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TÉMOIGNAGES. "La France ne mérite pas ses profs..." Enseignantes, elles ont décidé de quitter l'Éducation nationale
Trois enseignantes ou professeures franc-comtoises ont accepté de répondre à nos questions et nous expliquent pourquoi elles ont choisi de quitter l'Éducation nationale. Témoignages.
"Lorsque je suis entrée dans l'Éducation nationale, j'étais très heureuse l'année où j'étais stagiaire : classe à mi-temps, tuteur disponible, école et collègue sympas... J'ai déchanté dès ma 1e année" confie Clarisse*, enseignante franc-comtoise en disponibilité de l'Éducation nationale depuis maintenant deux ans pour préparer sa reconversion, avant une démission prochaine.
"Je ne veux plus entendre parler de classe et de l'Éducation nationale" dit-elle, sans un brin d'hésitation. Elle a découvert les dessous de l'Éducation nationale et ne mâche pas ses mots, visiblement très affectée par son expérience professionnelle au sein de l'institution publique. Clarisse n'est pas la seule à faire ce choix. En France, les chiffres des démissions d'enseignants ont triplé en dix ans.
"Les conditions de travail y sont tellement difficiles"
"Des enfants rois, qui ne reconnaissent pas l'autorité de l'enseignant et ne le respectent pas, tout simplement parce que leurs parents ne nous respectent pas. Les menaces de certains parents, les classes hétérogènes, trop d'ailleurs", détaille-t-elle, citant des exemples concrets notamment sa dernière classe de CE1-CE2, composée d'élèves en grande difficulté, parfois violents, associés à certains enfants porteurs de handicap, dyslexiques ou avec des troubles de l'attention.
"Comment est-on censé enseigner dans ces conditions ? Comment une enfant qui ne sait pas lire ni additionner des nombres en dessous de 20 est censée poursuivre en CM1 ?" s'interroge-t-elle, dénonçant le manque d'aide et de soutien de la hiérarchie et de l'administration.
"Que tous les gens qui envient nos mois de vacances passent le concours... Les conditions de travail y sont tellement difficiles qu'ils sont prêts à recruter n'importe qui. Mais enseigner ne s'improvise pas."
Clarisse, enseignante future démissionnaire de l'Éducation nationale
"Le sentiment d'être inutile"
Quitter l'Éducation nationale et changer de métier, c'est aussi le choix de Nina*, ancienne enseignante dans le professionnel dans l'académie de Besançon. "Il y a énormément de raisons qui m'ont poussées à quitter l'Éducation nationale. Principalement le sentiment d'être inutile, nous explique-t-elle. On est maltraités par l'institution, qui donne toujours plus de tâches, plus de responsabilités, des élèves de plus en plus difficiles ou en difficulté, sans qu'on ait aucune aide, ni aucune reconnaissance."
Nina a très mal vécu certains propos du précédent ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer, globalement très critiqué pour sa gestion ministérielle et son manque de communication avec les enseignants et professeurs dénonçant régulièrement leurs conditions de travail et leurs difficultés, notamment au plus fort de la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle parle aussi de colère face au "mépris de tous ceux qui pensent connaître notre métier mais sont très loin de la réalité".
"Je n'ai jamais compté mes heures, j'en faisais plus du double de mes heures de cours avec des temps de présence dans l'établissement très longs. Je n'ai jamais eu le sentiment d'être reconnue ou valorisée par rapport à ça" ajoute la jeune femme qui a fini par démissionner.
"Je reste très solidaire de mes collègues enseignants, et je suis très inquiète de ce qui est fait dans l'Éducation nationale et pour l'avenir de nos enfants. C'est une inquiétude permanente. La France ne mérite pas ses profs."
Nina*, ancienne enseignante
Les professeurs remplaçants soumis à un stress permanent
Caroline* a également souhaité répondre à notre appel à témoignages. Elle est professeure certifiée de français en Lettres Modernes. Elle se dit "usée" à cause du stress, du manque de sommeil et de la fatigue que génèrent ses conditions de travail.
La particularité de son poste au sein de l'Éducation nationale engendre des difficultés supplémentaires. Elle est ce qu'on appelle dans le jargon "TZR", c'est-à-dire titulaire en zone de remplacement. "J'adore mon métier, mais à bientôt 45 ans je n'arrive pas à me fixer dans un établissement à cause des suppressions d'heures et de postes. J'ai enfin obtenu un poste "fixe" il y a 4 ans, mais c'était en fait un tiers de poste, voué à être supprimé. Je ne savais pas que ça existait auparavant" explique-t-elle.
Son mari, inquiet pour elle, l'encourage à se reconvertir. Caroline n'a pas encore pris la décision officielle de démissionner mais elle entame un bilan de compétences pour savoir quel chemin professionnel emprunter pour sortir de cette situation de plus en plus complexe. Quitte à tirer définitivement un trait sur ce métier qu'elle aime tant.
De plus en plus de démissions de profs et de défiance des parents
Les trois Franc-Comtoises citées plus haut ont en commun l’amour du métier d’enseignante, mais la dégradation des conditions de travail et le mode de management dans l'Éducation nationale ont eu raison de leur vocation.
