.

Seriez-vous intéressé pour retenter l’expérience en participant à l’expérimentation de Gabriel Attal ?

Chat échaudé craint l’eau froide. S’il y a un cadre clair, je n’exclus pas de relancer les choses, mais il faut que le gouvernement passe des mots aux actes pour qu’on puisse réviser le règlement intérieur et rendre la tenue obligatoire.

Propos recueillis par Lise Ouangari
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Depuis l’interdiction de l’abaya, des élèves humiliées et déjà des dérives

8 Septembre 2023 , Rédigé par Médiapart Publié dans #Education

https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/VnxHadVTERmHEsuOg_UrLasdgnk/800x450/filters:format(webp)/regions/2022/11/13/63712c73548c4_abaya.jpg

EXTRAITS

Plusieurs témoignages et documents recueillis par Mediapart montrent que des chefs d’établissement ne se contentent pas de refuser les élèves se présentant avec des abayas. Des parents dénoncent des « humiliations » et « une véritable stigmatisation ».

Il y a ces chiffres que le ministre de l’éducation Gabriel Attal annonce fièrement et que les médias reprennent en chœur : au moins 298 élèves se sont présentées en abaya lors de cette rentrée scolaire et 67 auraient refusé de la retirer. Mais derrière ces données, il y a la parole des personnes concernées bien souvent absente du débat médiatique, et des dérives que Mediapart a pu documenter. 

Plus d’une dizaine de témoignages pointent ainsi la « police du vêtement », dénoncée par certaines familles, qui a été mise en place dans certains établissements. Dans plusieurs cas, ce ne sont pas seulement des abayas ou des qamis qui sont prohibés (lire le parti pris de Carine Fouteau). Notre enquête montre que des élèves présumées musulmanes sont refusées parce qu’elles portent d’autres vêtements qui ont pour seul défaut d’être trop « couvrants » ou trop amples. 

Comment s’habiller pour la rentrée ? Aminata*, 17 ans, y a longuement réfléchi avant d’arriver devant son lycée de la région parisienne mercredi matin. « J’ai mis une jupe en jean, un T-shirt blanc rentré à l’intérieur et un kimono par dessus. J’étais sûre que tout irait bien », raconte la jeune fille à Mediapart. Elle a d’abord passé le filtre des surveillants à la porte de l’établissement, avant qu’un autre responsable ne lui demande finalement de le suivre. Elle refuse. « Deux hommes sont arrivés vers moi et m’ont barré le passage avec leurs bras pour que je ne puisse plus avancer. J’ai dû les suivre pour m’entretenir avec des “référents laïcité”. » Elle leur explique qu’il ne s’agit pas pour elle de « montrer sa religion en s’habillant ainsi ». Eux estiment qu’elle contrevient à l’interdiction en vigueur. 

Dans cette note de service largement commentée depuis, le « port de tenues de type abaya ou qamis » n’est plus toléré. Depuis quinze jours, le gouvernement défend ce texte controversé et jure que cela ne concerne que ces deux vêtements qui auraient « incontestablement une dimension religieuse ».

« J’ai ensuite été convoquée par le proviseur et j’ai expliqué pourquoi cela n’avait rien à voir avec une abaya mais il n’a rien voulu entendre. Soit je retirais mon kimono, soit je devais rentrer chez moi et louper ma rentrée », poursuit Aminata, qui a opté pour la seconde injonction. « Pour les jours suivants, je suis à deux doigts de leur envoyer une tenue choisie à l’avance par mail pour qu’ils la valident ».

Lors de sa rentrée en seconde, Assma*, 14 ans, a d’abord été questionnée par son proviseur à l’entrée de son lycée du sud de la France. Un véritable interrogatoire. « Il m’a demandé si ma tenue avait une connotation religieuse, j’ai dit que non. Il m’a aussi questionnée sur mon collier car le pendentif est une lune, puis m’a laissée entrer. » C’est finalement un professeur qui aurait décidé que sa tenue noire – colle en V et pantalon large – était proscrite. La jeune fille a expliqué qu’elle « ne portait même pas le voile » et qu’elle « aimait juste cette tenue ». En vain. Elle est invitée à rendre des comptes devant la conseillère principale d’éducation (CPE). 

« La CPE m’a dit que c’était assimilé à quelque chose de religieux et a convoqué ma mère. Elles ont discuté pendant que je pleurais et j’ai finalement pu aller en classe très en retard, raconte-t-elle, encore émue. C’était très humiliant car quand je suis arrivée en classe avec la même tenue, le professeur ne m’a pas crue et a rappelé la CPE pour qu’elle confirme que je pouvais rester. Tout ça s’est passé devant tous mes nouveaux camarades. » À la fin de cette première journée, le professeur en question serait revenu la voir pour détailler ce qu’elle devait plutôt choisir pour se vêtir : « Il m’a dit que je pouvais rester pudique en mettant des habits à la française. »

(...)

Des jupes, des robes et des kimonos interdits 

Dans d’autres cas rapportés par la presse ou sur les réseaux sociaux, des jeunes filles visées ont été tout simplement renvoyées chez elles. C’est le cas de deux élèves habillées en robes blanche et colorée à Nanterre, d’une autre en pull et pantalon blancs à Lyon ou de deux autres à Grande-Synthe. Pour ces dernières, l’affaire révélée par BFMTV a été l’occasion pour la chaîne de livrer une interview particulièrement sexiste et indécente. Dans tous ces cas, les tenues visées n’étaient pas des abayas. 

À Nice, par exemple, Sonia*, 16 ans, a été « choquée » de lire dans la presse une partie de son histoire. « Hier, dans la ville de Nice, nous avons eu deux cas d’élèves connues du lycée en question qui se sont vu refuser l’accès à la classe », expliquait la rectrice de la région à BFMTV, avant de prétendre que l’interdiction de « ce type de tenue est interdit depuis toujours puisqu’elle est interdite depuis la loi de 2004 ». Dans Var Matin, le rectorat a également précisé avoir invité la famille à se présenter au lycée pour que les raisons de la décision prise lui soient expliquées. « À notre connaissance les parents n’ont pas donné suite à notre proposition. » 

