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Vivement l'Ecole!

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Stratégie sanitaire contre le Covid-19: quand l’autoritarisme se double d’amateurisme

7 Février 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education

Covid : Jean-Michel Blanquer, du premier de la classe au ministre décrié |  Les Echos

Christian Lehmann est médecin et écrivain. Pour «Libération», il tient la chronique régulière d’une société suspendue à l’évolution du coronavirus. Aujourd’hui, il dénonce l’absence de cohérence du gouvernement dans sa récente gestion de l’épidémie.

Chaque année, des millions de personnes se lancent un défi personnel, le #DryJanuary. Ce défi de janvier est un moyen de faire une pause dans leur consommation et de repenser leur rapport à l’alcool. Le fait de s’inscrire, de participer en commun, de s’épauler, augmente leurs chances de réussite.

Cette année, de manière humoristique, les hashtags #NocovidJanuary et #CovidFreeJanuary ont été lancés, chaque participant se lançant le défi informel de traverser le mois de janvier sans être infecté, alors que l’absence de protocole sanitaire cohérent à l’école et le choix délibéré de laisser circuler le virus rendaient l’objectif compliqué. De manière régulière, des participants partageaient les photos de leur autotest, se félicitant lorsqu’il était négatif, ou s’inclinant à regret lorsque celui-ci arborait deux barres rouges. Certains pointaient le handicap que représentait le fait d’avoir des enfants en âge scolaire, d’autres se félicitaient de pouvoir éviter les transports en commun.

Cette tentative humoristique de traverser la vague omicron en dit long sur la manière dont a évolué notre rapport au virus. La forte transmissibilité du variant, le risque moindre de formes graves à l’échelle populationnelle, la protection liée à la vaccination, ont permis de tourner en dérision un risque pourtant encore très réel à l’échelle de l’individu, pour les enfants non vaccinés, pour les immunodéprimés et les personnes fragiles essentiellement, tout en gardant en mémoire qu’une personne jeune en bonne santé peut aléatoirement faire une forme grave, ou supporter ensuite les séquelles d’un Covid long, d’autant que le variant delta, promoteur de formes plus sévères, circulait concomitamment.

Invisibilisation du virus

Le #CovidFreeJanuary est à la fois un signe de résilience forcée et une conséquence de la fabrique du consentement. En mai 2020, alors que l’Amérique approchait les 100 000 morts, le New York Times avait consacré toute sa une à une longue litanie de morts du virus, sous le titre : «Une perte incalculable. Ils n’étaient pas juste des noms sur une liste. Ils étaient nous.» Samedi, le même New York Times révélait que plus de 900 000 Américains étaient morts du Covid, mais que l’économie se portait au mieux : «Le nombre record de contaminations au coronavirus a gêné le business de la côte Ouest à la côte Est mais n’a pu faire dérailler la reprise du marché de l’emploi… Beaucoup d’Américains sont passés à autre chose.»

Tout se passe comme si, face à l’inéluctable, la population choisissait de prendre son partie de la nouvelle doctrine de gestion sanitaire, en évitant de l’appeler par son nom : une capitulation. L’ennemi intérieur, contre lequel de manière martiale nos gouvernants avaient déclaré la guerre il y a deux ans, a envahi le territoire, pris ses aises, et on se surprend, au final, à le trouver beaucoup moins inquiétant qu’il nous avait été décrit.

Certains n’hésitent pas, devant le grand nombre de formes mineures, à remettre en cause le principe même de la vaccination, feignant d’omettre qu’elle a contribué à éviter un carnage. Et c’est comme si, en un sens, le succès de la vaccination avait invisibilisé le virus. Nombre de patients covidés en 2020 avaient vécu plusieurs jours d’angoisse, vérifiant leur saturation en oxygène, appelant leur médecin ou les services d’urgences en cas de persistance des symptômes ou de gêne respiratoire. Quand bien même la mortalité globale ne dépassait alors pas 0,5%, chacun pouvait se sentir concerné. Avec omicron, il n’en est plus de même. La majorité des patients, soit parce qu’ils sont vaccinés, soit parce qu’ils se sentent en bonne santé, ne considère plus le diagnostic positif au Covid comme mettant en danger leur pronostic vital. Et dans ce nouvel environnement, les restrictions sanitaires, lourdes à porter sur le long terme, semblent soudain encore plus rébarbatives.

Mauvais moment à passer

La courbe des contaminations a eu beau s’envoler, les hôpitaux se remplir, les décès s’accumuler même chez les jeunes enfants jusque-là relativement épargnés, les mesures sanitaires ne semblent plus concerner que les soignants, qui vivent au quotidien la charge en ville et à l’hôpital et l’effondrement du système, et ces nouveaux parias que représentent les immunodéprimés et leurs familles, montrées du doigt comme paranoïaques.

Nos gouvernements, suivis par les éditorialistes de plateau, font entendre à nouveau la petite musique de l’immunité collective, dans les pays qui avaient depuis longtemps fait ce pari en en payant le prix, comme dans ceux, dont la France, qui s’étaient montrés plus réticents à l’avouer. En deux mois, onze millions de Français ont été contaminés par ce nouveau variant. Les morts se sont accumulés, entre 250 à 350 par jour, mais on se focalise, à l’approche de la présidentielle, sur les bons chiffres du chômage, et la reprise économique.

Janvier 2022 semble avoir été l’équivalent d’une visite chez le dentiste, un mauvais moment à passer. Avant de retourner à la vie normale. Il suffit de se féliciter de la moindre dangerosité d’omicron, de claironner sans l’ombre d’une preuve que son passage bénéficierait à l’immunité collective de la population (alors qu’à l’heure actuelle omicron ne semble pas générer d’immunité durable, et que de nombreux patients covidés en 2020 ou 2021 avec une autre forme du virus ont été réinfectés ces deux derniers mois).

Fable

Dans la perspective de la campagne présidentielle à venir, le gouvernement se félicite de lever des restrictions inutiles, comme l’obligation de porter le masque à l’extérieur en ville, qui n’avait de sens, et encore, que dans les lieux extrêmement fréquentés, et contribuait, de par l’humidification du masque à l’extérieur, à une diminution de son efficacité lorsqu’on pénètre dans un lieu clos. Il envisage d’ores et déjà la fin du masque en intérieur. Force est de constater qu’il n’existe toujours pas de stratégie sanitaire pérenne dans le pays, à moins de considérer qu’exposer la population au virus soit un moyen de gérer la crise une fois pour toutes. Il n’existe toujours pas de campagne d’éducation au port du masque, à l’aération. La vaccination des enfants n’a fait l’objet d’aucune explication claire, et d’une région à l’autre, la rareté des créneaux de vaccination, les tergiversations des sociétés savantes, l’absence antérieure de transparence sur les effets indésirables cardiaques rares mais existants chez les adolescents, ont amené à la situation actuelle. La France a vacciné 4% des enfants de 5 à 11 ans, quand l’Espagne se désole de n’en avoir vacciné que 55% dans le même temps. Les centres vaccinaux restreignent la voilure, vont fermer en février ou en mars, en attendant l’élection présidentielle, ou le prochain variant.

Depuis le début, la gestion de cette pandémie a été marquée par l’amateurisme, le manque de transparence, et l’autoritarisme.