Comme elles, chaque année, de plus en plus d'enseignants et professeurs choisissent de claquer la porte de l'institution publique. De plus, la défiance des parents envers l'école s'aggrave. Selon un sondage IFOP intitulé " Quand les parents notent l'école" publié jeudi 2 septembre 2021 et cité par nos confrères des Echos, près de sept parents sur dix (68 %) n'ont pas confiance en l'institution pour endiguer le mal-être des enseignants. Même constat quant au contenu des cours pour leurs enfants : 69 % estiment que le niveau scolaire s'est détérioré (+ 6 points par rapport à 2019).
Sarah Rebouh
* Les prénoms ont été modifiés pour garantir l'anonymat de nos interlocutrices.
J'ai quitté le privé pour devenir prof
EXTRAITS
Ils étaient banquier, journaliste, communicant... A 40 ou 50 ans, ils ont quitté le secteur privé pour enseigner. Pourquoi devenir prof ou instit ? Quels nouveaux défis ? Que reste t-il de leur ancienne carrière ? Témoignages.
La cloche va bientôt sonner. Des millions d'élèves reprennent le chemin de l'école et, comme chaque année, les scènes de larmes de petits primo-entrants feront la une de tous les JT. Ils ne seront pourtant pas les seuls à faire leur rentrée dans leurs petits souliers. Plusieurs milliers de professeurs fraîchement diplômés seront eux aussi lâchés dans la grande arène scolaire. Parmi eux, un petit millier d'anciens salariés du privé qui ont abandonné l'open space pour le théâtre de la salle de classe. Quête de sens, opportunité, besoin de temps pour soi … les motivations à devenir professeur sont aussi variées que le sont les profils de ces employés ou cadres reconvertis.
Pourtant, à 40 ou 50 ans, repartir de zéro , diviser son salaire par deux - voire plus -, relève du petit parcours du combattant. Ces habitués du travail d'équipe et du système évaluations/promotion/rémunération se retrouvent face à un métier aux antipodes, solitaire et où les évolutions de carrière et de salaire se jouent essentiellement à l'ancienneté.
Alors que trouvent-t-ils au bout du chemin ? Où trouvent- ils la reconnaissance et la motivation ? Que reste t-il de leur ancien monde ? Les témoignages de ces reconversions plus ou moins réussies - épanouissement pour les uns, désillusion pour les autres - viennent souvent balayer nombre d'idées reçues. Le métier d'enseignant serait même, à certains égards, assez proche de celui de chef d'entreprise voire de la profession libérale.
(...)
Eloise Dallhuin est une néo-institutrice épanouie. Diplômée d'Hypokhagne, de Sciences Po et du Celsa, cette ancienne cadre marketing chez Young and Rubicam puis SFR optait il y a trois ans pour la reconversion afin de suivre son mari muté à Montpellier. (...)
A 38 ans, elle retourne donc sur les bancs de l'école pour passer le concours de professeur des écoles en même temps qu'un master en sciences de l'éducation. C'était reparti pour des cours de maths, de français, mais aussi de gestion de classe, de psychologie de l'enfant…
« Dans ma promo, on était environ 50% en reconversion. Cela a été une année de stimulation intense après 15 ans où l'on n'a plus vraiment le temps de se consacrer à un apprentissage. On réapprend pleins de choses. Moi qui ai toujours été une littéraire, je me suis passionnée pour les maths. On remet ses neurones en marche ».
Mais une fois jetée dans l'arène, place au doute et à la remise en question. « L'année d'alternance stage/formation a été très difficile, je ne me sentais pas à la hauteur, j'étais blessée dans mon amour propre. La réalité du terrain est complètement différente et repartir de zéro demande une grande humilité. Je manageais une équipe et tout à coup à 40 ans je redevenais stagiaire ! En entreprise, je me sentais compétente et là, complètement incompétente. Ca touche à l'image de soi. On a un moment de perte de confiance. Mais j'imagine que c'est comme dans toute reconversion. Il faut du temps pour entrer dans le costume ».
(...)
La gestion de classe, un vrai jeu de rôle
Même comparaison chez Sophie Leroy, contractuelle en CM1 pendant deux mois avant de rapidement jeter l'éponge. « Imaginez une longue réunion que vous devez animer seul pendant toute une journée. Je n'avais jamais ressenti autant de fatigue » confie cette mère de quatre enfants, ancienne employée d'une agence web. « La gestion de classe, c'est une question de posture, un vrai jeu de rôle car si on n'adopte pas une posture d'autorité, les enfants le voient vite. On apprend à captiver l'auditoire avec le regard, en posant sa voix... Ce sont des petites subtilités qui font la différence » poursuit la discrète Sophie qui a vite compris, à l 'aube de ses 50 ans, que ce métier ne serait pas fait pour elle.
Nicolas Pierron, ancien journaliste économique qui fit les belles heures des matinales de Radio Classique, professeur des écoles titulaire depuis un an avoue que sur cet aspect son ancienne carrière lui a été très utile. « La voix c'est notre outil principal. Si elle n'est pas posée, qu'on n'arrive pas à la moduler, cela peut jouer sur le climat et l'attitude des élèves. Tenir le groupe est une alchimie complexe entre charisme et méthode pédagogique. Je pense que ce n'est pas un métier pour les introvertis car il faut être à l'aise vis-à-vis d'un public ».
(...)
