Les programmes scolaires, enjeu de campagne
EXTRAITS
La nomination du haut fonctionnaire Mark Sherringham à la tête du Conseil supérieur des programmes, le 4 février, a déchaîné les critiques. Depuis sa création en 2013, l’instance a multiplié les polémiques, révélant les crispations françaises au sujet des programmes scolaires.
Il ne s’attendait pas à une telle déferlante. « Homme de l’ombre », « discret », comme le qualifient ceux qui l’ont côtoyé, Mark Sherringham est sous le feu des critiques depuis sa nomination à la présidence du Conseil supérieur des programmes (CSP) par Jean-Michel Blanquer, le 4 février. La FSU a exprimé ses « vives inquiétudes » face au choix « d’une personnalité si peu acquise aux valeurs essentielles de l’école publique et laïque ». Le SE-UNSA parle d’un « idéologue conservateur » proche « des milieux catholiques traditionalistes » et pose la question de son impartialité. La Ligue des droits de l’homme évoque une « offensive antilaïque pour l’école de la République », alors que le ministre de l’éducation s’est pourtant fait le défenseur des valeurs républicaines.
Docteur en philosophie, inspecteur général de l’éducation nationale, Mark Sherringham a travaillé dans les cabinets du premier ministre Raymond Barre, en 1980, et des ministres de l’éducation nationale François Fillon et Xavier Darcos, dans les années 2000. Mais ce n’est pas tant son parcours que ses écrits qui créent la controverse. Dans la revue Commentaire, en 2001, mais aussi dans un article paru dans Famille chrétienne, en 2009, Mark Sherringham s’est exprimé sur la nécessité de « réintroduire le christianisme dans le débat éducatif ».
« L’école laïque française est, et jusqu’à un certain point se sait, l’héritière de l’école chrétienne, et il n’est pas du tout sûr que la laïcisation du système éducatif français, intervenue dans le combat contre l’Eglise catholique et le pouvoir des congrégations au début du XXe siècle, marque une exclusion culturelle du christianisme hors du domaine de l’éducation dans notre pays », écrivait-il à l’époque. Mark Sherringham assume auprès du Monde ces propos, « produits il y a vingt ans en tant qu’universitaire ». L’inspecteur général renchérit : « Il y a une police de la pensée qui essaie de se mettre en place dans le débat intellectuel. » En revanche, il réfute toute proximité avec les écoles hors contrat, qui lui est reprochée.
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Un processus collaboratif
La mise en place du Conseil supérieur des programmes par la loi pour la refondation de l’école marque alors une nouvelle ambition. Conçue pour accroître la transparence dans le processus d’élaboration des contenus d’enseignement, cette instance se veut ouverte sur la société. Sur ses 18 membres, nommés pour cinq ans, six sont des parlementaires et deux des représentants du Conseil économique, social et environnemental. Mais au bout de quelques mois, son premier président, le haut fonctionnaire Alain Boissinot, jette l’éponge, faute d’un « consensus suffisant » entre ses membres, explique-t-il à l’époque. L’universitaire Michel Lussault conduit l’instance de 2014 à 2017, avec une volonté de concertation mais non sans anicroche. La notion de prédicat, lors de la réforme de la grammaire en 2017, provoque de vives réactions, puis est finalement abandonnée.
En désaccord avec Jean-Michel Blanquer, tout juste nommé à la tête de l’éducation nationale, Michel Lussault démissionne avec fracas en septembre 2017. Un an plus tard, il dénonce, avec neuf anciens membres du CSP, le fonctionnement « partisan et autoritaire » d’une instance « vidée de son sens » sous le mandat de sa successeure, l’inspectrice générale Souâd Ayada.
Pour beaucoup d’observateurs, cette présidence correspond à une reprise en main des programmes par Jean-Michel Blanquer. Par rapport aux objectifs de départ, la déception est grande dans les cercles éducatifs. « Un “spoil system” [pratique inspirée des Etats-Unis consistant à remplacer les fonctionnaires en place par des fidèles de l’exécutif] s’est finalement mis en place. Cela crée forcément des tensions alors que l’instance devrait privilégier le débat », déplore un inspecteur général, sous couvert d’anonymat.
