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Vivement l'Ecole!

Comment les notes ont-elles pris tant d’importance dans le système scolaire ? - Par Claude Lelièvre

14 Septembre 2022 , Rédigé par The Conversation Publié dans #Education

Comment les notes ont-elles pris tant d’importance dans le système scolaire ?
Au temps du numérique comme au XIXe siècle, les notes restent une base de l'évaluation scolaire. Shutterstock
Claude Lelièvre, Université Paris Cité

Si des pédiatres ont exprimé leur inquiétude par rapport à « l'organisation de la rentrée telle qu'elle se profile » et si des enseignants demandaient un report de la rentrée de quelques jours, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a confirmé jeudi 20 août que les élèves reprendraient comme prévu le chemin de l'école le 1er septembre. Les aménagements nécessaires se feront au niveau local, en fonction des évolutions de la situation sanitaire.

Quoiqu’il en soit, que les élèves étudient dans leur établissement ou soient contraints de suivre une partie des enseignements à distance, il est une dimension qui ne varie pas : leur parcours d’études reste marqué par les bulletins de notes. On l’a vu avec la dernière session du baccalauréat, bouleversée par le confinement. Si les épreuves terminales ont été supprimées, l’évaluation a pris la forme du continu.

Comment les notes se sont-elles imposées dans le système scolaire ? D’où viennent-elles ? On ne parlera pas ici de l’évaluation au sens large, qui a toujours existé aussi bien dans la famille que dans l’école sous des formes diverses, mais bien de la notation chiffrée – qui permet éventuellement de songer à « mesurer », à « calculer », à faire des « moyennes », voire des « moyennes de moyennes ».

Corrections à l’encre rouge

On peut dire que ce sont les Jésuites qui ont introduit pour la première fois en France les bases de cette notation, au sein d’un système d’émulation très élaboré. Cela remonte aux XVIe et XVIIe siècles. L’organisation de l’appréciation des élèves dans le cadre de ce que l’on appellerait actuellement un « contrôle continu » a été codifiée dans le célèbre « Ratio studorium ». Le niveau, signalé par un chiffre de 1 à 6, permet d’ajuster et réajuster la composition des classes.

Certaines instructions données parallèlement à ce système sont tout à fait significatives :

« La méthode est, avec un crayon rouge, de barrer tous les mots où il y a l’erreur et de mettre vis-à-vis les chiffres 1,2,3 ; et puis ramassez le général. Par quoi, vous pourriez rendre compte à qui le désirerait, soit l’écolier soit le précepteur, de l’équité de votre censure. » (Marie-Madeleine Compère et Dolorès Praton-Julia, « Performances scolaires de collégiens sous l’Ancien Régime », INRP/Publication de la Sorbonne, 1992)

Ce type de consignes aura une pérennité surprenante. Par exemple, les Instructions du ministre de l’Instruction publique relative à la tenue d’un Cahier de devoirs mensuels dans les écoles primaires du 25 août 1884 précisent qu’« il importe que les devoirs soient corrigés à la marge par les instituteurs et qu’ils portent une note, qui pourrait être, pour la facilité des comparaisons, exprimée par un chiffre de 1 à 10 ». Et on sait que ces corrections seront faites à l’encre rouge.

On notera cependant que ces mêmes Instructions mettent en garde contre les dérives possibles de l’émulation :

« Habituer les élèves et les parents à mesurer les progrès de chaque enfant par comparaison non avec les autres, mais avec lui-même, de manière à proportionner le mérite non pas au succès mais à l’effort. »

Quatre ans plus tôt, l’arrêté du 16 juin 1880 avait stipulé que les épreuves d’orthographe, d’écriture, d’arithmétique et de rédaction du certificat d’études primaires seraient notées à partir de cette date sur dix points chacune, la « moyenne » étant exigée pour être admis aux épreuves orales.

Du boulier aux notes sur 20

On remarquera qu’il n’en a pas été de même lors de la mise en place de l’autre examen emblématique de la France, à savoir le baccalauréat. Dans la première moitié du XIXe siècle le jury évalue les candidats à l’aide d’un boulier, dans le cadre d’un examen oral d’une durée d’une demi-heure à trois-quarts d’heure. Rouge, l’avis est favorable ; noire, défavorable ; et blanche, le sort du candidat dépend des autres membres du jury.

C’est seulement sous le Second Empire que ce vote du jury est traduit en chiffres. L’aspirant bachelier se voit alors évalué sur une échelle de 0 à 5. La notation sur 20 apparaît en 1890, en même temps que le baccalauréat « moderne » avec plusieurs séries, et à l’écrit.

On voit que l’évaluation par des notes chiffrées (et éventuellement leurs moyennes) n’est nullement une condition nécessaire pour des examens donnant lieu à une certification dûment patentée. Cela n’a pas été le cas pour le baccalauréat pendant un demi-siècle. Et cela n’est toujours pas le cas pour l’obtention de doctorats (figurant pourtant parmi les plus hautes certifications).

Notons aussi que la mise en place en 1890 d’une notation chiffrée sur 20 au baccalauréat a suscité des réserves ou des mises en garde durant les deux décennies suivantes, même au plus haut niveau. Et certaines de ces considérations ne manquent pas encore d’intérêt aujourd’hui.