Les parents, la bête noire des profs
La vie d' enseignant n'est pas faite que d'élèves, il faut compter aussi sur leurs parents. Ils seraient même la bête noire, voire le traumatisme, de nombreux professeurs. Sur ce terrain, ces profs arrivés sur le tard semblent mieux armés. « La gestion des parents est difficile car ils ont l'impression qu'ils peuvent se mettre à la place de l'enseignant. Personnellement, j'ai été tout de suite à l'aise, il faut dire que j'ai longtemps travaillé dans la com ! » rappelle Eloise.
Même constat pour Patrick Baudoin dont l'expérience en entreprise a été un atout, notamment pour convaincre. « Il est vrai que j'étais beaucoup plus à l'aise que certains de mes collègues qui avaient plusieurs années d'expérience » analyse t-il. Libie Cousteau, l'ancienne journaliste, temporise « c'est certainement parce qu'on est plus âgé comparé à une jeune prof qui débute, la relation est davantage d'adulte à adultes. On arrive avec plus de recul et le fait d'avoir nous-même des enfants peut également aider ».
« Le temps libre », un leurre
Pour beaucoup de ces reconvertis, la question du temps a été récurrente dans leur motivation. Mais entre les préparations de cours, les réunions, les corrections de copie et la fatigue accumulée, le « temps libre » est un leurre, du moins les premières années. Sophie Leroy voulait se remettre à la peinture, elle avait imaginé que ce métier le lui permettrait, « sauf qu'on n'a le temps de rien » . Eloise Dallhuin cherchait une activité tournée vers les autres et conciliable avec sa vie de famille : « la gestion du temps est en effet beaucoup plus souple mais les frontières sont peut-être plus poreuses entre ma vie professionnelle et ma vie perso. Je travaille énormément à la maison ».
(...)
« La réaction c'est l'incrédulité »
Le regard porté sur les professeurs par ces nouveaux venus dans le système est là aussi unanime. Tous ont été très surpris par l'engagement de leurs collègues, leur motivation à « faire le job » quoi qu'il arrive. Nicolas Pierron a même été surpris par la dichotomie entre des enseignants ultra rigoureux et passionnés et leur discours souvent pesant et critique vis à vis du système. « Ils sont tous fatigués, beaucoup en ont assez alors quand ils nous voient débarquer dans le métier la réaction c'est l'incredulité » poursuit le journaliste qui prend quant à lui de plus en plus de plaisir à enseigner.
Si Patrick Baudoin et Sophie Leroy ont jeté l'éponge, Eloïse, Nicolas et Libie ne regrettent rien et assurent être comblés sur le plan du sens. Eloïse se dit totalement épanouie, Nicolas n'a aucune nostalgie de son ancien métier et n'exclut pas un jour de passer le Capes de sciences eco. Quant à Libie, l'ancienne grand reporter, elle a l'impression de vivre « un long grand reportage ».
Mariana Reali
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J'ai quitté le privé pour devenir prof
Ils étaient banquier, journaliste, communicant... A 40 ou 50 ans, ils ont quitté le secteur privé pour enseigner. Pourquoi devenir prof ou instit ? Quels nouveaux défis ? Que reste t-il de leur...
https://www.lesechos.fr/weekend/perso/jai-quitte-le-prive-pour-devenir-prof-1777490
A lire... "Parce que chaque élève compte" - Kamel Chabane et Benoît Falaize/Préface de Philippe Meirieu
Casser les préjugés sur les quartiers populaires et leurs élèves, donner une autre image de cette jeunesse trop souvent stigmatisée, ou suspectée d’offenses aux valeurs de la République, battre en brèche le slogan devenu sens commun des « territoires perdus » ; écouter les enseignants qui, chaque jour, font leur métier, inventent, innovent, ne comptent pas leurs heures et accompagnent les enfants comme les familles ; dire ce que peut l’école contre les stéréotypes, les propos complotistes, les préjugés haineux, les adhésions religieuses toxiques : voilà le projet de cet ouvrage.
Car ce travail existe, il est là. Et ce livre en témoigne.
Des enseignants, parents et élèves y racontent des parcours, expériences et innovations pédagogiques qui font mentir tous les discours fatalistes : d’une enquête historique menée par une classe de 3e sur un convoi parti en 1944 pour le camp d’Auschwitz-Birkenau à un projet photographique d’une classe de CM2 sur l’image des jeunes dans les « quartiers », en passant par la création d’une maison des sciences ou d’ateliers de théâtre d’improvisation, le projet républicain de l’éducabilité de tous est bel et bien vivant !
Incarné par celles et ceux qui, envers et contre tout, continuent de penser et de prouver, jour après jour, que chaque élève compte.
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Casser les préjugés sur les quartiers populaires et leurs élèves, donner une autre image de cette jeunesse trop souvent stigmatisée, ou suspectée d'offenses aux valeurs de la République, bat...
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Sanctions, notes… Les parents contestent de plus en plus l’autorité scolaire
Dessin de Chaunu pour Ouest-france
Analyse De nombreuses familles saisissent le médiateur de l’éducation nationale pour contester les décisions de l’école. Une augmentation qui s’explique à la fois par la crise sanitaire, la réforme du bac et le manque de personnel.