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Difficile alors de sortir du soupçon permanent, entre une idéologie supposée des programmes et une mainmise des ministres sur leur élaboration. Michel Lussault, aujourd’hui directeur de l’Ecole urbaine de Lyon, le regrette : « Laissons les programmes tranquilles ! Il existe une dérive aujourd’hui : les contenus d’enseignement, en histoire au premier chef, sont des points de fixation d’une panique morale. Si on n’en sort pas, aucun acte éducatif n’est possible. L’école est avant tout faite pour former des individus capables de se forger un libre arbitre. »
Chaque réforme entraîne une « valse des programmes qui rend fou », constate-t-on sur le terrain, où l’on aimerait que les contenus d’enseignement arrêtent d’être instrumentalisés par le monde politique. Au vu des débats de l’actuelle campagne présidentielle, où les candidats font de l’école un marqueur identitaire, ce n’est pas gagné.
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Les programmes scolaires, enjeu de campagne
La nomination du haut fonctionnaire Mark Sherringham à la tête du Conseil supérieur des programmes, le 4 février, a déchaîné les critiques. Depuis sa création en 2013, l'instance a multipli...
Coup de coeur... Lewis Caroll...
- Dans cette direction-ci, répondit le Chat, en faisant un vague geste de sa patte droite, habite un Chapelier ; et dans cette direction-là (il fit un geste de sa patte gauche), habite un Lièvre de Mars. Tu peux aller rendre visite à l’un ou à l’autre : ils sont fous tous les deux.
- Mais je ne veux pas aller parmi les fous. Fit remarquer Alice.
- Impossible de faire autrement, dit le Chat. Nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Tu es folle.
- Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice.
- Tu dois l’être, répondit le Chat, autrement tu ne serais pas venue ici.
Alice pensait que ce n’était pas une preuve suffisante, mais elle continua :
- Et comment savez-vous que vous êtes fou ?
- Pour commencer, dit le Chat, est-ce que tu m’accordes qu’un chien n’est pas fou ?
- Sans doute.
- Eh bien, vois-tu, continua le Chat, tu remarqueras qu’un chien gronde lorsqu’il est en colère et remue la queue lorsqu’il est content. Or, moi je gronde quand je suis content, et je remue la queue quand je suis en colère. Donc, je suis fou.
Lewis Caroll - Alice au pays des merveilles
En Ukraine, ces milliers d'étudiants étrangers pris au piège de la guerre
EXTRAITS
Ces milliers d'étudiants, principalement marocains et égyptiens, rencontrent des difficultés pour évacuer l'Ukraine en guerre contre la Russie.
INTERNATIONAL - Parmi les civils qui fuient la guerre en Ukraine, se trouvent plus de 10.000 étudiants arabes, dont de nombreux Marocains et Égyptiens, mais aussi des Irakiens ou Syriens. Ils se retrouvent pris au piège du conflit et leur rapatriement est un casse-tête pour leur gouvernement.
Inquiètes, des familles se sont rassemblées, ce vendredi 25 février, à Rabat, devant le ministère marocain des Affaires étrangères. Les Marocains forment le principal contingent d’étudiants arabes avec les Égyptiens en Ukraine, prisée pour les études de médecine et d’ingénierie.
Au moins 12.000 Marocains dont 8000 étudiants y résident habituellement. Mais 3000 sont rentrés récemment, selon le ministre des Affaires étrangères à Rabat, notamment grâce à des vols spéciaux. Dans un tweet publié samedi, un journaliste de Paris Match relatait l’exode d’habitants de Zaporijia vers Kiev, dont “des dizaines d’étudiants en médecine marocains”.
“Nous demandons à rentrer”
Samedi, le quotidien marocain Le Matin, a rapporté que le royaume a mis en place de nouveaux numéros verts dans le cadre de l’évacuation de ses ressortissants. Le Maroc a également invité ses ressortissants à se rendre à des points d’accès frontaliers avec la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne.
Pour les 700 à 750 étudiants libanais bloqués en Ukraine, contre 1300 présents avant l’invasion russe, la situation est plus critique. “J’ai quitté le Liban à cause de l’effondrement” économique, raconte Samir, 25 ans, arrivé il y a un mois et demi seulement à Kharkiv. “Il n’y a pas de directives des autorités”, se plaint-il. Il voudrait gagner la Pologne “mais c’est risqué” car il devra traverser toute l’Ukraine.
