Éducation à la sexualité : Mediapart révèle un rapport d’inspection enterré par Blanquer
Un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, qui établit la trop faible efficacité de l’éducation à la sexualité, est resté un an dans les tiroirs de Jean-Michel Blanquer. Son successeur, Pap Ndiaye, semble enfin vouloir faire de cette politique publique une priorité.
matière d’éducation à la sexualité à l’école, la France a « vingt ans de retard », regrette Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Une année aurait peut-être pu être gagnée, si l’administration tenait compte de ses propres travaux d’évaluation.
En juillet 2021, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) a en effet remis un rapport portant sur « l’éducation à la sexualité en milieu scolaire » au ministre Jean-Michel Blanquer, ainsi qu’à sa collègue déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, et au secrétaire d’État aux solidarités et à l’enfance. Dès le préambule, les deux autrices écrivent : « Cette mission pose la question de l’existence et de la réalité de cette politique publique. »
Ce document, que Mediapart s’est procuré, n’a pas été rendu public – en juin puis septembre 2022, le ministère nous répondait encore qu'il avait « pas vocation » à l’être. Il n’a fait l’objet d’aucune communication, même au sein de l’administration ou auprès des expert·es sur ces sujets, selon notre enquête.
C’est pourtant l’état des lieux « le plus exhaustif » que Gabrielle Richard, sociologue spécialiste des normes scolaires relatives au genre et à l’orientation sexuelle, ait pu lire sur le sujet. « Il met le doigt là où ça fait mal, ce qui est sûrement l’une des raisons pour lesquelles ce rapport n’a pas fait parler de lui », complète la chercheuse.
« Nous la réclamons [cette évaluation – ndlr] depuis le mandat de François Hollande, précise Saphia Guereschi, secrétaire générale du SNICS-FSU (premier syndicat chez les infirmières scolaires). Mais nous n’avons, nous non plus, jamais eu connaissance de ce document et pourtant nous sommes vigilantes sur à peu près tout ce qui sort sur le sujet. Mais le rapport est assez complet et rejoint certaines de nos revendications, je comprends aisément qu’il n’ait pas été publié vu son contenu. »
Sa date de rendu, en juillet 2021, tombait en effet au plus mal pour Jean-Michel Blanquer, réticent sur ces sujets et surtout soucieux de rassurer des parents embarqués dans des séries d'intox : les affaires de harcèlement sur des bases sexistes se sont multipliées sous son ministère, le mal-être des élèves trans a débouché sur plusieurs drames médiatisés...
Sans être un brûlot, les 76 pages rédigées l’an passé par deux inspectrices générales dressent un constat assez sévère des actions menées et les chiffres compilées sont plutôt édifiants : « Moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances d’EAS [éducation à la sexualité –ndlr] pendant l’année scolaire en école et au lycée (respectivement moins de 20 % en collège). » C’était pourtant une promesse de l’ancien ministre.
Le rapport souligne aussi « les efforts de cadrage », « le souci de mieux former les personnels de l’éducation nationale », « l’accompagnement important des académies et des établissements scolaires », mais regrette « les difficultés concrètes », le manque « d’efficacité et d’effectivité », le caractère très disparate de l’éducation à la sexualité dispensé dans les établissements, ainsi que les interrogations, nombreuses, sur le « sens » même de la discipline à l’école.
L’éducation à la sexualité, une « histoire assez chaotique, qui participe elle-même à l’histoire de la sexualité », un « sujet sensible, comme le montrent les affaires et les controverses qui jalonnent ponctuellement sa mise en œuvre et qui contraignent le ministère à se justifier et à faire part d’une grande prudence », décrit également le rapport, avant d’établir une série de recommandations afin de passer à la vitesse supérieure.
Le rapport propose, entre autres, d’introduire les notions d’éducation à la sexualité dans les programmes officiels de certaines disciplines ; de formaliser fermement trois séances annuelles dédiées dans l’emploi du temps des écoles, collèges et lycées ; de prévoir une information systématique des parents par les équipes de direction lors de la rentrée scolaire ; d’encourager les recherches sur l’éducation à la sexualité et ses enjeux contemporains ou encore de mieux agréer les associations partenaires.