Un célèbre dessin de presse de Chaunu résume avec humour l’évolution des relations entre les parents d’élèves et l’institution scolaire. À droite de l’image, une scène censée se dérouler en 1969. Des parents montrent le bulletin scolaire à leur enfant, tout penaud, en lui demandant d’un air sévère : « C’est quoi ces notes ? ». À gauche, la même scène, en 2009. Mais, là, les parents s’adressent directement à la maîtresse, devant un enfant au sourire provocateur.
Le dessin se veut caricatural, mais il illustrerait des situations de plus en plus fréquentes, si l’on en juge par les conclusions du rapport d’activité 2021 de la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, présenté lundi 25 juillet.
Sur les 18 000 saisines traitées par cette instance chargée de la régulation des conflits, 78 % ont été présentées par les « usagers de l’éducation nationale » (élèves, étudiants, familles) dont 12 % concernaient la notation et l’évaluation. Soit cinq fois plus qu’il y a cinq ans.
Au-delà des notes, les familles contestent également les sanctions pour des questions de discipline ou de comportement (20 % des saisines) et remettent globalement plus souvent en cause les décisions de l’école : 46 % des saisines liées à la vie scolaire concernent les conflits parents-établissement.
« La place des notes exacerbe la sensibilité des parents »
« En tant que proviseur, je traite régulièrement des situations de tension entre des enseignants et des parents,surtout depuis la fin des confinements, témoigne Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN-UNSA). Cette période a généré une proximité historique entre l’école et les parents, mais une fois terminée, certains ont eu l’impression qu’ils pouvaient continuer à s’immiscer dans la classe et donner un avis sur les contenus. »
Le proviseur de la cité Berlioz de Vincennes pointe également du doigt la question du contrôle continu. « La place des notes à partir de la première et dans Parcoursupexacerbe la sensibilité des parents sur les évaluations. J’en vois de plus en plus qui demandent une révision des notes. »
Le poids du diplôme est tel que les familles attendent beaucoup de l’école, analyse de son côté Pierre Périer, sociologue de l’éducation. « Ils veulent que leur enfant réussisse sa scolarité mais aussi son orientation. Et ceux qui connaissent bien les ficelles de l’institution savent ce qu’il faut faire pour forcer leur avantage. Ils s’investissent d’autant plus, ajoute-t-il, que le discours politique met l’accent sur la réussite de tous les élèves. »
Si tous les enfants peuvent réussir alors le mien aussi, se disent beaucoup de parents, pris entre « des attentes » vis-à-vis de l’école qu’ils aimeraient « contrôler » et une « relation de dépendance » puisqu’ils ne peuvent pas en changer le fonctionnement, souligne le sociologue. « Or, c’est ce sentiment d’impuissance qui engendre des conflits », dit-il.
Une détérioration du climat scolaire
Et la crise sanitaire n’a fait qu’aggraver ces frustrations. Le rapprochement entre l’école et les familles n’a été «qu’uneparenthèse, rappelle Pierre Périer. Aujourd’hui, on est revenu à l’état antérieur des relations entre les parents et l’institution scolaire qui, historiquement, a toujours été assez fermée, et cela génère de nouvelles tensions. » Depuis la pandémie de Covid, il y a également « une prise de conscience encore plus forte des inégalités et une demande de scolarité normale », explique le sociologue, auteur de Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale (Puf, 2019).
Du côté de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), on note également les effets post-confinements. Non seulement les liens tissés pendant cette période inédite n’ont pas toujours été maintenus, mais « les parents sont de moins en moins associés au fonctionnement des instances », assure Éric Labastie, secrétaire général de la Fédération. Le représentant déplore une « détérioration du climat scolaire », avec « un manque de personnel et notamment d’enseignants non remplacés » qui peuvent exaspérer les parents dans un contexte où « les établissements ne répondent pas toujours à leurs interrogations. »
La colère s’exprime d’autant plus facilement que les familles ont pris l’habitude de communiquer par mail, voire par SMS avec les enseignants et les établissements pendant les confinements. « Avec le multimédia, certains se permettent des choses qu’ils n’oseraient pas dire en face-à-face, constate Bruno Bobkiewicz. On est beaucoup plus courageux et violents dans les termes derrière un écran. »
Paula Pinto Gomes
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Sanctions, notes... Les parents contestent de plus en plus l'autorité scolaire
De nombreuses familles saisissent le médiateur de l'éducation nationale pour contester les décisions de l'école. Une augmentation qui s'explique à la fois par la crise sanitaire, la réforme d...
Education nationale : un rapport de la médiatrice pointe le manque d'accompagnants pour les élèves en situation de handicap
Le rapport pointe le manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), chargés d'assister en classe les enfants handicapés.
La médiatrice de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur Catherine Becchetti-Bizot a remis son rapport annuel portant sur l'année 2021, lundi 25 juillet. Après une année 2020 marquée par les questionnements liés aux modalités d'examen (entre crise du Covid 19 et réforme du baccalauréat), une grosse partie du rapport est consacrée cette année aux conditions des jeunes en situation de handicap, avec comme principale conclusion qu'il manque encore de personnels.
Près de 400 000 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire en 2021, 125 500 accompagnateurs étaient alors mobilisés pour eux. La médiatrice note qu'en cinq ans, le nombre de jeunes en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 19%. Elle note également l'effort fait sur leur encadrement avec l'augmentation de 35% du nombre d'AESH sur la même période.
