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Vivement l'Ecole!

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Explosion des gestes suicidaires des adolescentes depuis le Covid : un phénomène sans frontière qui demeure inexpliqué

4 Octobre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Jeunesse, #Femme

Suicide chez les adolescents : que faire ? quelle prévention ? | Santé  Magazine

Du Canada à l’Australie en passant par Hongkong, on constate, comme en France, une très forte croissance des gestes suicidaires recensés pour les filles de 10 à 19 ans depuis fin 2020. Alors que la hausse a été faible ou inexistante chez les adolescents. Les chercheurs restent prudents dans les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène.

Début 2022, Libération avait révélé que la hausse des gestes suicidaires enregistrée en France chez les adolescents et les jeunes adultes depuis fin 2020 était essentiellement portée par une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes (+27,7 % d’hospitalisations pour lésions auto-infligées chez les femmes âgées de 10 à 19 ans sur la période couvrant septembre 2020 à août 2021 comparée à l’année 2019). Fin septembre, un rapport de la Drees est venu confirmer les éléments que nous avions alors présentés.

Une très forte augmentation des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les seules adolescentes et jeunes femmes avait déjà été rapportée aux Etats-Unis. Les centres de prévention des maladies avaient en effet observé «un bond de 50 %» des hospitalisations hebdomadaires pour tentatives de suicide chez les adolescentes entre février 2021 et mars 2021, par rapport la même période en 2019. Alors que le nombre d’hospitalisations pour les mêmes causes chez les adolescents demeurait stable sur la même période.

De nombreuses études scientifiques parues depuis un an démontrent que ces deux pays ne sont pas des exceptions. Ainsi, en Espagne, l’analyse du registre des tentatives de suicides de Catalogne montre que les tentatives de suicides des adolescentes ont augmenté de 195 % sur la période courant de septembre 2020 à mars 2021, comparée à la même période une année plus tôt.

Si l’on regarde du côté du Canada, les tendances sont également évocatrices. Ainsi, pour le Québec, entre 2019 et 2021, le taux de visites aux urgences en raison d’idée suicidaires a crû de 50,9 % chez les filles de 10-14 ans et de 16,3 % chez les filles de 15-19 ans (à comparer avec une progression de -1 % et -14,5 %, respectivement, chez les garçons). Concernant les tentatives de suicides, la progression est de 84,8 % et 21,3 % dans ces deux classes d’âges (contre 28,9 % et 8,7 % chez les garçons), selon les chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec.

De telles tendances se retrouvent également en Australie. Selon une étude publiée courant 2022, relative à la situation dans le sud-est du pays, «chez les jeunes femmes (10-24 ans), la croissance des taux de présentation aux urgences pour automutilation ou idées suicidaires s’est accélérée depuis le Covid-19, pour atteindre 31,7 % par an. Les adolescentes âgées de 13 à 17 ans sont à l’origine de la majeure partie de cette augmentation, les taux augmentant de 47,1 % par an […]. En revanche, chez les hommes âgés de 10 à 24 ans, il n’y a pas eu de croissance significative des présentations au cours de la période». Chez les hommes de 18 à 24 ans, «ces taux ont même diminué : -5,2 % par an».

«Limiter les comparaisons directes»

Si ces courbes semblent similaires, le psychiatre au CHU Bicêtre et chercheur à l’université de Paris-Saclay Fabrice Jollant met en garde contre la juxtaposition de chiffres issus de travaux qui peuvent suivre des méthodologies très différentes : «Dans ces études, il y a beaucoup de variabilité sur l’âge des populations, sur ce qui est mesuré (tentatives de suicide, suicides, gestes auto-infligés, idées suicidaires), sur les périodes étudiées (selon qu’elles couvrent ou non le début de pandémie), les modalités de “recrutement” des personnes qui sont le sujet des recherches (personnes passant par les urgences, patients hospitalisés uniquement, sondages téléphoniques en population générale, ou auprès de populations étudiantes, etc.). Les pays en eux-mêmes varient sur le plan culturel, mais également sur celui des modalités de contrôle de la pandémie, des actions de soutien à l’économie… Tout cela complique les synthèses. De fait, il est souvent plus pertinent de limiter les comparaisons directes, ou tout du moins de les restreindre aux pays sociologiquement et économiquement proches.»

Par ailleurs, la hausse statistique des pensées suicidaires et des tentatives de suicides ne se retrouve toutefois pas dans tous les pays pour lesquels des données existent (la grande majorité des données proviennent de pays à revenu élevé). Ainsi, au Danemark, aucune différence statistiquement significative entre les sexes n’a été constatée depuis le début de la crise, comme l’ont confirmé à CheckNews les auteurs d’une étude parue en septembre 2021, qui ont poursuivi l’analyse et le suivi après publication. Une étude suisse mentionne également une augmentation «statistiquement non significative» des passages des filles aux urgences psychiatriques en 2021 comparé à 2019. Un suivi de cohorte réalisé à Hongkong au fil des deux premières vagues, dont le détail nous a été transmis par les auteurs, suggère que la part d’adolescentes présentant des idées suicidaires est restée stable (autour de 24,5 %) – bien que, dans le même temps, celle des adolescents diminuait de manière très notable (passant de 24 % à 17 %).

Pour l’heure, si le phénomène semble s’observer dans plusieurs pays, aucun bilan n’a encore été dressé, à l’échelle mondiale, sur le sujet.

Distinguer gestes suicidaires et décès par suicide

Comme nous l’expliquions début 2022, il est important de distinguer pensées suicidaires et tentatives de suicide d’une part, et des suicides conduisant à la mort d’autre part (dits «suicides aboutis»). Notons par exemple que, dans l’essentiel des pays pour lesquels les données sont disponibles, le Covid n’a pas entraîné d’augmentation du nombre de morts par suicide chez les adolescents (voir par exemple en Allemagne). Toutefois, une étude sur 24 pays à revenus élevés et 9 à revenus moyens a identifié une augmentation significative des suicides des adolescentes en Angleterre, en Autriche, au Japon et en Estonie (les services statistiques du pays nous confirment qu’aucune donnée n’est collectée sur les seules pensées suicidaires ou tentatives de suicides). Selon des données consultées par le Washington Postune augmentation de 43 % des suicides chez les femmes d’une vingtaine d’années aurait été rapportée en Corée du Sud au cours du premier semestre de 2020, alors même que le taux de suicide chez les hommes diminuait.

Si la surreprésentation des femmes, en particulier jeunes, dans les statistiques liées aux idées suicidaires (ou aux tentatives de suicides n’aboutissant pas à la mort) semble donc avoir été accrue depuis la pandémie, de manière parfois spectaculaire, dans plusieurs pays, celle-ci n’est pas du tout une chose nouvelle. «Les différences de genre dans les conduites suicidaires entre filles et garçons sont l’un des résultats les plus forts de l’épidémiologie des comportements suicidaires», note ainsi le psychiatre Charles-Edouard Notredame, spécialiste des enfants et adolescents au CHU de Lille. Ce constat se retrouve dans de nombreuses régions du monde. A titre d’exemple, en Australie, avant le Covid-19, les taux de présentation aux urgences des femmes de 10 à 24 ans pour ces motifs étaient déjà près de deux fois supérieurs à ceux de leurs homologues masculins, selon l’étude précitée.