En 1900, la Direction de l’enseignement secondaire, fait le point d’une façon quelque peu embarrassée :

« C’est une chose très digne de remarque que notre pays soit le seul, ou peut s’en faut, où les compositions ont pris dans l’éducation publique la part que nous leur accordons, le seul où la notation peut se faire sur 20. Nos usages à cet égard font sourire les étrangers et leur cause plus de surprise que d’envie. Ce n’est pas une raison pour rompre avec une tradition séculaire […] Mais il faut faire en sorte d’en corriger un peu les inconvénients tout en en gardant les avantages. »

Il est encore plus significatif que Ferdinand Buisson, qui a été placé par Jules Ferry à la tête de l’enseignement primaire où il restera 17 ans) estime, à propos de la notation sur 20, dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire paru en 1911 :

« Dès qu’il s’agit des millions d’enfants de nos écoles primaires, l’émulation normale les stimule à faire effort pour obtenir l’approbation du maître sans se préoccuper de l’obtenir à l’exclusion des autres ou à un plus haut degré qu’aucun d’eux. »

À vrai dire, la sous-commission sur ce sujet, présidée par Octave Gréard avait déjà pris position dès 1900 :

« Le but à ne pas perdre de vue, c’est de corriger l’abus des comparaisons individuelles et les dangers de l’émulation surexcitée à l’excès. À cette fin, on ne saurait trop réduire, surtout pour les enfants des petites classes, l’importance du classement proprement dit. »

Mises en question

« Dans les compositions, chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à 20 », dit l’article 21 de l’arrêté du 5 juillet 1890. Il s’agit de la première mention officielle de ce type de notation. Et elle est solidaire de la question des prix et accessits par le biais des « compositions » (trimestrielles ou non).

L’enseignement secondaire public, toujours payant, même après que les écoles communales sont devenues gratuites en 1882, était fréquenté alors presque exclusivement par la bonne bourgeoisie très friande des prix ou, à défaut, d’accessits, et de l’ostentation des remises de prix – dans un contexte de rivalité exacerbée avec les établissements privés après les lois Ferry.

Reconstitution d’une salle de classe au Musée National de l’Éducation (Rouen). Frédéric BISSON/CC BY/Wikimedia, CC BY

Il convient donc que les prix (et les accessits qui se multiplient) soient attribués de façon incontestable, « mathématiquement », d’où des notes chiffrées qui permettent des moyennes, avec classement général, par exemple, pour l’attribution du prix d’excellence, en donnant l’impression qu’il existe en quelque sorte une unité de compte.

C’est cet ensemble (prix, compositions, notation sur 20) qui est remis en cause par le colloque d’Amiens de mars 1968 présidé par Alain Peyrefitte, puis par les dispositions prises par le ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure dans sa circulaire du 9 janvier 1969, introduisant une évaluation exprimée par des lettres : À, B, C, D, E. Et cela réussira partiellement : les prix et les compositions (mensuelles ou trimestrielles) vont disparaître définitivement (sauf rares exceptions résiduelles). Mais la notation sur 20 dans le secondaire persistera d’abord dans les classes d’examen (officiellement à partir de 1972), puis dans l’ensemble du secondaire.

On notera que cette mise en cause a été faite quelques mois avant même Mai 68 dans un colloque tout à fait officiel où se trouvait la fine fleur des hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale et des chercheurs en éducation. Le rapport final stigmatisait en effet

« les excès de l’individualisme qui doivent être supprimés en renonçant au principe du classement des élèves, en développant les travaux de groupe, en essayant de substituer à la note traditionnelle une appréciation qualitative et une indication de niveau (lettres A,B,C,D,E). »

Roger-François Gauthier, qui a été inspecteur général de l’administration au sein de l’Éducation nationale, pose in fine une question dérangeante : « En quoi la machine à évaluer est-elle devenue folle ? ». Dans Ce que l’Ecole devrait enseigner, il note ainsi que « le système éducatif français peut sembler idéaliser et même sacraliser les savoirs » mais

« se montre étonnamment léger […] en se fondant sur cet objet étrange et complaisant qu’est le calcul de la moyenne. Et pas seulement à l’intérieur d’une discipline, mais entre toutes les disciplines, quelques disparates qu’elles soient. La non-maîtrise d’une compétence fondamentale dans une discipline disparaît dès qu’on compense ladite discipline par une autre. »

Cela se comprend si l’essentiel, en réalité, est de classer, socioscolairement. Mais cela révèle aussi une indifférence extraordinaire, généralement inaperçue, aux acquis réels et proportionnés des élèves, à leurs maîtrises de tel(s) ou tel(s) savoir(s), savoir-faire ou savoir-être.The Conversation

Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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L'école abuse-t-elle des notes ?

14 Septembre 2022 , Rédigé par France Culture Publié dans #Education

L'école abuse-t-elle des notes ?
Résumé
 
Doit-on repenser l'évaluation scolaire ? Et comment la repenser à l'heure où la société du service nous incite de plus en plus à distribuer des notes ?
 
avec :
 
Geneviève Brisac (écrivaine), Pierre Merle (Sociologue, professeur d’université à l’ESPE de Bretagne et à l’Université Bretagne Loire-Atlantique), Jean-Marc Huart (ancien inspecteur général de l’Education nationale, directeur général de l’enseignement scolaire).
 