« Faux », rétorque sa mère, conseillère d’insertion professionnelle. Dans un mail qu’elle a envoyé au proviseur de l’établissement et consulté par Mediapart, elle résumait d’ailleurs la situation après avoir échangé téléphoniquement avec lui. « Lors de sa rentrée scolaire qui a eu lieu hier, ma fille, qui portait alors une jupe plissée et une chemise, a été convoquée concernant sa tenue, jugée alors par vous et l’équipe qui vous accompagnait, ostentatoire. J’en ai été informée par message vocal et vous ai rappelé dès que possible », peut-on lire dans ce courrier. « Vous m'avez répondu trouver la jupe trop couvrante. Je vous ai demandé de m’expliquer sur quels critères vous vous basiez pour affirmer cela. Je n’ai pas eu de réponse, simplement que c’était à vous d’en juger », ajoutait-elle, avant de solliciter un retour écrit et une « demande d’entretien »

« Je ne comprends pas pourquoi ils ont refusé la tenue de ma fille et l’ont traitée ainsi. Elle a pleuré toute la soirée du lundi », dénonce-t-elle. « Moi je ne porte pas le voile mais elle a décidé de le porter l’an dernier et a remplacé ses jeans par des tenues plus amples. Ce ne sont pas des abayas, alors pourquoi elle n’a pas pu faire sa rentrée comme tout le monde ? », s’interroge la mère de Sonia, qui dit toujours attendre une réponse à son courrier. Elle ne digère pas non plus les propos du proviseur qui lui aurait suggéré de « mettre sa fille dans le privé »« Avec 1 800 euros pour élever seule mes trois enfants, je n’ai pas les moyens. Et cela veut dire quoi de proposer ça ? »

(...)

Lors d’une procédure entamée par l’ADM mardi devant le Conseil d’Etat, l’association, qui demandait à l’institution de suspendre cette interdiction, a finalement perdu. Ce jeudi, le juge des référés du Conseil d’État a en effet rejeté leur référé, estimant que l’interdiction du port de ces vêtements ne portait pas « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». Lors de cette audience racontée par Mediapart, le représentant du ministère de l’éducation avait longuement insisté sur deux points, pourtant démentis par les témoignages récoltés par Mediapart. 

Le dialogue et le suivi pédagogique étaient supposés être systématiquement privilégiés et aucun élève n’était censé être purement et simplement renvoyé sans informations ni documents pédagogiques chez lui. 

Surtout, l’interdiction était supposée parfaitement claire et le gouvernement jurait ne pas avoir besoin d’apporter de précisions sur les vêtement véritablement interdits. Rien ne serait « arbitraire » et les établissements sauraient parfaitement ce qu’est une abaya, expliquait le directeur juridique du ministère mardi. 

Ces multiples cas montrent l’inverse. Dans un enregistrement que s’est procuré Mediapart, une responsable de vie scolaire d’un établissement explique d’ailleurs très clairement à un parent que les abayas ne sont pas les seuls vêtements interdits. « Les kimonos ne sont pas acceptés », dit-elle notamment, sans être capable de préciser ses critères d’appréciation. 

Interrogé pour comprendre ce qui était véritablement proscrit, le ministère de Gabriel Attal nous a renvoyés vers la note de service. Qu’a-t-il à dire sur ces nombreuses jeunes filles contraintes d’interrompre leur rentrée scolaire et le suivi pédagogique qui va avec ? Auprès de Mediapart, la Rue de Grenelle élude : « Si “nombreuses” correspond aux 67 élèves rentrées chez elles lundi, l’objectif des établissements est de toujours maintenir le dialogue pour permettre un retour rapide en classe des élèves concernées. »

Mercredi, Mediapart se demandait comment le personnel éducatif allait s’y prendre pour différencier une abaya d’une robe longue ordinaire. « Ils risquent de se référer, plus ou moins consciemment, à l’idée qu’ils se font de l’identité religieuse des jeunes femmes, de la couleur de leur peau ou de la consonance de leur nom, autrement dit cela pourrait se traduire par des pratiques discriminatoires », écrivions-nous. Nous y sommes.

David Perrotin

Article complet en cliquant ci-dessous

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Débat : peut-on « faire nation » sans sortir des logiques d’humiliation ?

7 Septembre 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education

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Débat : peut-on « faire nation » sans sortir des logiques d’humiliation ?
Sébastien Ledoux, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

« Faire nation » : l’expression a été martelée comme le nouveau « chantier » du président de la République, selon ses mots, lors d’un entretien donné au Point fin août, et en réponse aux émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre au début de l’été.

Pour Emmanuel Macron, cette expression se rapporte d’abord à l’apprentissage de la langue, la transmission des valeurs, le retour de l’autorité du maître à l’école (sujet régalien), mais aussi l’intégration par le travail. Du point de vue historique, ce « faire nation » correspond à la volonté de faire concorder une forme politique (république, royaume, empire) avec un territoire et une population composite qui doit partager une même culture (la langue, des valeurs, un récit historique) et obéir à des règles communes.

Le président veut faire de l’école son domaine réservé, une institution cardinale de la fabrique nationale (« cette refondation nationale passe par l’école »), et propose de refonder les programmes d’histoire : « L’histoire doit être enseignée chronologiquement » affirme-t-il.

Sur ce dernier point, il renoue avec les vieilles antiennes sur la chronologie qui nourrit depuis plus de 40 ans des débats récurrents et toujours déconnectés du terrain sur l’enseignement de l’histoire, en méconnaissant le contenu des programmes et les pratiques enseignantes qui se fondent bien sur des séquences chronologiques, et ce du premier degré, dès le cycle 2, jusqu’à la terminale. On constate ainsi qu’en 2023, si les autres disciplines scolaires sont tenues d’intégrer les acquis de la recherche dans l’enseignement, la discipline de l’histoire reste un cas à part, la « connaissance » de l’histoire étant située par Emmanuel Macron dans une finalité civique toute nationale.

Polarisation sur la laïcité

Cette « refondation nationale » passe aussi par la laïcité à l’école comme l’a montrée l’interdiction du port de l’abaya et du qamis dans les établissements scolaires publics. La décision du nouveau ministre de l’Éducation Gabriel Attal s’appuie sur la loi du 15 mars 2004 portant sur l’interdiction des signes ostensibles religieux à l’école comme la kippa, la grande croix ou le voile musulman.

Le port des abayas a pris un tournant politico-médiatique de forte ampleur, malgré le fait que ce phénomène soit présenté comme très minoritaire au regard des 12 millions d’élèves en France.

Le ministre a annoncé cette interdiction en interprétant ce port de vêtement par des élèves comme « un geste religieux visant à tester la résistance de la République », mais un certain nombre de personnels dans des académies avaient pu exprimer des difficultés sur le terrain pour caractériser la motivation religieuse des élèves portant des abayas.