Pierre-André Michaud, professeur honoraire de l’université de Lausanne spécialiste de la santé des adolescents, résume le constat habituellement dressé sur ce sujet : «Les garçons, de façon générale, expriment leur malaise dans l’action : ils ont des accidents, et lorsqu’ils font des tentatives de suicide, elles se terminent plus fréquemment par un décès que chez les filles. Ces dernières ont tendance à manifester leur malaise à travers la communication et moins au travers l’action.» Mais comme le précise Charles-Edouard Notredame, «ce phénomène extrêmement connu, ancien même s’il n’est pas constant ou continu, reste paradoxalement assez mal expliqué. Il n’y a, à vrai dire, pas énormément d’études qui traitent spécifiquement des causes des différences de genre au niveau des conduites suicidaires. Et, à ma connaissance, aucune étude n’a présenté de résultat spécifique sur la cause de cette différence de genre durant le Covid».

«Difficile de bien interpréter des données hospitalières»

De fait, les auteurs des études menées dans les différents pays concernés restent encore très prudents dans les hypothèses avancées pour expliquer l’évolution des chiffres.

«Qu’elles portent sur le suicide ou les tentatives de suicide, les statistiques doivent être interprétées avec prudence, insiste Pierre-André Michaud. Tout d’abord parce que dans certaines cultures et dans certains pays, le suicide lui-même n’est pas toujours enregistré comme tel. D’autre part, parce que les autorités sanitaires mettent toujours un certain temps, généralement plusieurs années, à mettre à jour les statistiques de mortalité. Et il en va de même pour les tentatives de suicide. Celles qu’on peut enregistrer sont celles qui résultent d’une hospitalisation. Mais tous les pays n’ont pas les standards de la France en la matière, qui recommande une hospitalisation pour toute tentative de suicide. Par ailleurs, si les hôpitaux universitaires tiennent des statistiques, dans tous les pays les petits hôpitaux ne répertorient pas nécessairement ces hospitalisations.»

La chercheuse à l’université McGill de Montréal Marie-Claude Geoffroy, spécialisée dans la prévention du suicide des jeunes, juge également «difficile de bien interpréter des données hospitalières». «Cela reflète-t-il une aggravation de la détresse plus marquée chez les filles ? Une augmentation de la recherche d’aide plus marquée chez les filles ? Une diminution des services à l’externe [avec un report massif sur l’hôpital, ndlr] ?»

L’hypothèse selon laquelle les chiffres traduiraient, au moins en partie, une meilleure recherche d’aide de la part des filles est avancée par plusieurs interlocuteurs. «Présentement, on n’est pas capables d’affirmer qu’il y aurait une augmentation des tentatives de suicide, ou s’il n’y aurait pas plutôt une plus grande vigilance à l’égard des tentatives de suicide, note ainsi Jérôme Gaudreault, président de l’Association québécoise de prévention du suicide. Car s’il y avait plus de tentatives de suicide, il y aurait plus de morts par suicide, ce qui n’est pas le cas.» Pierre-André Michaud, de son côté, note «qu’en Suisse, mais aussi en Pologne, ainsi qu’en Slovénie, on a observé une forte augmentation des consultations pour idées suicidaires depuis le début de la crise du Covid, alors même que la mortalité par suicide a – très modestement – diminué. On peut émettre l’hypothèse que grâce à ces consultations, grâce au repérage qu’on peut faire de l’adolescent à risque de suicide, on fait diminuer le taux de mortalité par suicide».

La croissance observée dans les statistiques pourrait donc être celle des pensées suicidaires exprimées à un professionnel de santé, et non pas les pensées suicidaires dans l’absolu. L’expression plus précoce du mal-être permettrait un meilleur diagnostic, une meilleure prise en charge. Tout en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une hypothèse explicative parmi d’autres, «qui n’est pas encore étudiée scientifiquement», Jérôme Gaudreault souligne ainsi que «les efforts de sensibilisation sur la santé mentale, sur la prévention du suicide, particulièrement la santé mentale chez les jeunes, pourraient avoir conduit à ce que les professionnels de santé, mais aussi le grand public, identifient mieux les troubles de santé mentale. On va demander de l’aide plus rapidement, et on va plus rapidement orienter vers l’hôpital. On pourrait aussi ajouter que les urgentologues, dans les hôpitaux, prennent les tentatives de suicides plus au sérieux, particulièrement chez les jeunes, et vont avoir tendance à hospitaliser les gens davantage».

Les femmes plus exposées aux risques de la crise

Mais ces interprétations sont loin d’être les seules hypothèses en lice pour expliquer l’explosion des gestes suicidaires recensés depuis fin 2020 chez les adolescentes et les jeunes femmes. Aux Etats-Unis, des travaux réalisés auprès d’adolescents hospitalisés en psychiatrie suggèrent que, durant le Covid, les pensées suicidaires pourraient avoir été renforcées par l’apparition de conflits familiaux, de problèmes financiers, de changements marqués dans les modes de vie, et l’impossibilité de participer à des événements importants à ces âges. D’autres travaux, plus spécifiquement centrés sur les adolescentes, suggèrent un rôle central de la perte d’interactions sociales durant la pandémie sur l’apparition d’idées suicidaires.

Selon une étude islandaise parue mi-2021«les symptômes dépressifs plus marqués [durant la crise du Covid] étaient associés à une utilisation passive accrue des médias sociaux et à une diminution des contacts avec les membres de la famille par téléphone ou par les médias sociaux chez les filles, et à une diminution du sommeil et à une augmentation des jeux en ligne en solitaire chez les garçons. Les inquiétudes concernant le fait d’avoir contracté le Covid, les changements dans la routine quotidienne et scolaire, et le fait de ne pas voir ses amis en personne figuraient parmi les principaux facteurs contribuant à une mauvaise santé mentale identifiés par les jeunes, en particulier les filles».

Une étude slovène, qui corrobore une surreprésentation des femmes parmi les personnes exprimant des idées suicidaires durant le Covid-19, avance des éléments de réflexion complémentaires, soulignant que «les jeunes femmes constituent un groupe potentiellement particulièrement touché par l’isolement social, ce qui entraîne un niveau plus élevé de solitude, d’anxiété et de stress». Les auteurs estiment que les adolescents «ont généralement une capacité plus faible que les adultes à faire face aux situations stressantes et sont enclins à réagir de manière impulsive et émotionnelle. Par conséquent, la détresse liée à la pandémie peut entraîner une augmentation des comportements suicidaires». Parmi d’autres hypothèses avancées, le fait que «le stress lié aux études, aux notes et aux difficultés à suivre des cours en ligne en raison d’un soutien technique ou adulte inadéquat [pourrait constituer] l’un des facteurs de risque importants contribuant à l’augmentation du comportement suicidaire des adolescents pendant la pandémie de Covid-19».

Selon l’ONU Femmes, en charge de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes au sein des Nations unies, la pandémie s’est accompagnée d’une augmentation et d’une intensification des violences à l’égard des femmes et des filles, en particulier au sein des foyers.

Florian Gouthière

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Débat : Qui a peur des études féministes et antiracistes à l’université ?

4 Octobre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Education, #Feminisme, #Université

FÉMINISME ET ANTIRACISME : INTERSECTIONS | Amnistie internationale

Débat : Qui a peur des études féministes et antiracistes à l’université ?
Francis Dupuis-Déri, Université du Québec à Montréal (UQAM)

« Panique morale » : telle était l’expression qu’utilisait il y a 50 ans déjà le sociologue Stanley Cohen en observant la couverture disproportionnée par les médias britanniques de quelques bagarres survenues sur des plages entre des jeunes de la contre-culture des années 1960, les rockers et les mods.

Dans son livre Folk Devils and Moral Panics (jamais traduit en français), le chercheur américain estimait que ces rixes n’étaient pas aussi significatives et intéressantes à analyser que le processus de diabolisation des jeunes à l’œuvre du côté des médias et des politiques.