En savoir plus
 
La pratique de la mauvaise note est encore très fréquente en collège et lycée (...). Nous sommes encore sur un système très traditionnel, sur un modèle qui remonte à la fin du 19ème siècle.
P. Merle
 
Il y a plein de manières d’évaluer, les lettres A, B, C – acquis/ non acquis... mais peut-être préférez-vous les notes sur 20 ? D’ailleurs, depuis quand note-t-on sur 20 ? L’ouvrage dont nous parlons aujourd’hui Les pratiques d’évaluation scolaire, historique, difficultés, perspectives, est une véritable somme, la somme, sur la question. Une somme historique pour commencer car en effet, il faut se plonger dans l'histoire de l'éducation pour comprendre pourquoi et comment l'école évalue les élèves encore aujourd’hui.
 
Et ce "comment" est primordial car il contient une problématique, LA problématique de l’évaluation : doit-on évaluer d’abord les progrès de chacun ? Ou évaluer les élèves les uns par rapport aux autres, les comparer et les classer ? C’est bien une philosophie de l’enseignement et de la transmission qui est contenue dans la question de l’évaluation et des notes. Question pas tout à fait tranchée à l’heure qu’il est, alors que les pratiques d’évaluation se diversifient à l’école et se répandent, au-delà, dans la société du service, où chacun est appelé à noter les services, les lieux, des individus comme les chauffeurs de VTC ou les agents commerciaux.
 
L’intérêt de la note, c'est la clarté dans le cadre d'un dialogue avec les familles.
J.-M. Huart
 
Avec
 
Pierre Merle, sociologue et spécialiste des pratiques d’évaluation scolaire, pour Les pratiques d’évaluations scolaires, PUF (mai 2018)
 
Le problème c'est quand ce n'est plus le contrôle effectué qui est faible mais l'élève qui est faible.
P. Merle
 
Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale (Dgesco)
 
L'évaluation participe à la construction de l'enfant et à son arrivée dans le monde adulte.
J.-M. Huart.
 
Avec Erwin Canard, journaliste au magazine l’Étudiant 
 
Le reportage de Sophie Bober
 
"Il y a des figures qui se dressent...", avec Geneviève Brisac, auteur du Chagrin d'aimer (Grasset, 2018)
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Anna Karina... Godard...

13 Septembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique, #Cinema

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Coup de coeur... Alberto Moravia...

13 Septembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Litterature

Le Mépris - Alberto Moravia - Babelio

Ma rencontre avec Battista avait eu lieu le premier lundi d’octobre. Une semaine après, nous nous installions dans notre nouvelle demeure. Cet appartement, cause de tant de tracas, n’était vraiment ni grand ni luxueux. Il se composait de deux pièces : une vaste salle de séjour, plus longue que large, et une chambre à coucher d’assez belles proportions. Par contre, la salle de bain, la cuisine, la petite chambre de la domestique étaient toutes petites, réduites, comme dans les habitations modernes, au strict minimum. Il y avait en outre un petit débarras sans fenêtre dont Émilie voulait faire une penderie. L’appartement se trouvait au dernier étage d’une maison de construction récente, à la façade lisse et blanche comme de la craie et située dans une petite rue légèrement en pente. D’un côté la rue était bordée par une rangée de maisons semblables à la nôtre, de l’autre par le mur d’enceinte du parc d’une villa dont les grands arbres touffus étendaient leurs ramures en dehors. C’était une vue agréable et, comme je le fis remarquer à Émilie, nous pouvions imaginer que rien ne nous séparait de ce parc dont çà et là, dans l’espace entre les arbres, nous apercevions les allées sinueuses, les fontaines et les ronds-points, et que nous pourrions nous y promener à notre guise.

Alberto Moravia - Le Mépris

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Lycée pro - "Le président de la République sera en terrain conquis dans ce lycée des Sables-d’Olonne..."

13 Septembre 2022 , Rédigé par Huffington Post Publié dans #Education

Lycée pro - "Le président de la République sera en terrain conquis dans ce lycée des Sables-d’Olonne..."

Pourquoi Macron a choisi le lycée Tabarly pour parler de la réforme des lycées professionnels

Le président de la République sera en terrain conquis dans ce lycée des Sables-d’Olonne pour vanter une réforme qui, à peine ébauchée, fait déjà grincer des dents.

Par Jade Toussay

Élève moteur, dynamise le groupe classe. Exemple à suivre. Avec les félicitations de l’Élysée, le lycée des métiers Éric Tabarly a été choisi pour la visite ce mardi 13 septembre d’Emmanuel Macron. Depuis les Sables-d’Olonne (Vendée), le chef de l’État doit détailler sa réforme du lycée professionnel. Et pour faire passer des annonces susceptibles de faire grincer des dents, quelle meilleure stratégie que de la présenter parmi ceux qui la mettent déjà en pratique ? Emmanuel Macron rejoue ainsi une tactique qu’il connaît bien, puisqu’il l’a déjà appliquée à Cherbourg lors de la crise des urgences. Voici désormais la déclinaison scolaire.

À la Sorbonne le 25 août, Emmanuel Macron livrait les grandes lignes de sa politique éducative pour les cinq prochaines années. Pour les lycées professionnels, le chef de l’État veut insuffler une « transformation profonde » destinée à « réarrimer très en profondeur et en amont le lycée professionnel avec le monde du travail ».