Nombre de difficultés sont pourtant encore signalées concernant le manque d'AESH : insuffisance des heures allouées aux jeunes par rapport à ce qui est prescrit, caractère partiel de l'accueil voire parfois l'absence pure et simple de personnel disponible. Le rapport point aussi des difficultés matérielles pour les AESH liées au morcellement de leur activité entre plusieurs jeunes et établissements.
Recruter encore plus d'accompagnants
Pour y remédier, la médiation recommande de recruter encore plus d'AESH et de multiplier les structures d'accueil en milieu ordinaire. Il s'agit également de rendre la profession plus attractive en multipliant les temps pleins, en morcelant moins les emplois du temps, en veillant au remboursement des frais de déplacement, en donnant accès au AESH à la prime REP et REP+ et en améliorant leur formation et leur encadrement.
Le rapport recommande aussi d'encourager les chefs d'établissement et collectivités locales à coordonner leur action pour permettre la continuité des services, faciliter les démarches pour les parents et réduire les déplacements des personnels.
Le ministre de l'Education nationale Pap N'Diaye a annoncé le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires à la rentrée 2022.
Conflits et tensions en hausse dans les établissements scolaires
EXTRAITS
Une part croissante des saisines traitées par la médiatrice de l’éducation nationale, selon le rapport d’activité 2021 de cette dernière, publié lundi 25 juillet, concerne des problèmes de comportement, entre l’école et les élèves ou leurs parents.
« Le rapport entre l’école et ses usagers s’est tendu, et il devient urgent de renouer le dialogue. » C’est ainsi que Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’éducation nationale, résume le contenu de son rapport d’activité 2021, qui paraît lundi 25 juillet. Avec 18 000 saisines traitées en 2021 – dont 1 411 reçues en 2020 qui n’avaient pas pu être traitées avant la fin de l’année –, le travail de cette instance, chargée de la régulation des conflits entre l’administration, les usagers et les personnels, n’est pas en augmentation par rapport à l’an dernier. Il est même en léger repli, de 5 %. Pourtant, le taux de saisines a doublé en dix ans, et il en ressort une forte augmentation de la conflictualité dans le système scolaire.
Les usagers de l’éducation nationale – les élèves, les étudiants et leurs familles – sont les plus nombreux à saisir le médiateur pour les aider à résoudre une difficulté ou un conflit. Parmi les saisines des usagers, les questions de « vie scolaire » sont en très forte augmentation : de 24 % sur un an et de 106 % en cinq ans. « Ces saisines, majoritairement portées sur l’enseignement scolaire, concernent des conflits école-famille, des problèmes de comportement et de discipline, et des litiges liés à la notation et l’évaluation », peut-on lire dans le rapport de la médiatrice.
« Contester des notes »
« Quatre mille deux cents saisines sur les conflits liés à la vie scolaire, c’est beaucoup pour le médiateur, qui ne reçoit qu’une partie des réclamations, commente Catherine Becchetti-Bizot. Les médiateurs académiques disent voir augmenter les saisines liées à des problèmes de comportement, que cela concerne les relations entre élèves, entre élèves et enseignants, ou entre parents et établissements… » Les parents d’élèves remettent plus souvent en cause les décisions (46 % des saisines liées à la vie scolaire concernent des conflits parents-école), et, toujours selon les médiateurs académiques, l’agressivité des usagers augmente. Au lycée, les familles ont aussi « pris l’habitude de contester des notes qui apparaissent dans le livret scolaire et comptent désormais pour le bac », note-t-elle encore, d’où l’augmentation des saisines sur le sujet : elles sont cinq fois plus nombreuses qu’il y a cinq ans.
Pour son rapport d’activité 2021, la médiatrice de l’éducation nationale a également choisi de mettre en avant des thématiques qui agrègent les tensions, parfois depuis plusieurs années – des sujets pour lesquels le nombre de saisines est constant et où l’administration peine à trouver des réponses durables.
(...)
Enfin, une source inépuisable de tensions et de conflits reste la prise en charge du handicap à l’école, où l’inclusion de tous les enfants est pourtant prévue par la loi depuis 2005. Le système pourrait « mieux garantir la continuité des parcours », relève le rapport, en s’assurant entre autres qu’un enfant pris en charge avec un handicap n’ait pas à justifier à nouveau de ses besoins lors de la passation d’un examen.
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Conflits et tensions en hausse dans les établissements scolaires
Une part croissante des saisines traitées par la médiatrice de l'éducation nationale, selon le rapport d'activité 2021 de cette dernière, publié lundi 25 juillet, concerne des problèmes de ...
De la culture avant toute chose !
De la culture avant toute chose !...
Il y avait jadis, sur France Inter, une émission intitulée "De la musique avant toute chose".
Sans verser dans une nostalgie toujours trompeuse, ce temps-là semble s'être perdu dans un autre: celui de la vitesse et de la bêtise triomphante dominée toutes deux par un maître aux dents longues: le marché, ce marché organisateur de ce que Tzvetan Todorov a appelé "Le nouveau désordre mondial". De la musique avant toute chose, nous sommes passés, sans nous en rendre compte tant la perversité du "système" est grande, à "de la bêtise avant toute chose". Il suffit pour cela d'allumer son téléviseur et cette bêtise ruisselle sur tous les plateaux des chaînes dites d'informations en continu, à quelques très rares exceptions près, rendant celles-ci plus précieuses encore.