Comprendre l’éducation à la laïcité

Une demande de consignes claires avait été formulée auprès de l’État par des acteurs éducatifs, notamment les syndicats des personnels de direction à qui il revenait d’apprécier au cas par cas les situations. Cette question entraînait des tensions et des divergences d’interprétation au sein des équipes pédagogiques. L’interdit du prosélytisme religieux dans l’espace scolaire doit être posé comme un principe éducatif de la laïcité alors que les élèves sont des citoyens en construction, comme leur libre arbitre.

Pour autant, le risque de voir la laïcité se circonscrire à une série d’interdits visant des élèves musulmans est réel. Or l’éducation à la laïcité mise en œuvre à l’École de manière de plus en plus forte, en particulier depuis les années 2010, n’a pas pour vocation à statuer sur la conduite des seuls élèves musulmans, ce qui aurait pour effet délétère de certifier « un problème musulman en France ».

Cette éducation à la laïcité dans le domaine scolaire engage par conséquent un enjeu pédagogique pour tous les acteurs éducatifs. Il s’agit d’éviter un discours polarisé sur l’islam, de rappeler le principe de laïcité autour de la liberté de conscience (croire ou ne pas croire), de pratiques religieuses autorisées au sein de l’espace public (en différenciant l’école de l’espace public), et enfin de la neutralité de l’État qui prescrit une égalité de traitement entre les croyants de différentes religions que ce principe protège.

Cet enjeu éducatif et pédagogique de la transmission scolaire de la laïcité pour faire nation se révèle aujourd’hui aussi délicat que nécessaire. En effet, nombre de familles musulmanes ressentent un déficit de reconnaissance notamment de la part de l’institution scolaire. Par ailleurs une étude d’opinion auprès de lycéens a montré en 2021 qu’une majorité d’entre eux approuvent le port de vêtements religieux à l’école (bien au-delà des élèves musulmans) et que les lois sur la laïcité sont jugées discriminatoires envers les musulmans par 37 % d’entre eux.

Un profond malentendu

Cette priorité pédagogique pour construire une laïcité républicaine avec les musulmans et non pas contre eux dès l’École est d’autant plus indispensable que les différents attentats terroristes commis en France ont pu établir des clivages en ce sens. Notre enquête sur les réactions aux attentats de 2015 dans le monde scolaire – réalisée dans le cadre du programme de recherche 13-Novembre – montre que le « nous-Charlie », qui s’est affirmé avec force à travers la somme des « je suis Charlie » pour affirmer le rassemblement de la nation face aux attaques des journalistes de Charlie Hebdo, a provoqué un malentendu aux effets délétères.

Lors du rituel scolaire de deuil national, la réticence d’élèves musulmans à se reconnaître dans le « je suis charlie » a impacté les minutes de silence observées à l’école en mémoire des victimes dans le cadre d’un deuil national. Le référent national symboliquement mobilisé avec l’attentat de Charlie Hebdo a eu pour conséquence que certaines de ces réticences ont été perçues par les médias et les politiques dans les jours et les mois suivants comme une manifestation de sédition à l’égard de la nation.

Pour un certain nombre d’élèves musulmans, la question n’était pas de défier la nation mais de se positionner comme ils le pouvaient dans un rituel qu’ils ont pu interpréter comme la manifestation d’une adhésion aux caricatures de Charlie Hebdo sur le prophète musulman qui les choquaient, les mettant ainsi dans un conflit de loyauté extrême entre leur sensibilité religieuse et l’adhésion demandée à la communauté nationale pour faire bloc contre l’attentat. Les équipes éducatives ont été très précieuses alors pour dialoguer avec eux afin de dissiper le malentendu, quand la réaction politique à ces réticences n’a fait qu’approfondir le sentiment d’une incompatibilité entre « faire nation » et leur sensibilité religieuse.

L’accusation

Notre enquête montre également que dans certains établissements, des enseignants perçus comme musulmans (par leur nom, leur physionomie) ont vécu des scènes humiliantes dans les jours qui ont suivi l’attentat en étant assignés par leurs propres collègues au groupe « musulman » qui les impliquait, bien malgré eux, dans les actes terroristes. Pire, une enseignante assignée comme musulmane a dû faire face à des dénonciations calomnieuses d’un parent d’élève l’accusant d’apologie de terrorisme auprès de la direction de l’établissement, comme nous l’analysons dans un article à paraître, L’École post-attentat 2015 : des acteurs scolaires face au discours de crise de l’intégration et du « problème musulman ».

Un roman inspiré d’une histoire vraie. Une professeure de philosophie est mise à pied suite à une accusation d’apologie du terrorisme après les attentats de Charlie Hebdo. JCLattes

C’est ce dont témoigne Aïcha Béchir dans son roman L’accusation qui vient de paraître. La professeure de philosophie nous invite à questionner ce « nous-Charlie » qui a ouvert une brisure pour certains musulmans vis-à-vis de la nation française en janvier 2015, et à retisser un « nous » national en sortant de la défiance et des logiques d’humiliation qui entraînent le repli identitaire.

Cette question des humiliations symboliques ou physiques s’est rejouée de manière dramatique avec la mort du jeune Nahel à Nanterre tué par un policier à bout portant dans le cadre d’un contrôle routier.

Le projet présidentiel de « faire nation » mérite par conséquent une autre approche suite à cette mort violente du 27 juin à Nanterre, largement occultée par les émeutes et l’urgence du retour à l’ordre public, qui soulevait de nouveau de manière dramatique la question des pratiques discriminatoires de la police à l’égard des jeunes des quartiers populaires.

Comme l’écrit Sébastian Roché les « contacts ordinaires avec des policiers, faits de peur et d’humiliation » minent le contrat social républicain et défait la nation depuis maintenant des décennies.

Un vocabulaire extrêmement grave

Nous commémorerons dans quelques semaines les 40 ans de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 qui est née d’une violence policière à l’égard de Toumi Djaïdja, jeune issue de l’immigration coloniale vivant dans le quartier des Minguettes à Vénissieux, grièvement blessé par balle par un gardien de la paix.

Agence IMMédia, YouTube, affaire dite des « Minguettes », 1983.

Or, comme le rappelle l’historien Emmanuel Blanchard, il faut pouvoir aborder ce que recouvrent ces pratiques de contrôle. Pour lui, ce maintien de l’ordre de la population des quartiers populaires issus de l’immigration postcoloniale est hérité des pratiques coloniales où le corps du colonisé (noir ou arabe) est soumis à des violences dérogatoires autorisées par la hiérarchie.

Pour (re)faire nation, c’est toute une formation au sein de la police qui doit être mise en place en urgence pour faire évoluer les pratiques et les relations avec les habitants, plutôt que de maintenir des logiques d’humiliation envers des populations disqualifiées, voire déshumanisées.