Un phénomène similaire se produit régulièrement au sujet des universités depuis plusieurs décennies, de la peur des communistes sur les campus aux États-Unis dans les années 1950 (maccarthysme), à celle des des féministes et des antiracistes dans les années 1980-90, jusqu’à aujourd’hui.

Assurément, il existe aujourd’hui des féministes et des antiracistes dans les corps étudiants et professoraux à l’Université (comme on retrouvait quelques rockers et mods sur les plages anglaises des années 1960), qui critiquent parfois telle conférence, exigent le développement des études féministes ou dénoncent le racisme et les agressions sexuelles sur les campus.

Mais ces forces restent nettement minoritaires et pour comprendre les rapports de force dans la société, il importe surtout de se pencher sur certaines des réactions médiatiques et politiques paniquées et victimaires au sujet des féministes et des antiracistes, qu’on qualifie alors de « social justice warriors », « islamogauchistes » ou plus récemment de « wokes » pour mieux les dénigrer. C’est ce que souligne ainsi l’ouvrage d’Alex Mahoudeau, La panique woke. Autopsie d’une offensive réactionnaire.

Les campus, des lieux de « disputes » ?

Ces polémiques carburent à l’oubli du passé ancien et récent, de récits fondés sur l’amplification, les exagérations et les hyperboles, qu’elles parlent de « lynchage », de « totalitarisme », ou de « terreur » et sont entretenues à coup de dizaines d’interventions d’éditorialistes, de chroniques d’humeur, de lettres ouvertes, de faux débats et de pétitions sur une même « affaire » survenue sur un campus et dont on sait, en fait, bien peu de choses.

S’invitent ensuite dans ces échanges de représentants institutionnels ou politiques, par exemple des présidents et des ministres, qui peuvent rivaliser de déclarations scandalisées ou financer des colloques, lancer des commissions d’enquête et des chaires de recherche sur la « liberté d’expression » et même voter des lois pour la protéger sur les campus.

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Ces phénomènes de panique morale s’appuient donc sur un ensemble de mécanismes sociaux. On sonne d’abord l’alarme en présentant la menace comme une pure nouveauté, ce qui stimule un sentiment d’urgence. Pourtant, le fait que des contestations se produisent sur des campus n’est pas en soi un événement surprenant. Depuis le Moyen Âge, les universités ont été régulièrement été des espaces de conflits intellectuels, politiques et religieux et les étudiants ont contesté et fait grève dès la fondation de cette institution.

Deux mots de la langue française font d’ailleurs référence à cette réalité : « chahuter » et « boycotter » un professeur ou une classe. Au cours de l’histoire de l’université, le tumulte a pu être provoqué par des communistes, des républicains, des catholiques, des monarchistes ou des fascistes, selon le contexte. De tels évènements surviennent très rarement, mais s’inscrivent tout de même dans une longue tradition universitaire. Les polémistes d’aujourd’hui préfèrent agiter le néologisme anglais « cancel culture », plus effrayant que le mot « chahut » et qui donne l’impression d’un problème généralisé.

On fabrique aussi la menace à partir d’anecdotes répétées à plus soif et en opérant un changement d’échelle grâce à des formules telles qu’« on ne compte plus les cas ».

Or, qui prend le temps de compter sait qu’il n’y a chaque année aux États-Unis que quelques dizaines de collègues qui subissent des mesures disciplinaires pouvant mener au renvoi, sur un total de près de 1,5 million de professeurs dans plus de 4 000 établissements universitaires.

On découvre aussi que, parmi des professeurs qui ont été mis à pied ou ont vu leurs conférences annulées, certains l’ont été pour avoir changé d’identité de genre, appuyé un événement en non-mixité pour la communauté afro-américaine ou s’être déclaré sympathisant antifasciste. Des collègues ont aussi été limogés pour avoir critiqué les offensives militaires israéliennes contre les territoires palestiniens et des campagnes sont menées au Canada pour empêcher l’embauche d’une professeure qui défend les droits des Palestiniens.

Des enquêtes montrent aussi que les campagnes de dénonciation lancées par les forces conservatrices réussissent plus souvent que celles lancées par les progressistes à forcer l’annulation d’une conférence ou la mise à pied d’un collègue.

Bref, ce phénomène reste ultra-marginal, contrairement à ce que les polémistes répètent dans tant de tribunes, mais il touche aussi des progressistes, ce que ne mentionnent jamais les fabricants de la panique « anti-wokes ».

Des présentations biaisées

La réalité est ainsi déformée quand certains laissent entendre que les féministes et les antiracistes sur les campus s’arrogeraient les postes et imposeraient leur volonté dans l’enseignement et la recherche. Une vérification empirique permet de constater que l’on compte 80 % d’hommes à la direction des 200 plus prestigieuses universités au monde et que les hommes sont majoritaires dans le corps professoral et à la direction de chaires de recherche.

L’université est-elle vraiment menacée par les « wokes » (Francis Dupuis-Déri – TEDxHECMontréal).

On amplifie le sentiment de menace par des références aux pires violences de l’histoire, comme la chasse aux sorcières, la terreur révolutionnaire et le totalitarisme, alors que les féministes et les antiracistes n’exercent pas de violence sur la communauté universitaire. En Occident, depuis les années 1990, l’extrême-gauche est littéralement désarmée – il n’y a plus de groupes comme Action directe ou les Brigades rouges) et les groupes armés sont généralement d’extrême droite.

A contrario, des universités associées à la communauté afro-américaine aux États-Unis ont reçu des dizaines d’appels à la bombe en 2022 et des universitaires racisées ou féministes sont la cible de menaces de mort.

Cette panique serait-elle rentable ? Depuis 2021 en France seulement, il s’est publié une vingtaine de livres dénonçant les « décoloniaux », les « islamo-compatibles », les « théories sur l’identité, le genre, la race, l’intersectionnalité », etc.. Ces livres sont souvent présentés par des éditeurs ou des journalistes comme à « contre-courant » et « courageux », même s’ils semblent sortis du même moule, répétant en chœur que les études féministes et sur le racisme auraient renié la science au profit de l’idéologie.

S’appuyant trop souvent sur une représentation tronquée de la vérité, ou de purs mensonges, ces essais se défèrent principalement à quelques anecdotes – une statue déboulonnée, une formation sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) ou une rencontre en non-mixité sur un campus – sans présenter la complexité de la réalité universitaire ou mobiliser des enquêtes empirique pour fournir des données chiffrées (ce qui se comprend, puisque les enquêtes infirment la thèse de l’université dominée par les « wokes »).

Or ces champs d’études si violemment attaqués devraient en réalité être salués en ce qu’ils posent de nouvelles questions et développent de nouvelles théories, de nouveaux concepts, de nouvelles méthodes d’enquête, ce qui devrait être une des missions de l’université. Il s’agit pour les sciences humaines et sociales, des champs qui produisent le développement des connaissances le plus important des plus récentes décennies, qui ont en plus des impacts positifs pour la société en termes de justice sociale individuelle et collective.


L’auteur vient de publier « Panique à l’Université : rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires ».The Conversation

Francis Dupuis-Déri, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Insomnie chez les jeunes - Un phénomène qui alerte les scientifiques et le corps enseignant.

4 Octobre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Jeunesse

Insomnie chez les jeunes -  Un phénomène qui alerte les scientifiques et le corps enseignant.

Collégiens, lycéens, étudiants ou jeunes actifs, les 15-25 ans sont les plus touchés par les insomnies et leur temps de sommeil s’est largement dégradé depuis les années 70. Un phénomène qui alerte les scientifiques et le corps enseignant.