Pour le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, il y a également tout lieu d’accélérer, afin de répondre notamment aux violences faites aux femmes et de lutter contre les féminicides, explique Sylvie Pierre-Brossolette. « Il est temps d’appliquer la loi de 2001, très claire et complète et qui prévoit la prévention des violences par une réelle effectivité de l’éducation à la sexualité, dans ses dimensions biologique, psycho-émotionnel, juridique et sociale. Cette éducation doit contribuer à la lutte contre les violences, en enseignant la culture du consentement, du respect et de l’égalité. »
Le 31 août 2022, Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a appelé, sans avoir connaissance de ce rapport, à un « plan d’urgence de l’égalité à l’école ». « À l’aube de ce nouveau quinquennat, le HCE exhorte les pouvoirs publics à faire de l’éducation à l’égalité et au respect entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge, une priorité absolue, précise l’institution. Cela commence par la refonte et la tenue des séances d’éducation à la sexualité prévues par la loi.
Le Haut Conseil à l’égalité recommande de soutenir le Planning familial
Quelques jours plus tard, le ministre Pap Ndiaye s’est fendu de plusieurs déclarations pour dire son souhait de mettre l’éducation à la sexualité au cœur des programmes, « à la fois pour des objectifs de santé publique, comme faire reculer les grossesses précoces ou lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, mais aussi pour des objectifs plus généraux liés aux luttes contre les discriminations, les violences sexuelles et sexistes, la LGBTphobie, les stéréotypes et pour une meilleure égalité entre filles et garçons », a développé le ministre sur France Info. Il a d’ailleurs laissé entendre ces derniers jours auprès de la presse qu’un « rapport de l’inspection générale » allait prochainement sortir sur le sujet. Celui-là même que ses services ont dans leurs tiroirs depuis des mois.
Pour atteindre ces objectifs, le Haut Conseil à l’égalité plaide notamment pour des professeurs « réellement formés, comme en Espagne », ou le soutien aux associations spécialisées comme le Planning familial, qui croule sous les demandes sans avoir les moyens de les honorer. « Il faut aussi trouver des heures de cours dans des emplois du temps très contraints, c’est un énorme travail et on part de presque rien », relève Sylvie Pierre-Brossolette.
Tous les textes « sont prêts », affirme de son côté Saphia Guereschi, du syndicat des infirmières scolaires. Il suffit d’appliquer la circulaire de 2015 consacrée au sujet. « Depuis sa publication, nous n’attendons que sa mise en œuvre et qu’on nous donne les moyens de mener notre mission. Mais nous avons un ministère qui est très frileux : sur les ABCD de l’égalité, sur la circulaire concernant les élèves trans, il allait jusque-là à reculons. Plus fondamentalement, l’appropriation de l’éducation nationale comme un acteur de santé publique n’est pas faite. »
Selon Gabrielle Richard, et comme le souligne à plusieurs reprises le rapport de l’inspection générale, le tabou est ancien et profond, assez français par ailleurs, relève la chercheuse, Québécoise travaillant pour moitié à Montréal et en Île-de-France. « Il est difficile ici de trancher si l’éducation à la sexualité doit faire partie des questions scolaires, si c’est d’intérêt public ou si ce sont des “valeurs” réservées à la sphère familiale, explique-t-elle. D’où la nécessité d’une impulsion forte venue du haut pour expliciter à partir de quelle posture l’école peut s’emparer de ces questions. Les personnels le sentent quotidiennement, les élèves se posent des tas de questions. Ce n’est donc pas le besoin des jeunes qui est en jeu, mais l’inconfort des adultes.
Pap Ndiaye ouvrira-t-il les vannes plus en grand que son prédécesseur ? Saphia Guereschi constate que, contrairement à Jean-Michel Blanquer, le nouveau ministre semble « en capacité de mener un débat contradictoire ». Le véritable test se situera, selon les organisations syndicales, dans l’épaisseur de la ligne budgétaire consacrée au sujet dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Sylvie Pierre-Brossolette ne peut elle aussi que constater que Jean-Michel Blanquer avait d’autres priorités, « parfois conflictuelles et délicates », comme la laïcité. « Effectivement, l’éducation à la sexualité n’a pas fait partie des champs qui ont été mis en avant sous le précédent quinquennat, cela ne veut pas dire que le ministre y était hostile, tempère la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais le changement de ton est bienvenu. Car si on ne démarre pas vite, on continuera à avoir des générations élevées dans la violence sur ces questions. »
Mathilde Goanec et Pierre Januel
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Éducation à la sexualité : Mediapart révèle un rapport d'inspection enterré par Blanquer
Un rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, qui établit la trop faible efficacité de l'éducation à la sexualité, est resté un an dans les tiroirs de Jean-Michel Blanquer....
Le «francocide» de Zemmour, rengaine de haine - Par Cécile Alduy - (Extraits)
EXTRAITS
Contrairement au concept de «féminicide» dont il s’inspire, le terme récemment inventé par le polémiste ne recouvre aucune réalité documentée, fustige la sémiologue Cécile Alduy. Il ne sert qu’à renforcer un imaginaire raciste opposant les supposés «Français de souche» chrétiens, aux «immigrés», musulmans.