Car les mots utilisés par certains syndicats de police pendant les émeutes ont profondément interrogé. Un communiqué de presse public le 30 juin 2023 appelait ainsi « au combat contre ces nuisibles », déclarant « nous sommes en guerre » ». Ces termes pour évoquer les participants aux émeutes (« ces nuisibles » ) relèvent d’un vocabulaire totalitaire extrêmement grave qui n’a valu aucune condamnation de la part du ministre de tutelle Gérard Darmanin.

Le déni de l’État envers ces logiques d’humiliation – par les mots et les actes – dans les opérations de contrôle et de maintien de l’ordre de policiers valide ainsi des expériences sociales qui défont au quotidien la nation.The Conversation

Sébastien Ledoux, Maître de conférences, historien, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Port de l’abaya : le « coup de menton » d’Attal face aux réalités du terrain

7 Septembre 2023 , Rédigé par Médiapart Publié dans #Education

Interdiction de l'abaya et expérimentation du port de uniforme : la rentrée  très politique de Gabriel Attal - midilibre.fr

EXTRAIT

Les élèves musulmanes craignent de ne pas passer les grilles, les enseignants redoutent une « crispation », les chefs d’établissement semblent plutôt satisfaits de la « clarification ». Malgré l’annonce tonitruante de l’interdiction des abayas par Gabriel Attal, le flou persiste dans les classes.

La jeune fille passe en revue ses robes sur son téléphone, dans un parc de Nanterre (Hauts-de-Seine). Aminata* cherche une tenue pour la rentrée des terminales, mercredi. Elle a déjà été privée de ce moment important l’an passé, en raison de la robe assimilée à une abaya qu’elle portait alors, pour entrer en classe de première.

Robe ample en satin mauve, robe tee-shirt en coton verte, robe avec ou sans manches, gilet long, type kimono, noué sur une jupe… les photos défilent sur l’écran : « C’est grave non, de se poser cette question ? J’ai l’impression que, parce que je suis musulmane, je n’ai le droit, si je veux mettre une robe longue, que de la choisir moulante, sinon ça ne va pas passer au portail. »

Si Aminata se pose tant de questions, c’est que Gabriel Attal, nouveau ministre de l’éducation nationale, a choisi de braquer le projecteur sur les abayas, appelant à leur interdiction pure et simple dans les établissements scolaires dès la rentrée. Par une simple note de service et un courrier aux parents, sans changer le cadre juridique, ni donner de précisions aux chefs d’établissement, mis à part cette commande d’une « grande fermeté » après un temps de « dialogue ».

En termes de communication, le coup est réussi puisque le sujet des abayas squatte radios, télévisions et journaux depuis quinze jours, inonde le débat politique, occultant au passage des sujets majeurs. Pour enfoncer le clou médiatique, le ministre, via son cabinet, s’est même assuré de la présence de certains médias dans quelques établissements concernés, comme l’a révélé Libération.

De gros moyens pour un phénomène resté mineur, malgré l’agitation : 298 jeunes filles se sont présentées en abaya lundi, selon le ministre interrogé sur BFMTV-RMC, 67 d’entre elles ont refusé de l’enlever et sont rentrées chez elles, selon Gabriel Attal.

Car formellement, c’est toujours la loi de 2004 qui s’applique, rappelle la Vigie de la laïcité, structure associative formée après la dissolution par le gouvernement de l’observatoire du même nom. « Qu’est-ce qu’on appelle l’abaya ? Le ministre ne répond pas à cette question !, explique l’un de ses membres. Parce que cela s’opposerait au texte de droit, à la loi de 2004. Si ce n’est pas un signe distinctif, ou communément reconnu comme religieux, comme le voile ou la croix, il faut s’en référer au comportement, à l’aspect systématique du port du vêtement, au refus de l’enlever en sport par exemple. Sans ça, on s’expose à des secousses pour ce jour de rentrée. »

Le ministre a dit à plusieurs reprises qu’il répondait à une demande expressément formulée par les chefs d’établissement, soumis à une « pression » de certains groupes d’élèves, voire de familles dans certains quartiers.

Là on va trop loin en diabolisant nos tenues. - Une élève à Marseille

« Cela fait plus d’un an que nous interpellons sur la question pour avoir une réponse très claire sur les interventions de chefs d’établissement devant les portails, confirme Layla Ben Chikh, proviseure dans l’académie de Nice, membre du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale). Quand une élève porte l’abaya, même si ce n’est pas reconnu par le culte musulman, il est détourné comme un vêtement religieux. Pour nous il s’agit d’un non-respect de la laïcité. »

Pour Nora*, ancienne élève de terminale à Marseille, c’est tout le problème : « On fantasme beaucoup mais une abaya, c’est une robe longue et ample. Sur le voile, je ne suis pas d’accord avec son interdiction mais je comprends, c’est une véritable norme religieuse. Là, on va trop loin en diabolisant nos tenues. Quand je mets des robes longues avec des fentes sur le côté, c’est mieux ? »

Nora a failli cesser le lycée l’an dernier, heurtée par la mesure d’exclusion de deux jours qu’elle a subie pour avoir contesté le caractère religieux et ostensible de certains de ses vêtements. « Je venais de passer les épreuves de spécialité, j’avais eu 18 sur 20, je pouvais très bien m’arrêter là, c’est mon professeur principal qui m’a convaincue de revenir au lycée. Mais j’avais peur de me prendre encore des remarques. »

L’injonction de la fermeté mais aussi du dialogue

Une professeure d’histoire-géographie dans un collège de l’académie de Créteil décrit la manière dont les établissements, concrètement, se dépatouillent. Vendredi, jour de prérentrée, l’équipe de direction a été « plutôt timide et expéditive », rappelant comme dans bien des endroits l’importance du dialogue.

