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Coupures de courant dans les écoles : «Vous voyez tout ce que ça entraîne comme problèmes ?»
Les annonces de délestages programmés dans les établissements scolaires inquiètent parents d’élèves et syndicats d’enseignants. Quid de la cantine, du chauffage, de la sécurité incendies, des serveurs informatiques ? Le protocole reste à affiner.
Les écoles vont-elles devoir affronter une nouvelle gestion d’urgence chaotique cet hiver ? Après le Covid, qui a entraîné durant deux ans des fermetures de classes à répétition et des protocoles sanitaires à n’en plus finir, voilà venu le spectre des coupures de courant. La nouvelle est tombée jeudi dans une circulaire envoyée par le gouvernement aux préfets : il n’y aura pas école le matin dans les zones qui pourraient subir cet hiver des coupures d’électricité.
Ces délestages, programmés et ciblés, dureront deux heures maximum sur certaines parties du territoire : entre 8 heures et 10 heures, entre 10 heures et midi ou entre 18 heures et 20 heures. Les coupures du matin toucheront les heures de classe, tandis que celles du soir entraîneront une fermeture anticipée du périscolaire. Les établissements seront alors fermés pour éviter de faire cours sans lumière, sans chauffage, ni alarme de sécurité. A quel moment leurs familles seront-elles prévenues ? En cas de fortes tensions sur le réseau électrique, le gouvernement précise qu’un signal EcoWatt rouge, rendant les coupures inévitables, sera émis trois jours à l’avance par RTE sur le site internet monecowatt.fr, le gestionnaire des lignes à haute et très haute tension. Problème, cette alerte ne permettra de savoir qu’à 17 heures, donc la veille, quelle école sera concernée par les coupures. A 19 heures, la préfecture fera une communication à la population. «C’est beaucoup trop tard, s’alarme Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, le syndicat national des personnels de direction. Il nous faut un minimum de temps pour pouvoir prévenir les familles et déclencher le plan de fermeture derrière.» Le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, a précisé que des «fiches» seront envoyées dans les établissements scolaires pour se tenir prêts lorsque les délestages programmés surviendront. Les écoles situées à proximité des structures prioritaires, comme les hôpitaux, gendarmeries ou casernes de pompiers «ne subiront pas le délestage», a précisé le ministre. Les internats devraient également rester ouverts. Une école ne pourra pas être délestée deux fois dans la même journée, mais elle pourra subir trois délestages au cours d’une période des coupures de courant, selon des informations du Parisien.
«C’est assez lunaire»
«Beaucoup de parents ne peuvent pas télétravailler ou poser une demi-journée à la dernière minute pour garder leurs enfants. Et s’il n’y a pas de courant chez eux non plus, ils resteront à la maison dans le froid, sans lumière ? C’est assez lunaire», remarque Laurent Zameczkowski, porte-parole de la fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep). «Sans électricité, les enfants ne pourront pas non plus travailler de chez eux. Il n’y aura pas de distanciel possible. Ou alors il faut trouver une solution alternative, faire école dehors, propose Magalie Icher, présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves. Mais nous dire que nos enfants n’iront pas à l’école le matin n’est pas entendable. C’est inenvisageable.»
Les élèves concernés par les fermetures d’établissement démarreront ensuite les cours «en début d’après-midi, avec sans doute un repas qui sera néanmoins prévu pour les élèves qui sont à la cantine», a indiqué Pap Ndiaye, sans pour autant préciser si ces repas d’urgence seraient préparés à la cantine ou ailleurs, et à quelle heure ils seraient distribués. «En milieu rural, la cuisine est faite sur place et même dans les cuisines centrales, il faut un peu de temps pour réchauffer tous les plats. On ne prépare pas à manger un quart d’heure avant l’arrivée des élèves», pointe Guislaine David, secrétaire générale du SnuiPP-FSU, principal syndicat du primaire.
Mathieu (1), proviseur adjoint dans une cité scolaire de l’Ouest parisien, assure avoir de quoi se retourner en cas d’urgence : «Si un lave-vaisselle ne marche plus, on a des couverts jetables et on a toujours des stocks de nourriture, comme des raviolis, en cas de grève ou si les agents en cuisine sont malades par exemple.» Mais ce plan B n’existe pas partout, prévient Bruno Bobkiewic. «Il y a souvent des quantités astronomiques à préparer et ça ne se fait pas une demi-heure à l’avance et les repas froids, ça ne s’improvise pas non plus.» Quid du maintien de la chaîne du froid ? «Les frigos peuvent tenir deux heures sans électricité mais on ne sait pas s’ils vont bien redémarrer», s’interroge Mathieu qui se demande aussi comment gérer la remise en route des serveurs informatiques de son établissement.
«Il faut laisser les écoles ouvertes»
Dans de nombreux établissements, le système de chauffage est souvent géré par un prestataire, qui devra se déplacer pour tout redémarrer. Les systèmes de sécurité incendie inquiètent aussi. Sans électricité, des batteries peuvent prendre le relais quelques heures, mais si ça ne marche pas, les établissements ne pourront pas rouvrir pour des questions de sécurité.
Il y a enfin les interrogations liées au transport scolaire. Comment les élèves pourront-ils venir à l’heure du déjeuner, sachant que les rotations de bus n’ont lieu que tôt le matin et en fin de journée ? Comment adapter les horaires des chauffeurs ? «Vous voyez tout ce que ces fermetures entraînent comme problèmes de logistique ? Et ça seulement pour une demi-journée ? Ça ne vaut pas le coup. Il faut laisser les écoles ouvertes», demande Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Education. «Encore une fois, il n’y a eu aucune anticipation, regrette Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré. On avait pourtant alerté le ministère dès le mois d’août sur les risques de haute tension. Pourquoi l’éducation n’est-elle tout simplement pas considérée comme prioritaire ?» s’interroge-t-elle. Laurent Zameczkowski ajoute : «Pendant la crise sanitaire, on a tout fait pour garder les écoles ouvertes, et là on les ferme avec la crise énergétique ?»
Cécile Bourgneuf
(1) Son seul prénom a été indiqué.
Mise à jour à 19 heures : ajout de précisions sur le protocole.
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Coupures de courant dans les écoles : "Vous voyez tout ce que ça entraîne comme problèmes ?"
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De nombreuses écoles sont-elles vraiment sans chauffage « avec des pièces à 10 degrés » ?
FAKE OFF Un tweet viral évoque « nombre d’écoles en France, où il n’y a plus de chauffage car trop cher ». Une simplification faite à partir de cas évoqués dans un article de presse. Mais il y a bien eu des problèmes de classes insuffisamment chauffées.
- Un post viral sur Twitter alerte sur l’absence de chauffage dans « nombre d’écoles » en France, car ce serait « trop cher ».
- Le tweet est une simplification et une généralisation à partir de plusieurs cas, évoqués dans l’article de France Info, notamment à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) et à Evreux (Eure).
- A partir de ces exemples est-il possible d’affirmer que de nombreuses écoles sont sans chauffage ? Non, nous répondent des représentants du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU et de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE). Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes.