Eric Zemmour rêvait d’entrer à l’Elysée et de se faire un nom dans l’histoire des «grands hommes». Déçu dans ses ambitions électorales, l’éditorialiste n’aspire plus, semble-t-il, qu’à entrer dans le dictionnaire des noms communs. Avec le néologisme «francocide», gadget médiatique pour reproduire le récit d’une «guerre des races» qu’il a tenté d’imposer dans ses livres, puis dans la campagne présidentielle de 2022. Cette chimère en dit davantage sur ses propres obsessions raciales que sur la France.
Chantre de la «bataille culturelle» , l’ancien éditorialiste du Figaro professe depuis longtemps qu’il «ne faut pas négliger les guerres linguistiques». Pendant longtemps, il a plutôt joué sur la défensive. Analysant et dénigrant le vocabulaire de ses adversaires, et, singulièrement, des féministes, il comptait leurs victoires. Ainsi dans le Premier Sexe (2006) reconnaissait-il déjà dans le mot «macho» une «géniale trouvaille linguistique des féministes dans les années 70 qui ont, avec un unique petit mot, transformé les hommes, tous les hommes, en accusés commis d’office».
A présent qu’il est au creux de la vague, Zemmour souhaite se relancer en avant-gardiste du combat sémantique et passer à l’attaque. A l’université d’été de son parti Reconquête ! le 11 septembre dans le Var, le «clou» de son discours de rentrée fut l’apologie inattendue du mot «féminicide» – du moins de son efficacité – et l’annonce mythomaniaque qu’il allait imposer lui aussi un nouveau mot dans la langue, pour «opposer la vérité, les faits, la réalité» à «l’idéologie (sic)» et au «Grand Endoctrinement (sic)».
(...)
Ce néologisme, francocide, serait, selon Zemmour, le calque de féminicide – et, espère-t-il, de son succès. Alors qu’il a toujours réfuté le bien-fondé de ce dernier concept (il critiquait encore le 4 mai 2021 dans Face à̀ l’info, sur CNews, les «minorités qui font la loi à travers le langage qu’ils imposent» et que «le Larousse enregistre sans beaucoup de filtre»), soudain il l’instrumentalise et le dégrade par une comparaison grossière et fausse.
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Des juristes, rhétoriciens, politologues, responsables associatifs et politiques ont déjà souligné l’inanité du concept. Comment peut-on assigner à une «haine du Français parce que Français», des meurtres dont les motivations sont souvent crapuleuses, contextuelles, ou dont on ne sait rien ? Quid quand les auteurs supposés de ces supposés actes sont eux-mêmes français ? En quoi y a-t-il phénomène structurel et anthropologique documenté, comme c’est le cas pour les féminicides, catégorie de crimes recensés par l’OMS ? Plus fondamentalement, en quoi ce mot, avec le sens intentionnel et politique qui lui est donné, correspond-il à des faits avérés, à quoi que ce soit de renseigné précisément dans le recensement des homicides en France ? Comme souvent chez Zemmour, le mot fonctionne non pour désigner un phénomène du monde réel, mais pour construire et faire prospérer un imaginaire.
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Un mot destiné à susciter terreur et panique
Francocide pose une équivalence factice et implicite entre genre et race : le sens réel du mot, en contexte, n’est pas «simplement» celui de «meurtre contre un Français parce que Français», comme l’étymologie et la comparaison avec féminicide le laissent supposer, mais bien, et je cite les phrases qui précèdent l’extrait généralement repris par les médias : «colonisation par la violence», «jihad du coin de la rue», «terrorisme du quotidien qui chasse les Français de souche au profit de nouveaux habitants». Ce sont ces termes («colonisation», «chasser») qui ont été utilisés par les Damien Rieu, Stéphane Ravier, FDesouche et les commentateurs de CNews pour expliquer le concept. (...)
(...)
Sous ce néologisme, l’opposition structurante est entre Français de souche, sous-entendus blancs, et immigrés ainsi que, de manière implicite avec l’allusion au jihad du coin de la rue, musulmans, quels qu’ils soient, Français ou non, contre chrétiens. Seules la «race» et la religion sont pertinentes dans cette grille de lecture manichéenne et fantasmagorique. Si le mot est nouveau, l’imaginaire raciste, lui, n’a pas changé.
Cécile Alduy est l’autrice de la Langue de Zemmour , «Libelle», Seuil, 2022.