«Je rêve d’avoir envie de dormir dès 23 heures pour connaître une bonne nuit de sommeil.» La rentrée scolaire a eu lieu il y a tout juste un mois et Deborah soupire déjà. Cette lycéenne de 17 ans, en terminale en banlieue parisienne, ne se souvient pas de la dernière fois où elle a réussi à fermer l’œil avant 3 heures du matin. Deborah se lève à 6 h 50 pour aller au lycée et ses réveils matinaux sont difficiles, alors qu’elle se met au lit avant minuit. Elle est donc loin des neuf heures de sommeil recommandées à son âge. Résultat : elle oscille toute la journée entre une humeur massacrante et une fatigue constante. Mais Deborah n’est pas un cas isolé. Collégiens, lycéens, jeunes adultes… Tous dorment moins que les générations qui les ont précédés : seulement sept heures de sommeil au compteur aujourd’hui, et la tendance ne va pas en s’arrangeant.

«Si le sommeil et les troubles qui l’accompagnent sont des enjeux majeurs de santé publique qui concernent toute la population française, il est avéré qu’en 2022, les personnes âgées de 15 à 25 ans sont les plus touchées», confirme Emmanuelle Godeau, médecin et enseignante-chercheuse à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), en ajoutant que le problème touche aussi les préadolescents.

La première cause de ce phénomène ne fait pas de doute : l’usage des écrans numériques et, surtout, des smartphones connectés. Et cela, même dès la fin de l’école primaire, souligne Emmanuelle Godeau. «Il y a vingt ans, le souci qui se posait était la présence d’une télévision dans la chambre des enfants mais, aujourd’hui, nous sommes face à des outils encore plus stimulants et menaçants pour le sommeil : l’accès à Internet et ce qui l’accompagne, les réseaux sociaux pour interagir, en pleine nuit, avec d’autres personnes, ou alors les jeux en ligne», analyse-t-elle. Pour passer le temps, Deborah se tourne de fait vers son smartphone et les réseaux sociaux, d’Instagram à TikTok en passant par YouTube, où elle regarde des rediffusions de reportages sur des enquêtes policières. «Mon copain, lui, a 20 ans, et ne dort pas avant 5 heures du matin parce qu’il passe ses nuits à regarder des vidéos sur TikTok. Pourtant, il travaille…»

Alex, 23 ans, dit être insomniaque depuis l’âge de 13 ans. Et pour contrer la somnolence dans la journée, ce communicant en entreprise installé récemment à Francfort carbure à la caféine depuis ses 15 ans. «Je survis comme ça, souffle-t-il. Je mets un temps fou à m’endormir et j’ai beaucoup de mal à me réveiller le matin. Le reste de la journée, la fatigue est très pesante. Heureusement, j’ai un emploi qui ne nécessite pas que je doive me lever à 6 heures du matin en semaine.» Lui, pendant ses insomnies, évite d’allumer son smartphone. Maëlys, étudiante lyonnaise en psychologie de 22 ans, qui alterne entre insomnies et réveils nocturnes depuis deux ans et demi, n’utilise pas systématiquement le sien pendant ses nuits problématiques mais pense que cela peut parfois l’apaiser. «Cela ne m’aide pas à m’endormir mais je dirais que ça permet d’oublier la frustration qui m’assaille quand je tourne en rond, dans mon lit, depuis plusieurs heures», dit celle qui, dans la journée, compense la mauvaise humeur, le stress et la fatigue par le grignotage.

Carmen Schröder, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg et spécialiste des troubles du sommeil, tempère : «L’usage des écrans est un facteur aggravant, et les ados les utilisent abondamment [en 2021, 94 % des 15-29 ans disposaient d’un smartphone selon l’Insee, ndlr], mais cela n’explique pas le phénomène dans son entièreté. Il faut également prendre en compte le décalage physiologique lié à la maturation cérébrale [développement du cerveau, ndlr] qui s’opère jusqu’à l’âge de 25 ans environ. Les adolescents pratiquent aussi davantage d’activités sociales le soir comme les sorties entre copains et, enfin, notons la consommation d’excitants comme le café, le thé ou les boissons énergisantes mais aussi celle de tabac. D’ailleurs, il s’agit là de stratégies pour contrer la fatigue dans la journée alors que cela aggrave le problème.» La professeure de psychiatrie ajoute que d’autres facteurs comportementaux sont à prendre en compte comme le fait de se coucher tard le week-end et donc de se lever à midi passé le lendemain. «C’est comme si vous preniez un vol Paris-New York chaque week-end. Les ados se retrouvent avec un décalage de cinq à six heures qui les empêche de s’endormir le dimanche soir pour un lever catastrophique le lundi matin.» C’est ce que l’on nomme la «dette du sommeil» : le déficit accumulé en semaine est rattrapé les jours où il n’y a pas école ni travail.

Eco-anxiété et guerre en Ukraine

En deux ans le phénomène s’est aggravé, en particulier chez les collégiens, affirme Emmanuelle Godeau. Les raisons sont évidentes : l’impact de la crise sanitaire et ses confinements successifs. Pour Maëlys, cette période a effectivement intensifié ses problèmes de sommeil : «Pendant le premier confinement, j’étais complètement déréglée de ce côté-là. Je n’étais plus en état de suivre les cours, je n’arrivais pas à prendre de notes…» Pour Carmen Schröder, le stress engendré par la guerre en Ukraine n’a pas arrangé les choses, sans oublier les préoccupations vis-à-vis de l’environnement. «La crise du climat a de tels impacts sur l’état psychique des jeunes qu’ils ont parfois du mal à se projeter dans l’avenir. Les pédopsychiatres sont désormais tenus de prendre en compte la question de l’éco-anxiété.» A 12 ans, Enora, en 5e dans un collège privé à Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), affirme également avoir beaucoup de mal à s’endormir. Entre le moment du coucher, peu avant 22 heures, et son endormissement vers plus de minuit, elle dit se sentir angoissée et se met même en colère. Lever : 6 h 30. «Je stresse surtout quand il y a un contrôle prévu le lendemain», raconte-t-elle à Libération. Elle ajoute qu’elle reste marquée par la crise sanitaire, que la guerre en Ukraine la terrifie et est aussi préoccupée par la crise climatique. «Sur TikTok, on tombe sur des vidéos qui racontent que l’on a plus que trois ans à vivre sur Terre», expose l’adolescente dont les parents récupèrent le smartphone le soir.

Cette année, le conseil scientifique de l’Education nationale a organisé un colloque sur le sommeil. «Le ministère de l’Education est largement conscient de cette problématique. En 2022, le sommeil est désormais dans les axes de l’Ecole promotrice de santé», ajoute Emmanuelle Godeau. L’Observatoire régional de santé parisien (ORS) estimait déjà, dans un rapport de janvier 2020, que le sommeil des jeunes Franciliens était devenu un enjeu largement sous-estimé, «à l’ère du numérique». «Près d’un jeune Francilien sur cinq est insomniaque chronique et plus d’un sur quatre est en dette de sommeil», peut-on notamment y lire. Entre 2011 et 2018, Emmanuelle Godeau et le spécialiste Damien Léger ont mené et coécrit une enquête sur le sommeil des collégiens et des lycéens pour le compte de l’EHESP mais aussi de Santé publique France, qui exposait que 30,6 % des collégiens et 41,4 % des lycéens se sentaient fatigués presque tous les jours en se levant le matin. Et en sept ans, les collégiens avaient perdu en moyenne 20 minutes de sommeil par nuit, passant de huit heures trente-sept de sommeil en 2010 en semaine à huit heures seize, les lycéens n’ayant perdu pour leur part que cinq minutes. «La diminution du temps de sommeil dans la population, notamment chez les jeunes, doit nous interpeller. En effet, on estime que, depuis les années 1970, l’adolescent a “perdu” une heure trente de sommeil par nuit», notait en 2018 l’Institut national du sommeil et de la vigilance.