Alors que le froid s’installe, un post viral sur les réseaux sociaux alerte sur l’absence de chauffage dans les écoles, avec en conséquence des élèves frigorifiés pendant les heures de classe. « D’après un article France Info dans nombre d’écoles de ce pays il n’y a plus de chauffage car trop cher, les élèves étudient dans des pièces à 10 degrés. Qu’est-ce qui fonctionne aujourd’hui en France sous Macron ? », interroge un internaute, familier des propos complotistes, dans un tweet partagé plus de 1.200 fois.
« Il ne reste qu’à retirer les enfants de l’école », commente une internaute. Quelle est la situation des établissements scolaires en France ? 20 Minutes fait le point.
FAKE OFF
Le tweet est une simplification et une généralisation à partir de plusieurs cas, évoqués dans l’article de France Info. Deux périodes doivent être distinguées pour comprendre la problématique : celle d’octobre, avant les vacances de la Toussaint (qui ont eu lieu du 22 octobre au 7 novembre) et la situation depuis le retour des vacances. Pourquoi ? Car avant les vacances, la question portait sur le déclenchement du chauffage demandé par des parents, alors que les températures se rafraîchissaient. Au retour des vacances, les chauffages ont été déclenchés dans les mairies mentionnées dans l’article de France Info, mais il y a eu des incidents techniques dans certaines classes, d’où des relevés de températures basses.
Ainsi, à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), des températures de 10° à 12° degrés ont été relevées par des parents d’élèves dans plusieurs salles de classe en octobre. Une pétition a été lancée pour demander le déclenchement des chauffages. La commune a installé des chauffages électriques dans « les classes qui étaient froides dès le 12 octobre », indique le directeur de cabinet de la maire, que nous avons contacté. Pour l’ensemble des établissements scolaires, le chauffage a finalement été allumé dans la nuit du 6 au 7 novembre, au retour des vacances de la Toussaint.
Des problèmes techniques dans une classe à 13 °C
Jointe par 20 Minutes, Audrey Gouffé, vice-présidente de l’association des parents d’élèves locale, le Groupement indépendant de parents d’élèves, explique que la semaine dernière encore « il y avait une école où il faisait 13 degrés dans une classe : le côté élémentaire fonctionnait très bien et la maternelle, non. La mairie a fait appel à un technicien », explique-t-elle. Une information que confirme la municipalité de Limeil-Brévannes. « Le chauffage a été redéclenché dès la rentrée scolaire, mais dans certaines écoles vétustes on a eu des problèmes techniques où nos techniciens ont dû intervenir », souligne le directeur de cabinet de la maire.
Ce dernier explique que si, effectivement, « il y a un problème de budget des communes, qui nous incite à repenser certains fonctionnements, on ne coupe pas le chauffage dans les écoles ». Une mesure d’économies d’énergie a, cependant, été prise : la température a été baissée d’un degré. « On a mis l’ensemble des écoles à 19 degrés puisqu’on sait qu’un degré en moins c’est 7 % d’économies », poursuit-il. Le chauffage est coupé dans les écoles pendant les vacances scolaires et, hors période de vacances scolaires, la température est baissée la nuit.
Des sondes thermiques pour ajuster la température
A Evreux (Eure), autre cas mentionné dans l’article, le chauffage a été déclenché dès le 28 septembre dans les établissements scolaires, à la suite de réclamation de parents. Il a été éteint quand le temps a été plus clément en octobre. Et rallumé à nouveau au retour des vacances de la Toussaint, nous détaille la mairie. La température de 12°C relevé le 23 novembre par des parents dans une classe élémentaire du Bois Bohy peut être liée à un problème de sonde thermique mal réglée ou au prestataire qui gère le réseau de chaleur de cette classe.
Avec 35 groupes scolaires à Evreux et quatre fournisseurs d’énergie principaux, « on a un panorama très éclaté, défend la mairie. Il y a des écoles de différentes architectures, de différentes périodes. Celle du Bois Bohy a les plus mauvaises performances énergétiques. » Un plan de sobriété énergétique a été adopté début octobre, avec une mesure concernant le scolaire. Le but est « d’ajuster le chauffage au cas par cas, grâce aux sondes thermiques, avec une température minimum de 19 degrés », pointe la mairie d’Evreux. Elle réfute cependant l’idée que le chauffage a été coupé dans les écoles pour faire des économies. « Les premiers bâtiments qui ont été remis en chauffe, avant les bâtiments des agents, ce sont les écoles et les crèches fin septembre », indique-t-elle.
« On a eu des retours d’enseignants, mais pas de remontée massive »
A partir de ces exemples est-il possible d’affirmer que de nombreuses écoles sont sans chauffage ? Non, nous répondent des représentants du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU et de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE). Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes. « On a eu ici ou là des retours d’enseignants sur des classes insuffisamment chauffées, mais pas de remontée massive, explique Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU. Dans la plupart des cas, c’est arrivé quelques jours puisque certains maires ont tardé à mettre le chauffage, mais au final, il y a eu une pression des parents, qui est légitime. »
Le constat est similaire du côté de la FCPE, qui précise que chaque hiver la question de la performance énergétique du bâti scolaire revient. Et remarque avoir davantage, cette année, « de remontées de problèmes de chauffages dans les établissements scolaires, liées aux mesures de sobriété énergétique », ajoute Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE. Est-il possible de le quantifier ? Sur ce point le ministère de l’Education nationale ne nous a pas apporté de réponse.
Rénover des locaux vétustes
Mais la FCPE a mené un sondage entre le 9 et le 16 novembre au niveau de ses conseils départementaux afin de savoir si des parents avaient identifié des établissements où des mesures liées à la crise énergique pouvaient impacter négativement la scolarité des enfants (baisse des températures, fermeture de salle de classe, impossibilité pour les établissements de faire face à l’augmentation du coût des énergies). Pour 34 % d’entre eux, la réponse était positive.
« Les motivations portées à leur connaissance concernaient des bâtiments scolaires mal isolés, mal entretenus, un budget de fonctionnement réduit, des déplacements d’élèves vers d’autres établissements », détaille Grégoire Ensel, qui invite les parents à retirer leurs enfants des écoles si les températures en classe sont trop basses et prône le droit de retrait des enseignants.
Les deux responsables pointent surtout l’urgence d’investir dans le bâti scolaire pour rénover des locaux vétustes et améliorer leur performance énergétique. Car ces problèmes d’isolation se retrouvent aussi en juin ou en juillet, où les élèves peuvent alors souffrir des fortes chaleurs.
Emilie Jehanno
De nombreuses écoles sont-elles vraiment sans chauffage ?
Un tweet viral évoque " nombre d'écoles en France, où il n'y a plus de chauffage car trop cher ". Une simplification faite à partir de cas évoqués dans un article de presse. Mais il y a bien ...