Je ne définirai pas ici ce concept de "bêtise" triomphante. Bernard Stiegler l'a fait avant et mieux que moi. Philippe Meirieu, Denis Kambouchner et, encore, Bernard Stiegler en parlent aussi fort bien dans L'Ecole, le numérique et la société qui vient paru aux éditions Mille.et.une.nuits. (Vous pouvez aussi écouter leur entretien à ce sujet ICI )
En revanche il me semble nécessaire de dire que l' Ecole, au sens le plus large et institutionnel du terme, a un rôle capital à jouer pour contrer les effets ravageurs de cette "bêtise" installée, chaque soir sur nos écrans. Je dis "chaque soir" car nos élèves ont encore la chance de ne pas être scotchés devant la télévision durant la journée, passant d'émissions d'une rare stupidité à des feuilletons profondément, n'ayons pas peur des mots, stupides. A moins bien entendu de "zapper" vers des chaînes dites "culturelles" mais, autre perversion organisée sciemment, destinées aux initiés. La culture, les arts, aujourd'hui en France, ne sont pas partagés. Ils sont "réservés".
L'Ecole donc, au-delà de l'Histoire des Arts - à laquelle il conviendrait d'adjoindre une "Histoire des sciences" - qu'il faut maintenir et renforcer par tous les moyens, de la maternelle à la terminale, dans toutes les filières, doit être un fer de lance, une "base avancée" du développement, de la vulgarisation DES cultures, DES arts, de TOUS les arts. Je suis aujourd'hui - et depuis fort longtemps - persuadé que les dictatures qui nous écrasent, qui s'installent dans nos "parts de cerveau disponible", dictatures de la bêtise et du marché, seront combattues par la possibilité offerte à toutes et tous d'entrer dans ces "mondes réservés", de les investir et d'y investir.
N'est-il pas scandaleux, dramatique, que quatre-vingt pour cent des élèves d'un collège rural - le mien, mais pas que le mien - n'aient jamais mis les pieds plus d'une fois, en troisième, dans un musée, dans un théâtre, dans une salle de concert ? Ne parlons pas de "galeries de peinture" ! L'une de mes élèves a cru que j'évoquais la galerie marchande du supermarché voisin !
N'est-il pas tragique que des élèves de collège n'aient pas accès à l'Art sauf une heure par semaine grâce à nos collègues professeurs d'Arts plastiques et de musique qui font tout ce qui est dans leur pouvoir, avec passion, mais dont la parole "compte" si peu lors des conseils de classe ?
N'est-il pas signifiant de constater avec tristesse que de nombreux collègues souhaitent la disparition pure et simple de l'Histoire des Arts au collège ? Si tel était le cas, ce serait alors laisser porte grande ouverte à la "misère symbolique", dernière marche avant la misère tout court*, dont les victimes sont toujours les mêmes enfants, des mêmes catégories sociales, écrasés par la bêtise médiatico/politique.
L'Ecole doit être rempart et fer de lance: rempart contre les assauts d'un néo-libéralisme d'une perversité extrême et fer de lance d'une conquête à venir, celle d'une "Education artistique vivante" ! Nous, enseignants, quel que soit notre "niveau", quelle que soit la matière enseignée, DEVONS être les phares d'une nouvelle culture républicaine à diffuser par tous les moyens imaginables, y compris les plus contemporains (Internet).
Redonnons la parole à l'intelligence partagée! Redonnons la parole à l'Art ! Travaillons main dans la main avec les artistes! Luttons ensemble contre le formatage de l'esprit !
Une révolution à venir !...
Christophe Chartreux
A lire absolument: Education artistique: l'échec n'est pas permis par Philippe Meirieu
Malentendu... Philippe Meirieu, Alain Finkielkraut et Alain...
EXTRAIT
MALENTENDU (n. m.) association de l’adverbe « mal » et du participe passé du verbe « entendre » – « entendu » – au sens de « compris ». Stabilisé en 1558 au sens de « différences d’interprétation d’un fait ou d’un texte entre des personnes ». Le sens s’étend ensuite pour désigner la mésentente, voire le conflit, qui résulte de ce désaccord. Il est utilisé également pour désigner une situation où les protagonistes, convaincus de leur bon droit, campent sur leur position et accusent leur contradicteur de mauvaise foi.