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Le "francocide" de Zemmour, rengaine de haine
Eric Zemmour rêvait d'entrer à l'Elysée et de se faire un nom dans l'histoire des "grands hommes". Déçu dans ses ambitions électorales, l'éditorialiste n'aspire plus, semble-t-il, qu'à entr...
Faut-il continuer à noter les élèves ?
L’évaluation des élèves par notation a fait l’objet de nombreuses critiques, en particulier de la part du didacticien des mathématiques André Antibi, qui a dénoncé, de façon retentissante, une « constante macabre ». La formule renvoie à la pression sociale qui pousserait les enseignants, pour que les évaluations soient considérées comme crédibles, à mettre un certain pourcentage de mauvaises notes quel que soit le niveau de la classe.
Si cette analyse a rencontré de multiples échos depuis sa première apparition, en 1988, les notes ne semblent pas être descendues depuis de leur piédestal dans le monde scolaire et universitaire. Elles continuent à jouer un rôle essentiel, tant dans les examens, comme le bac, que dans les procédures d’orientation ou d’affectation, telles que Parcoursup, ou Affelnet.
Faut-il conclure de cette persistance que la notation serait une nécessité incontournable quand il s’agit de tester les connaissances des élèves et déterminer leurs acquis ? Faut-il y voir un mal nécessaire, faute de pouvoir évaluer mieux ? Ou existe-t-il des alternatives ?
Former ou sélectionner ?
On est redevable à André Antibi, disparu en mai 2022, d’un double apport, aussi instructif qu’utile. En premier lieu, on lui doit la mise en évidence de ce qu’il a désigné, selon la formule citée plus haut, et qui a frappé les esprits, la « constante macabre ». Il la définit comme « le pourcentage à peu près constant d’échec qu’il doit y avoir dans toute évaluation pour qu’elle paraisse crédible ».
Tout se passe comme si les évaluateurs postulaient qu’il doit y avoir, dans une distribution de notes, quel que soit par ailleurs le niveau du groupe, « une sorte de constante : la proportion de mauvaises notes ». D’où une répartition constante des élèves en trois groupes à peu près équilibrés – avec des notes supérieures à celles des autres pour le premier, des résultats dans la moyenne pour le deuxième et inférieures à la moyenne de la classe pour le troisième – contenant chacun environ un tiers des sujets évalués. Ce qui crée artificiellement de l’échec pour les élèves classés dans le dernier tiers, victimes alors d’« une forme de violence ».
Pour Antibi, c’est « la société » qui a « mis en place cette constante », en faisant « jouer aux enseignants un rôle de sélectionneurs malgré eux ». La pression sociale qui s’exerce en faveur d’une « sélection sournoise » contraint les enseignants/évaluateurs à jouer le « rôle désagréable » de sélectionneur social. Le remède serait alors simple : redonner « à l’enseignant son vrai rôle : former (et non pas sélectionner ».
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Ainsi se comprend le second apport décisif d’Antibi, dans le sens d’une évaluation qui serait davantage conforme à ce vrai rôle, autrement dit d’une évaluation « formative » : l’Évaluation Par Contrat de Confiance (EPCC). Celle-ci permettrait de commencer à substituer au « contrat implicite » de sélection « dicté par la société », un contrat explicite pour une évaluation mise au service des élèves, contrat dicté par leur besoin principal : apprendre.
L’Évaluation Par Contrat de Confiance repose sur l’idée qu’il ne faut pas chercher à piéger l’élève, mais au contraire à l’encourager. Cela peut se faire au moyen d’une évaluation se développant dans un « climat de confiance », en étant davantage destinée à évaluer les connaissances qu’à classer les élèves : « Le principe est simple : l’élève dispose d’une liste d’exercices traités en classe, et il sait que l’essentiel de son sujet sera constitué d’exercices de cette liste ».
Récompenser le travail
Il faut observer, d’une part, que cette pratique évaluative ne peut concerner que des « contrôles » faits en classe, en cours d’apprentissage. Et, d’autre part, que la critique d’Antibi ne porte que sur un usage contestable de l’évaluation par notation, et non sur le principe de la notation lui-même. Car la « constante macabre », ne représentant qu’un « dysfonctionnement », n’est pas une fatalité. On pourrait très bien imaginer, et juger souhaitable, une distribution ne comportant que de bonnes notes !
En restreignant le champ de l’évaluation à ce qui a été effectivement travaillé et appris, l’EPCC permet de récompenser le travail, et de ne pas transformer chaque contrôle en concours classant les élèves. Mais, si elle semble réunir certaines conditions sociales et pédagogiques d’une meilleure prise en compte des résultats d’apprentissage, elle ne garantit nullement, d’une part, une appréciation pertinente des acquis des élèves ; en soi, elle n’assure pas que les notes attribuées sont objectives et justes.