C’est cette vision qu’il vient décliner au lycée Tabarly, accompagné de son ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye et de Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail. Une visite en forme de « service après-vente », en terrain conquis.

Le bon élève Tabarly

Les objectifs du gouvernement pour cette réforme sont vite déclinés. Tout d’abord, redorer l’image du lycée professionnel, trop souvent considéré comme un choix faute de mieux ; ensuite, améliorer l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue du cursus ; et enfin permettre à ceux qui le veulent de poursuivre leurs études.

Mon premier prend la forme de la fameuse demi-journée « Avenir » voulue dès la 5e. L’idée, selon l’Élysée, est de « faire venir des professionnels dans les établissements » ou, à l’inverse, « d’envoyer des élèves en immersion » pour une meilleure orientation, y compris vers les formations accessibles en lycées professionnels. Mon second se concrétise à travers l’augmentation de 50 % de la durée des stages sur une année scolaire, pour que « les jeunes soient mis en situation plus longtemps dans leur circuit d’études », dixit le Palais.

Quant à mon troisième, la poursuite des études après le diplôme, aucune solution concrète n’a à ce stade été avancée… En tout cas par l’Élysée. Car au lycée Tabarly, on a une petite longueur d’avance qui pourrait bien servir d’inspiration : « Le lycée a développé une formation complémentaire, certifiante au terme du BacPro. Elle accueille un petit nombre d’élèves pour leur apporter une formation académique ainsi que des stages en entreprise. À l’issue, ils peuvent faire le choix d’une insertion professionnelle dans laquelle ils ont encore plus de chance, ou au contraire, poursuivre leurs études en BTS en étant mieux armés, avec davantage de bagages académiques » , vante l’Élysée. Ce n’est qu’un des points forts de ce petit établissement placé sous la juridiction de l’académie de Nantes.

Réunion parents/profs version Macron

Si Emmanuel Macron était un professeur, et que le devoir portait sur les liens entre entreprises et lycées professionnels , Tabarly s’en sortirait avec un 20/20. Qu’il s’agisse de la découverte des filières professionnelles grâce à des salariés en mission dans les lycées ou pour des formations type stages, l’Élysée vante des interactions « importantes et florissantes » entre le monde professionnel et l’éducatif. « Les entreprises sont très impliquées dans cet établissement : elles ont développé des enseignements parfois en synergie avec les enseignants du lycée. Tout cela dans l’intérêt des élèves mais aussi dans une dynamique éducative qui est totalement positive », salue la présidence.

Les syndicats sont moins enthousiastes. Au sein de la Snuep-FSU, la volonté de rapprocher le monde du travail de l’éducation est perçue comme un « scandale scolaire ». « Le ministère préfère répondre aux besoins immédiats et locaux de certaines entreprises et il abandonne l’ambition scolaire pour 650 000 jeunes, soit un tiers de la jeunesse lycéenne », réagissait devant la presse Sigrid Gérardin, secrétaire générale, le 30 août. Elle s’inquiétait de voir le temps de formation théorique diminué au profit des stages : « On va ainsi compromettre leur chance de réussite aux examens, sachant que le lycée pro enregistre déjà les moins bons résultats », déplorait la représentante syndicale.

L’Élysée jure qu’il n’en sera rien. « La réforme n’est pas une menace vis-à-vis des lycées professionnels. L’idée c’est bien de pouvoir faire en sorte que les enseignants, les élèves et les entreprises de cette voie soient tous satisfaits », promet-on au sommet. Pour cela, le gouvernement mise sur la concertation des acteurs locaux - rectorats, enseignants et entreprises locales - via le Conseil National de la Refondation. Date de rendu de la copie ? Inconnue. « Le ministre de l’Éducation va prochainement faire des annonces sur la manière dont sera engagé ce CNR thématique sur l’école », assure-t-on de même source. Peut mieux faire, diraient les professeurs les plus exigeants.

Jade Toussay

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« Parcoursup a aggravé l’écart entre les universités de la périphérie et du centre de Paris »

13 Septembre 2022 , Rédigé par Le Monde Publié dans #Education

« Parcoursup a aggravé l’écart entre les universités de la périphérie et du centre de Paris »

EXTRAITS

REPORTAGE - Depuis cinq ans, la faculté de droit Paris-Est-Créteil accueille des étudiants au niveau plus fragile, seuls 13 % des première année ayant réussi leurs examens du premier coup.

Dans l’amphithéâtre bondé, cinq silhouettes en toge descendent les marches. Le regard des étudiants se pose sur leurs épaules, recouvertes d’une étoffe rouge écarlate et d’une hermine, qui tranchent sur les robes noires. Ce 1er septembre, c’est la rentrée solennelle des professeurs de « Paris-XII », comme le doyen de la faculté de droit, Laurent Gamet, se plaît à nommer encore l’université Paris-Est-Créteil (UPEC).

Dans quelques minutes, le professeur, qui est aussi avocat, prononcera un discours intitulé « Ad astra per aspera », « Des voies ardues pour mener aux étoiles ». Les auditeurs, néobacheliers, ne constituent qu’une partie de la promotion de première année de licence, qui compte 1 350 étudiants – la moitié sont des redoublants.