Nous n’avons pas suffisamment éduqué et informé les populations. Nous avons interdit puis imposé le masque sans en expliquer l’utilisation et l’utilité. Nous avons vacciné, mais en faisant du tout-vaccinal la seule réponse à la pandémie, jusqu’à imposer une troisième dose à toute la population comme unique moyen de freiner les contaminations à l’automne dernier, alors que ce surcroît de protection éphémère ne semble pas dépasser quelques semaines. Nous n’avons pas réduit l’iniquité vaccinale au niveau mondial. Nous n’avons pas investi dans l’amélioration de la qualité de l’air en intérieur. Nous n’avons protégé les plus faibles qu’imparfaitement, puis nous avons décidé qu’ils allaient devoir faire avec la nouvelle donne. Nous nous sommes vantés d’emmerder les non-vaccinés… quel programme… mais nous n’avons pas lutté contre les désinformateurs, nous les avons même laissé se répandre, et répandre la peste brune, sur les antennes. Et nous avons avalé la fable de l’endémie «mild», comme quoi le virus avait terminé sa course avec ce dernier variant de très faible dangerosité. «On n’est pas à l’abri d’une bonne nouvelle» avait annoncé Olivier Véran à la fin du mois de décembre. L’optimisme est une vertu, nous saurons bientôt si, ignorants de l’avenir, c’est une stratégie de santé publique.

Christian Lehmann

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"C'est une catastrophe": Depuis la réforme du Bac, les lycéennes se détournent des maths"

7 Février 2022 , Rédigé par bfmtv Publié dans #Education, #Mathematiques

"C'est une catastrophe": Depuis la réforme du Bac, les lycéennes se détournent des maths"

Avec la réforme du bac, les mathématiques sont dorénavant enseignées comme une spécialité, délaissée par les filles. Face à ce constat, Jean-Michel Blanquer estime désormais qu'il faudrait "probablement" ajouter des mathématiques dans le tronc commun.

Des lycéennes qui se détournent des mathématiques? Plusieurs sociétés savantes et associations de mathématiques ont alerté sur l'aggravation des inégalités entre les filles et les garçons en mathématiques au lycée depuis la réforme du bac, "anéantissant brutalement plus de vingt-cinq ans d'efforts", s'inquiètent-elles dans un communiqué commun publié fin janvier.

"En terminale générale, "seulement 25% des filles en 2021 ont un enseignement de mathématiques de plus de six heures hebdomadaires contre 45% avant la réforme", écrivent-elles.

Le décrochage est "encore plus édifiant" en première, où près de la moitié des lycéennes abandonnent les mathématiques en fin de seconde, "alors qu'elles étaient jusqu'en 2018 environ 83% à poursuivre un enseignement de mathématiques", déplorent-elles, citant des données du ministère de l'Éducation nationale.

"Une heure de maths par mois" dans le tronc commun

Pour les garçons comme pour les filles, avec la disparition des filières S, ES et L liée à la réforme du bac - entrée en vigueur à la rentrée 2019 pour les élèves de première, l'année suivante pour ceux de terminale - les mathématiques sont devenues un enseignement de spécialité, au même titre que les sciences de la vie et de la Terre (SVT) ou la physique-chimie.

Dès la fin de la seconde, les élèves doivent dorénavant choisir trois enseignements de spécialité pour n'en garder que deux en terminale. S'ils conservent tout de même deux heures hebdomadaires d'enseignement scientifique sur les quinze du tronc commun, ces deux heures sont partagées entre trois disciplines (SVT, physique-chimie et mathématiques).

Et c'est là que ça coince, pour les lycéens comme pour les lycéennes, pointe Sébastien Planchenault, le président de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP). "Les mathématiques ne représentent qu'à peine 10% du programme d'enseignement scientifique dans le tronc commun, soit à peu près une heure de maths par mois."

"Une régression"

Le député-mathématicien Cédric Villani, auteur d'un rapport sur l'enseignement des mathématiques, a estimé sur France Inter que la mise en place de l'enseignement scientifique comprenant les trois disciplines avait été "ratée". Anne Boyé, la présidente de l'association Femmes et mathématiques, partage la même analyse. Elle dénonce même pour BFMTV.com "une régression".

"En filière ES, les élèves de terminale avaient quatre heures de mathématiques par semaine. En S, six heures, voire huit s'ils prenaient la spé maths. On en est très loin aujourd'hui."

Quant à l'option maths complémentaires - mise en place à la rentrée 2020 après une polémique sur le niveau de l'enseignement de spécialité mathématiques - elle serait parfaitement inutile, poursuit Anne Boyé.

"Cette option ne donne pas lieu à une épreuve terminale et elle est insuffisante pour poursuivre des études scientifiques dans le supérieur qu'il s'agisse d'une prépa BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre, NDLR), d'études de biologie, ou même pour entrer dans une école vétérinaire ou une école de commerce."

"Elles renoncent avant même d'avoir essayé"

Le problème est encore plus criant pour les lycéennes, nombreuses dans l'ancienne filière scientifiques, mais qui aujourd'hui choisissent moins les mathématiques comme une spécialité: en 2021, il y avait 39,8% de filles en spécialité maths, contre 47,5% de filles en terminale S en 2019.

"Le problème, c'est que plus on oriente vite les élèves, plus les stéréotypes et les préjugés se renforcent", s'inquiète Sébastien Planchenault, de l'APMEP. "Elles renoncent avant même d'avoir essayé."

Mélanie Guenais, enseignante-chercheuse à l'Université Paris-Saclay et vice-présidente de la Société mathématique de France, dénombre 60.000 filles en moins dans les cours de mathématiques. "C'est considérable", regrette-t-elle pour BFMTV.com. "Du point de vue de l'égalité, c'est une catastrophe". Et dénonce "un effet d'autocensure".

"Les filles se dirigent moins vers les maths parce qu'elles ne sont pas sûres d'elles, pas décidées ou mal informées. Elles ont peur de ne pas être au niveau et osent moins. C'est évidemment culturel et de nombreux mécanismes sont en cause. Mais le problème, c'est que c'est une perte de chance pour elles et une rupture dans un équilibre filles-garçons auquel on était parvenu."

"Elles ne pourront plus accéder aux mêmes études"

Les années de première et de terminale représentaient, pour les filles, deux années supplémentaires pour leur laisser le temps de se dire "pourquoi pas", ajoute Sébastien Planchenault, le représentant des professeurs de mathématiques. Temps qu'elles n'ont plus.

"Avant, les filles se tournaient vers un bac S et pouvaient ensuite s'orienter vers des études scientifiques. Ce n'est plus le cas. En renonçant aux mathématiques dès la première, elles se ferment des portes."

Il se dit inquiet pour l'avenir et craint que toute une génération de femmes scientifiques ne voit jamais le jour. Ce sont aussi les craintes de Pierre Priouret, professeur de mathématiques et responsable du groupe mathématiques au Snes-FSU, le premier syndicat des enseignants du second degré.

"La mécanique de la réforme ajoute un caractère inéluctable aux choix", explique-t-il à BFMTV.com. "Avant, les filles quittaient le lycée avec le même bagage et le même potentiel. Là, clairement, le bagage est inférieur, elles seront de toute évidence barrées dans leur orientation et ne pourront plus accéder aux mêmes études que les garçons. La réforme du bac n'assure plus une homogénéité de la formation."

Une "génération manquante"

À plus long-terme, "cette génération manquante pourrait mettre à mal la compétitivité de la France dans les domaines techniques et scientifiques", estime Sébastien Planchenault, le représentant des professeurs de mathématiques. "Je rappelle qu'il manque toujours 5000 postes dans le domaine de la cybersécurité."

Pour Anne Boyé, de l'association Femmes et mathématiques, il est impératif et urgent de "rétablir" la place des mathématiques dans le tronc commun. Elle préconise également la mise en place d'un enseignement de spécialité des mathématiques "à l'équilibre" entre les options maths expertes - actuellement privilégiée par les garçons - et complémentaires - majoritairement choisies par les filles.