En théorie, tout malentendu devrait pouvoir être levé en se référant au fait ou au texte qui en fait l’objet. En réalité, les malentendus persistent souvent car le référent n’est jamais totalement univoque. La reconnaissance de son équivocité pourrait peut-être permettre de transformer le malentendu en acceptation réciproque de cette équivocité, voire en faire une occasion d’assumer une tension féconde. Mais il semble que tout effort dans ce sens soit condamné à l’échec : « Je suis un traumatisé du malentendu, dit Jacques Lacan. Comme je ne m’y fais pas, je me fatigue à le dissoudre. Et du coup, je le nourris. »
Dans son émission Répliques consacrée au philosophe Alain et diffusée le 26 mai 2018 sur France Culture, Alain Finkielkraut affirme : « Je ne suis pas, je l’avoue, un grand lecteur d’Alain. Un des livres d’Alain, cependant, fait partie de ma bibliothèque idéale, les Propos sur l’éducation. J’y reviens sans cesse, je le lis et le relis, car cet ouvrage est une source de réflexion et d’inspiration inépuisable face à ce qui m’apparaît comme les dérives du pédagogisme. » Dans une autre émission de France Culture (Du grain à moudre, le 18 mai 2015), Alain Finkielkraut précisait : « Le plaisir de recevoir un enseignement, que célébrait Alain dans ses propos sur l’école, n’est pas un plaisir facile. C’est un plaisir difficile qui est indissociable du rapport maître-élève. Un professeur fait cours et l’élève entend le cours : quelque chose se noue là. Et ce qui m’étonne aujourd’hui […], c’est qu’on puisse désirer, au nom du plaisir et de l’efficacité, en finir avec ce rapport. Le cours, au sens classique, annonce-t-on très souvent, […] doit disparaître. Le cours magistral est toujours tenu en haute suspicion. C’est, pour moi, une preuve d’impudence et d’imprudence. Notre civilisation s’est constituée autour de ce rapport maître-élève. »
Voilà donc Alain enrôlé contre le « pédagogisme ». Ses Propos sur l’éducation seraient le texte majeur où se ressourcer sans cesse pour ne pas renoncer à ce qui fonde notre civilisation : la distinction décisive entre l’ignorance et le savoir… une distinction qui se traduit à l’école par une dénivellation irréductible entre le maître qui parle et l’élève qui écoute… et une dénivellation qu’incarne, dans sa forme la plus parfaite, le cours magistral aujourd’hui si injustement soupçonné ! Mais la démonstration, si on tente d’en comprendre les ressorts, s’avère un peu courte et révèle d’étranges sous-entendus : le cours magistral – l’exposé oral du professeur devant sa classe – serait, si on comprend bien, la seule méthode possible de transmission du savoir, destituant ainsi aussi bien l’interrogation socratique que la lecture individuelle de textes, le travail de recherche personnelle que les échanges collectifs. Plus encore : ce cours magistral serait la seule manière pour que « quelque chose se noue » entre celui qui sait et celui qui ignore. Mieux et plus fondamentalement peut-être : ce serait l’existence de ce cours comme seule forme de transmission qui garantirait l’indispensable écart, objet de tous les efforts fondateurs de « la civilisation », entre l’ignorance et le savoir. C’est grâce à lui seulement qu’on pourrait échapper à la terrible et toujours menaçante confusion des opinions. Renoncer au cours magistral, ce serait affirmer que tout se vaut : les bafouilles du gamin immature et le discours éclairé du professeur, les slogans publicitaires les plus débiles et la parole d’un maître instruit de ce que l’intelligence humaine a élaboré de meilleur, les croyances archaïques véhiculées par les cultures vernaculaires et la science dans ce qu’elle a de plus rigoureux. Mais n’assiste-t-on pas ici à un étrange glissement ? Ne confond-on pas l’existence d’un inévitable et indispensable dénivelé entre l’adulte qui enseigne et l’enfant qui est enseigné avec une – mais une seule – des manifestations possibles de ce dénivelé ? En effet, s’il n’est pas possible de nier, ou même seulement de sous-estimer, l’impératif de transmission à l’égard de celles et ceux qui viennent au monde… s’il n’est pas question de céder le moins du monde sur l’exigence de probité intellectuelle dont l’éducateur doit être porteur et qu’il doit faire intérioriser par l’élève… qu’est-ce qui permet de dire que le cours magistral est la seule bonne méthode pour y parvenir, la seule porteuse de l’exigence de probité et de vérité ?
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Il nous reste alors une question et qui n’est pas, à mes yeux, seulement polémique : comment la lecture des Propos sur l’éducation d’Alain peut-elle laisser penser à de brillants intellectuels, comme Alain Finkielkraut, qu’il promeut le cours magistral alors qu’il dit explicitement le contraire et fournit une clé décisive pour sortir d’un débat stérile entre partisans et adversaires de la magistralité ? Peut-être parce qu’ils n’imaginent pas qu’on puisse être partisan de la rigueur, défenseur de la culture, réfractaire à toute forme de démagogie… et renoncer à la posture magistrale ? Serait-ce alors que cette posture est pour eux un élément si essentiel de leur identité qu’ils ne peuvent y déroger sans s’effondrer ? Et, si c’est le cas, alors ce n’est pas le nécessaire dénivelé entre le maître et l’élève qu’ils défendent, ni l’écart fondateur entre l’opinion et la vérité, mais plutôt leur propre position sociale et médiatique dont ils feraient indûment un principe philosophique. Pour mieux asseoir leurs privilèges peut-être ? On pourrait alors leur proposer de (re)lire les belles pages d’Alain sur « l’enseignement monarchique » : « Il y a, explique-t-il, un enseignement monarchique, j’entends un enseignement qui a pour objet de séparer ceux qui sauront et gouverneront de ceux qui ignoreront et obéiront. […] Cet écrasement des faibles exprime tout un système politique dans lequel nous sommes encore à moitié empêtrés. Il semble que le professeur ait pour tâche de choisir, dans la foule, une élite et de décourager et rabattre les autres. Et nous nous croyons bons démocrates parce que nous choisissons sans avoir égard à la naissance, ni à la richesse. Comptez que toute monarchie et toute tyrannie a toujours procédé ainsi, choisissant un Colbert ou un Racine, et écrasant ainsi le peuple par le meilleur de ses propres forces… Que faisons-nous maintenant ? Nous choisissons quelques génies et un certain nombre de talents supérieurs ; nous les décrassons, nous les estampillons, nous les marions confortablement, et nous faisons d’eux une aristocratie d’esprit qui s’allie à l’autre, et gouverne tyranniquement au nom de l’égalité… admirable égalité qui donne tout à ceux qui ont déjà beaucoup3. » Mais je ne doute pas que celles et ceux qui, à travers leur défense du cours magistral, veulent en finir avec les pédagogues et la pédagogie, réussissent – pour peu qu’ils me lisent – à retourner à leur avantage ce texte d’Alain… montrant ainsi qu’en croyant déjouer un malentendu, je n’ai fait qu’en susciter un autre. Le débat continue.