D’autre part, elle ne remet pas en cause la pertinence de la notation, ne posant pas la question de savoir en quoi une note aurait vraiment la capacité de traduire la réalité d’un apprentissage. N’y a-t-il pas mieux à faire que noter ? S’il faut refuser une notation qui fabrique injustement de mauvais élèves, faut-il accepter la notation comme moyen pertinent d’évaluer ?
Le vrai problème est celui de la production de la note, ou plutôt du jugement appréciatif que la note est censée exprimer, jugement qui pourrait s’exprimer sous d’autres formes. Car le jugement qui, dans l’évaluation, traduit l’appréciation des acquis des élèves, obéit à une double contrainte. Celle de traduire le plus objectivement et exactement possible la réalité d’un état ou niveau de compétence (problème de saisie du réel). Et celle de traduire cette réalité d’une façon claire et opératoire (problème de communication du résultat de la saisie).
Or, la note, par son apparence de résultat de mesure, semble respecter la deuxième contrainte. Mais elle fait oublier la première, que l’on tient pour automatiquement respectée (quoi de plus immédiatement objectif qu’une mesure ?). La difficulté principale est que l’évaluation n’est pas une mesure au sens strict, et que la note donne une fausse impression de rigueur.
Nourrir l’ogre algorithmique
Évaluer signifie formuler un jugement sur l’acceptabilité d’une situation par référence à des attentes. L’évaluateur scolaire est à la recherche d’informations utiles pour étayer un jugement défendable sur le niveau des élèves. On peut alors distinguer deux grands types de situations.
Ou bien il aura besoin d’informations éclairantes sur l’état d’avancement de chaque élève dans ses apprentissages, en vue de l’aider à progresser. À supposer alors qu’il trouve (comme tente de le faire l’EPCC), des modalités et des épreuves d’évaluation pertinentes, respectant la première contrainte, la note, par sa sécheresse, et la faiblesse de son pouvoir d’information, est loin d’être pour lui la meilleure façon d’exprimer son jugement.
Il pourra, par exemple, préférer des outils de communication tels que les grilles d’observation analytiques, fondées sur des descripteurs concrets des activités révélant (ou non !) les connaissances ou compétences visées. Une évaluation « formative », en cours d’apprentissage, n’a guère besoin de notes. Et l’on peut à juste titre demander ici aux enseignants/évaluateurs d’« évaluer sans noter ».
Mais, dans un second grand cas, il pourra avoir besoin d’informations « classantes », c’est-à-dire d’informations permettant de comparer des individus selon leurs « performances » dans des domaines précis, en vue de procéder à des tris, ou à des choix, dans une perspective de certification, ou, plus largement, de sélection.
Il faut bien reconnaître que plus l’on s’approche d’un seuil de certification, comme le bac, ou d’orientation, comme les choix de filières après le collège, ou d’une formation pour l’entrée dans l’enseignement supérieur, et plus les décideurs (jurys, commissions travaillant dans les systèmes d’affectation) ont besoin d’informations « classantes », faciles, sinon à interpréter (que signifie la note de 11,5/20 ?), du moins à manipuler ! Car il faudra bien, in fine, répartir sur une échelle verticale, et classer, ne serait-ce qu’en deux tas : reçus/collés ; acquis/non acquis.
Tant qu’il faudra donc, en quelque sorte, nourrir l’« ogre algorithmique », dans sa fonction d’aide au choix, et à la décision, l’apparente clarté, et l’apparente objectivité, de la note, en font un outil d’information très commode, dont on a (et aura) beaucoup de mal à se passer.
Mais la facilité d’utilisation justifie-t-elle le déni des ambiguïtés et des difficultés ? Peut-on continuer à faire « comme si » la note était une mesure assurée et indiscutable des performances scolaires ? Antibi avait raison sur ce point : c’est la pression que la société exerce en faveur de la sélection qui provoque des « dysfonctionnements » tels que la « constante macabre ».
Mais chaque fois qu’une sélection s’avère nécessaire, la tentation de la notation devient quasi irrésistible. Pourra-t-on, en ce dernier cas, se passer de notes ? Il faudrait pouvoir leur substituer d’autres repères simples et parlants… qui restent à inventer ! À bon inventeur, salut !
Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Faut-il continuer à noter les élèves ?
L'évaluation des élèves par notation a fait l'objet de nombreuses critiques, en particulier de la part du didacticien des mathématiques André Antibi, qui a dénoncé, de façon retentissante, ...