« A mon époque, nous étions souvent accueillis fraîchement à la fac de droit, commence Laurent Gamet. Le professeur nous disait de regarder nos deux voisins sur la droite et nos deux voisins sur la gauche, et de nous rendre compte qu’entre les cinq, il n’en resterait plus qu’un sur le banc l’année suivante. » Des regards inquiets se croisent dans les travées. « On ne sait pas qui vous êtes ni d’où vous venez, mais si vous remplissez les conditions qui vont suivre, vous serez avocats, juristes en entreprise ou notaires, et heureux de l’être », scande le doyen.

(...)

Il y a dix ans, le taux de réussite en première année de droit à l’UPEC oscillait entre 23 % et 27 %. « On est tombé brutalement à 17 % en 2018-2019 et même avec le Covid [et les examens à distance], les taux de réussite ont été très faibles », relate Frédéric Martin, professeur d’histoire du droit et responsable des première année.

Parcoursup est à l’origine d’une « fuite des meilleurs candidats », soutient-il, depuis la décision, en 2019, de laisser la possibilité aux néobacheliers des trois académies (Paris, Créteil et Versailles) de postuler dans n’importe quelle université de la région Ile-de-France, pour ne pas les assigner à résidence. « Les mêmes qui candidatent chez nous le font aussi dans les facs de Paris intra-muros, qui prennent les meilleurs. Parmi nos étudiants, nous n’avions pas de mention très bien en 2021 et nous n’en avons qu’une ou deux cette année, déplore le professeur. Parallèlement, des candidats de Paris ou des Yvelines, qui font deux heures de trajet par jour pour étudier à Créteil, se retrouvent chez nous par défaut. On ne peut pas réussir dans ces conditions. »

(...)

Soazig le Nevé

Article complet à lire en cliquant ci-dessous

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« École du futur » de Macron : le plus inquiétant n’est pas le plus visible…

13 Septembre 2022 , Rédigé par AOC Publié dans #Education

« École du futur » de Macron : le plus inquiétant n’est pas le plus visible…

Par 

INSPECTEUR DE L’ÉDUCATION NATIONALE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS D’INSPECTION (SNPI-FSU)

Lieu d’épanouissement, de socialisation et d’apprentissage humain et social, l’école se voit progressivement contaminée par le virus de la start-up, symptôme de la politique néolibérale d’Emmanuel Macron. Performance, flexibilité, concurrence viennent s’imposer pour former les futurs leaders et leadeuses de l’entreprise de demain. À l’abri des regards, une transformation structurelle de l’école s’opère qui vient instaurer les critères idéologiques de l’ordre néolibéral.

Il y a les mesures visibles de la politique scolaire du premier mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, celles auxquelles les médias ont régulièrement fait écho et que le ministre Blanquer a vanté avec obstination : le dédoublement des classes de cycle II, l’usage de la méthode syllabique et le centrage sur les apprentissages fondamentaux, la réforme de la voie professionnelle, la suppression des filières au lycée, l’augmentation de la part du contrôle continu au baccalauréat et les procédures de Parcoursup...

Mais les politiques néolibérales, au-delà de leurs affichages médiatiques, savent aussi engager des transformations plus discrètes. Comme le disait Luc Chatel, la véritable réforme est un processus continu, s’exerçant « à bas bruit » et préférant « les petits matins » plutôt que « le grand soir »...

(...)

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Léo Ferré... Verlaine... Rimbaud...

12 Septembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique

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Coup de coeur... Joffrine Donnadieu...

12 Septembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Litterature

J’ai envie de fumer un joint. J’attraperai Mouss à la sortie, l’homme bleu marine comme je l’appelle, il a toujours un petit quelque chose à me donner. La soirée va être longue. Encore sept heures à tenir. Il n’y a pas grand monde ce week-end, il fait beau, les Parisiens sont partis et les provinciaux ne viennent qu’en semaine. Notre milieu est le thermomètre des humeurs sociales. On sait si le pays va bien ou non. Nous sommes les premières atteintes par les grèves, les épidémies ou les restrictions budgétaires. En plus d’être danseuses, nous sommes sociologues et psychologues.

Des cris montent du sous-sol, nos coulisses aménagées dans une cave humide. Pour la énième fois, Kiki Gun s’embrouille avec le patron. Elle arrive tout le temps en retard à cause de sa fille. Elle attend qu’elle dorme avant de pouvoir s’éclipser et venir travailler. Kiki ne se laisse jamais démonter par le patron, elle a des atouts indéniables. Elle le sait. Il le sait. Lola Liberty, Coco Vanille, Zora Swing, Miss Saïgon, Bella Poison, Lili Butterfly et moi, pendant ce temps nous nous chargeons de divertir la salle, de camoufler les insultes, d’envelopper les clients de sourires et de sous-entendus. Entre nous, on s’effleure, on se susurre des mots doux, on se respire. Objectif : faire bander, mouiller, forcer le désir du client. On le nourrit de fantasmes. Qu’il comprenne pourquoi il a payé et ne regrette pas sa soirée. Et surtout, qu’il revienne.

