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Vivement l'Ecole!

Elvis Presley...

31 Mai 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique

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Coup de coeur... Raymond Queneau...

31 Mai 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

Le chien du notaire est un caniche blanc, répondant au nom de Jupiter. L'intelligence de Jupiter est grande; si son maître avait eu le temps, il lui aurait appris l'arithmétique, peut-être même les éléments de la logique formelle, sophisme compris. Mais ses occupations l'ont obligé à négliger l'instruction de Jupiter qui ne sait que dire ouah ouah de temps à autre et s'asseoir sur le derrière pour obtenir un bout de sucre. Cependant, si l'on peut douter de l'étendue de ses connaissances, on ne peut qu'admirer le soin qu'il prend de sa personne. Car pour le chic, il ne se refuse rien. Tondu à la lion, il fait la belle patte dans un rayon de quinze mètres autour de la maison notariale. Plus loin, d'énormes bêtes, jalouses de son élégance, le menacent de leurs crocs vulgaires et mal élevés.

Raymond Queneau - Le chiendent

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Les linguistes atterrées : repenser les débats sur le français

31 Mai 2023 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education, #Langage, #Linguistique

Tracts (N°49) - Le français va très bien, merci - Tracts

Contre l'accumulation de déclarations catastrophistes sur l'état de la langue française, un collectif de linguistes prend la parole. Non, le français n’est ni réglementé par l’Académie française, ni "envahi" par l’anglais. Ils formulent 30 propositions pour sortir de ces débats.

"Nous sommes atterrés par les erreurs et la désinformation des puristes qui s'appuient sur un état fantasmé du passé pour prôner une détestation des usages actuels, déclare Maria Candea, professeure de sociolinguistique et linguistique française. Cette mythologie mélange de véritables problèmes d'accès aux compétences en rédaction avec la diffusion d'une peur paralysante des fautes, et finit par créer une culpabilité et une insécurité par rapport à sa propre langue et un dégoût de la grammaire présentée comme un labyrinthe monstrueux."

Dans cette tribune, elle porte la voix d'un collectif de spécialistes de syntaxe sémantique pragmatique, histoire de la langue, histoire de l'orthographe, grammaire, analyse des discours sociolinguistiques, sociophonétiques et stylistiques… réunis pour l'écriture d'un essai : Le français va très bien, merci (Tracts, Gallimard).

Pour contrer les idées reçues sur l'état de la langue française et sortir des débats stériles sur son déclin, le collectif formule trente mesures concernant l'orthographe, l'enseignement du français, les langues régionales, l'écriture numérique ou encore le genre. Parmi ces propositions : favoriser l'éducation aux variétés de français et enseigner l'histoire de la langue ; créer un véritable collège des francophones pour remplacer l'Académie française ; appliquer les rectifications orthographiques de 1990 et autoriser les correcteurs automatiques aux examens, etc.

"Notre tract dénonce les impostures trop souvent présentes dans les discours médiatiques sur la langue et veut mettre à disposition du public le plus large possible des connaissances et des constats qui constituent la base de nos disciplines universitaires. (...) Nous vous invitons à nous rejoindre et à porter un regard mieux informé sur le français actuel.Maria Candea

Le français va très bienmerci a été rédigé par :

Anne Abeillé, Julie Auger, Christophe Benzitoun, Heather Burnett, Maria Candea, Françoise Gadet, Médéric Gasquet-Cyrus, Antoine Gautier, Arnaud Hoedt, Jean-Marie Klinkenberg, Michel Launey, Julie Neveux, Rachel Panckhurst, Jérôme Piron, RF Monté, Corinne Rossari, Gilles Siouffi et Laélia Véron.

Le site du collectif : Tract des linguistes

À lire aussi : Tracts, le podcast

Une production France Culture, en partenariat avec les éditions Gallimard

Retrouvez tous les Tracts Gallimard ici.

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Lycée : surmonter les clichés sur la voie professionnelle

31 Mai 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Lycee pro

https://www.leparisien.fr/resizer/XFbYen6AmWQiBZoWz0VmIWvBasA=/932x582/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/leparisien/LCK6M7ATRVGVRMSUA7JFK4YPVU.jpg

Lycée : surmonter les clichés sur la voie professionnelle
Xavier Sido, Université de Lille

La dernière réforme de la voie professionnelle a été présentée jeudi 4 mai 2023 par le président Macron. Le dossier de presse qui accompagne ces annonces met en avant la nécessité de rendre la filière attractive et d’en faire une voie de réussite et d’excellence. En filigrane, il dresse ainsi le portrait d’un élève en manque de réussite subissant une orientation par défaut et enclin au décrochage.