Orthographe : la dictée ne suffit pas à évaluer le niveau des élèves
« C’est une hécatombe », « c’est innommable », « je m’insurge », « ça m’attriste », « c’est épouvantable », « c’est une désolation », « c’est abominable ». Mais de quel « fléau » les personnes interrogées par Agnès Millet, Vincent Lucci et Jacqueline Billiez dans les années 1990 se plaignaient-elles donc par ces mots ? L’orthographe. Dans leur enquête, les trois chercheurs ont prêté l’oreille aux discours tenus à ce sujet par des utilisateurs ordinaires, enseignants, secrétaires, professionnels du livre, et des élèves du CM2 à la terminale.
Les fautes, la baisse du niveau, les réformes, autant de sujets sensibles en France et, selon les conclusions de l’enquête, de débats passionnels. La presse les affectionne, et chacun se situe dans une relation complexe, faite d’attachement et d’agacement, de certitudes et d’insécurité. Internet fourmille de trucs, astuces, conseils, outils et techniques pour améliorer son niveau et les applis se multiplient. Apprendre des listes de mots ? Faire des dictées sans relâche ? Connaître les règles ? Les solutions exigent d’abord de cerner le problème.
L’étude de Danièle Manesse et Danièle Cogis, publiée dans les années 2000, a conforté l’idée que le niveau baisse : menée auprès de quelques 3000 élèves de CM2, elle relève que
« l’écart entre les résultats des élèves de 1987 et ceux de 2005 est en moyenne de deux niveaux scolaires. Les élèves de cinquième de 2005 font le même nombre de fautes que les élèves de CM2 il y a vingt ans. Les élèves de troisième de 2005, le même nombre d’erreurs que les élèves de cinquième de 1987 ».
En 1987, 50 % des élèves faisaient moins de six fautes. Ils ne sont plus que 22 % en 2005. Le même texte d’une dizaine de lignes a de nouveau été dicté à des élèves de CM2 en 2015. Les élèves ont fait en moyenne 17,8 erreurs en 2015, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987. La baisse du niveau se répartit de manière large et ne concerne pas seulement certains élèves ; l’écart entre les plus forts et les plus faibles s’est creusé lui aussi. C’est l’orthographe grammaticale qui est principalement en jeu : entre sujet et verbe, par exemple pour le -nt, à la 3e personne du pluriel, les marques de nombre sur le nom et l’adjectif, le participe passé.
Complexité grammaticale
Les difficultés orthographiques perdurent jusqu’à un niveau avancé et deux types de facteurs explicatifs se dégagent : la complexité intrinsèque du système orthographique du français et l’enseignement de ce système. L’orthographe du français est une des moins transparentes. Notre écriture est alphabétique, c’est-à-dire qu’elle code du son, mais elle est loin de fonctionner sur le principe d’une lettre pour un son et d’un son pour une lettre.

À cet égard, l’orthographe de l’anglais est plus complexe encore (par exemple, le son [i] peut s’écrire de plusieurs manières et les lettres ough se prononcent différemment selon les mots). Elle est plus simple sur les marques grammaticales (genre, nombre, personne verbale…), peu fréquentes en anglais et souvent audibles. En français, les difficultés se concentrent sur les lettres muettes, notamment les finales : il chante et ils chantent se prononcent de manière identique, mais à l’écrit on a un double marquage du pluriel, sur le pronom personnel il et sur la finale verbale. Mangez pourrait s’écrire mengez, manjez, mangé, manger, etc., ce serait correct au niveau phonétique, mais pas au niveau orthographique.
L’orthographe du français demande des compétences grammaticales pointues, ces règles qu’on sait parfois réciter sans pour autant y avoir recours : « le participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir s’accorde avec le complément d’objet direct (COD) quand il est placé avant le verbe ». Même à l’oral, dans les contextes où cet accord serait audible, il est fréquent qu’il ne soit pas réalisé. Exemple : « La tête qu’il a fait ! » et non « La tête qu’il a faite ». Et c’est le cas y compris chez des locuteurs qui contrôlent leur parole, à la radio ou en conférence.
La dictée est une manière d’évaluer où en sont les élèves, mais le problème suivant se pose : les compétences testées dans la dictée correspondent-elles aux compétences orthographiques réellement mobilisées lorsqu’on produit un texte ? Savoir orthographier est un savoir procédural, c’est-à-dire que les savoirs déclaratifs (ou théoriques) jouent un rôle, mais ne suffisent pas. D’autant que les élèves intériorisent des pseudo-règles à la source d’erreurs : il faut un e au féminin donc j’ai jouée « ée », car je suis une fille.
Productions d’élèves
Pour étudier les compétences orthographiques dans des situations réelles de production écrite, il importe donc de partir de textes rédigés par les élèves plutôt que de dictées. C’est dans cet esprit qu’a été constitué le corpus qui sert de base au projet ANR E-Calm. En comparant plusieurs versions des textes des élèves, on peut voir aussi ce qu’ils sont amenés à corriger, ou ce sur quoi de nouvelles erreurs interviennent.
Enfin, ce corpus s’assortit d’entretiens avec les scripteurs autour de leurs textes afin de mieux cerner comment ils procèdent, une question décisive étant celle du contrôle exercé en cours de production : soit le scripteur fait face à une gestion difficile du processus d’écriture mais pourrait réussir à identifier et corriger une erreur, soit il ne parvient pas à en faire l’analyse.
Une autre question importante est de savoir quelles zones de l’orthographe le texte de la dictée permet de tester. En général, le niveau de difficulté reste largement intuitif (longueur du texte, mots jugés difficiles, etc.). Les concours de dictée cumulent les subtilités (un lexique rare, des temps verbaux peu usités). À l’école, on comptabilise les points en moins, mais sur quoi, au juste ? On rassemble, pêle-mêle, des problèmes de doubles lettres, d’accords, de conjugaisons, etc.
Une dictée finit souvent par tester l’orthographe en général et non des problèmes bien ciblés, sélectionnés par rapport au niveau des élèves et par rapport aux caractéristiques de la langue écrite. Les chercheurs en didactique de l’orthographe montrent l’importance d’identifier des compétences exigibles, c’est-à-dire les besoins effectifs des scripteurs et ce qu’il faut attendre d’eux dans le cadre d’un apprentissage progressif, étape par étape.
Objectifs ciblés
Pour enseigner l’orthographe de manière efficace, l’idée défendue aujourd’hui est donc de cibler les objectifs, de travailler les procédures et l’explicitation du raisonnement qui permet de mener à bien ces procédures. Plutôt que « il faut accorder en genre et en nombre », on travaille de manière distincte le marquage du nombre dans le groupe nominal (déterminant, nom, adjectif) et on aborde à part le marquage du genre (beaucoup d’adjectifs ne varient pas en genre).

On observe des énoncés pour inférer comment ça fonctionne, on écrit au quotidien en discutant des choix effectués pour mettre en évidence comment on s’y prend. C’est le cas du dispositif Twictée, qui permet de travailler selon ces principes : les élèves coopèrent et négocient leurs choix orthographiques à travers des messages à rédiger, tout en se familiarisant aux codes des réseaux sociaux.