"On avait réussi à aller vers un équilibre filles-garçons", insiste Mélanie Guenais, de la Société mathématique de France. "Là, on a une rupture. C'est incohérent d'autant plus quand on s'est fixé l'objectif de former davantage de scientifiques. Que ce soit pour les études supérieures, dans les filières scientifiques mais aussi économiques, sociales ou dans les études de santé, ou tout simplement au quotidien, on a besoin des outils mathématiques."

Blanquer change de ton

Interrogé sur BFMTV fin janvier, Jean-Michel Blanquer avait au contraire estimé que l'enseignement des mathématiques avait été "renforcé" et invitant à ne pas "se tromper de diagnostic". Selon lui, grâce à la réforme du bac, davantage d'élèves qui choisissent des enseignements de spécialité scientifiques se tournent vers des études supérieures scientifiques.

Le ministre de l'Éducation nationale a finalement changé de ton ce dimanche, sur Europe 1, en affirmant qu'il faudrait "probablement" ajouter des mathématiques dans le tronc commun de la classe de première et terminale, pour que "l'ensemble des élèves" aient davantage de "culture mathématique". Tout en défendant malgré tout l'enseignement de spécialité mathématiques, "beaucoup plus exigeant" que le programme de l'ancienne terminale S.

DOSSIER : 

 

https://twitter.com/chussonnoCéline Hussonnois-Alaya

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Julia Cagé: «Que Bolloré puisse intervenir sur les manuels scolaires a de quoi susciter des craintes»

7 Février 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Politique, #Education

L’économiste s’inquiète de la surconcentration dans les médias et l’édition, qui conduit à une surenchère droitière du débat public, et fait des propositions pour renforcer la régulation de ces secteurs. En jeu selon elle, la survie d’une pensée libre dans le système médiatique français.

A deux mois de la présidentielle, Vincent Bolloré étend un peu plus son emprise sur le paysage médiatique et intellectuel français. Pendant ce temps-là, «tout le monde ferme sa gueule», alerte l’économiste et professeure à Sciences-Po Paris Julia Cagé dans un court essai, Pour une télé libre. Contre Bolloré (Seuil). Egalement présidente de l’association Un bout des médias et de la société des lecteurs du Monde, et membre à ce titre du pôle d’indépendance qui possède 25% du Monde libre, l’essayiste appelle à réagir face à l’«OPA» de quelques milliardaires sur la presse, la radio et la télévision, et l’ensemble du débat d’idées.

Après sa razzia dans les médias, Vincent Bolloré s’attaque au secteur de l’édition.

L’offensive de Bolloré, par l’intermédiaire de Vivendi et de sa filiale Editis, sur Hachette (Grasset, Stock, Fayard…) est d’une certaine manière encore plus inquiétante que sa reprise en main du groupe Canal+ et d’Europe 1. Dans le cas où son projet d’offre publique d’achat aboutirait, sa domination en termes de part de marché serait, en effet, proportionnellement plus forte dans le secteur de l’édition que dans celui des médias. En audience, Europe 1 et CNews sont loin d’être les premières chaînes de télévision et radio, bien qu’elles aient une réelle influence sur l’opinion et leurs concurrents. Mais pour ce qui est du marché du livre, son emprise serait telle qu’elle engendrerait des situations de monopole non seulement sur l’édition mais aussi sur la distribution. Avec ce futur mastodonte, le paysage français de l’édition va considérablement se réduire, économiquement comme idéologiquement.

Vous parlez d’une OPA sur la vie des idées en France.

Antoine Gallimard a rappelé dans le Monde combien l’opération aurait des effets délétères sur la création littéraire en installant un rapport de force défavorable aux auteurs. Rappelons qu’avant de paraître au Seuil, en octobre dernier, la première biographie non autorisée d’Eric Zemmour devait être publiée chez Plon, propriété de Vincent Bolloré. La direction de la maison d’édition a préféré renoncer au projet, pourtant déjà signé et écrit, craignant que cela déplaise au milliardaire… Sa part de marché atteindrait 78% dans la littérature générale, 84% dans le parascolaire et 74% dans le livre scolaire. L’idée que Bolloré puisse intervenir sur l’élaboration de manuels scolaires a de quoi susciter des craintes légitimes. Enfin, rappelons qu’il est un «cost killer» davantage porté sur la recherche d’économies que sur l’investissement, ce qui pourrait altérer l’ensemble de la chaîne de fabrication du livre.

Pourquoi rien n’est fait pour empêcher une telle concentration ?

On a l’habitude de dire «Too big to fail» pour parler d’une banque dont la faillite aurait des conséquences si désastreuses sur l’économie qu’elle finit par être renflouée par les pouvoirs publics. Dans le cas de Vivendi, c’est plutôt «Too big to regulate». Plus Bolloré se renforce dans l’édition et les médias, plus il devient urgent de réguler ces deux secteurs mais moins cela a de chances de se concrétiser car les politiques deviennent encore plus frileux. Pour une personnalité politique par exemple, de droite ou de gauche, se mettre à dos Bolloré revient à se priver potentiellement demain d’un contrat d’édition avec le numéro 1 français du secteur ou d’invitations par d’importants médias audiovisuels, sans parler de la possibilité d’un lynchage par Cyril Hanouna ! Or aujourd’hui, seuls les grands groupes comme Hachette ou Editis ont les moyens de perdre de l’argent en publiant des ministres que personne ne lit.

La presse écrite n’est pas épargnée par cette offensive.

Son acquisition en mai 2021 de Prisma Média (Voici, Gala, Capital…) et sa prise de contrôle du groupe Lagardère, détenteur du JDD et de Paris Match, ont complètement échappé à la régulation en vigueur. Quand on voit ce qu’il s’est passé avec Canal+ et Europe 1, il y a de quoi être inquiet pour le devenir de ces publications. Le travail de terrain et, plus généralement, les programmes traitant explicitement de politique, ont quasiment disparu au profit d’émissions d’infotainment et de divertissement – qui elles-mêmes favorisent la diffusion d’opinions. La chaîne d’information en continu CNews, produite à bas coûts, est désormais mise au service de l’idéologie d’Eric Zemmour, qui est fondamentalement celle de Bolloré. Son autre chaîne C8 est aussi un relais de cette idéologie très marquée à droite. En étudiant les contenus politiques de Touche pas à mon poste ! l’émission phare de C8, la chercheuse Claire Sécail a d’ailleurs bien mis en évidence la surreprésentation de Zemmour dans le temps d’antenne de la chaîne.

Certains disent que CNews répond à une demande citoyenne et qu’elle n’est pas responsable d’une droitisation de l’opinion française. N’êtes-vous pas d’accord ?

Contrairement à Europe 1, l’audience est au rendez-vous pour CNews. Pour autant, les contenus ont aussi un effet causal sur les comportements politiques. Aux Etats-Unis, des études ont prouvé l’influence de Fox News sur la participation politique. Des chercheurs ont montré que les circonscriptions où est apparue Fox News avant 2000 ont davantage voté pour les Républicains, par rapport à 1996, que les villes de taille et de populations similaires mais où la chaîne est apparue des mois plus tard. Quid de CNews en France ? Difficile à dire étant donné que la chaîne a émis dès son lancement sur l’ensemble du territoire français. Toujours est-il que les débats qui se tiennent sur ses plateaux, majoritairement axés sur l’immigration, l’islam et l’identité, ne sont pas pluralistes.

Comment mieux réguler le secteur des médias ?