Ces discours et ces propositions et mesures s’inscrivent dans une longue tradition d’actions en faveur de la revalorisation de la filière professionnelle, mises en œuvre depuis plus de 50 ans.

Rien d’étonnant ici à ce que dans nous retrouvions les habituels lieux communs, faisant du lycée professionnel (LP) un lieu accueillant avant tout des élèves en rupture avec l’école, ou avec certaines disciplines comme les mathématiques.

Mais les jeunes inscrits dans cette filière ont-ils un rapport aux savoirs si différent de celui qu'affichent leurs camarades préparant un baccalauréat général ?

Un rapport pratique aux savoirs ?

Perçue comme un facteur important dans l’échec scolaire de ces élèves, la question du sens qu’ils donnent au fait d’aller à l’école et d’y apprendre des choses nouvelles est centrale dans les réflexions sur la mise en œuvre des formations. Forts du contexte social dans lequel ils évoluent et de leur passé scolaire, les élèves de lycée professionnel ont développé essentiellement un rapport pratique aux savoirs. C’est-à-dire qu’ils mesurent en quelque sorte l’intérêt aux activités proposées et la légitimité des connaissances enseignées à l’aune de leur utilité et de leur caractère pratique.

Ils valoriseraient ainsi fortement l’apprentissage empirique et les savoirs professionnels permettant une action directe sur la réalité, tandis qu’ils rejetteraient la théorie et les savoirs décontextualisés. Cette entrée sociologique dessine une image du public reprise comme soubassement réflexif dans des rapports institutionnels (CNESCO, IGEN) ou des recherches portant notamment sur la mise en œuvre de l’enseignement de mathématiques.

Pour les acteurs éducatifs, l’affaire est entendue pour ainsi dire. Et c’est principalement pour raccrocher ces élèves à l’école que les dernières réformes ont mis en avant les finalités pratiques de la formation à travers la pédagogie de projet ou des dispositifs comme le chef-d’œuvre ou le co-enseignement. Objectif affiché : les aider à retrouver le sens et le goût des études.

La représentation que les acteurs éducatifs se font des élèves est décisive dans la définition des modalités d’enseignement des disciplines générales dans la filière professionnelle. Toutefois, cette focalisation sur la facette sociale des élèves interroge. Pour construire leur cours les enseignants essayent-ils de s’en détacher ? Ou cette facette sociale est-elle considérée en quelque sorte comme un caractère indiscutable de ce public, « être mauvais en mathématiques » faisant partie de la nature des élèves ?

En effet, si ces résultats sont massifs, ils ne sont pas absolus. D’abord, la filière professionnelle n’a rien de monolithique et se décline en de multiples spécialités, dialoguant avec des bassins d’emplois ayant tous leurs particularités et tenant compte des conditions locales de recrutement. Ensuite, si la forme de rapport au savoir indiquée précédemment est majoritaire chez les élèves de cette voie, elle n’est « ni unilatérale, ni fixée dans le temps ».

Une voie professionnelle prisée puis dévalorisée

Au-delà de cette nécessaire prudence, c’est l’image même de l’élève de lycée professionnel mobilisée dans les discours qui est à interroger. A la fois de discipline « outil » et matière désintéressée, souvent juge de paix dans les décisions d’orientation, l’enseignement des mathématiques est un prisme intéressant pour questionner ces représentations.

Quel enseignement de mathématiques mener pour des élèves « en difficulté » et même « incapables d’abstraction », « qui ne peuvent pas apprendre », « en rupture avec les mathématiques » et l’école en général, « les moins doués », « des éclopés du système des enseignements classiques », qui sont uniquement intéressés par le métier, « des visuels », des manuels plus que des intellectuels, des élèves difficiles, qui ont besoin de restaurer une image positive d’eux-mêmes, et qui doivent être réconciliés avec l’école ?

Les termes repris ici agrègent un ensemble de propos tenus par des acteurs éducatifs (inspecteurs, enseignants, etc.) depuis 1945, date de la création de la filière professionnelle scolarisée et montrent que cette question n’est pas nouvelle. Mais sous l’apparente similitude des termes, se cachent en vérité de multiples glissements de la façon dont les élèves sont appréhendés.