L’apprentissage de l’orthographe est long et le reconnaître est important pour permettre aux élèves de s’approprier cette compétence plutôt que de cultiver le sentiment que leur propre langue leur échappera toujours. Actuellement, les universités mettent en place des formations à l’écriture, sous l’impulsion notamment du projet ANR UOH Ecri+. D’abord, il faut rappeler que l’orthographe ne suffit pas et que produire des textes maîtrisés, c’est savoir gérer leur cohérence, écrire à partir de sources, argumenter.
Concernant l’orthographe, il faut s’interroger sur les dispositifs en usage : est-il pertinent de reproduire ce qui a été fait auparavant sous prétexte que – mais aussi alors que – ça n’a pas fonctionné ? La réflexion doit se porter sur ce dont on a réellement et prioritairement besoin pour écrire correctement, et sur la manière dont les scripteurs s’y prennent quand ils sont en situation d’écrire.
Fanny Rinck, Maîtresse de conférences en Sciences du langage, Université Grenoble Alpes (UGA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Orthographe : la dictée ne suffit pas à évaluer le niveau des élèves
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Etude - Les six manières dont les collégiens occupent leur temps libre
Ces activités rassemblent, en 2019, près de huit collégiens sur dix. Mais la manière dont ils les pratiquent est déjà fortement différenciée. Si le sport constitue l’un des loisirs le plus fédérateur, il est néanmoins l’un des plus clivants. Par ailleurs, les jeunes accordent une place sensiblement différente aux relations avec leurs pairs. Du fait de leur caractère minoritaire, lecture et pratique artistique constituent un autre critère de différenciation.
Enfin, la place accordée au travail scolaire est inégale. Au total, six manières d’occuper son temps libre peuvent être mises en évidence. La manière dont les collégiens se les approprient est très liée au niveau scolaire et à la transmission familiale.
Auteurs : Meriam Barhoumi, DEPP-B1 et Jean-Paul Caille, INJEP
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Les six manières dont les collégiens occupent leur temps libre
Note d'Information n° 22.35, novembre 2022, Ces activités rassemblent, en 2019, près de huit collégiens sur dix. Mais la manière dont ils les pratiquent est déjà fortement différenciée. Si...
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Six profils de collégiens selon la Depp
Les collégiens occupent différemment leur temps libre, rapporte une nouvelle Note de la Depp. La direction des études du ministère de l'Éducation nationale identifie 6 profils différents de ...
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Coupures de courant : «Nous dire que nos enfants n’iront pas à l’école le matin n’est pas entendable»
Problème de garde, distanciel impossible, internat… Magalie Icher, présidente de la FCPE, déplore une absence de concertation avec les parents d’élèves sur les possibles fermetures d’écoles en matinée en cas de coupures de courant.
Les établissements scolaires pourraient bien passer quelques matinées dans le noir cet hiver. Le gouvernement et RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, préparent en tout cas cette éventualité. Des délestages de deux heures pourraient avoir lieu au mois de janvier en cas de trop forte tension sur le réseau électrique, aux moments des pics de consommation, soit le matin entre 8 et 12 heures et le soir entre 18 et 20 heures. Tournants, ils ne toucheront que certaines parties du territoire. Si les hôpitaux, commissariats ou encore les prisons sont sanctuarisés dans la liste des bâtiments prioritaires et ne subiront pas ces coupures, les établissements scolaires pourraient bel et bien être concernés.
Par conséquent, ces jours-là, il «n’y aura pas d’école le matin», a indiqué le ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye lors d’un déplacement au salon Educatech Expo à Paris. «La rentrée des élèves le jour concerné se fera en début d’après-midi, avec sans doute un repas qui sera néanmoins prévu pour les élèves qui sont à la cantine», a-t-il précisé. Déplorant une absence de concertation avec les parents d’élèves, Magalie Icher, présidente de la FCPE, craint des répercussions en chaîne.
En ne plaçant pas les établissements scolaires dans la liste des «prioritaires» échappant aux éventuelles coupures de courant, quel message envoie le gouvernement ?
Transparaît de cette décision l’idée que les écoles ne sont pas importantes pour eux, que nos enfants ne sont pas importants. Le gouvernement aurait dû travailler avec les parents d’élèves en amont. Nous leur avions demandé quelles conséquences ces possibles coupures de courant allaient avoir sur les écoles, comment ça allait se passer, sans recevoir de réponse en retour.
En cas de demi-journée banalisée, cela risque de poser un problème de garde pour les enfants…
C’est l’une des problématiques principales. Comment les parents vont pouvoir le matin ne pas emmener leurs enfants à l’école alors qu’ils doivent aller travailler ? On ne peut pas demander ça. Nous serons prévenus trois jours avant qu’il y aura une coupure, certes, mais il n’empêche que les employeurs ne pourront pas donner à tous les parents leur demi-journée. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les enfants vont être livrés à eux-mêmes ? Et ces problèmes de garde ne sont pas les seuls…
Quels autres problèmes identifiez-vous ?
Le ministre dit que les coupures auraient lieu de 8 heures à 12 heures et de 18 à 20 heures mais que la cantine serait quand même disponible. Comment les repas vont pouvoir être prêts à midi ? J’ai un doute sur cette possibilité-là. Sans électricité, les enfants ne pourront pas non plus travailler de chez eux. Il n’y aura pas de distanciel possible. Ou alors il faut trouver une solution alternative, faire école dehors. Il est possible d’apprendre plein de choses à l’extérieur, d’envisager des sorties scolaires. De multiples réflexions pourraient être menées en amont avec les parents et le personnel éducatif. Mais nous dire que nos enfants n’iront pas à l’école le matin n’est pas entendable. C’est inenvisageable. Il faut prendre en compte l’ensemble de ces paramètres.
Après une demi-journée sans chauffage, les classes risquent d’être encore froides…
Bien sûr, ils parlent des enjeux de sécurité pour les enfants et les personnels mais le bien-être est aussi à prendre en compte. Si les élèves sont dans de mauvaises conditions, l’apprentissage ne se fait pas bien. Alors que ces coupures d’électricité risquent d’être importantes, la FCPE s’interroge et regrette que les établissements scolaires ne soient pas sanctuarisés parmi les priorités afin de ne pénaliser ni les enfants, ni les enseignants. Aujourd’hui, nous comptons quand même 12 millions d’élèves en France, ces coupures peuvent avoir des conséquences importantes sur l’organisation de notre pays. Quid de la prise en compte des demi-journées perdues pour les élèves dans leurs résultats scolaires puisque l’enseignement à distance sera impossible ? Quid de la prise en compte de l’anxiété des enfants face à une nouvelle situation de crise ? Et quid de la gestion des élèves internes ? S’ils sont à l’internat et que la coupure arrive le mardi matin ou le jeudi matin, ils font quoi ? Ils vont avoir froid et devoir rester dans l’établissement scolaire.