La surconcentration des médias, qui conduit à cette surenchère droitière du débat public, n’a jamais été aussi importante mais elle n’est pas une fatalité. Commençons par jeter la loi de 1986 relative à la liberté de communication à la poubelle et remplaçons-la par un nouveau texte ambitieux ! Cette loi ne peut plus garantir le principe de pluralisme pour la simple raison qu’elle a été écrite à une époque où Internet n’existait pas ! Ne traitant que de la diffusion hertzienne et de la presse papier, elle ne concerne que les concentrations horizontales et oublie les concentrations verticales entre la production, la distribution et la diffusion. Non seulement, cette loi ne vise ni les hebdomadaires ni les mensuels mais elle s’avère tout aussi inefficace pour l’audiovisuel. Le seuil actuel de limite de possession du capital d’un service de télévision privé (49%) n’empêche pas les groupes de contrôler les chaînes.

Plus généralement, la «logique des supports» vous semble obsolète.

Il faut arrêter en 2022 de réguler indépendamment et par petits bouts la presse écrite, la télévision et la radio. Tous les grands médias, quels qu’ils soient, ont des sites internet, font de la vidéo, de l’audio, partagent leurs contenus sur les réseaux sociaux, etc. Je reprends à mon compte l’idée de «temps d’attention» de l’économiste Andrea Prat qui suggère de capter la réalité du poids médiatique des différents acteurs, indépendamment des plateformes de diffusion. Le poids d’un grand média ne se mesure plus à ses parts de marché.

C’est-à-dire ?

On ne sait plus ce qu’est une part de marché de nos jours. Le nombre de clics en ligne, l’audience, les followers sur les réseaux sociaux, le nombre de journaux papiers vendus, les vues sur YouTube ? Cette notion ne permet plus de mesurer le pluralisme dans le domaine de l’information. Comme je l’ai dit, l’ensemble des grands médias utilisent désormais presque tous les mêmes canaux. Je propose donc de définir ces médias comme des «plateformes systémiques», à l’image de ce que les projets de directive européenne suggèrent pour les Gafam, mais de façon beaucoup plus stricte. Si un média, peu importe son support d’origine, touche un certain nombre de consommateurs, alors, on le considère comme un média «systémique» d’information et il se doit de se soumettre à certaines régulations.

Selon vous, il est urgent de repenser le rôle de l’Arcom (ex-CSA).

L’Arcom a beau infliger à CNews une amende de 200 000 euros pour «incitation à la haine» et «à la violence» après des propos tenus par Zemmour sur les migrants mineurs isolés, elle reste limitée dans la mesure où sa régulation est restreinte aux personnalités politiques en période électorale. Et il se trouve que CNews a considérablement diminué ses tranches d’informations pour les remplacer par des talk-shows. La plupart des commentateurs qui y interviennent ont des discours politiques mais ne sont pas régulés par l’Arcom.

Que faire alors ?

Lorsque Vincent Bolloré a signé la convention d’attribution d’une fréquence hertzienne pour s’emparer du canal 16, il s’est engagé à respecter certaines conditions, dont celle de faire de CNews une chaîne d’information en continu censée garantir un pluralisme politique. Or l’essence même de CNews n’est plus de produire de l’information ou du journalisme. A partir du moment où la convention n’est pas respectée, l’Arcom se doit de la remettre en cause quand cela est possible, c’est-à-dire tous les cinq ans.

Vous proposez de réguler les Gafam au niveau national. Est-ce réellement faisable ?

En réalité, des régulations existent déjà ! C’est le cas du droit voisin, transposition du droit européen au droit français, qui oblige les plateformes à rémunérer les éditeurs pour l’exploitation de leurs articles. Certes, l’Europe demeure un échelon plus crédible pour engager un rapport de force. Mais si cela échoue, rien n’empêche la France d’appliquer des sanctions financières contre les géants du numérique s’ils ne font aucun effort de transparence sur le fonctionnement de leurs algorithmes. Le Royaume-Uni vient de mettre en place une «Digital Markets Unit» au sein de son Autorité de la concurrence, chargée de mieux protéger l’utilisation des données. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose ? Il faut cesser d’utiliser l’absence d’unanimité en Europe comme d’une excuse pour ne rien faire en France.

La future fusion de TF1 et M6 -RTL vise à créer un «géant français» face à la concurrence internationale. C’est précisément cette idée de mastodonte à la française que vous critiquez. Pourquoi ?

C’est à la fois un géant français et un nain international qui est sur le point de se créer. Les capitalisations boursières de TF1 et M6-RTL cumulées montent à 4 milliards d’euros. Par comparaison, Netflix, c’est 220 milliards ; Disney : 310 milliards ; Amazon : 1 661 milliards. Si cette fusion n’aura aucune influence au niveau mondial, elle pourra néanmoins avoir de lourdes conséquences en matière de pluralisme en France. TF1 et M6, c’est un tiers de l’audience française et 75% du marché publicitaire. Si ce rapprochement se fait, on connaîtra un niveau de concentration des parts de marché jamais atteint auparavant. Interrogé par les sénateurs, Vincent Bolloré a lui joué le «nain» au service de la France face aux Gafam. Mais ce nain est en France un méga champion qui vient menacer un principe à valeur constitutionnelle : le pluralisme des médias.

Simon Blin

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Education - Des programmes scolaires à repenser de fond en comble. Qui osera ?

6 Février 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Education

Réforme des programmes scolaires : ce qui changera pour les élèves

 

A repenser de fond en comble...

 

Les savoirs enseignés et les outils intellectuels indispensables à les appréhender sont à repenser de fond en comble et doivent faire l’objet d’une réflexion collective. Ces questions doivent être au cœur d’un débat de la société toute entière, dépassant les clivages partisans. Non, il ne doit pas y avoir un « discours de gauche sur les savoirs », mais la volonté partagée de « régénérer une culture humaniste laïque » permettant « d’armer intellectuellement les adolescents pour affronter le XXIème siècle » (Morin, 1998).

 

Il ne s’agit pas ici d’un discours incantatoire, mais de choses que nous vivons les uns et les autres (et nos enfants) au quotidien. Un citoyen voulant comprendre son environnement, y agir en conscience et de manière responsable, est confronté à des savoirs plus complexes que par le passé. Les débats sur le réchauffement planétaire, les modèles de développement durable, les questions éthiques posées par les progrès de la médecine, la pertinence de telle ou telle technologie face à des choix écologiques, les problèmes posés par l’économie et la finance, les problématiques institutionnelles ou administratives, les questions de droit … autant de questions qui intéressent le citoyen mais nécessitent des outils intellectuels et des connaissances plus élaborés que par le passé. Nous ne sommes plus dans une conception additive de la connaissance, où il suffirait, à partir de savoirs de « base », d’accumuler jusqu’à l’encyclopédisme. D’ailleurs, ceux qui revendiquent une telle position (dans les débats contre les pédagogues en particulier), oublient – tellement ils ont intégré culturellement ces processus culturels – qu’ils manipulent des compétences de l’ordre d’un méta-savoir, un savoir sur le savoir qui leur permet sans problème de faire des liens, d’abstraire, de penser en surplomb ce qu’ils disent n’être simplement que des savoirs faciles à engranger. Si aujourd’hui, les choses étaient si simples, cela se saurait.