«Décaler d’une heure le début des cours»

Professeure d’histoire-géographie dans un lycée SRE (structure de retour à l’école) à Paris, Alicia Danaux, 33 ans, est elle aussi convaincue que l’insomnie chez les ados est un problème de plus en plus massif. «Au lycée, le manque de sommeil est une cause de décrochage scolaire. Certes, la responsabilité des parents entre en jeu mais si l’on peut débrancher la télé ou la console dans la chambre vers 22 heures ou 23 heures, comment priver son ado du smartphone qui lui sert de réveil…», note-t-elle. Carmen Schröder confirme des difficultés d’attention, de mémorisation dans l’apprentissage, mais aussi, sur le long terme, des risques de dépression, troubles anxieux, addictions et conduites à risques – ces deux derniers points concernant exclusivement les ados –, comme les abus de substances.

La spécialiste en pédopsychiatrie va jusqu’à parler d’un lien entre manque de sommeil et tentatives de suicide. «En contre-mesure, on réfléchit, en France, à des initiatives, notamment en ce qui concerne les lycéens, ajoute-t-elle. On se dit qu’il faudrait peut-être décaler d’une heure le début des cours parce que, physiologiquement, cela serait plus favorable. Cela a déjà été mis en place au Canada ou aux Etats-Unis. Car ce phénomène dépasse largement les frontières de la France.» Sans compter des risques de surpoids ou d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires, entre autres maladies chroniques. Alicia Danaux, elle aussi, préconise un changement d’horaires : «Sinon, vous vous retrouvez avec énormément d’élèves qui, dès 8 heures, dorment sur les tables.»

Katia Dansoko Touré et Julie Renson Miquel

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Qui a la main sur la politique de formation professionnelle ? - Par Claude Lelièvre

3 Octobre 2022 , Rédigé par Mediapart - Claude Lelièvre Publié dans #Education

5 raisons de faire une formation professionnelle | Ecole de l'image  GOBELINS : cinéma d'animation, photographie, design interactif et  graphique, communication plurimédia

Historiquement, ce n'est pas le ministre de l'Education nationale, mais plutôt le Premier ministre et/ou le Chef de l'Etat. La réforme actuelle envisagée ne déroge pas à cette ligne, tant s'en faut.

Cela commence d'une certaine façon dès les débuts de la Cinquième République, avec une orientation de principe de base qu'il convient de rappeler tant elle apparaît éloignée de ce qui est envisagé actuellement.

La formation professionnelle devient alors une préoccupation majeure de l’Ecole française. Le traité de Rome, signé en 1957, vient d’instituer l’Europe communautaire. Le volontarisme nationaliste gaullien prend cette situation comme un défi à relever. L’Ecole, pour le général de Gaulle, doit profondément évoluer pour apporter son concours – direct ou indirect – à cette transformation de situation. Les témoignages des anciens collaborateurs du Président de la République montrent que le Général tenait sans ambiguïté à ce que la formation professionnelle soit une affaire d’Etat, une affaire de l’Etat. Michel Debré, son Premier ministre, souligne que « l’importance à donner à l’enseignement technique et à la formation professionnelle était l’un des grands points d’accord entre le Général et lui ». Il rappelle que, ministre des Finances, il a fait voter une loi déclarant que « L’Etat était responsable de la formation professionnelle » ; et il évoque « le plaisir ressenti par le Général à la sortie de ce texte » (Actes du colloque « De Gaulle en son siècle : moderniser la France », Plon, p.593. Il s'agit de la loi du 3 décembre 1966 et de son article premier).

L'institution en 1985 des baccalauréats professionnels et des lycées professionnels parachève cette évolution. Le 22 mai 1985, c'est le Premier ministre Laurent Fabius qui annonce que le gouvernement prépare « une loi-programme sur cinq ans». Il s’agit de favoriser « un gigantesque bond en avant, fondamental pour la modernisation du pays ». Laurent Fabius précise que cette loi permettra la création de nouveaux établissements scolaires, les « lycées professionnels », et la mise en place d’un nouveau baccalauréat, le « baccalauréat professionnel ».

Mais on assiste à une inflexion sensible de la ligne générale de cette politique avec la nomination d'Edith Cresson à la tête du gouvernement en mai 1991. Et cette inflexion reçoit alors le soutien appuyé du Président de la République François Mitterrand en dépit notamment des réserves de son ministre de l'Education nationale, Lionel Jospin

Lors de sa déclaration de politique générale prononcée le 22 mai 1991 devant l'Assemblée nationale, Edith Cresson indique qu'elle « souhaite encourager dès le collège l'ouverture au monde de l'entreprise et organiser une meilleure articulation avec un apprentissage rénové »

Mais le 26 mai , lors de la rencontre nationale du PS destinée à préparer le projet socialiste pour l'éducation et la formation, le premier secrétaire du PS – Pierre Mauroy – déclare qu'il ne saurait être question de promouvoir un système éducatif qui serait dominé par les objectifs du court terme et de l'emploi. Le débat se poursuit à l'occasion de la conférence nationale du secteur « entreprise » du PS qui a lieu du 31 mai au 2 juin 1991. Pierre Mauroy revient notamment à la charge en présence d'Edith Cresson : « il était certes nécessaire de poser le problème de l'apprentissage, mais soyons conscients que l'industrie française s'est longtemps contentée d'un modèle productif fondé essentiellement sur un bas niveau de qualification […]. Que les entreprises, aujourd'hui, ne viennent pas se retourner contre le système scolaire ! »

Finalement le président de la. République François Mitterrand intervient publiquement pour arrêter et trancher le débat le 11 juin 1991 en déclarant qu' « il faut choisir le meilleur modèle pour généraliser l'expérience de l'apprentissage, sans abandonner les raisons pour lesquelles l'école a vu son rôle dessiné au cours de ces dernières années […] Il ne s'agit pas de substituer le système de l'apprentissage à celui de l'école, mais d'harmoniser les deux pour que chacun apporte le meilleur de ce qu'il peut apporter […]. Le modèle de l'enseignement par alternance doit être développé […]. Il faut renforcer les liens entre l'école et l'entreprise, c'est une des clés pour l'emploi des jeunes […]. La question n'est pas de savoir si un débat doit être ou non engagé sur l'enseignement par l'alternance : il l'a été par une voix très autorisée, celle du Premier ministre […] C'est l'élément fondamental de la politique industrielle souhaitée par Mme Edith Cresson, que j'encourage dans ses efforts, que je soutiens sans réserve » .

La messe était dite, par ses desservants principaux. Bis repetita une trentaine d'années plus tard, en amplifié ?

Claude Lelièvre

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Salaires des profs : les enseignants juste au-dessus de 2000 euros, les grands oubliés de la revalorisation

3 Octobre 2022 , Rédigé par France Inter Publié dans #Education

Salaires des profs : les enseignants juste au-dessus de 2000 euros, les grands oubliés de la revalorisation

La concertation sur les revalorisations salariales des professeurs commence ce lundi. À partir de septembre 2023, aucun professeur ne sera en dessous de 2000 euros net mensuels. Mais tous n'auront pas une augmentation pour autant. Ceux qui ont dépassé le milieu de carrière risquent d'être oubliés.

Le ministère de l'Éducation nationale engage ce lundi la concertation sur les revalorisations salariales. Aucun professeur ne sera en dessous de 2000 euros net par mois à partir de septembre 2023. Une enveloppe de 635 millions d'euros a été budgétée. Mais il faut maintenant définir qui sera concerné et jusqu'où remonter dans la grille salariale.