« Apparemment, l’élève sera accueillie mais mise de côté. Et puis on va devoir lui expliquer quoi ?, interroge l’enseignante. Qu’elle n’a pas le droit de porter une abaya. Elle va dire que ce n’est pas un habit religieux. On lui répondra quoi ? “ Bah si ,on le sait que c’est religieux, parce que tu es arabe et musulmane.” C’est horrible de prendre une ado entre quatre yeux comme ça. »  

Cette enseignante craint la « réactivation » des crispations connues au temps de l’interdiction du voile, après 2004. « On se retrouve, alors qu’il n’y a pas de problème, à éteindre des feux, car les élèves nous posent beaucoup de questions, se demandent pourquoi on a peur d’eux comme ça, raconte-t-elle. C’est à la fois ridicule et violent, et cela met certains collègues mal à l’aise, car la question de la laïcité pèse encore une fois sur les épaules des filles. »

Aminata aussi s’agace de ce que des hommes « choisissent ce que l’on doit porter », en référence au ministre Gabriel Attal. Et elle relève certains amalgames : « J’accepte de parler de laïcité si c’est ça le sujet. Mais là, on dirait que l’Éducation nationale cherche à nous protéger de je ne sais pas quelle secte ou réseau. Je suis musulmane, mais je suis aussi française. »

L’an passé, après avoir été renvoyée chez elle pour sa tenue, la jeune femme s’est filmée, « choquée » et en pleurs, sur un réseau social. « Une chaîne de télé a diffusé la vidéo le jour de l’anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty, sans me demander mon autorisation et m’a demandé ensuite de témoigner. J’ai bien compris ce qu’ils voulaient faire… »

Dans ce lycée de Noisy-le-Sec, où le « phénomène des abayas s’est répandu », selon un professeur joint par Mediapart, la direction, en ce lundi 4 septembre, a évoqué un « filtrage » plus intense que l’année passée. « On ne va pas leur demander de se déshabiller, mais il y aura un entretien avec le proviseur ou le CPE, pour entrer dans une phase de dialogue. La direction est également passée dans chaque classe pour, entre autre choses, faire passer la consigne », explique t-il.

La « confusion » perdure sur ce qu’est une abaya, au milieu des robes longues de certaines élèves, des chemises sur pantalons amples, raconte encore le fonctionnaire enseignant. « Je suis moi-même partagé : ce serait naïf de penser que c’est sans rapport à la religion, je crains pour ces filles une forme d’emprise, mais en même temps est-ce que cela a du sens de se battre là-dessus ? Je ne vais pas passer la moitié de mon temps à rentrer en conflit avec des élèves le plus souvent investies dans le lycée, dans le cours, sympas comme tout. À quoi bon ? »

Dans la salle de classe, ce professeur décrit des collègues plutôt clivés sur la questions, entre ceux qui dénoncent « une forme d’islamophobie », d’autres « plutôt maximalistes sur la question de la laïcité, un peu réacs », et un gros tiers « qui préfère ne pas en parler, mettre la poussière sous le tapis ».

Le risque de la subjectivité

Les conseillers principaux d’éducation (CPE) seront elles et eux en première ligne pour mettre en œuvre l’interdiction demandée en haut lieu. Dans la région bordelaise, Arnaud, syndiquée au Sgen-CFDT, parle d’un épiphénomène – « huit cas l’an passé, maximum », dans son établissement –, et pas de frémissement à la hausse pour le moment. « Souvent, si ça devient répétitif, on en parle dans mon bureau, parfois avec les familles, qui parfois ne sont pas d’accord non plus. Cela suffit pour rentrer dans le rang. L’interdit ça crispe, car l’interdiction, c’est fait pour être bravé. »

L’un de ses collègues, en Haute-Normandie, a vu arriver une future élève de 3e, avant la rentrée de cette année, demander si elle pouvait mettre telle ou telle tenue : « C’était une abaya, enfin une abaya retravaillée pour ne pas en être une. On a dit non. » Sans nier la part de subjectivité. « On essaye de discuter avec l’élève, elle a la capacité de comprendre que ça laisse le flou et donc que c’est un peu trop compliqué à gérer pour l’établissement scolaire. Nous ne posons pas la question de la religion, l’appréciation se fait par les adultes de l’établissement. »

À l’autre bout de la France, dans un lycée rural de l’académie de Grenoble, malgré le discours de fermeté prôné en haut lieu, ce flou ne laisse pas indifférent : « J’ai des collègues qui ont été confrontés de manière forte à des élèves en abaya et qui attendaient ces consignes pour l’interdire, car ils étaient débordés par des revendications qui pouvaient dégrader le lien avec les élèves. Mais chez nous, on est tellement dans l’accompagnement des élèves que ça nous pose problème d’avoir un positionnement aussi rigide. Si on est sur une robe longue, quel critère retenir ? La couleur unique ? Les poignets complètement couverts ? Cela apporte de la difficulté là où il n’y en avait pas, quand il n’y a aucun prosélytisme ou de contestation du fait éducatif. »

La différence majeure avec la situation qui prévalait jusque-là, plutôt à géométrie variable, réside sans doute dans la mise en œuvre des sanctions disciplinaires, précisées dans le cadre d’une circulaire envoyée le 16 août dernier.

« La méthode était un peu filou, ils ont mélangé dans le même texte les sanctions en cas de harcèlement et d’atteintes à la laïcité, ce que nous avons dénoncé, décrit Olivier Raluy, CPE siégeant nationalement dans les instances sociales du ministère au nom du syndicat SNES-FSU. Mais la vraie nouveauté, c’est bien cette possibilité d’un conseil de discipline, éventuellement d’exclusion, de manière un peu systématique. Moi, en 15 ans, sur le foulard et plus récemment sur l’abaya, nous ne sommes jamais allés jusque-là, le dialogue suffit et porte ses fruits. »

Michel Miaille, professeur de droit, vice-président de la ligue de l’enseignement en charge de la laïcité, parle volontiers d’un « coup de bluff », voire d’un « coup de menton » de Gabriel Attal. « Je le dis d’autant plus tranquillement que je n’étais pas favorable à la loi de 2004. Mais elle existe, elle s’applique, elle fonctionne sur le terrain et souffre de peu de contestations, quand elle est tranquillement expliquée. Seule une loi peut dire qu’un costume est autorisé ou pas, en fonction de son sens religieux reconnu. L’interdiction telle que proposée par Attal est donc nulle et non avenue. »

Mathilde Goannec

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Pierre-Henri Tavoillot x Michaël Foessel : L’école d’hier doit-elle être le modèle de celle d’aujourd’hui ?

6 Septembre 2023 , Rédigé par France Inter Publié dans #Education, #Pedagogie

Pierre-Henri Tavoillot x Michaël Foessel : L’école d’hier doit-elle être le modèle de celle d’aujourd’hui ?

Le thème du débat du jour : "L’école d’hier doit-elle être le modèle de celle d’aujourd’hui ?" Nos débatteurs : Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, maître de conférences à la Sorbonne. Président du Collège de philosophie. Michaël Foessel, philosophe. Professeur à l’Ecole polytechnique.