 

Si cet enjeu (ce défi) n’est pas pris à bras le corps par l’École, afin de donner au plus grand nombre des clés de compréhension, une nouvelle fracture sociale va se développer, celle qui séparera ceux qui ont accès à la complexité et ceux qui en sont exclus. On le voit, il ne s’agit plus ici d’une simple question de l’accès à la culture ; mais de la capacité à s’emparer intellectuellement des problèmes du monde dans lequel nous vivons. Cette fracture est d’autant plus grave qu’elle sera (est déjà ?) « actée » politiquement. Il est de plus en plus fréquent d’entendre des hommes politiques, dans des interviews, indiquer que répondre de manière détaillée serait trop « technique », trop compliqué… pour l’auditeur ou le lecteur. Sous-entendu : le citoyen n’a pas les moyens de comprendre des mécanismes complexes : qu’il se contente de donner quitus sur des aspects généraux ; ensuite, les personnes compétentes feront le reste ! De telles positions sont indécentes car elles remettent en cause profondément le fonctionnement démocratique. D’ailleurs, n’est-ce pas également ce qui peut paraître irritant quand, dans des blogs, l’on lit avec stupéfaction des citoyens déverser des torrents de jugements à l’emporte pièce sur le mode « ya qu’à… », « il suffit de… » sur des questions qui mériteraient des débats approfondis ? Ces citoyens ne sont pas plus bêtes que les autres ; mais ils reflètent bien, de mon point de vue, la conséquence qu’il y a à réserver les choses compliquées (et sérieuses) à des « experts ».

 

Ainsi, l’École est au cœur de ce nouveau défi de la Connaissance afin de réconcilier ses ambitions pour les générations futures avec la réalité de la classe. Un simple exemple permettra de constater qu’il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur les enseignants mais d’inciter à une réflexion collective sur des pratiques devenues de tels habitus scolaires qu’ils ne suscitent plus guère de réflexion. Dans une discipline scolaire comme l’histoire-géographie, les finalités que poursuivent les enseignants, telles qu’elles apparaissent dans toutes les recherches didactiques, dans les évaluations de la DEPP, sont très ambitieuses : former des citoyens responsables, exercer l’esprit critique, comprendre le monde. Pédagogiquement – et contrairement à ce qui est dit ça et là – ces mêmes enseignants disent être attentifs à mettre leurs élèves en activité, pour maintenir l’attention et la motivation et favoriser les apprentissages.

 

Mais, les observations faites en classe dans le cadre de plusieurs recherches de l'ex INRP montrent que sont valorisées, le plus souvent, des activités de « basse tension intellectuelle ». La métaphore peut faire sourire ; elle est pourtant claire. Colorier une carte, retrouver dans le titre d’un document un mot attendu par l’enseignant, l’échelle, reproduire sur son cahier le schéma fait par l’enseignant pour appuyer le raisonnement du cours, peuvent être autant d’activités effectuées… en pensant à autre chose ! Quel est l’investissement authentique de l’élève ? Quel enjeu y a-t-il pour lui, réellement ? En quoi cela lui pose-t-il une vraie question, un problème à résoudre ? Comme le dit Philippe Perrenoud, l’élève peut se contenter de faire son « métier d’élève ». En revanche, faire argumenter ces mêmes élèves – à partir de documents variés – sur le tracé d’une autoroute ; proposer et confronter des points de vue sur des solutions différentes, prenant en compte des contraintes géologiques, l’existence d’un patrimoine culturel (un site gaulois ?), des coûts différents, la répartition de la population, des perspectives européennes… est autrement plus mobilisateur. L’élève – considéré alors comme un futur citoyen en herbe – peut très bien comprendre les enjeux pour peu que les documents soient mis à sa portée. Tout à coup, décoder la légende d’une carte fait sens puisqu’il faut y retrouver une information qui deviendra argument. S’apercevoir que le dossier proposé ne permet pas de répondre à toutes les questions, devient un véritable entraînement à l’esprit critique, au-delà de tout formalisme scolaire. La critique vient à l’esprit parce qu’une question émerge à laquelle l’élève ne peut répondre en l’état.

 

On le voit, ces situations problématiques (on parle en mathématiques et en sciences de « situations problèmes »), ambitieuses, transposables à toutes les disciplines scolaires et expérimentées par certains pédagogues depuis… près de 30 ans, créent de la « tension intellectuelle », obligent à l’apprentissage et favorisent une posture responsable. Or que nous disent les mêmes recherches et évaluations énoncées plus haut du côté des élèves ? Sur 3000 élèves questionnés par la DEPP en 2007, 86,9% considéraient que la classe d’histoire est « le lieu où l’on apprend à étudier des dates importantes » et 85,8% estimaient qu’en géographie on étudie des « pays ». Ces chiffres n'ont quasiment pas évolué. En français, je demandais souvent à mes élèves de collège, le jour de la rentrée: "Qu'est-ce que c'est un cours de français pour vous ?". J'obtenais quasiment toujours les mêmes réponses: "C'est là où on apprend les règles de grammaire" ou bien: "Ben, on lit des textes". 

 

Les élèves ont donc finalement intériorisé le modèle dominant de l’enseignement français qui fait une large place au discours du maître et assez peu à de réelles situations d’apprentissage comme c’est le cas dans de nombreux pays européens.

 

(Cette réflexion m'est inspirée par les lectures d'ouvrages de Philippe Meirieu, Edgar Morin, Philippe Perrenoud et Nicole Allieu-Mary entre autres)

 

Christophe Chartreux 

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“J’ai pas peur de la mort, j’ai peur de l’avenir”. Bradley, 11 ans.

5 Février 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education, #Mathematiques

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Grandir : des enfants en temps de pandémie

Est-ce qu’on regrette sa petite enfance à douze ou treize ans ? Comment voit-on l’avenir ? Mamadou, Virgile, Emma, Bradley, Wassim et Maelyn habitent à Pantin, Montreuil ou Romainville. Ils hésitent entre enfance et âge adulte, racontent leurs rêves et leurs peurs à l’heure d’une pandémie mondiale.

Nous sommes devant la médiathèque de Romainville (Seine-Saint-Denis). Bradley et Wassim, onze ans, se rendent compte que leurs jeux ont changé, et leur vision de la vie aussi. Ils commencent à réaliser qu’ils mourront un jour. La mort, ce n’est seulement une histoire de vieilles personnes. Elle peut survenir n’importe quand, selon Bradley, par exemple à cause d’une vengeance au sein de la cité. “Si t'embrouilles quelqu’un, dans dix ou vingt ans, il te retrouve et il te tue, c’est pour ça", explique-t-il gravement. C’est ce genre de peur qu'on commence à avoir quand on grandit.

“J’ai pas peur de la mort, j’ai peur de l’avenir”Bradley

Inès et Maelyn ont aussi onze ans. Elles ont constaté un changement entre leur enfance et leur début d’adolescence. D’abord, il y a la peur du jugement sur l’apparence, comparée à l’insouciance d’avant. Elles veulent ressembler aux grandes de troisième. Ensuite, il y a peur de l’agression, la peur de se faire siffler dans la rue.

Et physiquement, comment s’imaginent-ils ? “A part mes taches de rousseurs, je vois pas ce qui peut changer”, affirme Wassim.

Reste la question du métier. Alors que Wassim rêve d’être footballeur, Bradley envisage de travailler dans les espaces verts, comme son père. D’ailleurs, quand il sera grand, il habitera près de chez ses parents, de préférence dans le même bâtiment. C’est une question de souvenirs.

Pantin, Seine-Saint-Denis, dans la cité des Courtillères, un autre groupe d’enfants jouent au foot. “Je préfère quand on est enfants, comme ça on paie pas les factures, on a pas de problèmes”, disent-ils. “Si je le pouvais je serais enfant toute ma vie”, se dit Mamadou, douze ans, car pour lui, être enfant, c’est d’abord s’amuser. Alors que ses camarades rêvent d’être footballeurs, Mamadou préfèrerait être chef d’entreprise, pour gagner assez pour nourrir sa famille — il a six frères et sœurs — et ne pas trop travailler. Ses parents n’ont pas de problèmes d’argent, explique-t-il, mais ils ne font pas un métier facile. “Si j’ai assez d’argent, j’achèterai une autre maison pour ma mère”, conclut Mamadou.