À Beyrouth, les autorités ont dit préparer une évacuation des Libanais en Ukraine ou réfugiés en Pologne et Roumanie par voie aérienne ”à une date ultérieure”. En attendant, elles leur conseillent de rester “dans des endroits sûrs”.
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Huffington Post (avec AFP)
Suite et fin en cliquant ci-dessous
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En Ukraine, ces milliers d'étudiants étrangers pris au piège de la guerre
INTERNATIONAL - Parmi les civils qui fuient la guerre en Ukraine, se trouvent plus de 10.000 étudiants arabes, dont de nombreux Marocains et Égyptiens, mais aussi des Irakiens ou Syriens. Ils se ...
Coup de coeur... Sylvia Plath...
Une femme assise en face de moi avait levé les yeux de son journal. Au dernier moment, je ne m’étais pas senti le courage de laver les deux lignes diagonales de sang séché qui marquaient mes joues. Elles avaient l’air touchant et assez spectaculaire. Je voulais les conserver comme des reliques d’un amant décédé, jusqu’à ce qu’elles disparaissent d’elles-mêmes. Évidemment, si je souriais ou si je remuais trop le visage, le sang allait partir en un rien de temps, alors, je gardais le visage immobile et quand je parlais, je gardais les lèvres serrées et je parlais entre les dents.
Je ne voyais vraiment pas pourquoi les gens devaient me regarder.
On rencontrait un tas de gens beaucoup plus bizarres que moi.
Sylvia Plath - La cloche de détresse
Jean-Michel Blanquer: fantassin de la polémique en pleine guerre en Ukraine
Le ministre de l’Education nationale s’attire quolibets et critiques pour des tweets jugés déplacés au moment où le pays est plongé dans un conflit meurtrier.
A côté de la plaque, le ministre de l’Education nationale ? Alors que la Russie attaque l’Ukraine depuis jeudi, Jean-Michel Blanquer regarde ailleurs. Vers le ballon rond, d’abord. Vendredi, l’UEFA, la grande instance du football européen, décide de relocaliser la finale de la Ligue des champions au Stade de France, alors qu’elle était initialement prévue à Saint-Pétersbourg, en Russie. Une réaction à l’invasion de l’Ukraine, la veille, par Vladimir Poutine.
Blanquer, en ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse mais aussi des Sports, se fend d’un tweet dans la foulée. «Bienvenue à la Ligue des champions», se réjouit sans gêne le ministre, avant de supprimer après son tweet peu de temps après face aux nombreuses critiques.
Rebelote ce samedi matin. La capitale ukrainienne, Kiev, s’est battue toute la nuit pour ne pas tomber aux mains des Russes. Blanquer, lui, partage sur Twitter, une tribune de Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général fervent défenseur de la laïcité, publiée dans le Point. L’auteur d’un rapport remarqué en 2004 sur les «signes et manifestations d’appartenance religieuse» à l’école appelle la «gauche républicaine» à voter Emmanuel Macron en avril.
Blanquer jubile. «La République, la laïcité, et tout simplement la liberté, l’égalité, la fraternité, au socle du travail accompli par le président de la République et du soutien qui peut lui être donné», claironne-t-il, en bon missionnaire laïc. S’il est logique que le drame qui se joue en Europe de l’Est ne fasse pas disparaître tous les autres sujets, le décalage avec les propos tenus sur des réseaux publics par le ministre français ne va pas aider à améliorer son image déjà largement écornée.
«Il est sur une autre planète»
Chouchou du Président depuis son élection, l’ancien recteur s’est progressivement attiré les critiques de ses collègues du gouvernement, mais surtout du monde enseignant. A la rentrée, il avait ainsi annoncé le protocole sanitaire, particulièrement lourd pour les enseignants et les parents d’élèves, depuis Ibiza. Le tollé a été immédiat et s’est prolongé plusieurs jours.