Avec

Pierre-Henri Tavoillot Maître de conférences à Sorbonne Université, président du Collège de philosophie

Michaël Foessel Philosophe, spécialiste de la philosophie allemande et de la philosophie contemporaine, et professeur à l'école Polytechnique

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Comment aider les élèves à régler leurs conflits

6 Septembre 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education

Gérer les conflits entre enfants - L'Avenir

Comment aider les élèves à régler leurs conflits
Nicolas Duval-Valachs, Université Lumière Lyon 2

Avec son bruit et son agitation, la cour de récréation peut ressembler au premier abord à un espace désorganisé. Il n’en est rien. L’émergence des childhood studies à la fin des années 1980 a mis en avant que, loin d’être un chaos, le monde enfantin dispose de ses propres modes de régulation, comparables à ceux d’une microsociété, et qu’il s’agit de les prendre au sérieux.

Dès lors, conflits et disputes entre enfants sont analysés comme un mécanisme puissant de socialisation langagière et politique. Un élément fondamental dans cette approche est alors la mise en avant d’une agency enfantine, au sens où les enfants sont conçus comme un groupe social certes minorisé, mais doté d’une capacité d’action. En est tirée la conséquence normative qu’il faudrait reconnaître des droits à ce groupe plutôt que de le surveiller d’aussi près que possible ; il n’est alors pas surprenant que les références à la Convention internationale des droits de l’enfant, hui %20ratifi %C3 %A9e %20par %20196 %20 %C3 %89tats.), adoptée en 1989 par les Nations unies, soient aussi fréquentes dans cette littérature.

Toutefois, reconnaître que les enfants disposent de leurs propres modes de régulations ne règle pas la question des conflits enfantins. De nombreux chercheurs et chercheuses ont en effet montré que la cour de récréation est également un espace de violence et de domination : des grands sur les petits, des garçons sur les filles

Si répondre aux enjeux de violence par la répression et la surveillance témoigne d’un mépris du groupe enfantin, il ne s’agit donc pas de tomber dans une vision angélique d’enfants capables de s’autoréguler en toute égalité sans intervention des adultes. C’est autour de cette position que j’essaie de fonder empiriquement ma thèse consacrée aux conseils d’élèves.

Le dispositif des conseils d’élèves

Le monde éducatif a, de longue date, mis en place des dispositifs visant une gestion par les enfants de leurs propres conflits, mais avec l’encadrement des adultes. Dès le début du XIXe siècle, les écoles mutuelles mettent en place des tribunaux d’enfants. Mais c’est surtout, au XXe siècle, la pédagogie de Célestin et Élise Freinet qui développe cette idée par l’implémentation de conseils de coopérative.

Retour sur la pédagogie de Célestin Freinet (France Culture, 2020).

Durant ces conseils, les élèves et leurs enseignants réunis en assemblée ont l’occasion de débattre de propositions pour la classe, mais aussi (et surtout) de porter des critiques à leurs camarades et de traiter collectivement des conflits. L’objectif pour Freinet n’est pas répressif, mais plutôt moral :

« À l’issue de notre séance coopérative, nous n’avons jamais, comme on pourrait le croire, une liste de punis mais seulement des enfants heureux d’avoir discuté de ce qui leur tenait à cœur, de s’être déchargés parfois de leurs péchés, d’avoir éclairci et libéré leur conscience ».

À la suite de Freinet, la pédagogie institutionnelle développe cette idée du conseil comme « rein » du groupe, ayant une fonction d’épuration des conflits. Inspiré de psychanalyse, ce courant pédagogique voit dans ce dispositif (parmi d’autres « institutions ») des fonctions de thérapie collective. Il s’agit d’abord, en retirant l’enseignante ou l’enseignant comme instance personnalisée d’autorité, de limiter les phénomènes de transfert avec l’adulte.

Mais le conseil permet aussi, à travers l’usage du langage dans un dispositif institutionnalisé, la confrontation à l’autre et la sortie de l’égocentrisme : ce n’est pas en tant qu’individu singulier, mais en tant que membre du groupe que les enfants sont invités à intervenir. Là encore, « le conseil n’est pas nécessairement un tribunal, et la recherche de la vérité importe moins que l’élimination des conflits perturbateurs. […] L’essentiel est peut-être moins ce qui est dit, que le fait que ce soit dit et entendu ».

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D’autres dispositifs de gestion des conflits ont vu le jour, comme la technique des « messages clairs », inspirée de la communication non violente. Lors de celui-ci, les élèves « agresseurs et agresseuses » et « agressés » sont invités à verbaliser leur description des faits, leurs émotions et leurs besoins. Cet échange est supervisé par un médiateur ou une médiatrice, qui peut être un adulte ou un enfant dûment formé. Quoiqu’il en soit, tout ceci implique que l’enseignant renonce à arbitrer directement les conflits, tout en garantissant le cadre pour que les enfants le fassent eux-mêmes. Cette posture est assurément complexe à trouver.

Réfléchir aux limites de l’autorégulation

Il ne faut néanmoins pas croire que ces dispositifs abolissent complètement la violence des relations entre enfants. En effet, ils ne sont pas exempts de phénomènes de détournement et de manipulation. On peut assister à des accusations à répétition contre des élèves, à une volonté de vengeance ou de punition plutôt que d’intercompréhension.

Si ces dispositifs sont théoriquement fondés sur l’empathie et la communication non violente, ils peuvent donc aussi représenter une humiliation publique aux yeux de certaines et certains. Ce phénomène est renforcé par le fait que tous les enfants ne sont pas à égalité face à ces outils. En effet, ils impliquent une conception du langage et de l’autorité tendanciellement plus fréquente dans les classes moyennes et supérieures, face à laquelle les enfants de classe populaire peuvent se retrouver en difficulté.

Face à ces limites, la figure enseignante garde donc un rôle central. Un élément important est celui de la dépersonnalisation. En effet, on retrouve souvent dans le discours des enseignantes et enseignants l’idée de ne pas risquer de faire du conseil un tribunal. Cela implique qu’à partir d’une accusation d’un élève envers un autre, l’enseignant incite les enfants à monter en généralité. Il s’agit souvent de déporter l’attention de l’auteur ou l’autrice de l’acte répréhensible pour la diriger vers l’acte lui-même, afin d’éviter d’étiqueter l’accusé comme « déviante » ou « déviant ».

Le sujet central devient alors les modifications à apporter à la classe pour que le problème ne se reproduise pas. Si Maiwenn est excédée par Hamza qui pose toujours son classeur sur son bureau, n’est-ce pas qu’il y a un problème avec l’agencement des tables ? On rejoint ici un principe fondamental dans ces pédagogies, à savoir que les conflits entre élèves sont le signe d’un dysfonctionnement de l’organisation de la classe.