Marlène Thomas
En cas de coupure d’électricité le matin, les enfants iront à l’école l’après-midi
Les délestages programmés vont toucher les établissements scolaires selon trois créneaux : 8H-10H, 10H-12H et puis 18H-20H le soir, a annoncé Pap Ndiaye.
ÉNERGIES - Il « n’y aura pas d’école le matin » dans les zones qui subiront des coupures de courant programmées et ciblées cet hiver, a confirmé ce jeudi 1er décembre le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, des annonces qui inquiètent les syndicats enseignants.
« Les délestages programmés vont en effet toucher les écoles et les établissements scolaires, selon trois créneaux : 8H-10H, 10H-12H et puis 18H-20H le soir. Les deux premiers créneaux sont les créneaux scolaires, qui sont les plus critiques », a indiqué Pap Ndiaye à la presse, lors d’un déplacement au Salon Educatech Expo à Paris.
« Ces deux créneaux du matin, s’ils sont dans une zone qui subit un délestage, auront pour conséquence que la rentrée des élèves le jour concerné se fera en début d’après-midi, avec sans doute un repas qui sera néanmoins prévu pour les élèves qui sont à la cantine. Donc il n’y aura pas d’école le matin », a-t-il ajouté.
La question de l’accueil des enfants de personnels prioritaires
Matignon a rendu publique ce jeudi une circulaire destinée aux préfets pour qu’ils anticipent et préparent population, entreprises et administrations aux coupures d’électricité. Pap Ndiaye a souligné que ce serait également « une question importante pour ce qui concerne la restauration et le périscolaire dans le créneau 18H-20H ».
« Des fiches seront envoyées également dans les écoles, pour être prêts », a-t-il détaillé. Par ailleurs, « des écoles situées à proximité de structures qui ne subiront pas les délestages » pourront « accueillir les enfants de personnels prioritaires, selon un schéma qui a d’ailleurs été expérimenté pendant la crise sanitaire ».
« Il n’y a pas encore de carte de ces délestages, ni bien entendu, y compris pour des raisons de sécurité, des structures prioritaires. Nous allons travailler à tout cela », a-t-il encore indiqué.
« Un mélange de surprise et de colère »
Les syndicats enseignants ont fait part de leurs inquiétudes et de leur surprise face à ces annonces.
« On a l’impression de revivre l’improvisation et les bricolages qu’on avait connus avec la gestion du Covid. Les informations arrivent sans avoir été travaillées et soulèvent plein de questions », comme « les modalités d’information aux familles », a réagi auprès de l’AFP Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa.
« On revit exactement la même chose que sous le Covid », a renchéri Sophie Vénétitay du Snes-FSU, premier syndicat du second degré. « On ressent un mélange de surprise et de colère ». Le Snalc (collèges et lycées) a exprimé sur Twitter « sa forte inquiétude ».
Huffington Post avec AFP
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En cas de coupure d'électricité le matin, les enfants iront à l'école l'après-midi
ÉNERGIES - Il " n'y aura pas d'école le matin " dans les zones qui subiront des coupures de courant programmées et ciblées cet hiver, a confirmé ce jeudi 1er décembre le ministre de l'Éducat...
L'Ecole sous Marion Maréchal...
Paris… Porte de Saint-Cloud… Un jour de février… En 2018… À moins que ce soit en novembre 2017… Je ne sais plus… Le Café des Trois-Obus… Mon amie commande un thé… J’en fais autant… Il fait froid mais beau… Elle se réchauffe avec une cigarette… Moi j’ai arrêté ce poison un jour de juillet 2014. Comme ça, d’un seul coup, du jour au lendemain… J’ai regardé mon dernier paquet alors que j’allais en griller une autre, une de plus, une de trop… Je l’ai rageusement froissé, broyé même et jeté à la poubelle. Je n’ai plus jamais fumé depuis. Quel bonheur de retrouver le goût des bons plats, le velouté des vins, les parfums des fleurs…
Le tien aussi… Tu souris… Je me réchauffe à ton regard…
Tu veux que je te raconte le rêve que j’ai fait il y a quelques nuits ?... Oui, vas-y… Enfin, quand je dis un « rêve »… Bref, tu jugeras….
C'était un printemps comme tous les printemps. Il flottait dans l'air cette douceur oubliée pendant l'hiver. Un jour de 2027...
Après un quinquennat Macron ponctué d’affaires et de mesures sans résultats, le visage de Marion Maréchal, candidate du Rassemblement National était apparu sur l’écran des télévisions. La France, après le populisme de l’extrême-centre, son SNU et ses affaires, sombrait dans celui de l’extrême droite.
« Marion Maréchal est élue Présidente de la République »…
2027… 2028… L’école s’était mise à l’heure « Maréchal »…
Après un coup d'oeil distrait et machinal à la caméra vidéo surplombant le portique électronique filtrant les entrées, puis au drapeau tricolore qui flottait dans le vent, je retrouvai quelques collègues dans la salle des professeurs. Celle-ci avait été redécorée par notre chef d'établissement, arrivé après le cataclysme électoral… Un portrait de la Présidente de la République, un drapeau tricolore (encore !) et les photographies des élèves "méritants", ceux ayant obtenu des moyennes supérieures à seize sur vingt. Les "tableaux d'honneur". Sur le mur faisant face à celui des brillants élèves, les photographies de ceux n'ayant pas dépassé sept sur vingt. Le "mur du déshonneur". Et puis sur un troisième support, la liste des professeurs "cités à l'ordre du collège" pour leurs résultats au Brevet. Ceux-là touchaient une « prime de mérite »…
Chaque matin, je ressentais ce même écœurement, ce même dégoût… Et j'enrageais devant l'inutilité de telles méthodes. Les pourcentages de réussite n'avaient pas évolué depuis cette "Révolution Nationale" qui se disait éducative et les résultats des élèves de notre établissement rural présentaient même de bien inquiétants signes de faiblesse aggravée. Mais il ne fallait pas en parler. C'eût été prendre le risque d'une convocation et d'un blâme de la part de notre hiérarchie qui avait tout pouvoir, y compris celui de nous licencier sur-le-champ ! En toute discrétion, je prenais un malin plaisir pourtant à railler ces absurdités. Résistance…
À la sonnerie du matin, les élèves, en uniformes, se rangeaient deux par deux dans la cour face au drapeau (encore !). Cette fois au pied du mât. Gare aux retardataires, aux récalcitrants. Les surveillants, tous ayant dépassé la trentaine - il était loin le temps des "étudiants pions" - munis d'un sifflet, "chassaient" les trublions. Une fois le calme et l'ordre obtenus, une fois les rangs militairement formés avec prise de distance réglementaire, une Marseillaise était diffusée par la sono de l'établissement, reprise - c'était la règle- par tous les élèves. Deux d'entre eux, désignés la veille pour leurs classements remarquables, avaient l'honneur de hisser les trois couleurs, lentement, en gestes mesurés. La cérémonie terminée, et au coup de sifflet du Chef d'établissement lui-même, les rangées pouvaient rejoindre leur salle respective, accompagnées des enseignants, tous en costume-cravate et tailleur strict. Chaque salle portait un nom. Il y avait la salle "Bayard", la salle "Du Guesclin", la salle "Charlemagne", la salle "Jeanne d'Arc"… A l'intérieur, au-dessus de chaque tableau, trônait le portrait du Chef de l'Etat. Cette dame qui avait su si bien lisser son discours qu'elle avait séduit même les plus brillants d'entre nous. Au moins n'avait-elle pas imposé l'apprentissage par cœur de ses discours nombreux. Elle intervenait une fois par semaine sur toutes les chaînes de télévision !