Toujours à Pantin, à l’école Montessori. Virgile a quatorze ans et il se définit comme un ado qui a encore parfois "la mentalité d’un enfant”. Pourtant, il regrette son imagination d’autrefois. Il a arrêté de jouer aux jeux imaginaires par peur du regard des autres.

Comme BradleyVirgile voudrait faire le même métier que son père : informaticien. Lui aussi il a peur de la mort, mais sa grande préoccupation, c’est la crise écologique. “J’ai pas envie de mourir en 2050 à cause du dérèglement climatique”, dit-il. Une peur qui s’est accrue depuis la pandémie.

Emma, elle, a douze ans et vit à Montreuil. Comme Mamadou, quand elle sera grande, elle offrira à sa mère une maison, mais elle voudrait la construire elle-même. Elle sera au bord de la mer, en Normandie, avec du papier peint à fleurs.

L’âge parfait ? Pour Bradley, c’était seize ans. Pour Emma, c’est dix-sept ans, comme sa sœur : l’âge de tous les possibles.

Merci aux enfants de Seine Saint Denis qui ont accepté de répondre aux questions de Karine Le Loët et à leurs parents, à l’école Montessori 21, au centre Gavroche et à la mairie de Pantin.

Reportage : Karine Le Loët

Réalisation : Emily Vallat

Mixage : Sébastien Royer

Musique de fin : "La Quête" d'Orelsan.

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Quelle culture G à l'école ?

5 Février 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education

Archive 1/5] Culture générale : péril en la demeure

"Sans oser lui demander" reçoit aujourd'hui Olivier Barbarant, poète et inspecteur général de l'Education nationale. Parler avec lui de culture générale, c'est réfléchir au rôle de l'école dans la construction culturelle de chacun, et dans la constitution d'une culture générale en partage.

Chargé de coordonner les réflexions sur les programmes de lettres au lycée et en classes préparatoires, Olivier Barbarant est particulièrement bien placé pour connaitre les attentes diverses que suscite l'enseignement d'un socle culturel commun, que ce soient celles du personnel enseignant, des politiques, de l'administration, des parents d'élève… Il sait aussi les différences territoriales et la part d'héritage familial avec lesquelles l'école doit composer son ambition de donner à une génération un corpus littéraire partagé.

En parlant de culture générale avec celui qui est aussi poète (et lauréat du prix Apollinaire en 2019), nous évoquons donc le rôle de l'école depuis une perspective large, mais aussi à partir d'une trajectoire scolaire individuelle : quelles rencontres ont été déterminantes dans l'apprentissage d'Olivier Barbarant ? Quels auteurs ? Quels professeurs ? Quelle fut, pour l'ancien normalien, l'importance de l'école comme institution ? Comment son rapport à la poésie, à la littérature ou aux arts a-t-il évolué, à la suite de ces premières approches scolaires ?

Romain de Becdelièvre apporte, en Pièce jointe, une salle d'examen et un poète contemporain : retour sur la programmation de Jacques Roubaud au concours de l'École normale supérieure, et sur le déroulement bousculé de l'épreuve écrite cette année-là.

(...)

par Matthieu Garrigou-Lagrange

Suite et fin en cliquant ci-dessous

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Professeurs non remplacés : "Plus de 40 000 heures de cours" perdues, selon la FCPE qui "envisage" un recours en justice

4 Février 2022 , Rédigé par France Info Publié dans #Education

Professeurs non remplacés : "Plus de 40 000 heures de cours" perdues, selon la FCPE qui "envisage" un recours en justice

Selon la Nageate Belahcen, coprésidente de la FCPE, il s'agit d'absences liées "en majorité" au Covid-19. L'organisation des parents d'élèves veut inciter les parents à déclarer les professeurs absents sur une plateforme sur internet.

"Plus de 40 000 heures de cours" ont été perdues depuis la rentrée de septembre, a affirmé Nageate Belahcen, coprésidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), vendredi 4 février sur franceinfo. Ce décompte correspond aux déclarations des parents d'élèves sur le site Ouyapacours.fcpe.asso.fr mis en place par la FCPE pour recenser le nombre de cours non assurés depuis le début de l'année scolaire. "On devrait être à beaucoup plus en réalité, sur le terrain, puisque tous les parents ne font pas de déclaratif", a précisé Nageate Belahcen. Il s'agit, selon elle, d'absences liées "en majorité" au Covid-19, cas contact ou cas positif.

La FCPE veut inciter les parents à déclarer les professeurs absents sur cette plateforme afin de faire pression sur le ministère de l'Éducation nationale. "On demande au ministère d'augmenter le vivier de professeurs remplaçants parce qu'aujourd'hui il y a un vrai déficit, c'est très récurrent", poursuit la coprésidente de la fédération.

"Avec la période de Covid, on a vraiment le sentiment d'une explosion du nombre de professeurs qui ne sont pas remplacés. Les moyens qui ont été annoncés ne se voient pas sur le terrain". Nageate Belahcen, coprésidente de la FCPE à france info

"On a des parents en détresse qui ne trouvent pas de solution pour leurs enfants sur le terrain", a déploré Nageate Belahcen. La FCPE les "incite" par ailleurs "à utiliser le kit juridique qui est à leur disposition" sur leur plateforme en ligne et qui permet notamment d'"aller au tribunal administratif pour obtenir un remplacement immédiat, puisque c'est un référé-liberté""On est en train d'envisager sérieusement la possibilité d'aller au tribunal administratif et de faire valoir les droits des élèves à avoir un enseignant en classe", a-t-elle conclu.

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A lire... "La Nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police" - Sébastian Roché

4 Février 2022 , Rédigé par Le Monde Publié dans #Education, #Sociologie, #Jeunesse

Amazon.fr - La nation inachevée: La jeunesse face à l'école et la police -  Roché, Sebastian - Livres

EXTRAITS

« La Nation inachevée » : comment le quotidien des jeunes construit leur citoyenneté

A la lumière de plusieurs enquêtes, le sociologue Sebastian Roché explique dans son livre que le sentiment d’appartenance à la communauté nationale se nourrit davantage des interactions, parfois anodines, avec les représentants de l’Etat que des discours théoriques.

Dans cet ouvrage, aboutissement d’un travail commencé il y a une dizaine d’années, le sociologue Sebastian Roché s’efforce de « prendre au sérieux » la question de la formation du « sens de la nation » chez les jeunes et analyse la façon dont l’Etat s’y prend en vue de réaliser le projet, toujours réaffirmé, d’inclusion de la jeunesse. A la lecture, il apparaît vite que les institutions ne s’y prennent pas de la meilleure façon et que les envolées rhétoriques sur la restauration de l’autorité, confondant légitimité et usage de la force, ne risquent pas d’améliorer la situation : « La réalité de l’inclusion citoyenne, écrit l’auteur, ne se réduit pas aux slogans des leaders des partis politiques ou aux bons mots des éditorialistes. Elle répond à des conditions précises qui ne s’alignent pas sur les simplifications ambiantes. »

La thèse principale développée dans cet essai est que le sentiment d’appartenance à la nation ne repose ni sur l’exposé abstrait de la loi ni sur la contrainte, mais sur un attachement subjectif et une adhésion volontaire, issus dans les deux cas de l’expérience concrète des individus. Cette expérience se construit au quotidien dans la relation sensible avec les « agents de première ligne » de l’Etat que sont les enseignants et les policiers. Sebastian Roché place la focale sur l’adolescence et étaye son propos en s’appuyant, outre la littérature nationale et internationale, sur l’analyse des données de deux enquêtes massives : Polis, menée entre 2010 et 2012 auprès de 22 000 collégiens et lycéens en France et en Allemagne et l’étude UPYC qui, en 2015, a touché 18 000 collégiens de plusieurs pays (dont 10 000 en France). La taille de ces échantillons permet de passer la question de l’adhésion à la nation au crible de l’appartenance à différents groupes sociaux et ethnico-religieux.