Dans la période d’après-guerre, marquée par une pénurie de main-d’œuvre, la filière professionnelle est une voie désirée. Si certains enseignants mettent en avant les difficultés en mathématiques des élèves qui l’intègrent, c’est principalement en plein, dans leurs qualités, dans ce qu’ils ont de plus que les élèves des autres filières que les acteurs éducatifs les évoquent. Ils opposent le goût pour l’action et la matérialité des choses de ce futur professionnel, préparé au monde moderne et apte à travailler au bachelier, mathématicien ou latiniste, enclin à la spéculation intellectuelle, mais qui ne sait rien faire. Fort de ces spécificités l’enseignement des mathématiques est alors pensé dans une perspective de formation complète de « l’Homme, du travailleur et du citoyen », associant apprentissage de savoir-faire, formation de l’esprit et ouverture sur le monde.

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À la fin des années 1960, s’engage un processus de dévalorisation de la voie professionnelle vers laquelle sont orientés les élèves ne disposant de résultats suffisants pour poursuivre en filière générale. La réforme des mathématiques modernes qui s’opère à cette époque dans l’ensemble du système éducatif place la théorie au cœur des apprentissages. L’élève du professionnel est pensé désormais en creux. Un élève comme les autres qui se démarque par ce qu’il n’a pas, une aptitude à apprendre des mathématiques abstraites.

Se « réconcilier » avec les disciplines générales ?

Bien vite, à cette image d’un sujet disciplinaire en difficulté va être substituée durant les années 1980, celle d’un sujet scolaire appréhendé sous sa facette sociale, en rupture avec la discipline, voire avec l’école. Ce deuxième glissement de sens contribue à vider de sa substance le discours pédagogique mis en place au moment de la réforme des mathématiques modernes. L’enjeu est moins d’aider les élèves à surmonter leurs difficultés en mathématiques que de les réconcilier avec la discipline, et de façon plus globale, l’enseignement général ou l’école avec lesquels ils semblent être en rupture.

Il s’agit de rompre avec les méthodes du collège en mettant notamment en avant des projets interdisciplinaires, en limitant les évaluations, en mettant l’accent sur la facette utilitaire de l’enseignement, minorant alors l’appel à la réflexion. Ce qui pose la question de l’abandon d’une vigilance didactique sur les contenus au profit du maintien d’une certaine paix scolaire et de la baisse des exigences d’enseignement.

Mais ces représentations contrastent avec ce que les élèves associent comme émotion, sentiment, vécu à l’enseignement des mathématiques. En fait, de façon générale, ce qui structure leur vécu disciplinaire, positif ou négatif, est moins une opposition entre des aspects pratiques ou théoriques des enseignements que leur participation à la réalisation d’un projet personnel ou professionnel qui leur tient à cœur. En cela ils ne diffèrent pas vraiment de leurs camarades de la filière générale.The Conversation

Xavier Sido, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université de Lille

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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L’éducation sexuelle des enfants d’internet

31 Mai 2023 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education

Education sexuelle, un devoir pour l'Education nationale - Parle-moi d'amour

 

 

 

 

 

 

Une série documentaire sous forme de journal de bord d’une année d’expérimentation en Charente auprès des "enfants d’internet et de la culture porn", mêlant témoignages d’ados et paroles d’adultes dépassés.

 

En savoir plus

Ils se reconnaissent comme « largués », « vieux », « dépassés ». Ces adultes sont démunis face à un univers numérique et une culture adolescente qu’ils ne maîtrisent pas.Je leur ai posé la question "A quel âge vous avez vu pour la première fois des images pornographiques ?" Unanimement, c'était 9-10 ans. OvidieLa pornographie sur le public de collégiens de 13/14 ans, certains professeurs pensaient que ça ne les concernait pas ! Caroline Vézigné

Au printemps 2018, ce sont pourtant ces adultes-là qui me contactent pour développer en Charente une expérimentation de prévention de deux ans autour des sexualités, du sexisme et du numérique. 

"Avant cette année scolaire, j'étais persuadée qu'on ne pouvait pas, parce que la diffusion de la pornographie était tellement interdit, y accéder. Donc oui, ça illustre bien le décalage". Pascale Lahaye 

"Au moins trois séances d'éducation à la vie affective et sexuelle, depuis le début de la scolarité jusqu'au bac, c'est un strict minimum, si on veut avancer sur des sujets qui, ensuite, vont se répercuter de manière plus large dans la société. Parce que les questions de sexisme, de harcèlement, de violences conjugales, toutes ces choses-là, sont nourries par ça."  Diane Saint Réquier

Mais si ce premier épisode ne comporte pas encore de témoignages d’adolescents, c’est parce qu’il me faudra affronter une année entière de réticences et blocages avant de rencontrer ma première classe d’ados. 