Les cours devaient, c'était la règle et les inspecteurs nouvellement nommés y veillaient avec rage, être "frontaux". Des tables rangées en colonnes, un bureau sur une estrade faisant face aux élèves, les surplombant. Le maître sait ! Le maître domine ! Le "pédagogisme" n'avait plus droit de cité. Les seules méthodes tolérées étaient celles inspirées par les œuvres du Ministre de l'Education Nationale. Un transfuge du gouvernement Philippe, l’ancien Premier Ministre… Désormais, il faisait appliquer ses rêves : l'école du par cœur, de l'obéissance absolue, du silence imposé y compris par les châtiments corporels, de la notation chiffrée et uniquement chiffrée, avec classements et tableaux d'honneur ou de déshonneur. Il fallait bien alimenter les murs de la salle des professeurs. Chaque fin d'année se terminait, y compris en collèges et lycées, par une distribution des prix en présence des autorités de la commune. Les "cancres" n'étaient pas oubliés ce jour-là. Un bonnet d'âne leur était remis sous les huées de leurs camarades. C'est ainsi que s'opérait la sélection précoce. Qui commençait dès le primaire ! Il fallait mériter la sixième. Les plus "mauvais" étaient impitoyablement obligés de redoubler puis, s'ils échouaient encore, se voyaient imposer des orientations - à neuf ans ! - pré professionnalisantes. Les autres avaient droit à l'apprentissage du français, des mathématiques et de l'Histoire (celle des héros et des "grandes dates" surtout et exclusivement), les matières nobles dont les horaires avaient été singulièrement alourdis. Cela correspondait à l'aberrant projet du parti de notre Présidente :
« Le français, langue latine s’écrivant dans un alphabet latin, seule la méthode syllabique est appropriée pour apprendre à le lire et à l’écrire correctement. Son enseignement comprend le vocabulaire, l’orthographe, la grammaire et l’approche des grands auteurs. (…) S’y ajoutent d’une part des notions solides sur l’histoire de France, à partir de la chronologie et de figures symboliques qui se gravent dans les mémoires, d’autre part une connaissance de la géographie du pays, reposant sur des cartes. À l’école primaire, s’ajoute encore l’apprentissage du calcul. Tout au long de la scolarité, les enseignements doivent être délivrés dans une langue limpide, d’où sont bannis les termes jargonnant et les dernières modes qui peuvent agiter légitimement les spécialistes. L’objectif n’est pas un savoir de spécialistes, mais un viatique pour vivre ensemble. » (Extrait - réel - du programme RN)
"Vivre ensemble"… Oui bien entendu… Mais voilà… Depuis l'arrivée au pouvoir des extrémistes "nationaux-populistes", nous ne vivions "ensemble" qu'à condition d'exclure. Bien étrange vision de l'"ensemble". Année après année, les étrangers outre-méditerranéens, les français musulmans, les français qui n'étaient pas "de souche", avaient été écartés par divers moyens, ou s'étaient exclus d'eux-mêmes, les uns en retrouvant leur pays d'origine, les autres en étant inscrits dans des écoles privées, confessionnelles ou pas. À vouloir vivre ensemble mais entre "blancs catholiques français", notre Ecole se vidait de ses sangs…
Cela faisait plaisir aux quelques collègues membres du Collectif Racine et autre Agir pour l’Ecole...
"Pourquoi pleures-tu?"...
Christophe Chartreux
Visée par des élus Reconquête, une prof contrainte d’annuler une sortie scolaire et de porter plainte pour menaces
(Illustration Webmaster/Les corbeaux - A Hitchcock)
À Valenciennes, une sortie pédagogique auprès de migrants de Calais a été annulée « par sécurité » après une levée de boucliers de la part de l’extrême droite.
Quand l’extrême droite fait annuler une sortie scolaire à coups de menaces. Le rectorat de Lille a annoncé mardi 29 octobre avoir annulé « par sécurité » une sortie pédagogique auprès de migrants de Calais après des « menaces » sur les réseaux sociaux contre l’enseignante organisatrice. Menaces pour lesquelles il va porter plainte, conjointement avec la professeure visée.
Cette enseignante « mène un projet pédagogique interdisciplinaire, intitulé ’exil et frontières’ » avec sa classe préparatoire Hypokhâgne du lycée Watteau de Valenciennes, a expliqué à l’AFP le rectorat de l’académie de Lille. Dans ce cadre, elle devait emmener vendredi 2 décembre ses étudiants aux abords d’un camp de migrants de Calais, notamment auprès de l’association de soutien aux exilés, L’Auberge des migrants.
Mais cette sortie, dont les détails ont été communiqués lundi 28 novembre sur les réseaux sociaux par le « réseau parents vigilants », proche du parti Reconquête !, a déclenché une levée de boucliers de militants d’extrême droite.
Activité annulée, menaces et diffamation
Quelques heures plus tard, Éric Zemmour tweetait à ce sujet « Le grand endoctrinement au service du grand remplacement. Est-ce l’école que nous voulons ? ».
Le délégué départemental de Reconquête ! Simon Flahaut a également critiqué sur Twitter le « combat idéologique » de l’enseignante, des élus Rassemblement national des Hauts-de-France évoquant, eux, une « propagande pour l’immigration ».
Ces dernières heures, « sur les réseaux sociaux notamment, cette enseignante a reçu différentes menaces personnelles, et a été largement diffamée », a regretté auprès de l’AFP le rectorat.
« Suite aux réactions violentes », il a « été décidé, conjointement avec l’établissement, d’annuler cette activité éducative et pédagogique, les conditions de sécurité n’étant pas réunies », indique le rectorat dans un communiqué.
« Le bénéfice de la protection juridique du fonctionnaire a été accordé à l’enseignante ». « La rectrice condamne fermement les menaces portées à son égard et porte plainte », a-t-il ajouté, précisant que la plainte sera déposée mercredi. La professeure a également assuré à France 3 Régions avoir porté plainte au commissariat contre les menaces reçues.
Par Le HuffPost avec AFP
Pourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants

Après avoir longtemps été passées sous silence, car jugées néfastes et contraires à la raison, les émotions connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt tant au sein du grand public que dans le cadre de la recherche. En montrant qu’émotions et cognition sont indissociables, Damasio a redonné leurs lettres de noblesse aux émotions dans le contexte éducatif.