Le cabinet du ministre a annoncé que la revalorisation concernerait les débutants et jusqu'aux milieux de carrière. Mais la limite est cruelle. Ceux qui ont dépassé le milieu de carrière risquent d'être les grands oubliés.

"J'attends de voir"

Environ 100 000 enseignants gagnent moins de 2000 euros net par mois, d'après les chiffres du ministère. C'est le cas de Martin, qui fera partie des professeurs qui seront revalorisés. Il est tout juste sous la barre des 2000 euros, après six ans d'ancienneté, primes comprises, puisqu'il exerce en éducation prioritaire. Il enseigne les mathématiques dans un collège de Saint-Denis, en région parisienne.

À 31 ans, il a gardé son mode de vie étudiant, il est hébergé et limite au maximum ses dépenses. "J'arrive à vivre avec 2000 euros", dit-il, "mais ça m'empêche de faire beaucoup de choses. Par exemple, trouver un logement sur Paris intra-muros est impossible parce que les dossiers sont systématiquement refusés. Au final, je suis resté avec un rythme qui est assez proche du rythme que j'avais pendant mes études, ce qui me permet de tenir à peu près, mais entre le tarif du transport, le loyer et les courses nécessaires, il ne reste vraiment pas grand-chose à la fin."

Martin reste passionné par son métier et s'accroche mais il est résigné face à l'évolution des salaires. "Ça fait tellement longtemps que cette situation perdure", confie-t-il, "que c'est devenu habituel malheureusement. Je n'ai pas gagné beaucoup de salaire en six ans. Ma première année en tant que professeur titulaire en poste, j'ai commencé à l'échelon 3 de la grille salariale, je suis maintenant à l'échelon 6. J'ai dû gagner 200 euros en six ans ! Et c'est de plus en plus lent encore pour la suite." Concernant la revalorisation promise, il reste malgré tout sceptique : "J'attends de voir dans combien de temps ce sera effectif et à quel point ce sera effectif."

"C'est très difficile à accepter"

Alice, sait en revanche, qu'elle n'y aura pas droit. Elle gagne pourtant 2072 euros nets par mois seulement, après 14 ans de carrière. "Je n'ai aucune prime", précise cette professeure dans une école du Nord, "parce que je ne suis pas directrice et que je ne suis pas non plus en éducation prioritaire, je suis dans une petite école rurale." Déçue, elle raconte : "Je ne serai pas concernée par cette mesure puisque j'ai dépassé la moitié de la grille indiciaire donc, au vu des promesses qui nous sont faites, pour l'instant moi je suis à l'échelon 9 et on risque d'être exclus des possibilités de revalorisation salariale. Je le vis assez mal puisque je ne nie pas le fait qu'il faut rendre de l'attractivité au métier, il faut redonner envie aux jeunes d'exercer ce métier, mais cela n'exclut pas que les personnels en place ont besoin aussi de se sentir revalorisés. Et ce n'est pas le cas actuellement. On va se retrouver au même niveau que des débutants !"

Pour elle, "c'est difficile à accepter, très difficile. Le sentiment qui prédomine, c'est la lassitude parce qu'on nous en demande toujours plus, sans jamais prendre en compte tout ce qu'on fait déjà."

Le sentiment d'être "méprisés"

Pour Alice, il est hors de question d'accepter de nouvelles missions pour être augmentée. Le gouvernement prévoit en effet une autre revalorisation sous condition, pour les enseignants qui accepteront des missions supplémentaires en contrepartie d'une augmentation de salaire d'environ 10%. "On nous dit, 'vous serez revalorisés si vous faites plus'", s'agace Alice, "mais non, ce n'est pas possible, parce que je fais déjà 44 heures par semaine et je ne suis pas payée pour faire mes 44 heures par semaine. On est fonctionnaire, on travaille pour les enfants et on ne va pas laisser tomber, mais on a vraiment l'impression d'être méprisés."

Sonia Princet

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Devoirs faits ?...

3 Octobre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Education

Devoirs faits ?...

"Aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les Inspecteurs Départementaux de l’Enseignement du 1er degré sont incités à veiller à son application stricte ".

 Bulletin Officiel de l’Education Nationale No 1, 3 janvier 1957

Malgré cette Instruction officielle toujours en vigueur - avec quelques "ajustements" sous le Ministère Jospin en particulier - les devoirs à la maison, oraux et écrits, restent le lot commun de la quasi-totalité des élèves de l’école primaire. La résistance active d’une majorité de professeurs d’école à une directive vieille de 50 ans a de quoi surprendre. L’intention du Ministère était et reste louable : ne pas surcharger les élèves de travail et ne pas introduire de discrimination entre les enfants « aidés » et ceux qui ne le sont pas. Or depuis un demi-siècle, des générations d’enfants n’ont jamais ressenti le moindre effet d’une semblable intention.

D’après une étude de l’INRP (Institut National de la Recherche Pédagogique), déjà ancienne (1985) mais toujours d’actualité, quatre constats ont été établis :

-    83% des professeurs d’école donnent des devoirs (oraux et écrits), au minimum quatre à cinq fois par semaine, à faire à la maison. 81% des élèves s’en acquittent avec d’autant plus de zèle que leur non-exécution n’est pas admise.

-    Contrairement à ce qui se dit, le travail à la maison n’est absolument pas destiné à compenser les lacunes de tel ou tel élève, ni à rattraper les retards pris en classe puisque 82% des professeurs d’école donnent LE MEME travail à faire à TOUS les élèves de la classe.

-    Plus l’élève avance dans sa scolarité primaire, plus il doit sacrifier au rituel du travail à la maison. Au CM2, l’enseignant exige des dossiers, des interviews, des rédactions, préfigurant ainsi les devoirs de collège.

-   Peu d’enseignants du primaire ont une notion claire de la charge de travail infligée aux jeunes élèves. Une demi-heure de travail en plus par jour représente cinq heures hebdomadaires supplémentaires, tout cela pour constater que les bons élèves sont…bons, que les élèves moyens sont…moyens et que les élèves en difficulté ont décidément bien des…difficultés.

(A noter : nombreux sont les enseignants qui se plaignent des contraintes imposées par leur IEN, leur Conseiller Pédagogique ou leur Maître formateur ESPE. Curieusement, ce sont ces mêmes enseignants qui se fichent comme d’une guigne de l’Instruction Officielle du 3 janvier 1957… Comme quoi, quand on veut, on peut…)

Mais si les devoirs/maisons résistent aussi bien aux instructions officielles, c’est aussi parce que les parents en redemandent. Ce sont d’ailleurs souvent les parents les moins instruits qui réclament du travail à la maison. Trois raisons à cela :

-     Ils pensent que les devoirs/maisons permettent de mieux retenir ce qui est appris dans la journée à l’école

-     Ils espèrent que les devoirs/maisons empêcheront leurs enfants de traîner dans la rue

-     C’est souvent leur seul lien avec l’école

Les devoirs/maisons suscitent donc un double paradoxe. D’une part, ils constituent un facteur de sélection sociale puisque certains enfants ne sont jamais aidés ou ne peuvent pas travailler correctement chez eux. D’autre part, ils sont réclamés par ceux auxquels ils profitent le moins. En revanche, les « milieux aisés » sont plus discrets sur ce chapitre. Très exigeants vis-à-vis de l’Ecole, ils trouvent des subterfuges pour administrer la « pilule vespérale » : « Fais tes devoirs ou je te prive de judo ! ». A défaut, la séance de calcul peut devenir un moment de jeu en famille. Privilège bourgeois que de ne pas avoir tout à apprendre et à attendre de l’Ecole.