« Le porno, c'est pas la réalité » Déjà, je trouve que c'est un peu prendre les jeunes pour des idiots. Ils savent qu'ils sont en train de regarder un film. Diane Saint Réquier

Et ces difficultés rencontrées sont révélatrices de l’échec d’une éducation sexuelle à la française dont la légitimité fait débat depuis le début des années 70 et que les institutions craignent encore d’imposer en milieu scolaire. 

"La difficulté, c’est surtout les adultes et pas tant les jeunes, parce qu'ils en parlent assez facilement de leurs habitudes numériques. Ça fait partie de leur vie, en fait. C'est là où se passe pas mal de leurs interactions, c'est là que se fait la consommation de médias".  Diane Saint Réquier

Avec :

  • Xavier Czerwinski, DATAR Nouvelle Aquitaine, ancien sous-préfet de la Charente
  • Béatrice Lehoux, conseillère technique service des élèves à la direction académique
  • Marie-Noëlle Chaban, sexologue pour le CIDFF de la Charente
  • Caroline Vézigné, infirmière scolaire
  • Nathalie Hugonnenc, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Égalité
  • Diane Saint Réquier, intervenante de terrain et fondatrice de Sexy Soucis
  • Pascale Lahaye, principale du collège Jules Michelet d’Angoulême
  • Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique (OPEN)

Un documentaire de Ovidie, réalisé par Nathalie Battus

Liens

Etude de l’institut Open et de l’Ifop sur les ados et le porno (2017)

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Patrick Boucheron : «J’observe un climat anti-intellectuels qui m’inquiète»

30 Mai 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education, #Societe

Entre Emmanuel Macron et les intellectuels de gauche, l'histoire d'une  désillusion

Dessin d'Aurel pour Le Monde en date du 20 avril 2023

L’historien, dont l’émission sur France Inter ne sera pas reconduite l’année prochaine, s’émeut du manque de considération pour la parole universitaire dans le débat public, alors qu’elle devient de plus en plus nécessaire.

Après l’été, ce n’est pas à la Maison de la radio que l’historien Patrick Boucheron fera sa rentrée. Producteur depuis deux saisons d’Histoire de chaque dimanche, le professeur au Collège de France, spécialiste de l’Italie médiévale, s’est vu notifier par la direction de France Inter – par lettre et une brève entrevue – la fin de son émission. Cette nouvelle intervient alors que d’autres animateurs doivent quitter la chaîne en fin de saison, comme Jean Lebrun, autre producteur d’émissions d’histoire, ou Laure Adler, productrice de l’Heure bleue. Signes de l’émoi suscité, des messages d’incompréhension et de soutien adressés par de nombreux auditeurs à la médiatrice de Radio France, ou encore un tweet de l’historienne Ludivine Bantigny, intervenante régulière de l’émission, «s’étonnant» de l’annonce a été lu 1,3 million de fois.

Pour l’auteur de Conjurer la peur et cosignataire de l’Histoire mondiale de la France (Seuil, 2013 et 2017) cette décision, justifiée pour des raisons budgétaires, envoie un mauvais signal à l’ensemble des historiens – et au-delà, à la communauté universitaire. Car montrer que l’histoire n’est pas une vérité univoque et mettre les discours à l’épreuve des faits sont des missions de service public plus que jamais nécessaires, estime-t-il, dans une ambiance sociale et politique propice aux falsifications du passé et du réel.

Comment avez-vous reçu l’annonce de la fin de votre émission ?

J’ai été surpris par l’absence de justifications éditoriales. L’émission avait été installée en septembre 2021 sur des critères politiques, comme une réponse à la dégradation du débat public, à l’approche d’une élection où l’histoire risquait d’être instrumentalisée. Ses raisons sont-elles moins impérieuses aujourd’hui ? Et les «raisons budgétaires» invoquées ne sont pas sérieuses : difficile de produire une émission moins chère, puisqu’elle consistait à inviter gratuitement des universitaires. Quant au ton et à la teneur de l’entretien qu’Adèle Van Reeth a livré au Monde, ils ne nous aident pas à ne pas y voir un signe politique. Lorsqu’elle affirme que «France Inter n’est ni de droite ni de gauche !», qui cherche-t-elle à convaincre ?