Sa croisade contre le «wokisme», une «doctrine» à laquelle la jeunesse Française doit échapper coûte que coûte, a également le don d’agacer. Son bilan rue de Grenelle, du dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire à la réforme du baccalauréat est également remis en cause. Dans un rapport remis mercredi dernier, trois sénateurs corrigent sévèrement la copie Blanquer. «La mise en œuvre des réformes donne l’impression d’une politique publique menée dans la précipitation, à la mise en œuvre mal accompagnée, biffent-ils. De nombreux objectifs n’ont pas été atteints, conduisant à un sentiment de «naviguer à vue», de «générations d’élèves cobayes» ou [de] déception pour le personnel enseignant».
«Il est sur une autre planète, il avance et ne comprend pas pourquoi on peut lui en vouloir, soufflait récemment un conseiller ministériel. C’est d’abord un intello, il n’a pas les codes du politique.» Dans la majorité, le bon élève fait désormais figure de boulet. Il serait même «carbonisé», dixit un observateur à Libération, en janvier. A l’approche de la fin du quinquennat et d’un probable remaniement précampagne d’Emmanuel Macron, Blanquer cherche une voie d’atterrissage. Le haut fonctionnaire, sans réelle attache territoriale, lorgne ainsi une circonscription francilienne pour les législatives de juin. De quoi atterrir sans trop de dégâts ?
Victor Boiteau
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Jean-Michel Blanquer: fantassin de la polémique en pleine guerre en Ukraine
A côté de la plaque, le ministre de l'Education nationale ? Alors que la Russie attaque l'Ukraine depuis jeudi, Jean-Michel Blanquer regarde ailleurs. Vers le ballon rond, d'abord. Vendredi, l'...
Vers Kyiv (Kiev), dans les pas d'Ulysse...
Dans les pas d’Ulysse…
En ces temps de guerre en Europe – car si l'Europe n'est pas en guerre, la guerre est en Europe – j'avais envie de m'éloigner du vacarme des bombes, des hurlements des sirènes et des regards apeurés d' enfants terrés dans les abris à Kyiv et ailleurs dans un pays supplicié : l'Ukraine.
J'entends, je lis, ici et là, qu'il ne faudrait pas exprimer nos sentiments et conserver notre sang-froid. Cette maîtrise des experts face aux horreurs d'un conflit. Eh bien, laissons cela aux experts. Au nom de quoi devrions-nous nous interdire d'exprimer notre colère, notre révolte, notre tristesse ? Je trouve admirable de lire une Najat Vallaud-Belkacem ou une Cécile Alduy n'hésitant jamais à traduire leurs émotions en mots, leurs larmes en messages...
Alors, je vous emmène en Grèce. Pourquoi la Grèce ? Pourquoi Athènes ? Celle de Clisthène inventant le vote, celle de Mélina Mercouri combattant la dictature, celle du Meltemi soufflant sur la mer Egée ? Oui pourquoi ?
Parce que c'est là, au milieu des oliviers et au pied de l'Olympe, en haut des Météores et parmi les Cyclades que sont nés les sentiments premiers : la joie, la peine, la colère, les passions qu'Epidaure accueillait. Les comédiens y portaient des masques ne dissimulant rien mais au contraire multipliant la force, la puissance et la signification des sentiments offerts au public.
Venez, suivez-moi... Sans oublier Kyiv, partons en quête de nous-mêmes...