Vingt-trois heures. Mes souvenirs cognent dans ma boîte crânienne comme les glaçons de mon whisky. Je pense au rendez-vous demain à dix-sept heures. Après des années d’errance, je vais enfin poser mes valises, avoir un chez-moi si l’entretien avec Odette se passe bien. Alexandra, une connaissance du Cours Florent, m’a dit que sa tante de quatre-vingt-neuf ans demandait un peu de compagnie en échange d’un loyer modeste. Fini la tournée des canapés, des squats et des hôtels de passe. J’aurai un placard, un côté du lavabo, une étagère dans le réfrigérateur et je dormirai dans mon odeur.

— Il te veut, murmure Zora Swing à mon oreille tout en m’indiquant le vieux du fond.

Perdue dans mes pensées, je ne l’avais pas vu. Je décolle mes fesses humides du tabouret, bois une gorgée d’eau avant de trouver l’équilibre sur mes échasses. Je jauge la distance à parcourir pour le rejoindre, le nombre d’obstacles à contourner. Les odeurs de transpiration et d’alcool fermenté que les filles recrachent dans les plantes pour rester à peu près sobres me prennent à la gorge. Je dois décrocher mon audition de fin d’études sinon je meurs. Mes grands yeux noirs dévorent le type. Sourire de Barbie pétée, j’avance doucement. D’un coup, mon pied se prend dans la lanière d’un sac posé au sol. Perte d’équilibre, je tombe sur une des filles du groupe, renverse sa coupe de champagne. Son chemisier blanc dévoile la dentelle du soutien-gorge. Elle hurle. Je m’appuie sur son épaule pour me relever, elle dégage ma main. Sa copine essuie son décolleté, elle s’énerve, se met debout. Face à face, on se dévisage. Son joli minois se déforme, ses lèvres tremblent, je vois bien qu’elle se contient pour ne pas se jeter sur moi. D’un mouvement de tête, je balaye mes cheveux qui frappent son visage. Elle fait un scandale, réclame un remboursement et un geste du patron. Elle obtient tout. Gorge nouée, je m’éclipse.

Coulisses. J’enfile legging, baskets. Du revers de la main, j’essuie mon rouge à lèvres irisé noir. Je retire mes faux cils, me démaquille. À demain Any-Doll. Place à mes cheveux ondulés blond vénitien, ma peau translucide, mes yeux noirs. Les filles disent que je ressemble à une poupée Corolle. Max arrive dans la loge, il me crie dessus à cause du verre renversé. Je le regarde dans le miroir entouré d’ampoules. Je suis habituée à ses colères. Je fourre perruque, sous-vêtements, oreilles de Minnie et auréoles d’ange inutilisées dans mon sac de sport. J’enfile mon sweat-shirt à capuche, bouscule Max en bas de l’escalier. Il m’attrape au passage :

— Je te laisse encore une chance.

Paroles en l’air, il le dit chaque fois. Je reviens toujours. Je monte les marches deux à deux. La porte en fer claque, pluie fine, vent.

— Salut Mouss.

— Déjà ? Il n’est même pas minuit.

Il glisse un joint dans ma poche, me laisse partir. Boulevard de Clichy, musique à fond dans les oreilles, je tire sur mon joint, trace jusqu’à l’hôtel de la rue d’Hauteville.

 

Joffrine Donnadieu - Chienne et louve

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Moi JEune : «Je stresse par peur d’échouer et d’avoir de mauvais résultats»

12 Septembre 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education

Moi JEune : «Je stresse par peur d’échouer et d’avoir de mauvais résultats»

Emploi du temps saturé, classes bondées, surcharge de travail à la maison, pression des profs, des parents, des examens et de l’orientation… Quatre lycéennes et collégiens racontent l’aliénation que leur fait subir le système scolaire et le besoin de retrouver du temps pour soi.

En publiant ces témoignages, Libération poursuit son aventure éditoriale avec la Zone d’expression prioritaire, média participatif qui donne à entendre la parole des jeunes dans toute leur diversité et sur tous les sujets qui les concernent. Ces récits, à découvrir aussi sur Zep.media, dressent un panorama inédit et bien vivant des jeunesses de France. Retrouvez les précédentes publications.

«Pour me calmer, je me fais des petits massages avec les doigts sur les bords du crâne, discrètement»

Yassin, 14 ans, collégien, Val-d’Oise

«Un jour, alors que j’allais à l’école tout souriant et heureux, je commence tout à coup à avoir une boule au ventre qui veut sortir de mon estomac. Mes jambes et bras tremblent. Ce jour-là, j’allais avoir mon premier contrôle. J’étais en sixième, c’était un très grand changement avec la maternelle et la primaire.

«Ça fait quatre ans que ça dure et que je vis avec ça. Même si je connais toutes les réponses, je stresse beaucoup, toujours… Alors, pour le brevet ou le bac, je pense que je vais mourir de trac. Je stresse comme ça parce que je pense que c’est la peur d’échouer et d’avoir de mauvais résultats.

«C’est toujours la même histoire. Mon quotidien avec le stress de l’école commence quand je rentre chez moi, après les cours. Je mange en pensant au temps qu’il me reste pour travailler et être à jour dans mes révisions. Quand je révise, je révise tout. Après, quand j’ai fini et que je passe un bon moment, je pense aux devoirs et ça me saoule. Ça m’empêche de dormir. Je pense que l’école pourrait aider en disant aux élèves que les contrôles sont simples et qu’il ne faut pas stresser. Qu’il faut juste réviser sans se rendre malade. Si ça va trop loin, il y a des psychologues pour en parler.