L’Ecole est l’univers de bien d’autres paradoxes qui expliquent le précédent :

-  Les professeurs veulent transformer l’Ecole mais ils refusent de déménager leur classe pour transférer leur cours préparatoire du 2ème étage au rez-de-chaussée parce qu’il est plus facile à des enfants de 6 ans d’accéder de la cour de récréation à leur salle de classe.

-   Les professeurs vous expliquent en permanence qu’il leur est difficile de s’en sortir seuls mais ils se méfient du travail en équipe et ne veulent voir personne dans leur classe. (Le fait est remarquable en collège/Le travail en équipe est en revanche souvent exemplaire en maternelle et en REP en général, ainsi qu'en lycées professionnels. Il donne d'excellents résultats)

-  Toutes et tous trouvent leurs classes trop exiguës mais n’utilisent pas tout l’espace, en sortent encore moins et concentrent leurs activités sur le tableau.

Beaucoup de Professeurs, d’école, de collège et de lycée sont avant tout conservateurs. Autant par routine que par conviction profonde. Si la demande de changement est énorme, les classes se suivent et, souvent, se ressemblent. Les devoirs/maisons ont encore de beaux jours devant eux…

De l’imagination pédagogique et des innovations naissent le malheur et le scandale, dit-on ici et là ! On leur préfère donc un siècle de savoir-faire récrit au goût du jour ! Jusqu’ à l’ennui… 

Un ennui qui ne risque pas d'être combattu par le projet "devoirs faits". Ce projet d'études dirigées le soir après la classe, encadrées par des adultes non enseignants et ouvertes aux seuls élèves volontaires risque fort de n'être qu'un coup d'épée dans un océan de discriminations qui, elles, ne sont que très rarement combattues. 

Christophe Chartreux

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Laïcité à l'école : dans la majeure partie des cas "les situations compliquées sont résolues grâce au dialogue"

3 Octobre 2022 , Rédigé par France Info Publié dans #Education

Laïcité à l'école : dans la majeure partie des cas "les situations compliquées sont résolues grâce au dialogue"

Le syndicat enseignant SE-Unsa demande des précisions après que le ministre de l'Education nationale a annoncé une "hausse des signalements" d'atteinte à la laïcité à l'école. 

Rémy Sirvent, secrétaire national du syndicat enseignant SE-Unsa demande,  samedi 1er octobre sur franceinfo, des précisions sur la "hausse des signalements" d'atteinte à la laïcité à l'école annoncée vendredi par le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye. Il met en avant que dans la majeure partie des cas, "les situations compliquées sont résolues grâce au dialogue". Certains vêtements, notamment les qamis et abayas ne sont pas "les plus faciles à traiter", selon Rémy Sirvent, "pour autant on a besoin d'aller dans la précision, de faire du cas par cas" avec les élèves.

franceinfo : Le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye a confirmé vendredi une hausse des signalements d'atteintes à la laïcité à l'école depuis la rentrée. Quelle est votre réaction ?

Rémy Sirvent : Ce sont de chiffres qui demandent à être précisés. Ce qui nous intéresse, c'est de connaître l'état des résolutions. La loi du 15 mars 2004 prévoit, avant d'engager toute procédure disciplinaire, d'instaurer un dialogue avec les élèves concernés. Quand on avait interrogé par voie de sondage les enseignants sur ces résolutions, ils nous ont répondu que dans 98% des cas les situations compliquées sont résolues grâce au dialogue. On a confiance dans les équipes éducatives pour mettre en place ce dialogue et expliquer des lois parfois méconnues des élèves, notamment celle sur les signes religieux à l'école. Des élèves pensent que la laïcité est antireligieuse, ce qui n'est pas du tout le cas. Mais cette loi fixe un certain nombre de règles qu'il ne faut pas franchir.

Quelles sont les règles qui sont le plus souvent enfreintes concrètement à l'école ?

Il s'agit de signes ou de tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Ça concerne les signes religieux traditionnels, tels que le voile, une croix d'une dimension trop importante ou une kippa. Il y a aussi d'autres nouveaux signes qui manifestent une appartenance religieuse, sur lesquels on a eu quelques alertes. Notamment pour les garçons des qamis, ces pantalons d'Afghanistan, ou pour les filles les abayas, qui sont des robes très couvrantes et longues. Ce ne sont pas des signes religieux à proprement parler, mais dès qu'une tenue est utilisée pour manifester une appartenance religieuse, elle rentre sous le coup de la loi.

Sur ces abayas justement, le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye reconnaît que l'interprétation d'un vêtement religieux ou non n'est pas toujours facile et ne doit pas faire l'objet d'une circulaire ministérielle. Comment ça se passe concrètement dans les établissements ?

On peut avoir quelques indices qui montrent que le port d'une tenue peut être utilisé à des fins religieuses. Quand l'élève la porte tout le temps, on peut avoir quelques doutes. C'est là que le dialogue doit s'engager pour demander aux élèves si c'est un signe de reconnaissance religieuse. Ce ne sont pas les cas les plus faciles à traiter, pour autant on a besoin d'aller dans la précision, de faire du cas par cas. Un dialogue n'est pas une concession, ce n'est pas une négociation. Si jamais les personnes s'enferment dans leurs certitudes, on peut passer par des procédures disciplinaires.

Les enseignants sont-ils suffisamment accompagnés et soutenus par l'encadrement dans les établissements ?

Quand on a interrogé les enseignants, 74% d'entre eux nous ont dit qu'ils n'avaient pas bénéficié de formation initiale aux principes de laïcité. 94% nous ont dit ne jamais avoir eu de formation continue. On a besoin d'équiper les enseignants. Mais les atteintes à la laïcité ne sont pas uniquement dans les écoles publiques. Il y a aussi les écoles privées mais aussi dans les établissements hors contrat où la loi sur les signes religieux n'existe pas alors que l'enseignement privé est essentiellement financé par l'argent de la République laïque.

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A voir... « La Cour des miracles » : une école rêvée, lieu de tous les possibles

2 Octobre 2022 , Rédigé par Le Monde Publié dans #Cinema, #Education

EXTRAITS

Issus du monde de l’enseignement, Carine May et Hakim Zouhani évoquent, sur le mode de la comédie dramatique, les effets pervers de la carte scolaire.

Voici une fiction écolière qui met le doigt précisément là où ça fait mal. Une société dans laquelle les inégalités se creusent et qui pèse de tout son poids et de tous ses maux sur l’école. Un enseignement à deux vitesses, avec ses écoles pour riches et ses écoles pour pauvres. Des calculs de sectorisation qui se complexifient, mais qui ne changent pas grand-chose. L’impuissance et l’usure des profs face à un système sélectif qui ne dit pas son nom et qui les épuise. Des parents, enfin, qui, puissants ou misérables, feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour que leur progéniture bénéficie de la meilleure fortune.

Ce sujet, les auteurs de La Cour des miracles, Carine May, qui fut enseignante, et Hakim Zouhani, qui fut animateur, le connaissent bien. Alors qu’ils ont grandi tous deux à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ils y ont tourné une poignée de films, longs ou courts (Rue des cités en 2011, La Virée à Paname, en 2013…), qui les ont fait remarquer. Ils débarquent aujourd’hui avec une comédie dramatique dont l’enjeu, proprement politique, confère au film son intrigue même. Autant dire qu’ils désertent le cœur du réacteur (la pédagogie, la classe, la transmission) pour s’intéresser à ce qui lui permet de fonctionner (la carte scolaire, le classement et la réputation de l’établissement, le panel socio-économique qu’il recouvre).