L’affirmation d’un « cosmopolitisme »

Ainsi, chez les enfants d’un père né en Afrique du Nord, seuls 12 % se définissent comme « totalement » français, 23 % se sentent « plutôt » français et 45 % se disent « partagés », ce qui ne signifie nullement une hostilité. Chez ceux dont le père a la nationalité française, ces chiffres sont respectivement de 49 %, 29 % et 17 %. Les proportions sont différentes mais montrent une tendance commune : les jeunes se retrouvent de moins en moins dans le modèle standard d’une allégeance nationale unique. Un « cosmopolitisme des classes d’âge les plus récentes » est en train de s’affirmer, commente Sebastian Roché. Dans ces conditions, « assimiler toute demande de particularité culturelle à du séparatisme » revient à une négation des positions intermédiaires.

(...)

C’est à chaque contact avec les agents de l’Etat, enseignants ou policiers, que se « dessinent des lignes d’inclusion ou d’exclusion », avance le sociologue. Autant d’interactions « qui pourraient sembler, à distance, insignifiantes, mais qui sont la chair des relations sociales ».

Luc Cédelle

« La Nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police », de Sebastian Roché, Grasset, 400 pages, 22,50 euros.

Extrait du livre

La prééminence du cadre politique des États-nations s’est imposée à travers l’Histoire. Il a façonné le sentiment d’une identité collective nouvelle, il est devenu le cadre de la lutte pour la reconnaissance des droits. Cette appartenance nationale est ancrée dans divers mécanismes culturels, dont l’école est le plus visible, de solidarité par l’État-providence, et d’inclusion politique par le droit de vote, le rôle des partis et syndicats. L’État est le cadre des conflits. Le Front populaire et les grandes grèves de mai et juin 36, l’idéal humaniste de la Libération, le mouvement de Mai 68 ont transformé des conflits en droits et en acquis sociaux, en protection sociale et congés payés. Tel était tout au moins le schéma classique de compréhension de l’inclusion nationale. Aujourd’hui, cette identité est, à en croire certains responsables politiques, menacée par le fait d’agiter des drapeaux étrangers lors d’un mariage, de porter un voile ou de ne pas manger de viande de porc à la cantine. Comment expliquer une telle sensibilité identitaire ? La question plus profonde qui taraude la société française est de savoir si l’État peut continuer à fabriquer la nation. Mais qu’est-ce que recouvre l’inscription dans le collectif de la nation au juste ? C’est le point de départ de notre travail.

 

Repartons des analyses du sociologue Max Weber pour qui « le concept de nation nous renvoie constamment à la relation avec la puissance politique1 ». C’est élémentaire, mais essentiel. Dans ce livre, nous saisirons la nation dans cette connexion des individus à deux collectifs nationaux : « se sentir français », un attachement au pays, d’une part, et désirer avoir « la nationalité française » qui fait écho à l’inscription explicite dans le cadre légal défini par l’État, d’autre part. Ensuite, ajoute Weber, « la nation est le projet de l’État », ce qui le transcende. C’est la réciproque de la première relation. Le concept d’État renvoie constamment à la nation, pourrait-on écrire en symétrisant son propos. En permanence, l’État veut à la fois façonner et exprimer la nation. C’est pourquoi nous appréhenderons la question de la nation non pas uniquement sous l’angle des deux collectifs cités, mais aussi sous celui de la relation aux normes et principes du régime (le vote, la laïcité) ou à la figure de l’État (le président). Le projet national de l’État n’a rien de dissimulé, au contraire, et les exemples abondent pour l’illustrer. Le président Nicolas Sarkozy, défait au second tour de l’élection présidentielle de mai 2012, conclut son discours d’adieu : « Vous êtes la France éternelle, je vous aime, merci, merci. » Le président Emmanuel Macron explique le sens du sacrifice du colonel de gendarmerie à Trèbes en mars 2018 : « Il dit comme aucun autre ce qu’est la France, ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être et qu’elle ne cessera jamais d’être tant que des femmes et des hommes décideront de la servir avec le courage, le sens de l’honneur, l’amour de la patrie que vous avez démontrés. » Le culte des morts et la promesse d’immortalité illustrent l’affinité du culte de la nation avec celui de la religion. Un candidat écologiste explique, un peu moins d’un an avant l’échéance, ses intentions pour 2022 : « Je suis candidat à l’élection présidentielle. Parce que j’aime la France et que je veux la servir. » Anne Hidalgo se lance dans la campagne avec son livre Une femme française. Le représentant de l’État célèbre la nation. La nation est un être collectif à caractère surnaturel, immortel, que tout chef de gouvernement ou tout aspirant à la fonction doit honorer.

Les hommes politiques peuvent défier ou mépriser les Français. Plusieurs épisodes récents sont dans toutes les mémoires. C’est Macron qui lance, bravache, « venez me chercher », ou, condescendant, « je traverse la rue et je vous trouve un travail ». Mais jamais la nation ne souffrirait un tel mépris dans leur bouche. La nation française, mise en mots par ceux qui la dirigent ou en ont l’intention, oblige à l’amour et au désintéressement, aucun sacrifice n’est trop grand pour la servir. Elle est une forme symbolique supérieure. La nation s’incarne dans les dirigeants qui, à leur tour, la célèbrent, dans une boucle sans fin. Cette forme s’impose à eux. Ces échanges symboliques ne sont pas une façade, ils sont la manifestation la plus directe de l’existence de cadres mentaux collectifs, l’aboutissement de la construction d’une relation entre le pouvoir et le peuple.

 

L’État moderne fonde sa légitimité sur la nation. La nation est le nom du peuple politique. L’idée que le pouvoir procède de la nation a été conceptualisée lors de la Révolution, mais lui est antérieure. L’historien David Bell explique comment Louis XVI, sous la pression d’un mécontentement croissant, avait commencé à invoquer le concept de nation comme une source de sa légitimité2, et prétendait « je ne fais qu’un avec la nation », être indissociable de l’idée de nation. Le 17 juin 1789, les députés du tiers état, réunis à Versailles par le roi, se constituent d’eux-mêmes, sur la motion de l’abbé Sieyès, le grand penseur de la souveraineté en cette période, en « Assemblée nationale ». Unilatéralement, elle retire au roi la possibilité d’incarner la nation. Considérant qu’ils représentent « les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation », sans le clergé ou la noblesse, les députés du tiers état s’approprient la nation. L’assemblée est légitime parce que le peuple se retrouve dans le projet qu’elle incarne. Deux propositions essentielles sont résumées ici : l’État trouve son sens dans la nation, et la nation existe si le peuple s’y reconnaît. Avec l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui veut que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation », nous avons une définition de ce qu’est une nation politique : un principe de souveraineté, et la manifestation de la « volonté générale ». Mais, pour que la nation ne soit pas qu’un principe juridique, il faut absolument qu’elle existe dans le cœur des citoyens, qu’ils développent une identité nationale vécue subjectivement, c’est-à-dire émotionnellement, dans leur esprit et dans leur chair.