Adèle Van Reeth s’est justifiée en affirmant que l’histoire n’a pas disparu de l’antenne, car d’autres émissions lui sont consacrées…

Il y a une différence de nature entre l’approche d’un journaliste et celle d’un historien. Les podcasts de Philippe Collin sont très bien faits, quant à Stéphanie Duncan ou à Fabrice Drouelle [tous trois cités dans l’interview d’Adèle Van Reeth au Monde, ndlr], ils seront sans doute étonnés d’apprendre qu’ils font des émissions d’histoire. Pendant longtemps on a opposé l’art du récit à la pensée critique. Le premier tient au talent narratif et oratoire de journalistes, de conteurs ou d’écrivains qui entraînent avec eux le public, quitte à ce que d’autres, moins vifs mais plus scrupuleux, les corrigent par un travail de fact-checking.

Pourquoi cantonner les historiens à ce rôle si peu flatteur ? L’histoire n’est pas une vérité absolue, et sa fabrique doit être racontée par ceux qui la produisent. Ce n’est pas révolutionnaire mais c’est de plus en plus nécessaire : ce qu’il y a de mensonger dans cette illusion lyrique d’une histoire qui coule de source, c’est qu’elle exalte toujours des continuités et des identités. C’est ainsi que la région Auvergne-Rhône-Alpes veut nous raconter à Gergovie «nos ancêtres les Gaulois» dans un méga-musée dont l’argumentaire, purement idéologique, méprise tranquillement toutes les avancées de la recherche historique.

Quelle vision de l’histoire avez-vous tenté de porter sur l’antenne ?

D’abord, une vision collective, en organisant des débats engagés mais argumentés tout en racontant simplement l’histoire. Les historiens sont armés et suffisamment ouverts pour s’adresser directement au public. L’histoire n’appartient pas aux historiens. Je n’ai jamais voulu en défendre le pré carré mais au contraire l’ouvrir à tout ce qui la déborde, et notamment la diversité des usages sociaux de l’histoire. C’est pourquoi nous invitions aussi des dessinateurs de BD, des cinéastes, des metteurs en scène, tous ceux qui rendent le passé vivant et vibrant.

Nous traitions de sujets parfois pointus – la mondialisation par le prisme de l’histoire des Mongols, ou populaires – la série Kaamelott, avec Alexandre Astier. On peut montrer l’histoire en train de se faire sans tomber dans l’entre-soi d’une historiographie jugée ennuyeuse. L’histoire est toujours une enquête, et c’est ce qui la rend captivante – les gens s’intéressent plus aux égyptologues qu’aux pharaons !

A quelle distance de l’actualité un historien doit-il se situer ?

Quand j’accepte de participer à des émissions d’actualité, j‘essaie de ne pas commenter les événements comme un éditorialiste mais en restant fidèle à la définition foucaldienne de l’intellectuel spécifique : quelqu’un qui parle à partir de son travail, sans s’enivrer de son propre pouvoir de dire. Quand je parle du rapport entre Macron et Machiavel, je ne fais pas de la radio une tribune pour y clamer mes opinions.

Dans une émission, les opportunités pour évoquer l’actualité au prisme du passé sont multiples : commémorations, controverses… Parfois, la concordance des temps est évidente – comme au début de la guerre en Ukraine – parfois moins. Quand nous parlons de Démosthène, à l’occasion de la publication de ses discours, nous posons des questions très actuelles : qu’est-ce que la parole politique, l’éloquence parlementaire ? Le parler vrai peut-il faire rempart contre un pouvoir autoritaire ?

Votre conception de l’histoire est finalement assez politique…

Je crois en la capacité qu’a l’histoire d’être une ressource d’intelligibilité pour aujourd’hui. La manière de la transmettre, avec une certaine distance, vaut prise de position, pour résister à l’arrogance du présent. Un exemple : entre 2021 et 2022, le nom d’Eric Zemmour a bourdonné comme un bruit de fond dans le paysage médiatique. Nous n’en n’avons pas parlé pendant trois mois.

Après l’annonce de sa candidature, nous avons invité l’historien Laurent Joly pour parler du rôle de Vichy dans la Shoah. La mise au point était nécessaire car il y a des faits qu’il est de notre devoir de libérer du règne de l’opinion. Et pas seulement les faits : toutes les interprétations ne se valent pas. Si quelqu’un affirme que Pétain a sauvé les Juifs français en livrant les Juifs étrangers, il n’est pas question d’en débattre comme d’une hypothèse mais de combattre un mensonge.