Nous voici donc à l’école Jacques-Prévert, quelque part en Seine-Saint-Denis (le film est tourné à Aubervilliers). Un homme et une femme cherchent l’école parmi des travaux et des friches qui les désorientent. Tous deux, par hasard, vont au même endroit, tous deux sont des enseignants nouvellement affectés à Jacques-Prévert. Parvenus au but, ils tombent sur une bande d’enseignants revenus d’à peu près tout, qui naviguent entre colère et apathie. Du côté de la colère, et du stress qui l’accompagne, seule en tête, Zahia (Rachida Brakni), la principale, se désespère du déclassement de l’établissement, de la non-mixité qui a fini par y prévaloir, de la gestion de l’indigence à quoi se réduit sa tâche.

(...)

Jacques Mandelbaum

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"Les annonces du gouvernement sont loin de répondre à la gravité de la situation", selon la secrétaire générale du SNES-FSU

30 Septembre 2022 , Rédigé par France Info Publié dans #Education

Prof : comment augmenter son salaire ? - Formation et Orientation

"Les annonces du gouvernement sont loin de répondre à la gravité de la situation", a déclaré mercredi sur franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Syndicat national des enseignements du second degré (SNES-FSU), alors que la grève s'annonce suivie par les professeurs jeudi 28 septembre.

Après ce que la professeure de sciences économiques et sociales appelle la "rentrée de la pénurie" tant les établissements ont manqué de personnel et à la suite de "la vague de démission", les enseignants descendront dans la rue pour exprimer leur "colère" et leurs attentes, notamment sur la question "de l'attractivité salariale". La syndicaliste rencontrera le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye lundi 3 août pour porter les revendications de son secteur.

franceinfo : Savez-vous déjà combien de professeurs feront grève demain ?

Sophie Vénétitay : ll est difficile d'avancer un chiffre la veille parce que les professeurs de collèges et de lycées ne sont pas obligés de se déclarer grévistes avant la journée de grève. Jeudi matin, nous aurons des chiffres fiables et directement constatés sur le terrain. Cela dit, nous avons organisé un grand nombre de réunions ces dernières semaines, notamment sur la question des salaires et ces réunions ont toujours réuni beaucoup de collègues.

"On sent qu'il y a beaucoup d'attentes sur la question salariale, beaucoup de colère aussi, après les dernières annonces du gouvernement, parce qu'il y a eu tromperie par rapport aux promesses du président Emmanuel Macron pendant la campagne."

Sophie Vénétitay, SNES-FSU 

à franceinfo

Aujourd'hui, par rapport à ce qu'il avait promis, le compte n'y est pas. Un mois après la rentrée très difficile qu'on a vécu, la rentrée de la pénurie, on a bien vu qu'on manquait d'enseignants. Finalement, les annonces qui sont faites sont très loin de répondre à la gravité de la situation. Puisque nous parlons ni plus ni moins de nos salaires et de l'avenir de l'école, oui, demain [jeudi], nous serons mobilisés, en grève.

Il y a pourtant eu des efforts de faits en ce qui concerne justement les salaires dans l'Education nationale. Est-ce insuffisant, selon vous ?

Oui. Dans l'entre deux tours, Emmanuel Macron avait promis une augmentation de 10% de salaire pour tous les enseignants, sans contrepartie, dès janvier 2023. Nous avons compris que cela ne serait pas en janvier 2023, mais en septembre 2023 et que nous étions très loin des 10% pour tout le monde, puisque là, le gouvernement nous annonce un budget de 635 millions d'euros pour l'année 2023, pour augmenter les salaires. Nous, au SNES-FSU nous avons fait nos calculs. Pour augmenter les salaires de tout le monde de 10% en 2023, il faudrait 1,2 milliard d'euros. Le compte n'y est pas. Et ce n'est peut-être pas juste un problème de calculatrice de la part du ministère. Il n'y a vraiment pas suffisamment d'efforts financiers. C'est un peu comme si le ministère courrait un marathon et qu'au bout d'un kilomètre, il levait les bras en disant : "c'est bon, on a fait le travail". Non, le travail n'est pas fait. Et cela ne permet pas de vraiment s'attaquer à la racine du problème, qui est un problème d'attractivité salariale en profondeur et sur le long terme.

Même si le gouvernement s'est engagé à ce qu'aucun enseignant ne gagne moins de 2 000 euros nets par mois à compter de la prochaine rentrée en 2023 ?

Le fait qu'aucun enseignant ne commence sa carrière à moins de 2 000 euros est un début. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut aussi penser aux milieux et aux fins de carrière. Et pour ces collègues-là, nous sommes encore très largement dans le flou, alors que ce sont des collègues qui ont perdu en pouvoir d'achat ces dernières années, qui ont subi le gel du point d'indice, qui subissent aujourd'hui l'inflation et qui, aujourd'hui, ont parfois du mal à assurer certaines dépenses. Je pense à des collègues qui sont sur plusieurs établissements et qui doivent faire parfois des centaines de kilomètres dans la semaine.

Aujourd'hui, il y a un réel problème de salaires dans l'Education nationale et ce problème concerne tout le monde. En ne s'attaquant pas aux milieux et aux fins de carrière, le ministère prend le risque d'attiser beaucoup d'amertume et de colère alors qu'on connaît une vague de démissions dans l'Education nationale. Donc, s'il n'y a pas de mesures fortes, le gouvernement risque d'alimenter cette vague de démissions et ce n'est pas le moment, nous manquons déjà d'enseignants dans nos collèges et lycées. D'autre part, il ne faut pas oublier certaines catégories. Il faut savoir qu'il y a beaucoup d'AESH qui ont un salaire de 800 à 900 euros. Comment peut-on vivre avec cela ?

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Le ministère lance les "concertations" dans les établissements

30 Septembre 2022 , Rédigé par Le Cafe Pedagogique Publié dans #Education

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EXTRAITS

"Dans le cadre des travaux du Conseil national de la refondation et de la démarche nouvelle de concertation qu’il porte, il est désormais indispensable de faire émerger, au niveau local, des initiatives de nature à améliorer la réussite et le bien-être des élèves, et à réduire les inégalités scolaires", écrit le ministère. En amont de ces concertations qui ouvriront en octobre, le ministère publie un guide pour aider les établissements à entrer dans la démarche. Au bout du processus, la rédaction d'un projet d'école ou d'établissement par les personnels mais aussi les familles, les élus locaux et les "acteurs du tissu économique local". Suivant l'idée d'E. Macron, il semble que tout le monde soit capable de rédiger un projet d'établissement.

L'organisation des réunions de concertation

"Il est indispensable de permettre à l’ensemble de notre société de se réapproprier ce « bien commun » qu’est l’école", explique Pap Ndiaye en introduction au guide destiné aux personnels de direction pour l'organisation des concertations voulues par E Macron dans le cadre de "l'école du futur". Ces concertations, prévues en octobre, " ont pour perspective la liberté d’innovation des équipes, que nous voulons plus grande afin de créer dans chaque territoire, par l’association de toutes les parties prenantes, une dynamique collective autour de l’école. Réunir les regards et les jugements de tous ceux qui fréquentent les établissements afin de mieux définir leur projet pédagogique".

La démarche prônée par le gouvernement, "se traduit par l’organisation de temps d’échanges ouverts sur la vie et le fonctionnement de leur école, collège ou lycée. En pratique, le directeur d’école ou le chef d’établissement fixe les modalités de ces échanges et veille à associer tous les personnels, les collectivités territoriales, les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes... Au-delà, la concertation a vocation à être ouverte aux autres partenaires de l’école ou de l’établissement : associations partenaires, notamment pour le continuum temps scolaire/temps périscolaire, mais aussi représentants de la sphère économique, notamment pour les questions relatives à l’orientation des élèves ou encore à leur formation professionnelle". Le ministère insiste sur la présence des entreprises, nécessaire à la mise en place des demi journées d'orientation.

(...)

François Jarraud

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