«Au début, ma mère me donnait un morceau de sucre pour calmer mes émotions. Et puis moi, je me suis habitué. Je me fabrique des solutions pour faire disparaître le stress. Je me fais des petits massages avec les doigts sur les bords du crâne, discrètement, que les autres ne voient pas. Maintenant, ça va un peu mieux. Le stress, je le garde pour moi-même parce que je n’ai pas envie de montrer mes faiblesses à mes copains.»

«J’ai l’impression que ma vie entière sera comme ça, à courir après les heures»

Juliette, 16 ans, lycéenne, Rive-de-Gier (Loire)

«Certaines personnes trouvent que le lycée, c’est génial. Je ne suis pas vraiment de ceux-là. Il y a deux choses qui m’ont choquée lors de ma rentrée au lycée, en seconde : le nombre de personnes par classe et la masse de devoirs. Si j’arrive à me libérer une après-midi par semaine, c’est vraiment super. Le reste du temps, je fais mes devoirs, je vais au lycée et je fais ce qui est nécessaire à ma survie, à savoir : manger, boire, me laver et dormir.

«Je déteste travailler tout le temps. J’ai l’impression d’être emprisonnée, coincée, privée de liberté. Dans un certain nombre de métiers, on ne travaille pas le week-end, et une fois qu’on a fini notre journée de travail, on peut se reposer (ou au moins ne pas travailler, je n’ignore pas que les adultes ont d’autres obligations que le boulot). Les élèves, eux, n’y ont pas droit. Comparer le travail des adultes avec l’école, je sais que c’est «exagéré». Après tout, nous ne sommes pas payés et nous avons plus de vacances. Il n’empêche que je passe quarante-deux heures au lycée par semaine, et ça, c’est sans compter les devoirs.

«Si je veux faire mon travail correctement, je dois y consacrer au moins trois heures le mercredi après-midi, et une journée entière du week-end. Les professeurs ne se rendent pas forcément compte que nous sommes autant chargés. Quand nous ne travaillons pas ou pas assez, ils vont prendre ça pour un manque de sérieux. Ce qui arrive régulièrement, c’est vrai, mais c’est parfois seulement cette réalité de : “Il vaut mieux que je fasse rapidement le français ou l’histoire-géo ?” Parce qu’on n’a pas le temps de bien faire les deux. J’imagine que les professeurs n’ont pas d’autres choix que de faire ainsi pour finir le programme et arriver à bien faire leurs cours, mais ça montre bien qu’il faudrait changer des choses dans notre système éducatif.

«Cette année, je réussis un peu plus à avoir du temps libre. Ça me demande de bien m’organiser et j’ai l’impression d’essayer de faire rentrer dans un petit pot deux mille litres de liquide. Forcément, ça déborde. Je pourrais dire que j’ai du temps pour faire ce qui me plaît, mais mon cerveau, lui, lance l’opération “stress pour les devoirs”, et cela m’empêche de réellement prendre du plaisir tant que je n’ai pas tout fini.

«Avez-vous déjà ressenti cette impression que cela n’en finira jamais ? Que votre vie entière sera comme cela, à courir après les heures, à espérer pouvoir faire quelque chose qui te plaise, et te rendre compte que tes obligations vont prendre le pas sur tout ?

«A 35 par classe, le rapport au professeur est aussi différent. Je me sens très seule, comme vulnérable face à tous les problèmes. L’année dernière, nous avons appris à écrire un essai, qui suit donc des consignes particulières. On a dû l’écrire seuls chez nous. De retour en cours, la professeur a ramassé quelques copies, dont la mienne. Quand elle est revenue pour nous dire ce qui allait ou non, elle a commencé d’emblée pour moi par : “C’est vraiment pas ton fort l’essai.” C’était une simple petite remarque. Mais blessante et surtout injuste : c’était la première fois que j’en écrivais un. On aurait dit qu’elle voulait que je sache déjà tout faire bien ! Laissez-moi le temps d’apprendre !

«Puis, il y a la pression de devoir choisir ce qu’on veut faire pour les quarante prochaines années de notre vie. Le lycée, c’est un moment important de notre vie où on doit choisir dans quelle direction aller professionnellement, et supporter cette pression et cette angoisse de se demander si on va y arriver ou non, ce que nous réserve l’avenir. C’est dommage que nos conditions de travail soient si difficiles, parce que sinon le lycée serait un endroit génial où on se prépare à la vie d’adulte et où on apprend plein de choses intéressantes.»

«Chaque jour ressemble à peu près à ça: les notes, les notes, les notes»

Katzura, 14 ans, collégienne, Paris

«Aujourd’hui, j’ai eu 17,5 /20 en histoire et géographie, 18 /20 en mathématiques, 14 /20 en français, 10 /20 en SVT, 14 /20 en physique-chimie, 20 /20 en grec, 19 /20 en anglais et 16 /20 en espagnol. Chaque jour ressemble à peu près à ça : les notes, les notes, les notes.