En deux ans, le nom de Zemmour n’a été prononcé qu’une seule fois dans l’émission pour parler de ce qu’il désigne : la falsification de l’histoire. Ce thème est revenu à maintes reprises, lorsque nous évoquions la Turquie contemporaine avec Orhan Pamuk, l’affaire Céline, mais aussi la guerre oubliée en Syrie.

En quoi les historiens peuvent-ils éclairer notre présent ?

L’histoire est une pratique de diagnostic du présent, une manière de faire surgir de nouveaux objets de curiosité en variant l’angle du regard. S’intéresser au passé permet de comprendre en quoi aujourd’hui diffère d’hier, de se demander si ce qu’on nous présente comme événement décisif est si saillant, ou si d’autres mutations plus sourdes ou inattendues ne vont pas plus bouleverser notre quotidien. Réfléchir à ce qui fait événement était d’ailleurs le propos de l’ouvrage Quand l’histoire fait dates (Seuil, 2022). Chacun sent confusément que flotte aujourd’hui, dans l’air, quelque chose d’un peu inquiétant. Et quand le temps se gâte, ce n’est jamais une bonne idée de refermer les espaces d’intelligence collective.

J’observe aujourd’hui un climat anti-intellectuels qui m’inquiète. Il faudrait commencer à s’entendre sur ce qu’est un intellectuel, et sa légitimité à s’exprimer dans l’espace public : l’autorité académique y participe, de même que la capacité à s’adresser au public de manière précise, probe et généreuse. Ce n’est certainement pas le fait de conseiller les gouvernants ni d’exciter la ferveur – ou la détestation – des réseaux sociaux qui vaut accréditation : l’invitation à déjeuner à l’Elysée ne fait pas le sociologue.

Votre analyse s’élargit-elle au-delà du cas des historiens ?

Voyez le traitement médiatique de la réforme des retraites. Combien d’heures des éditorialistes, des intellectuels ou pseudo-philosophes en ont-ils disserté ? Et un jour à la matinale de France Inter, un économiste inconnu du grand public, Michael Zemmour, enseignant-chercheur à l’université de Paris-I, a révélé par son «parler vrai» les approximations – pour parler poliment – de la communication gouvernementale. Paisiblement, un spécialiste fort de son travail et non d’une autorité symbolique qu’il s’imagine détenir, met des discours à l’épreuve des faits. J’y vois une victoire de l’esprit public, signe de l’importance de considérer la parole des chercheurs.

Quel rôle la radio a-t-elle joué dans votre formation intellectuelle ?

Adolescent, j’écoutais surtout la radio de nuit. Ce n’était pas des émissions d’histoire mais un espace de parole vivante, de libre expression, qui ouvrait une fenêtre sur l’époque. On aura beau produire et réaliser des programmes raffinés sur le plan narratif, la radio est d’abord pour moi le calme feutré d’un studio, une parole, une hésitation, un silence. Mes souvenirs ne sont pas liés à un savoir mais relèvent de cette émotion. C’est pourquoi j’observe avec un peu de tristesse la «plateformisation» – intitulé de la politique générale de Radio France – du service public.

L’antenne ne peut pas devenir le marché d’occasion des podcasts. Ou alors soyons cohérents et prenons le parti d’Amazon contre les librairies indépendantes, de Twitter contre les journaux, de son écran contre les salles de théâtre et de cinéma, et faisons advenir un monde où l’on ne peut trouver que ce qu’on cherche, et aimer que ce qu’on sait déjà devoir aimer. Je préfère un monde où l’on se laisse surprendre par une programmation, attirer par quelque chose qui se dit, une émotion qui nous agrippe.

Clémence Mary

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Tinariwen...

30 Mai 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique

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Coup de coeur... Marguerite Duras...

30 Mai 2023 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

Amazon.fr - Dix heures et demie du soir en été - Duras,Marguerite - Livres

Il faut attendre encore. Et tant l’impatience de l’attente grandit qu'elle atteint son comble, et voici, un répit se produit. Une main de Pierre est partout sur ce corps d'autre femme. L’autre main la tien serrée contre lui. C’est chose faite pour toujours.

Il est dix heures et demie du soir. L’été.