Ce genre de dispositif prend habituellement en charge de « petits » conflits du quotidien, et n’est peut-être pas à même de traiter des cas de violences plus graves tels que le harcèlement scolaire. Néanmoins, on sait que la dynamique de celui-ci repose en grande partie sur la passivité des spectateurs et spectatrices et la loi du silence. Dès lors, en habituant les enfants dès le plus jeune âge à traiter publiquement leurs problèmes de façon coopérative, et en contribuant à constituer une communauté d’enfants et d’adultes dans un meilleur climat scolaire, on peut espérer des effets positifs de ces outils y compris sur des enjeux plus graves.The Conversation

Nicolas Duval-Valachs, Doctorant en sociologie (EHESS/Lyon-2), Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Sur BFMTV, une rentrée “sous le signe de l’abaya” et sur le dos des musulmanes

6 Septembre 2023 , Rédigé par Télérama Publié dans #Education, #Médias

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Sur BFMTV, une rentrée “sous le signe de l’abaya” et sur le dos des musulmanes

CHRONIQUE “MA VIE AU POSTE”- Ce lundi, sur BFMTV, il n’y en a que pour l’abaya. Se conformant au plan de com du gouvernement, la chaîne en fait le seul enjeu de la rentrée scolaire (avec l’uniforme et les écoles détruites lors des “émeutes”). La veille, Benjamin Duhamel offrait une leçon de mansplaining à des femmes racisées et musulmanes, fermant son clapet à Rokhaya Diallo.

Bonne rentrée des classes à toutes et à tous, salue Christophe Delay lundi matin sur BFMTV. Rentrée marquée par l’entrée en vigueur de l’interdiction de l’abaya. » Plus exactement, rentrée que le gouvernement a voulue marquée par l’interdiction de l’abaya. Et ce que le gouvernement veut, BFMTV l’exécute. Le bandeau dans lequel habituellement les nouvelles défilent reste bloqué sur un unique message. « ALERTE INFO. Port de l’abaya interdit : cinq cent treize établissements sont particulièrement concernés (Gabriel Attal sur RTL). » L’extrait de son intervention à la radio est diffusé : « Y a cinq cent treize établissements que nous avons identifiés comme potentiellement concernés par cette question. » Un dénombrement « potentiel », donc. Mais, dans son excès de zèle, BFMTV a transformé le « potentiellement concernés » du ministre en « particulièrement concernés ». C’est pur hasard si le lapsus permet de dramatiser.

 

Cécile Bourgneuf, journaliste éducation à Libération, a dévoilé les dessous du coup de com du gouvernement : le cabinet du ministère a adressé aux rédactions des messages leur indiquant que huit établissements touchés par le problème des abayas seraient ouverts aux médias. « On nous dit : journalistes, votre sujet de la rentrée, c’est ça. » OK, ce sera ça, s’empresse BFMTV, dont le présentateur appelle un reporter : « Vous êtes devant le lycée Saint-Exupéry de Marseille, dans les quartiers nord, comment ça se passe ? — Écoutez, pour le moment, ça se passe bien. » Zut alors, pas d’abaya. « Regardez, l’accueil des élèves a démarré. » Toujours pas d’abaya. « On est avec le proviseur. — Tout se passe bien pour le moment. » C’est à désespérer. « Vous êtes épaulé par une référente laïcité pour apaiser la situation. — La situation est calme. » Rhhhâââ… On veut des abayas !!!

 

Faute de quoi, Adeline François lance le prochain sujet consacré à la rentrée scolaire. Le manque d’enseignants ? Les classes surchargées ? Pas tout à fait : « C’est une rentrée particulière aussi dans les écoles qui avaient été saccagées lors des émeutes urbaines de fin juin. » Abayas et « émeutes », rien de plus important en cette rentrée. En résumé, les seuls défis auxquels est confrontée l’Éducation nationale, ce sont les grands remplaçants des quartiers populaires. C’est parti pour un reportage « à l’école du Bois-de-l’Etang à La Verrière dans les Yvelines. Les enfants qui étaient scolarisés là sont sur le point d’être transférés dans une nouvelle école ». Pourvu qu’ils soient transférés en abaya… Même pas.

(...)

Samuel Gontier

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Le serpent de mer de la chronologie - Les programmes d’histoire et la fatigue enseignante

5 Septembre 2023 , Rédigé par La Vie des Idées Publié dans #Histoire, #Education

Frise chronologique Histoire de France - Coffret - Collectif - Achat Livre  | fnac

EXTRAIT

La récente polémique lancée par le chef de l’État autour de l’enseignement de la chronologie dans les programmes d’histoire est l’occasion de revenir sur l’histoire de ces programmes depuis le Second Empire – et de ce débat sempiternel.

Le président de la République, dans son entretien avec le journal Le Point paru le 23 août 2023, annonce au détour d’une phrase vouloir « refonder » le programme d’histoire, discipline qui selon lui « doit être enseignée chronologiquement ». Selon Le Bien Public, du 26 août l’Élysée, contacté, précise qu’il s’agit pour Emmanuel Macron de mettre en avant l’approche chronologique « sur la perspective de l’ensemble d’un cycle », comme le collège ou le lycée, pour montrer un besoin de « repères clairs et précis », dans une optique de « transmission de valeurs essentielles ».

La réaction des enseignants d’histoire-géographie est très rapide, très vive, et très critique. L’œcuménique Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG) est aux premiers rangs, avec un tweet ironique de sa présidente Joëlle Alazard, professeure au lycée Louis-le-Grand, quelques heures après la publication de l’entretien : « Alors, petits cachottiers, vous aussi aviez abandonné les programmes chronologiques en douce, avec la bénédiction de vos inspecteurs ? » – et des memes moquant la sortie du président circulent presque immédiatement. Un communiqué de l’association qualifiant le discours du président de « caricatural et démagogique » est publié dès le 24 août, puis des tribunes dans le même ton des secrétaires généraux Philippe Prudent dans Libération du 25 août du 25 août et Christine Guimonnet dans Le Monde du 1er septembre. Même un historien classé à droite comme Éric Anceau souligne dans Le Figaro étudiant du 24 août que « soit le président est mal informé, soit il s’agit d’une annonce politique afin d’envoyer des signaux à droite ». Comment expliquer une réaction aussi rapide, forte et unanime ?