«J’ai l’impression que les notes font la réussite, ou que la vie se résume à ça. Si tu as des mauvaises notes, tu n’auras pas forcément un “bon travail”, tu ne réussiras pas dans la vie et ça peut engendrer de la pression, du stress scolaire. A chaque note, la moyenne baisse ou monte. Moi, quand je la vois baisser, je suis déçue car je sais que mes parents ne seront pas contents. J’ai des bonnes notes pour l’instant au collège, mais au lycée je sais que ça sera différent. Mes notes vont chuter.

«Il y a aussi l’attente des parents. J’ai des “bonnes notes” mais mes parents ne sont pas satisfaits, ils pensent toujours que je peux mieux faire. C’est peut-être dû à mon origine chinoise aussi, ils sont très stricts. Pour eux, les notes dictent ton avenir, ton métier et ta réussite. Ils ne s’intéressent pas au contenu de mes copies, ils regardent juste les notes que j’ai.

«J’ai aussi des activités en dehors du collège, des cours de chinois, de guitare et de piano. Ce n’est pas toujours par plaisir que je les fais. J’ai l’impression de toujours devoir travailler. Et même lors de mes activités, je me sens évaluée. Par exemple, en chinois, il y a deux contrôles au cours de l’année et ça détermine ton niveau : si tu as plus de 60 /100 sur les deux contrôles, tu passes au niveau supérieur. Là aussi les notes font ton niveau alors qu’il faut juste mémoriser. Lors de mes cours de piano, la professeure me regarde faire et c’est stressant car on me juge. On nous note en permanence, n’importe où.

«Le fait de toujours être jugée entre 0 et 20 me stresse énormément, comme si la réussite c’était ça : si tu as moins de 5, tu n’es même pas sûre d’avoir un travail que tu aimes et si tu as plus de 15, tu peux te permettre d’avoir un travail qui te plaît et je trouve ça mal fait. Je ne sais pas comment “améliorer” ça. Mais, plutôt que des notes, peut-être des appréciations sur les élèves ?»

«Quand tu lis, tu n’as pas à penser à tout le reste… dont l’école»

Lucie, 17 ans, lycéenne à Rive-de-Gier (Loire)

«Je trouve toujours un moment pour la lecture : le soir avant de dormir, lors d’un trajet en voiture… J’ai souvent un livre ou ma liseuse à mes côtés. Quand tu lis, tu n’as pas à penser à tout le reste… dont l’école.

«Si tu ne réussis pas à l’école, on te dit que tu es nulle, que tu ne réussiras jamais, que tu finiras caissière à Carrefour. J’ai pu l’entendre de la bouche de certains profs. Si tu réussis, les camarades te traitent de «fayotte», te disent que tu as triché, que tu es une intello. Je l’ai bien entendu cette année, parce que je n’ai que des bonnes notes. A part une fois, et limite, ça m’a fait me questionner sur ma propre valeur.

«Après ma filière ASSP (accompagnement soin et services à la personne), je pourrais faire une école d’infirmière ou d’aide-soignante. Pour y rentrer, il faut avoir de bonnes appréciations, de bonnes notes et un bon dossier. Donc, sur les années de lycée, pas de bavardages, pas de renvoi, pas de conseil de discipline : “Etre une élève modèle.” Du coup, je stresse beaucoup. Ça se manifeste souvent par des crises d’angoisse ou de panique. Je n’arrive pas à respirer, ou très mal, je me ronge les ongles et j’ai mal à la tête. Ces crises se manifestent souvent à l’école, quand j’essaie de me concentrer sur un devoir. Elles me font ressentir un grand malaise comme si mon âme voulait partir mais que mon corps essayait de tenir le coup. C’est assez désagréable. Alors, pour calmer tout ça, je demande la permission de sortir. Je respire un bon coup et j’essaie de me calmer le plus possible avant d’y retourner. Souvent, ça passe rapidement.

«Pour échapper à tout ça, j’ai trouvé une activité, un peu coûteuse c’est vrai, mais qui m’apaise tellement : la lecture. Elle permet de m’évader. Je suis quelques lectrices sur Instagram. Suivre leurs aventures me permet de découvrir des livres que je n’aurais pas achetés : Né pour être Sorcier d’Amélie Jeannot, la Carte des confins de Marie Reppelin, l’Anti-lune de miel de Christina Lauren.

«Lire me permet aussi de rêver. Et rêver fait du bien. Rêver est une sorte de liberté où tu n’as pas de contraintes, pas de loi à respecter, pas d’obligations ni d’engagement à tenir. Tu peux faire des allers-retours en paix. Tu es seule avec tes envies et tes propres limites. J’ai commencé la lecture grâce à Agatha Christie. Depuis petite, j’aime beaucoup les enquêtes policières. J’ai toujours rêvé de ce genre d’aventures, de faire de vraies enquêtes, de les résoudre. J’ai toutes sortes de livres que j’aime mais, dans tout ça, il y a les Harry Potter. Ils me font rêver avec toute cette magie.

«Tous ces livres me permettent de m’imaginer d’autres mondes, d’autres aventures plus palpitantes que la réalité que je vis. J’aimerais que tout ce que je lis et surtout le fantastique existe. Ce serait merveilleux : les sirènes, la magie, les créatures fantastiques, les dragons, les fées, les anges… La lecture me permet d’avoir des connaissances que l’école ne m’a pas apprises.»

par ZEP Zone d'expression prioritaire

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