Ce doit être la première fois qu'ils s'embrassent. Maria éteint sa cigarette. Elle les voit se détacher de toute leur hauteur sur le ciel en marche. Tandis qu'il l'embrasse, les mains de Pierre sont sur les seins de Claire. Sans doute parlent ils, mais très bas. Ils doivent se dire les premiers mots de l'amour. Ils leurs montent aux lèvres, entre deux baisers, irrépressibles, jaillissants.

Marguerite Duras - Dis heures et demi du soir en été

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Dossier : Ces classiques qui continuent d’inspirer l’école

30 Mai 2023 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education, #Littérature

Les grands classiques de la littérature française

Dossier : Ces classiques qui continuent d’inspirer l’école
Aurélie Djavadi, The Conversation

Leurs noms s’affichent au fronton des établissements et leurs textes résonnent encore dans les classes. Si le cadre scolaire se transforme sous l’impulsion des nouvelles technologies, entre autres, les classiques, de Rousseau à Victor Hugo, ou de La Fontaine à Condorcet, tiennent toujours une bonne place dans la formation des élèves. Un anniversaire comme celui de Molière, largement fêté en 2022, nous rappelle combien certaines œuvres voyagent d’une génération à l’autre. Si leur présentation dans les manuels a varié au fil des époques, comme le souligne la chercheuse Isabelle Calleja-Roque (Université de Grenoble Alpes), les personnages de l’Avare, du Bourgeois Gentilhomme et du Malade Imaginaire font toujours rire les élèves.

Mais l’héritage des classiques n’est pas seulement matière à lecture, à récitations ou à explications de textes. Il est aussi source d’inspiration pour les enseignants et les éducateurs qui veulent repenser la pédagogie. Ceux-ci redécouvrent par exemple la modernité de Condorcet, dans ses invitations à éviter la compétition, que nous rappelle le spécialiste en philosophie de l’éducation Eirick Prairat (Université de Lorraine).

À une époque où l’on parle beaucoup de classe en plein air, la parole de Rousseau, vantant l’expérimentation et la confrontation à la nature, rencontre aussi un nouvel écho, interrogeant nos dépendances aux outils numériques, comme l’explique Mazarine Pingeot (Sciences Po Bordeaux), ou certaines images illusoires de la jeunesse, pointées dans le dernier ouvrage de la philosophe Susan Neiman.

Enfin, dans cette sélection d’analyses des auteurs et autrices de The Conversation, Michel Manson (Université Sorbonne Paris-Nord) relit le célèbre passage des Misérables de Victor Hugo sur la poupée de Cosette pour nous montrer comment la forme même du roman peut renouveler et enrichir nos visions de l’enfance

Pourquoi lit-on autant les « Fables » de La Fontaine à l’école ?

Les Loups et les Brebis, Fables de La Fontaine, illustrations d'Auguste Vimar - (Alfred Mame et fils, 1897) Wikimedia Commons

Dans leur parcours du CP au bac, tous les élèves croisent au moins une fois les héros de La Fontaine au gré d’une récitation ou d’une explication de texte. Comment interpréter une telle postérité ?

Comment l'école a façonné l'image de Molière

Molière et Goudouli, par Édouard Debat-Ponsan, peinture exposée au Capitole de Toulouse. Public domain, via Wikimedia Commons

En quoi le Molière enseigné à nos grands-parents n’est-il plus tout à fait le même que celui qu’on présente aux élèves d’aujourd’hui ? Explications à l’occasion des 400 ans de sa naissance.

Enseigner l’autonomie : les leçons de Rousseau face à notre monde en réseau

À l’heure où les algorithmes gouvernent nos vies sociales et où les technologies font écran au monde, ne faudrait-il pas relire les textes de Rousseau concernant l’apprentissage de l’autonomie ?

Ce que Condorcet a encore à nous dire sur l’éducation

Statue de Condorcet, quai Conti, à Paris. Shutterstock

Retour sur la pensée de Condorcet, homme des Lumières, défenseur de l'égalité d'instruction entre filles et garçons.

La poupée de Cosette : quand Victor Hugo soulignait l'importance du jeu pour les enfants

La poupée de Cosette, huile sur toile par Léon-François Comerre, conservé à la mairie de Trélon (Nord). Léon Comerre/Wikimedia Commons

Pour la fameuse scène de Cosette et de sa poupée dans « Les Misérables », Victor Hugo s’est inspiré de son expérience de père de famille et propose une fine analyse psychologique de l’enfance.