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« Vous n’avez rien dit pour défendre l’enseignement général au lycée professionnel. Ce sont les enfants des autres »
EXTRAIT
L’ancien directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Paul Delahaye, interpelle, dans une tribune au « Monde », les décideurs, parents, et citoyens issus des classes moyennes et favorisées sur leur manque d’engagement pour l’enseignement général au lycée professionnel.
En 2012, vous vous êtes battus pour le rétablissement de l’histoire-géographie comme matière obligatoire dans la terminale S de l’époque. Vous l’avez fait avec d’autant plus de détermination que ce sont vos enfants qui sont scolarisés dans les filières scientifiques du lycée d’enseignement général. Pour vos enfants, vous ne cédez rien à la qualité et à la quantité des enseignements généraux qui sont dispensés, et vous avez raison.
En 2022, vous avez obtenu que les mathématiques soient de nouveau intégrées au tronc commun des enseignements de classe de première générale. Là encore, pour vos enfants, vous vous montrez particulièrement attentifs à la culture générale qui doit être celle des citoyens d’aujourd’hui. Qui peut vous donner tort ? Mais alors, pourquoi ce silence quand il s’agit des enseignements dispensés au lycée professionnel ?
Depuis 2019, la formation au baccalauréat professionnel a été amputée de dizaines d’heures d’enseignement de lettres, de mathématiques, d’histoire-géographie, de langues, d’enseignement moral et civique… C’est une amputation d’une tout autre ampleur que celle que vous avez combattue en 2012 et en 2022 pour les filières générales. Mais vous n’avez rien dit pour défendre l’enseignement général au lycée professionnel. Est-ce parce que vos enfants ne sont pas en formation professionnelle que vous ne vous sentez pas concernés ?
(...)
Jean-Paul Delahaye (ancien directeur général de l’enseignement scolaire)
Coup de coeur... Malcolm Lowry...
Mais ne vois-tu pas espèce d'encorné de cabron qu'elle est en train de se dire que la première chose à laquelle tu penses après son arrivée à la maison comme cela c'est à boire de la strychnine dont la malencontreuse nécessité et les circonstances annulent l'innocence tu vois donc qu'en face d'une telle hostilité tu pourrais aussi bien ne pourrais-tu t'y mettre au whisky maintenant au lieu d'attendre à plus tard pas à la tequila à propos où est-elle bon bon bon bon nous savons où elle est qui serait le commencement de la fin ni au mescal qui lui serait la fin quoique peut-être une sacrée bonne fin mais au whisky la bonne et saine eau-de-feu-au-gosier des ancêtres de ta femme nacio 1828 y siguiendo tan campante et puis après tu pourrais peut-être prendre de la bière c'est bon pour toi et aussi plein de vitamines car il y aura ton frère et c'est un événement et le cas ou jamais peut-être d'une petite fête bien sûr que c'est le cas et en buvant le whisky et ensuite la bière tu pourrais néanmoins ne faire que te restreindre poco a poco comme tu dois mais tout le monde sait qu'il est dangereux de tenter ça trop vite mais poursuivre l'oeuvre de ton redressement par Hugh bien sûr que tu le ferais !
Malcolm Lowry - Au-dessous du volcan
Excellence et égalité des chances : le grand défi des universités françaises (+ commentaire)
Résumé
Alors que les universités françaises cherchent toujours à se réinventer, regard sur le grand défi auquel elles se confrontent : la recherche de l'excellence et de l'égalité des chances.
avec :
François Germinet (Président de l’université de Cergy Pontoise, membre du CA et Président du comité numérique de la CPU), Sophie Bejean (présidente de Campus France et du comité pour la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, membre du bureau de l'association pour les femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur et de la recherche.), Annabelle Allouch (maître de conférences en sociologie à l'université de Picardie-Jules Verne, spécialisée dans les questions d'éducation).
En savoir plus
Pour débattre de cette question, Guillaume Erner reçoit François Germinet, Président de Cergy Paris Université et Président de la Commission formation et insertion professionnelle de la CPU (Conférence des présidents d'université), Sophie Béjean, rectrice de l'académie de Montpellier et de la région académique Occitanie, chancelière des universités, et Annabelle Allouch, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université de Picardie-Jules Verne, autrice de Mérite (Anamosa, 2021) et Les nouvelles portes des Grandes Ecoles (PUF, 2022).
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Excellence et égalité des chances : le grand défi des universités françaises
Amphithéâtre de l'Université Paris 1-Panthéon Sorbonne ©Getty - Michel Baret Alors que les universités françaises cherchent toujours à se réinventer, regard sur le grand défi auquel elles...