Toujours chronologiques, jamais seulement chronologiques

Puisqu’il s’agit d’histoire, revenons rapidement sur celle de ces programmes. Depuis qu’un programme officiel existe, c’est-à-dire le 2 mars 1838, ceux-ci suivent la chronologie – l’hégémonie des humanités classiques, du latin en particulier, dans l’enseignement secondaire imposant, dans tous les cas, de commencer par l’histoire ancienne. Les instructions officielles très normatives du IInd Empire, celles en particulier du ministre Hyppolite Fortoul, insistent sur la mémorisation des faits et des dates afin d’éviter toutes velléités de « politisation ». Elles sont mal vécues par les lycéens des années 1850, de l’un d’entre eux en particulier, le jeune Ernest Lavisse :

"... nos maîtres étaient nourris à ces pratiques étranges d’enseignement : l’énumération indéfinie des faits, l’usage des formules et des mots inexpliqués pour les institutions et les mœurs, la faculté extraordinaire (bien qu’encore répandue) de n’avoir pas besoin d’être compris parce que soi-même on se passe de comprendre. "

Ce même Ernest Lavisse, devenu professeur d’histoire moderne à la Sorbonne, se trouve dans les années 1880 en position de réécrire ces programmes, publiés en 1890 (voir tableau infra). Les thuriféraires actuels de la chronologie seraient sans doute déçus : si la structure globale suit bien sûr l’écoulement du temps (même si on pourrait arguer de la synchronie partielle des thèmes des trois premières années), Lavisse innove en cessant simplement d’énumérer noms, personnages, guerres, traités et d’évènements. L’ensemble est structuré en sujets d’étude fréquemment thématiques, incluant par exemple en troisième « la civilisation arabe » et son influence sur l’Occident ou encore le fonctionnement du « régime féodal », en première des entrées sur « la société française » et « le mouvement intellectuel ». En terminale, les élèves sont invités à s’approprier des thèmes comme « industrie et commerce » ou « l’expansion de la civilisation européenne ». Lavisse, que Pierre Nora nomme l’« instituteur national », c’est-à-dire l’incarnation d’une histoire scolaire chronologique parce que républicaine, républicaine parce que chronologique, est ainsi l’introducteur des premiers chapitres se dégageant d’une histoire strictement politique, de la succession des rois et des régimes, pour légitimer ce qu’on appellerait aujourd’hui histoire sociale, culturelle ou intellectuelle. La question de la construction des savoirs historiques est même prise en compte, dès la sixième, avec des passages sur les découvertes contemporaines concernant l’Égypte et l’Assyrie. Notons en outre que, pour des programmes considérés comme des modèles de patriotisme et de « roman national », l’histoire de France selon une perspective vraiment nationale n’arrive alors qu’en classe de seconde – même si ces programmes restent essentiellement centrés sur l’espace européen, proche-oriental et nord-africain.

(...)

Pierre Verschueren

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Uniforme à l’école : Macron favorable à des «expérimentations»

5 Septembre 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education

Uniforme à l'école, l'éternel débat ?

Interviewé ce lundi 4 septembre, Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’une expérimentation pour l’uniforme à l’école. Il a par ailleurs évoqué les attentats et Samuel Paty pour justifier l’interdiction controversée de l’abaya.

Le retour des blouses grises ? Ce lundi 4 septembre, alors que 12 millions d’élèves font leur retour à l’école sur fond de débat sur l’abaya et d’inflation du prix des fournitures scolaire, Emmanuel Macron s’est dit favorable à des «expérimentations» et une «évaluation» du port de l’uniforme à l’école. Interviewé par le journaliste et youtubeur HugoDécrypte, le chef d’Etat a par ailleurs évoqué les attentats et Samuel Paty pour justifier l’interdiction de l’abaya à l’école.

«Je suis favorable à l’approche expérimentation, évaluation», a-t-il d’abord dit au sujet de l’uniforme dans une interview retransmise en direct sur YouTube après avoir rappelé qu’à l’origine il était «plutôt pour que chaque établissement gère la chose» mais que la question prenait désormais des «proportions folles» dans le débat public.

«Il y a l’uniforme et il y a aussi la tenue unique. Sans avoir un uniforme, on peut dire “vous vous mettez en jeans, t-shirt et veste”», a-t-il fait valoir. «La question de la tenue unique est à mon avis plus acceptable, peut paraître un peu moins stricte d’un point de vue disciplinaire», a-t-il ajouté. «Elle règle beaucoup de sujets […] premièrement, la laïcité et deuxièmement, un peu l’idée qu’on se fait de la décence, c’est-à-dire [...] pas des tenues trop excentriques», a-t-il encore souligné.

Le Président conforte ainsi une position de son ministre de l’Education Gabriel Attal. En juillet, ce dernier affirmait être favorable à des expérimentations de l’uniforme «si la communauté éducative d’un établissement» le demande. Il a par ailleurs déclaré ce lundi que les modalités de ces tests seraient précisées «à l’automne».

De passage sur TMC dans la soirée, le ministre a toutefois concédé qu’il n’avait pas encore de «position tout à fait tranchée sur le sujet». «Je ne pense pas que l’uniforme ou la tenue scolaire unique soient la solution magique qui permette de régler tous les problèmes de harcèlement, de laïcité, d’inégalités sociales», souligne-t-il.

Samuel Paty évoqué sur l’abaya

Egalement interrogé par le journaliste aux 5,1 millions d’abonnés TikTok sur l’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires, le Président a par ailleurs évoqué les attentats terroristes et l’assassinat de Samuel Paty pour expliquer le contexte de cette décision. «Nous vivons aussi dans notre société avec une minorité, des gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité», a déclaré le chef de l’Etat.

«On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu d’attentat terroriste et Samuel Paty», a-t-il dit, en référence à l’enseignant de Conflans-Sainte-Honorine assassiné le 16 octobre 2020, quelques jours après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. «Je dis juste : ce système est là», a poursuivi Emmanuel Macron. «Ça s’est fait parce qu’un enseignant apprenait la laïcité dans son cours et qu’ensuite il y a eu cet emballement avec les réseaux sociaux et des gens qui ont ensuite commis le pire».

Relancé par le journaliste sur cette association entre une tenue à l’école et des attentats terroristes, Emmanuel Macron a assuré ne faire «aucun parallèle». «Je vous dis juste que la question de la laïcité dans notre école est une question profonde.» Une question dont le Conseil d’Etat se saisira mardi lors de l’examen de la requête contre l’interdiction de l’abaya à l’école déposée en urgence par une association qui a également saisi la Défenseure des Droits.

Libération et AFP

Mise à jour à 21 heures : propos de Gabriel Attal sur TMC.

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