 

Pourtant, la nation comme identité n’attire les sciences sociales que depuis peu. L’historienne Anne-Marie Thiesse rappelle que l’expression « identité nationale » n’existait pas en France avant les années 1980 et qu’on a commencé à s’y intéresser avec l’émergence de la question de l’identité sociale des groupes humains, que ce soit sous l’influence des psychologues sociaux comme Henri Tajfel ou de sociologues comme Erving Goffman3. Cela ne veut pas dire que le sentiment national n’existait pas avant, et n’a pas une histoire. Il remonte à l’affirmation au XIXe siècle d’États qui défendent la promotion d’une culture comme moyen d’unifier la nation, au point que la nationalisation des identités est un des phénomènes politiques les plus marquants et les plus partagés des deux siècles qui se sont écoulés. La culture politique devient d’abord et avant tout nationale. C’est cet aspect identitaire qui nous intéresse ici : comment l’attachement national se réalise-t-il ? Et particulièrement chez les jeunes ?

 

Explorer par voie d’enquête le rapport des jeunes à la nation ne dispense pas d’une mise en perspective conceptuelle. Je dirais même plus, la multiplication des petits sondages qui produisent des pourcentages sur une base quotidienne, mais sans vouloir s’ancrer dans les notions qui nous servent à comprendre la nation et la démocratie, est plus trompeuse qu’autre chose. Penser la figure de la nation dans les démocraties suppose de mobiliser et définir trois concepts : la nation, l’État, le « peuple d’État ».

 

« La Nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police », de Sebastian Roché, Grasset, 400 pages, 22,50 euros.

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Claude Lelièvre : L'école républicaine ou l'histoire manipulée

4 Février 2022 , Rédigé par Le Cafe Pedagogique Publié dans #Education, #Histoire, #Politique

L'école républicaine ou l'histoire manipulée -... de Claude Lelièvre -  Livre - Decitre

EXTRAITS

Puisque JM Blanquer se présente en vrai républicain, construit-il une école républicaine ? Grand connaisseur de l'histoire de l'Ecole, et spécialement de ses pères fondateurs, l'historien Claude Lelièvre publie un ouvrage (L'école républicaine ou l'histoire manipulée, Le bord de l'eau éditeur) qui passe au crible républicain les grandes réformes de JM Blanquer. Il montre à quel point le débat sur l'école est manipulé par les réactionnaires qui construisent un autre projet d'école, très éloigné de l'école de Jules Ferry. Les mots "République" et "républicains" sont dévoyés pour justifier des réformes qui construisent un autre projet de société. Claude Lelièvre nous en donne des exemples.

"Lorsqu'au nom des lumières on enseigne l'anathème et l'ignorance, la démocratie est en danger. Nous en sommes là". Ces lignes ouvrent votre livre. C'est un ouvrage d'historien ou de militant

C'est un livre d'historien au sens où tout ce qui est évoqué est le résultat d'un travail d'historien. Mais c'est un historien engagé par son travail d'historien. Je trouve dangereux que certaines notions et valeurs soient détournées dans une semi obscurité plus ou moins délibérée qui empêche de discuter de façon approfondie de ce qui s'est passé et de ce qui pourrait se passer car le langage est brouillé. C'est un travail d'historien engagé car l'histoire est détournée sans scrupule. Dans la mesure où je connais certains points c'est de mon devoir d'intervenir. et je le fais en citant mes références, ce qui n'est pas le cas des pamphlets. On est dans une période dangereuse. Il faut que cela cesse et qu'on reparte sur des bases claires et saines. Ce sera un long travail. Il faut commencer tôt.

Tout au long du livre, vous reprenez des réformes de JM Blanquer. Un de ses mantras c'est les fondamentaux : lire, écrire, compter. Avec cela il se présente comme le continuateur de Jules Ferry. Il a raison ?

Il a tort. Il ne peut avancer cela que parce que le public ne connait pas cette histoire. Pour J Ferry, lire, écrire, compter ne vient pas en premier mais en second rang. Pour lui c'est l'instruction civique qui vient en premier. L'objectif premier de l'école c'est de faire des républicains. D'ailleurs J Ferry disait que son école républicaine se distingue de l'ancien régime car elle doit aller bien au delà des rudiments.

(...)

Pour vous, JM Blanquer est-il républicain ?

Au sens fort du terme je ne le pense pas. Il semble préférer le pouvoir personnel. Je ne dis pas que c'est un royaliste ou un tyran. Mais il est dans l'idée du pouvoir personnel et du bonapartisme. Et cela renvoie à la constitution de la Vème République qui n'est pas en continuité avec les constitutions des républiques précédentes et qui est bonapartiste. Même si dans les programmes des candidats à la présidentielle il y a des aspects collectifs, celui qui se présente est toujours montré comme un garant personnel d'un programme. Cela renforce l'idéologie du pouvoir personnel. Il faudrait faire encore un effort pour être républicain...

On voit bien aussi que notre école éduque à la citoyenneté surtout par des cours et des discours et peu par des actes. Eduquer à la citoyenneté en actes faisait partie du plan Langevin Wallon. Cela n'a pas été mis en oeuvre. Et aujourd'hui on le paye.

Propos recueillis par François Jarraud

Claude Lelièvre, L’École républicaine ou l’histoire manipulée. Une dérive réactionnaire. Le bord de l'eau, ISBN 9782356878373, 14€

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Covid-19 et absences à l'école : parents et professeurs s'inquiètent du niveau actuel des élèves

4 Février 2022 , Rédigé par France Info Publié dans #Education

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Avant les vacances scolaires de février, certains pointent de graves retards sur les programmes. Le Covid-19 a entraîné de multiples absences, du côté des enfants comme des enseignants.

Depuis deux semaines, la fille de Caroline, élève de 6e à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, est absente, malade plusieurs jours avant d'avoir été testée positive au Covid-19. Mais pendant tout ce temps, elle n'a eu aucune nouvelle de ses professeurs. "Je ne recevais pas de travail de mes enseignants", raconte la jeune fille, malgré les demandes répétées de sa maman auprès du collège.

Caroline est assez soucieuse que sa fille manque autant de cours, d'autant que son absence s'ajoute à celle de plusieurs professeurs, depuis la rentrée, eux-mêmes malades ou devant garder leurs propres enfants. "Je suis inquiète du décrochage scolaire, confie-t-elle. Il y a eu cette rupture déjà avec le Covid les années précédentes. il y a du retard des élèves, ça se cumule tout ça. Et au final, ce sont des périodes sans travail qui sont longues."

"On a fait garderie"

Selon la Fédération des conseils de parents d'élèves, qui comptabilise sur son site participatif les absences des professeurs, près de 40 000 heures perdues, rien qu'à cause des non-remplacements. De son côté, le dernier bilan du ministère de l'Education nationale, vendredi 28 janvier, fait état de 21 000 classes fermées à cause de l'épidémie, 572 000 enfants et 35 000 professeurs contaminés.

Les familles regrettent ces emplois du temps à trous. Mais elles ne sont pas les seules : les professeurs aussi. Ces dernières semaines, Gaëlle Chable, enseignante dans une école de Troyes et représentante du syndicat Snuipp dans l'Aube, a souvent fonctionné avec seulement la moitié de ses élèves présents. "À un certain moment, on a fait garderie", raconte-t-elle.

"C'était très, très décousu. Nous, ces cinq semaines-là, on a l'impression de les avoir perdues sur l'année." Gaëlle Chable, enseignante à Troyes à france info

"Quand il manque la moitié de la classe, on se demande si on peut faire un nouvel apprentissage, si on peut le faire le lendemain, attendre que tout le monde soit revenu, poursuit-elle. Et puis on n'a pas eu les mêmes élèves en face de nous toute la période." Gaëlle Chable craint des conséquences sur l'ensemble de l'année scolaire.

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