A propos d'"égalité des chances".
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L'égalité des chances, cheval de Troie du néo-libéralisme... - Vivement l'Ecole!
EXTRAIT Offrir les mêmes chances à tous les enfants et ainsi organiser les meilleures conditions pour la compétition méritocratique est l'objectif affiché par le président Macron en matière ...
A l’école, être ou ne pas être soi-même
Avoir confiance en soi, savoir coopérer et décider sont des compétences qui s’apprennent de plus en plus à l’école, au même titre que la lecture ou l’écriture. Plusieurs ouvrages interrogent ces jours-ci l’essor de ces «soft skills» venues du monde de l’entreprise.
Comment redonner de l’éclat à des élèves ternes et plats, maussades comme une météo de rentrée ? A en croire le portrait peu flatteur dressé par les récentes enquêtes Pisa, les adolescents français seraient plus anxieux que la moyenne, moins persévérants et fatalistes, en comparaison de leurs camarades européens ou américains. Des élèves «malheureux», a-t-on pu entendre dans la bouche d’Emmanuel Macron dans son discours aux recteurs d’académie fin août, et dont les performances, derrière une moyenne proche des autres pays de l’OCDE, masquent une inégalité grandissante entre une élite d’excellence et ceux – le gros des troupes – qui restent soumis à d’importants déterminismes sociaux, comme l’ont montré les travaux du sociologue Camille Peugny.
Aux grands maux, les grands remèdes. Dans la circulaire ministérielle de cette rentrée, l’école ne doit plus seulement transmettre un savoir mais permettre à l’élève de «déployer ses propres potentialités», assurer le «bien-être» de l’enfant, former à «la vie en société» et à la «responsabilité individuelle». Apprendre à être sociable, à coopérer et à avoir confiance en soi serait désormais la meilleure arme pour l’égalité des chances. Pourtant, l’instauration tâtonnante du grand oral, trouvaille blanquérienne dont la deuxième édition a été accusée d’impréparation, semble dire le contraire. Alors qu’elles s’ancrent à l’école, ces «compétences douces» (soft skills), une expression venue du langage managérial, sont-elles aussi inoffensives et consensuelles que leur nom le laisse entendre ?
Renforcer le travail en petit groupe
Dans l’Economie du savoir-être, plaidoyer coécrit avec Elise Huillery, l’économiste Yann Algan, professeur à HEC, appelle à leur donner plus de place. Après deux ans de Covid-19, une succession de réformes pénibles et sous le poids de tensions chroniques, «cette rentrée est particulièrement anxieuse», souligne l’ex-doyen de la prestigieuse Ecole d’affaires publiques de Sciences-Po. «Toutes les études internationales montrent que les compétences sociales et comportementales sont la clé non seulement pour améliorer le bien-être des élèves mais aussi leur insertion sur le marché du travail. La France continue de faire la sourde oreille.» Et elle le paierait par un niveau de chômage élevé, un faible taux de création de start-up et un déficit d’entrepreneurs. A partir d’une étude portant sur 6 000 élèves franciliens en 2021, les auteurs concluent qu’«en France, l’idée dominante est que l’intelligence est innée. “L’esprit de développement”, c’est-à-dire le sentiment qu’on peut améliorer ses capacités par le travail, est peu ancré. Or, l’estime de soi est un levier considérable pour lutter contre l’autocensure et les inégalités sociales», défendent-ils.
Pour le prouver, ils ont enquêté à Montréal, où les expériences en la matière se multiplient : 250 jeunes garçons défavorisés, de 7 à 9 ans, apprennent comment inviter un autre enfant à venir jouer, sont encouragés à demander «pourquoi ?» ou à mieux gérer la colère. Résultat : leur niveau s’améliore et ils redoublent moins. Aux Etats-Unis, les personnes disposant «à la fois de compétences cognitives et de compétences sociales élevées ont connu une hausse de leur rémunération au cours des dernières décennies, sur des postes qui combinent capacités d’innovation, mais aussi de management et de relations sociales», rapporte une étude citée par Yann Algan et Elise Huillery. Cas extrême, ils évoquent les bons résultats de programmes américains de coaching d’élèves intensif, souvent très onéreux et parfois quasi militaires.