Apprendre à « grandir », un combat à mener avec Susan Neiman

Dans une société hantée par le jeunisme et l’ombre de Peter Pan, la philosophe Susan Neiman invite à combattre la peur de grandir pour passer du monde de l’illusoire à la réalisation de soi.The Conversation

Aurélie Djavadi, Cheffe de rubrique Education, The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Salaires, lycées pro, mixité : les rendez-vous manqués de Pap Ndiaye

29 Mai 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education

Cible ratée : attention dérive imminente – Gestion de projets en  communication

Tour d’horizon des trois dossiers sur lesquels le ministre de l’Education nationale, en poste depuis un an, a beaucoup promis pour un résultat jugé décevant.

Que ce soit sur les salaires des enseignants, la réforme du lycée pro ou la mixité sociale et scolaire, le gouvernement a raté sa communication sur trois grands dossiers de l’éducationPromesses à moitié tenues et moyens insuffisants, son action se fait souvent à contretemps, à l’image de la récente polémique sur la tenue des conseils de classe : vendredi, Pap Ndiaye a ainsi annoncé «une circulaire pour demander que les conseils de classe ne se déroulent pas aussi tôt» afin de lutter contre l’absentéisme au troisième trimestre. Une circulaire jugée bien trop tardive par les syndicats enseignants et surtout inapplicable en l’état, alors que certains conseils de classe ont déjà eu lieu. Tout un symbole.

Salaire des enseignants : peut mieux faire

Alors qu’Emmanuel Macron candidat en 2022 avait promis d’augmenter tous les salaires de 10 %, ils ne seront revalorisés en moyenne que de 5,5 % à la rentrée prochaine. Les milieux et fins de carrière étant bien moins augmentés que les autres. Selon le collectif Nos services publics, ces hausses de primes allant de 95 à 222 euros net par mois (et qui ne comptent pas pour la retraite) ne compenseront pas les pertes de pouvoir d’achat sur un an pour 70 % des enseignants.

Pour gagner plus, ils sont invités à travailler plus dans le cadre d’un pacte, unanimement rejeté par les syndicats. Les professeurs volontaires peuvent remplir plusieurs missions, dont une jugée «ultra-prioritaire» payée 69 euros brut par heure, à hauteur de 18 heures par an. Côté premier degré, cette mission consiste à effectuer une heure par semaine de soutien en français ou en mathématiques aux élèves de sixième. Dans le second degré, il s’agit d’assurer des remplacements de courte durée.

Réforme du lycée professionnel : embrouillamini maximal

Début mai, Emmanuel Macron annonce sa réforme du lycée professionnel. Pour mieux coller aux besoins du marché du travail, 150 nouvelles filières vont ouvrir dès la rentrée (dans le domaine de la transition écologique ou du nucléaire) tandis que 80 autres, essentiellement dans le tertiaire, vont fermer. De quoi provoquer une panique générale chez les professeurs des spécialités concernées.

Le gouvernement n’avait pas prévenu qu’il s’agissait en réalité de fermetures prévues depuis longtemps. Les postes des professeurs concernés ne sont donc pas menacés, dans l’immédiat en tout cas. Car toutes les formations jugées «non insérantes» fermeront bien d’ici 2026.

Un plan mixité à voilure très réduite

Pap Ndiaye a durant des mois fait miroiter un plan pour plus de mixité à l’école, qui n’a finalement rien de révolutionnaire. Côté public, le ministre pose un diagnostic déjà établi en 2015 : c’est aux acteurs de terrain (Etat, collectivités locales, académies…) de trouver la solution la plus adaptée à leur territoire. Et cela en s’appuyant sur une série d’idées listées par le ministère comme l’ouverture de filières d’excellence dans des établissements défavorisés. L’objectif est de réduire la ségrégation sociale des établissements scolaires publics de 20 % d’ici à 2027. Sans savoir comment tout cela sera financé ni mesuré.

Du côté du privé sous contrat, le ministre a signé un protocole d’accord qui fixe des objectifs non contraignants pour l’enseignement catholique, financé à 73 % par les fonds publics. Principal engagement affiché par le privé : doubler son taux d’élèves boursiers d’ici cinq ans à condition que les collectivités locales payent leurs frais de cantine et de transport, comme elles le font pour les élèves du public. Déjà prises à la gorge financièrement, les collectivités répondent par la négative tandis que les établissements privés, largement autonomes, auront tout le loisir de fermer les yeux sur cet accord.

Cécile Bourgneuf

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