Philippe Meirieu
Dictionnaire inattendu de pédagogie paru en octobre 2021 chez ESF-Sciences humaines.
Texte complet à lire en cliquant ci-dessous
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Najat Vallaud-Belkacem à propos des écrans : « Le parent doit être celui qui fait redécouvrir le plaisir du temps long »
On connaît Najat Vallaud-Belkacem, 44 ans, pour son engagement politique socialiste, d’abord aux côtés de Ségolène Royal, puis de François Hollande, devenant ainsi coup sur coup ministre des Droits des femmes, puis de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Depuis, elle s’est engagée dans l’associatif, dirigeant l’ONG de solidarité internationale ONE, et venant de prendre la présidence de l’association France Terre d’Asile. Mais, au-delà de sa carrière, Najat Vallaud-Belkacem est aussi la mère de jumeaux de 13 ans. Elle témoigne auprès de « l’Obs » :
Son rapport aux écrans
« Toute la complexité du sujet des écrans est là : il n’y a pas que nos petits qui aient les yeux rivés dessus. Nous aussi. Parce que notre bureau, mais aussi notre presse quotidienne, nos envies de musique, nos SMS et WhatsApp, nos réseaux sociaux, nos lectures… tout y est, dans ce petit écran collé à notre main. Alors évidemment on ne donne pas le meilleur exemple aux enfants. A la maison, très souvent, en réponse à mon injonction “Arrête avec cet écran !”, je m’entendais répondre “mais maman, toi aussi tu passes ton temps dessus !”. Allez essayer d’expliquer que, nous, on n’est pas en train de scroller sur TikTok et Instagram mais de travailler, de répondre à nos e-mails, etc.
(...)
Najat Vallaud-Belkacem
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Aller à l’école, c’est faire l’expérience du monde
Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
La crise sanitaire a bouleversé l’école et a contraint les équipes pédagogiques, les parents d’élèves et les élèves à mille adaptations. Nous nous sommes tous sentis un peu démunis et remis en question dans cette expérience. En fermant les écoles, la covid-19 nous a invité à nous interroger, plus que jamais, sur leur sens. Oui, parce qu’après tout, c’est quoi une école ? Quel est leur rôle dans la société ? Et les enseignants : que symbolisent-ils ?
C’est là qu’il nous faut faire appel à Elias Canetti, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle. D’origine bulgare, prix Nobel de littérature en 1981, il a vécu en Autriche, en Angleterre, en France ou encore en Suisse. Ce grand européen a hybridé les cultures, les idées et les langues, en étant à la fois chimiste, écrivain, philosophe ou encore dramaturge.
Dans son œuvre autobiographique, il nous propose une définition de l’école qui fait beaucoup réfléchir. Je le cite : "Tous les professeurs offrent un spectacle d’une étonnante diversité ; il me semble d’ailleurs que c’est par le contact des professeurs que nous prenons réellement et pour la première fois conscience de cette diversité (…). Tout cela contribue à faire de l’école quelque chose de plus que ce qu’elle est supposée être, à savoir l’école de la diversité humaine, et, pour peu qu’on la prenne un tant soit peu au sérieux, l’école de la connaissance de l’homme".
Qu’est-ce que Canetti cherche à nous dire ? L’école n’est pas simplement le lieu de la transmission et de l’apprentissage des savoirs. Par l’intermédiaire des enseignants, elle est l’endroit où le regard s’aiguise. Elle est l’endroit où l’on apprend ce qu’est l’être humain. Après nos parents, nos professeurs sont les premiers représentants de cette humanité, dont nous ne finissons pas d’épuiser la diversité. L’école est ce moment où nous apprenons à toucher du bout des doigts le singulier et l’universel ; où nous commençons à comprendre la complexité et la nécessité de leurs liens. En s’exposant chaque semaine devant nos yeux, au même horaire, dans le même lieu, chacun de nos professeurs nous fait goûter la saveur de l’altérité. Une diversité que les enfants ne cesseront par la suite de rencontrer partout où ils iront lorsqu’ils auront grandi. Oui, aller à l’école, c’est faire l’expérience du monde.
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Radio RCJ: Aller à l'école, c'est faire l'expérience du monde
gabriellehalpern Dernière mise à jour : 14 juil. Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique s...