A partir de ces exemples, Yann Algan et Elise Huillery appellent à renforcer le travail en petit groupe dans les écoles françaises, à sortir de la note sanction, encourager davantage, diminuer la part de cours magistraux et la prise de notes ou favoriser les projets individuels et collectifs… Des pistes loin d’être nouvelles, que l’on retrouve chez des pédagogues comme Célestin Freinet ou Maria Montessori, pourtant jamais cités dans l’ouvrage. Certes, «des dispositifs existent», aux noms rutilants comme Motiv’action pour sensibiliser les enseignants à ces questions, ou l’association Energie Jeunes qui veut développer la persévérance des élèves dès la primaire. «Mais ils ne sont pas assez systématisés, regrettent les spécialistes, alors que les établissements privés le font depuis longtemps.»
Cette «expression de soi» visant l’autonomie
Certains établissements scolaires français s’y mettent pourtant. La sociologue Amélia Legavre a enquêté dans sept écoles primaires, publiques et privées, souvent à pédagogie «mixte» inspirées des courants Montessori et Freinet, pour voir comment s’enseigne cette «expression de soi» visant l’autonomie de l’enfant. Elle en a tiré un livre, à paraître en octobre aux PUF. Projets personnels ou collectifs, cahiers d’écriture, cours sur les qualités ou récits à l’oral des activités du week-end… «Il y a d’abord une visée pédagogique. Partir de ce qu’un élève pense et de ses centres d’intérêt peut aider à accrocher son attention et accroître sa motivation», précise la chercheuse. A ces activités qui favorisent l’individu répond une seconde approche, plus «citoyenne» visant à apprendre à l’enfant que sa voix compte dans un collectif. Dans les conseils de classe, les enfants peuvent proposer de nouvelles règles, débattre d’un sujet, se féliciter les uns les autres ou voter une décision.
La valorisation de ces qualités n’est pas si évidente. Elle agace même le sociologue Bernard Lahire, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon et auteur en 2019 d’Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants. «L’expression “être soi-même” n’a aucun sens, surtout quand c’est un ordre. On s’adapte toujours à un contexte, rappelle-t-il, avant de pointer les limites de cette injonction. Les enfants trop remuants sont ceux qui se font le plus sanctionner. A ceux-là, on ne leur dit pas d’être eux-mêmes.»
Autre difficulté : articuler ce nouvel objectif aux autres missions de l’école. Certains élèves s’inquiètent de ne pas apprendre assez. «Et d’autres ont parfois presque trop d’aisance. Ils négocient des modalités de la classe sur lesquelles leur avis n’est pas requis, et ont du mal à accepter les décisions prises sans leur consentement», remarque Amélia Legavre. Selon elle, si la majorité des enfants observés plébiscitent ces ateliers, certains peuvent tout de même ressentir une forme de pression «qui se genre au féminin, car les petites filles sont plus stressées que les garçons par le jugement scolaire», dit-elle, se référant aux travaux d’Elise Huillery ou de Bernard Lahire. «Quand on est timide, c’est pas facile d’être dans cette classe, vu qu’on doit dire beaucoup d’idées», a-t-elle pu entendre. Les enseignants déplorent parfois que tel élève ne soit «pas assez tourné vers le collectif» ou «introverti». C’est oublier que derrière un élève discret peut se cacher un génie, nuance Bernard Lahire.
«L’école: un incubateur de leaders»?
Arme à double tranchant, ces soft skills pourraient aussi accroître les inégalités sociales. «Les élèves issus des classes supérieures ont acquis ces compétences à la maison, où leur avis est davantage pris en compte. Or ce sont souvent ceux qui ont les meilleurs résultats, qui sont les plus à l’aise à l’oral. Ils savent jongler entre expression personnelle contrôlée et attentes scolaires», explique Amélia Legavre, et ceux-là seront davantage moteurs dans les projets sur l’écologie ou le vivre-ensemble, des thèmes valorisés.
Selon Bernard Lahire, enseigner et évaluer l’aisance validerait une socialisation entamée dès l’enfance. «Si on appelle ces compétences “douces”, c’est en réalité parce qu’elles sont floues, donc plus discriminantes. A l’oral, le corps est en jeu. Il y a une manière de se tenir, de regarder, de maîtriser un lexique…», décrit le sociologue, pour lequel ces compétences sont surtout une nécessité économique. «Le projet est notamment de former des gens adaptés à l’entreprise, souples, comme si l’école devait se transformer en un incubateur de leaders, épingle-t-il. Même si un individu a appris à coopérer, il sera jugé en fin de compte sur ses performances individuelles. Plutôt que d’adapter l’école à l’entreprise en rajoutant une couche d’évaluation informelle, pourquoi ne pas s’en tenir aux compétences disciplinaires ?» Etre soi-même, d’accord, mais avec les autres et pas contre eux.
Clémence Mary
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