Il est donc un pays que j’ai visité il y a fort longtemps, entraîné par mon premier amour. Marchant dans les pas d’Ulysse, j’ai découvert la Grèce. Celle d’Athènes, des Cyclades et de la Crète… Celle de Jacques Lacarrière… Celle d’un peuple surtout… Cette femme me faisant signe de la main pour m’offrir un verre d’eau, alors que la chaleur écrasait le chemin qui mène aux ruines du Cap Sounion, s’offrant à la lumière bouillante de cet après-midi-là plongeant vers la mer toute proche, restera gravée dans ma mémoire. Elle était la Grèce ! Pas celle des mythes, qui ont la fâcheuse habitude de figer l’Histoire. Celle de la montagne épousant les eaux, des oliviers et des murs blancs, des rires et des larmes, des chaises installées devant les entrées et attendant la fraîcheur du soir, de la liberté conquise au prix du sang, de la tragédie et du bonheur de vivre ! De Mélina Mercouri et de Maria Farantouri. Du sirtaki, oh pas celui frelaté pour touristes. Non… Celui dansé un soir par un homme seul, âgé, certain de ne pas être vu et que j’ai observé en silence. La Grèce dansait ! Il a terminé, je me suis éclipsé. Je ne voulais pas trahir ma présence et, par là, trahir le secret de cette danse n’appartenant qu’à lui. Jamais je n’ai vu homme plus grec, à part peut-être ces oliviers millénaires aux corps torturés par le temps et le vent, donnant aux collines des allures de champs de bataille dont les guerriers seraient restés prisonniers du temps…
J’ai aimé Santorin. Là encore, pas celui des touristes dégueulés par vaisseaux entiers pour une journée d’arrêt avant de poursuivre le marathon vers d’autres îles, d’autres villes. Vite parcourues, vite pillées en photographies, selfies et cartes postales. C’était dans les années 1980. Les ruelles de la ville-citadelle n’étaient pas encore trop embouteillées par des hordes d’envahisseurs et l’on pouvait déambuler à l’aise au milieu des maisons blanches à coupole bleue. Déjà Braque annonçait sa venue. De l’Atlantide au cimetière marin de Varengeville, quel chemin parcouru… Que d’amours englouties… Au loin, dans le soleil déclinant, loin de Fira et d’Oïa, assis sur un muret, nous regardons finir le jour. L’obscurité enveloppe les regards d’un halo étrange. Ici tout est mystère, comme ce volcan, là, posé, flottant encore au centre de la caldera. Nea Kameni se noie…
Puis vint la Crète… Ce bain dans la mer de Libye… Chaude et trop calme à mon goût. Je suis un enfant de l’Atlantique agitée. Les rouleaux de ma jeunesse n’existent qu’en cas de meltemi soufflant en tempête. Zeus est né ici. Je l’ai croisé en parcourant les gorges de Samaria. Elles ont conservé quelques-uns de mes rêves…
Je les retrouverai en lisant et relisant quelques pages de l’Odyssée. Ulysse l’aventurier, Ulysse aux mille ruses… Son retour à Ithaque, reconnu par son vieux chien… Le massacre des prétendants et Pénélope lui imposant l’épreuve du lit conjugal sculpté, par lui seul, dans un « rejet » d’olivier… Toujours les oliviers… Cet épisode ravit mes élèves chaque fois que je le leur lis. La Grèce et ses récits ont sur moi le même pouvoir d’émerveillement que je connaissais, enfant, lorsque je découvrais avec mes parents les paysages de l’Atlas enneigé ou ceux d’une plage de Sidi Bouzid, accessible seulement à pied après avoir emprunté l’ouverture étroite d’un pan de falaise détaché, prêt à s’effondrer dans l’océan. J’étais Ulysse marchant vers Calypso… Invincible dans mes étés éternels…
Il faut du grec en nous. Aussi épris de liberté que peut l’être ce peuple. Depuis les Thermopyles jusqu’à la disparition du régime des colonels, les grecs sont restés amoureux fous de leur indépendance. Salamine et Platées viendront le confirmer… Maria Farantouri et Mélina Mercouri le chanter entre l’Acropole et les collines de la Pnyx, des Nymphes et des Muses.
Il y a du Maroc dans la Grèce. La lumière, la mer, le vent et les chants. L’Histoire multi millénaire. Des paysages tellement beaux qu’ils rendent l’être humain acceptable…
Il est des pays où même la pauvreté peut être fastueuse, ou les nuits se reflètent dans tes yeux sombres par la lune escaladant le ciel, ou les terrasses de café se dépeuplent quand le jour se prépare au réveil, où les pas restent silencieux par les pieds toujours nus, au milieu des rires et des claquements secs et réguliers des hommes aux komboloï…
Lectrices, lecteurs, si tu vas un jour en Grèce, marche encore et toujours pieds nus, loin des villes et des lieux consacrés au tourisme de masse, dans les ruelles des villages perdus seulement par celles et ceux qui ne savent plus regarder la beauté en face.
Alors, nous pourrons ensemble courir vers les victoires… A Kyiv, par exemple...
Christophe Chartreux
Coup de coeur... Honoré de Balzac...
Le Journal au lieu d'être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s'est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l'on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S'il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n'est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même.
Honoré de Balzac - Illusions perdues