Depuis la fin des années 1990, des études internationales se sont penchées sur les émotions dans la salle de classe. Ces recherches portent le plus souvent sur les émotions des élèves et leur lien avec les apprentissages. Lorsqu’elles s’intéressent aux émotions des enseignants, c’est généralement pour analyser leur impact sur les élèves et les apprentissages. Mais dans le contexte actuel de crise d’attractivité du métier, les étudier en tant que telles pourrait aider à comprendre comment les enseignants vivent leur métier, et ce qui pousse un nombre croissant d’entre eux à démissionner, et notamment en début de carrière.
S’il existe initialement une crise de vocation qui explique pour une part la pénurie d’enseignants, un grand nombre de stagiaires s’inscrivent toujours en formation initiale en manifestant une grande motivation pour le métier. Ce n’est qu’en cours d’année qu’ils expriment un certain mal-être.
Peu de recherches ont été jusque-là consacrées aux enseignants novices (les stagiaires et les enseignants nouvellement titularisés) en France. Quelles émotions ressentent-ils au quotidien ? Qu’est-ce qui déclenche leurs émotions ?
Un tourbillon émotionnel
Rappelons qu’une émotion n’est pas une simple réponse à un stimulus comme on l’a longtemps pensé. Elle ne peut se définir de manière isolée car elle a besoin d’un contexte pour se construire. Son point de départ réside dans la représentation/l’image mentale/le scénario qu’une personne se fait d’une situation. Lorsque ce scénario se confronte à la réalité, le décalage engendré fait alors émerger l’émotion.
Les enseignants novices débutent leur carrière avec des représentations du métier liées à leur parcours d’élèves en réussite, aux clichés véhiculés par les médias et le grand public tels « Les profs sont toujours en vacances », « être enseignant est le plus beau métier du monde », « enseigner l’anglais à des débutants demande peu de préparation », « dans certains quartiers, ça ne peut que mal se passer », etc.
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Ces images mentales génèrent chez les débutants des représentations fantasmées de ce qu’est un « bon » enseignant, un « bon » élève, un « bon » cours, de l’institution, des collègues, etc. La réalité effective en classe peut être fort différente et ce décalage peut engendrer des émotions intenses, voire douloureuses.
Afin de comprendre quelles sont les émotions les plus fréquentes chez les enseignants, ce qui les déclenche et comment elles évoluent avec l’expérience, une étude a été menée durant quatre ans, de 2016 à 2019, avec des cohortes de professeurs d’anglais novices et des enseignants plus expérimentés à différents stades de leur carrière.
L’analyse des réponses obtenues a permis d’observer que, quels que soient leur ancienneté et leur niveau de compétences, les enseignants ressentent majoritairement des émotions négatives au quotidien (57,5 % chez les enseignants novices). Cependant, si on établit un classement des émotions en fonction de leur nombre d’occurrences, la joie arrive toujours en première place, et la colère en deuxième position. Ceci signifie que le métier d’enseignant joue sur les extrêmes et n’est pas de tout repos émotionnellement parlant.
Entre doutes et colère
De manière assez cohérente, la rupture du contrat pédagogique, et plus spécifiquement le « comportement inadapté des élèves » émerge comme le premier élément déclencheur de la colère, comme on peut l’observer dans l’exemple suivant :
« J’ai ressenti de la colère avec une classe de sixième pénible aujourd’hui : bavarde, passive, travail non fait. Si l’on ne peut plus compter sur les petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité, alors où va-t-on ? ! »
On constate ici que la représentation que l’enseignant s’est construite à propos des élèves de sixième (« petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité ») est en décalage avec la réalité en classe (« une classe de sixième pénible »), ce qui génère de la colère.
Un autre enseignant raconte :
« J’avais tout orchestré comme on nous l’a appris et comme le fait ma tutrice. Je me suis même procuré un clavier et une souris sans fil pour que les élèves écrivent eux-mêmes. Tout était fait pour bien se passer. Mais, comme d’habitude, trop de bavardages, insolence, des “mais je n’ai rien fait” alors que je VOIS les élèves faire ! J’en ai eu marre et j’ai fini par hurler. »
Là, ce sont trois scénarios qui sont contrariés : celui de « l’enseignant stagiaire performant » qui parvient à faire un « bon » cours et auquel « les élèves adhèrent ». La colère ne peut qu’être forte comme en attestent ses hurlements.
La colère peut être en lien avec l’enseignant lui-même, surtout en début de carrière. Elle peut venir de sa difficulté à mettre en place son identité professionnelle, à ses doutes et questionnements sur ses pratiques et sa légitimité, ce qui est très fréquent chez les novices et pourrait expliquer certaines démissions précoces. Je ressens de la « colère de ne pas avoir réussi à canaliser une de mes classes et d’avoir pris du retard. J’ai fait un cours très éloigné de ce que j’avais prévu », note ainsi un participant de l’enquête. La représentation mentale du cours est ici explicite, à travers « ce que j’avais prévu ».
Quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tous ressentent de la colère lorsqu’ils ont le sentiment d’avoir donné un « mauvais cours » et/ou ont conscience de leurs difficultés et erreurs, comme le montre le témoignage suivant :
« J’ai ressenti de la colère envers moi-même en excluant un élève. C’était pour moi un échec. Je n’ai pas réussi à sauver cet élève. »
On y voit un décalage entre la représentation du professeur tout-puissant et sans faille, et la réalité du terrain.
La colère peut aussi provenir d’un décalage entre la vision que l’enseignant a de l’institution et la réalité : « Je ressens de la colère et de la solitude car je me sens jugée, évaluée, critiquée, mais pas soutenue », dit l’un des participants ; « La colère, la fureur. Le sentiment que notre matière est totalement sacrifiée, que notre travail, notre profession sont dévalorisés, réduits à néant. Ras-le-bol, envie de me barrer de l’éducation nationale », écrit un autre.
Déconstruire les représentations
Si le métier engendre de la colère, il suscite aussi beaucoup de joie. La réalisation effective peut être en adéquation (décalage zéro) avec le scénario que l’enseignant a élaboré, voire aller au-delà (décalage positif) en se passant « mieux que prévu ».
Voici quelques exemples d’émergence de la joie, liés à l’implication des élèves : « Je m’attendais à ce que peu d’entre eux fassent quelque chose de constructif. Joie qu’ils soient impliqués dans l’activité et montrent de l’enthousiasme », à leur réussite : « joie de voir mes élèves réussir leur évaluation finale mieux que je le pensais », et à leur connivence avec leurs professeurs : « surprise et joie qu’un élève me dise qu’il espère que je serai sa prof l’année prochaine ».
Ce sont des vecteurs importants, quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tout comme la perception d’avoir donné un « bon cours ». Les novices ressentent aussi de la joie lorsqu’ils se sentent progresser et soutenus par l’institution.
Les enseignants novices sont pris dans un tourbillon émotionnel au quotidien dans lequel les émotions négatives dominent. Si la colère est très présente et douloureuse, la joie est aussi au rendez-vous. Ces émotions sont engendrées par le décalage (négatif ou positif) entre les scénarios échafaudés et la réalisation effective. Une réflexion sur ces représentations afin de les analyser pour les déconstruire apparait aujourd’hui comme un axe central de travail à généraliser au sein de la formation initiale pour lutter contre la souffrance des enseignants novices et l’échec des débuts de carrière.
Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Docteure en didactique de l'anglais (chercheure associée à l'université Sorbonne-Nouvelle, laboratoire PRISMES, SeSyLIA), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Pourquoi il faut s'intéresser aux émotions des enseignants débutants
Après avoir longtemps été passées sous silence, car jugées néfastes et contraires à la raison, les émotions connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt tant au sein du grand public que da...
"Jusqu'à 10°C dans les classes" : face à la flambée des prix de l'énergie, les communes peinent à chauffer les écoles
Depuis plusieurs semaines, de nombreux enseignants et parents d'élèves se plaignent des températures dans les classes. A l'origine de ce retard à l'allumage, l'explosion des prix de l'énergie pour les mairies.
Il y a quelques jours encore, écharpes et gants étaient indispensables pour les élèves de l'école élémentaire du Bois Bohy d'Evreux (Eure). Pas seulement dans la cour, mais jusque dans les salles de classe. "En arrivant avec ma fille un matin de cette semaine, l'enseignant m'a prévenue qu'il faisait 12°C, raconte Marie*, mère d'une élève de CE2, mercredi 23 novembre. Exceptionnellement, les enseignants ont laissé les enfants garder leurs écharpes et leurs gants en classe." Dans l'école de sa fille, le chauffage vient à peine d'être correctement réglé.
Elle n'est pas la seule. Partout en France, de nombreuses écoles ont constaté le même retard. A Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), il a fallu attendre le 28 octobre pour que tous les établissements scolaires soient chauffés, après plusieurs semaines de plaintes répétées des parents. "Les enfants ne peuvent pas apprendre dans de telles conditions", dénonce Eric Labastie, président de la FCPE. Si le problème du chauffage se pose chaque année dans de nombreux établissements vétustes, la crise énergétique complique la donne. Plusieurs mairies interrogées par franceinfo affirment devoir économiser pour tenir leur budget et faire face à l'explosion des factures.
"Les enfants doivent s'habituer à ces conditions"
Dès le début du mois d'octobre, la colère est montée dans les écoles de Limeil-Brévannes. Les températures estivales avaient commencé à laisser place à la fraîcheur de l'automne. Mais dans les salles de classe de plusieurs écoles, élémentaires comme maternelles, les radiateurs restaient froids. "Des parents ont fait des relevés de température, on était à 10-12°C", assure Audrey Gouffé, vice-présidente de l'association locale de parents GIPE.
L'association décide alors de rédiger une pétition pour exiger l'allumage du chauffage dans les classes. Malgré des relances, la demande reste lettre morte. "La mairie nous a dit qu'étant donné la situation, les enfants devaient s'habituer à travailler dans ces conditions", assure Audrey Gouffé.
A Limeil-Brévannes, les élèves de petite section, qui ont classe dans des préfabriqués mal isolés, grelottent. "Lorsque les températures baissent, les préfabriqués sont les premiers touchés", illustre Diana, mère d'un enfant de 4 ans dans une école de la ville. Elle explique avoir à plusieurs reprises contacté les services de la mairie, qui lui ont répondu que les classes se réchauffaient souvent à la mi-journée. Un argument "irrecevable" pour ce type de bâtiments "mal isolés", objecte la mère.
"On ne peut pas laisser les enfants faire la sieste sans chauffage."
Audrey Gouffé, parent d'élève et vice-présidente de l'association GIPE à franceinfo
Impuissants, les instituteurs conseillent aux parents de "bien couvrir" leurs enfants, et de "multiplier les couches" de vêtements. Dans l'école du fils de Diana, le personnel prévient les parents des faibles températures en classe à l'aide d'affiches accrochées à la grille. Le lendemain, la mère décide de retirer son fils de classe, pour éviter qu'il tombe malade. "10°C pour un élève de 4 ans, je trouvais ça inadmissible, déplore-t-elle. Cela faisait deux jours que mon fils se plaignait d'avoir froid à l'école, je me suis sentie idiote de ne pas l'avoir cru."
Couvertures et chauffages d'appoint
Des solutions ponctuelles sont proposées pour pallier le froid. Limeil-Brévannes fournit des couvertures aux établissements dès la mi-octobre, puis des chauffages électriques d'appoint pour les préfabriqués. "Certains chauffages ne fonctionnaient déjà plus au retour des vacances de la Toussaint", selon Audrey Gouffé.
Comme à Limeil-Brévannes, d'autres écoles ont dû s'armer de patience. A Limoges, les enfants ont également fait l'expérience de faibles températures dans les salles de classes, lors de la rentrée des vacances de la Toussaint. A Evreux, c'est presque "de force" que le chauffage est finalement activé dans les écoles maternelles, le jour où des parents bloquent des établissements, le 27 septembre, comme le rappelle Paris-Normandie. Mais dans plusieurs écoles élémentaires d'Evreux, il faut attendre plusieurs semaines après le retour de vacances scolaires. La mairie leur avait pourtant donné la date du 15 octobre pour l'allumage du chauffage.
Interrogée par franceinfo, la municipalité d'Evreux justifie ce report par la nécessité de réduire ses dépenses énergétiques dans le cadre d'un plan de sobriété adopté à l'automne. Parmi une trentaine de pistes retenues pour limiter les dépenses figure l'ajustement du chauffage des bâtiments publics. Cela implique d'allumer le chauffage au cas par cas, "en tenant compte des besoins de chaque école, selon les températures extérieures et les conditions météo", précise la mairie.
Des factures énergétiques qui explosent
Dans un contexte de flambée des prix de l'énergie, de nombreuses municipalités se retrouvent dans l'incapacité d'absorber les dépenses face à des factures énergétiques qui explosent. La mairie de Limeil-Brévannes évalue à 3,7 millions d'euros le surcoût lié à la hausse des prix de l'énergie.
"Le coût du chauffage tel qu'il est annoncé va mettre l'ensemble des communes de France face à un mur."
Julien Laudet-Haddad, directeur de cabinet à la mairie de Limeil-Brévannes à franceinfo
Outre l'explosion des factures énergétiques, des problèmes techniques plus ponctuels surviennent dans certains établissements vétustes. De manière générale, "de nombreux établissements représentent des gouffres de dépenses énergétiques", affirme Eric Labastie.
A long terme, le directeur de cabinet de la mairie de Limeil-Brévannes ignore si la commune parviendra à maintenir tous les services publics, malgré la fermeture ponctuelle déjà entamée de plusieurs bâtiments administratifs. La Première ministre, Elisabeth Borne, a présenté fin octobre un bouclier tarifaire destiné aux collectivités territoriales, comprenant notamment un "amortisseur "électricité" qui vise à prendre en charge une partie des factures. Mais à l'heure actuelle, les municipalités contactées par franceinfo n'en ont toujours pas vu la couleur.
Rachel Rodrigues
*Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé(e)