Coup de coeur... Guy de Maupassant...
Et, tournant à gauche, ils pénétrèrent dans une espèce de jardin couvert, que deux grandes fontaines de mauvais goût rafraîchissaient. Sous des ifs et des thuyas en caisse, des hommes et des femmes buvaient sur des tables de zinc.
" Encore un bock ? demanda Forestier.
Oui, volontiers. "
Ils s'assirent en regardant passer le public.
De temps en temps, une rôdeuse s'arrêtait, puis demandait avec un sourire banal : " M'offrez-vous quelque chose, monsieur ? " Et comme Forestier répondait : " Un verre d'eau à la fontaine ", elle s'éloignait en murmurant : " Va donc, mufle ! "
Mais la grosse brune qui s'était appuyée tout à l'heure derrière la loge des deux camarades reparut, marchant arrogamment, le bras passé sous celui de la grosse blonde. Cela faisait vraiment une belle paire de femmes, bien assorties.
Elle sourit en apercevant Duroy, comme si leurs yeux se fussent dit déjà des choses intimes et secrètes ; et, prenant une chaise, elle s'assit tranquillement en face de lui et fit asseoir son amie, puis elle commanda d'une voix claire : " Garçon, deux grenadines ! " Forestier, surpris, prononça : " Tu ne te gênes pas, toi ! "
Elle répondit :
" C'est ton ami qui me séduit. C'est vraiment un joli garçon. Je crois qu'il me ferait faire des folies ! "
Duroy, intimidé, ne trouvait rien à dire. Il retroussait sa moustache frisée en souriant d'une façon niaise. Le garçon apporta les sirops, que les femmes burent d'un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d'éventail sur le bras, dit à Duroy : " Merci, mon chat. Tu n'as pas la parole facile. "
Et elles partirent en balançant leur croupe.
Alors Forestier se mit à rire :
" Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. "
Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :
" C'est encore par elles qu'on arrive le plus vite. "
Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda :
" Est-ce que tu restes encore ? Moi, je vais rentrer, j'en ai assez. "
L'autre murmura :
" Oui, je reste encore un peu. Il n'est pas tard. "
Forestier se leva :
" Eh bien, adieu, alors. A demain. N'oublie pas ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie.
- C'est entendu ; à demain. Merci. "
Ils se serrèrent la main, et le journaliste s'éloigna.
Dès qu'il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d'or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu'il fouillait de l'œil.
Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes.
Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n'osa plus.
La brune lui dit :
" As-tu retrouvé ta langue ? "
Il balbutia : " Parbleu ", sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole.
Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d'eux.
Alors, tout à coup, elle demanda :
" Viens-tu chez moi ? "
Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement.
" Oui, mais je n'ai qu'un louis dans ma poche. "
Elle sourit avec indifférence :
" Ça ne fait rien. "
Et elle prit son bras en signe de possession.
Comme ils sortaient, il songeait qu'avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain.
Bel-Ami - Guy de Maupassant
Ecoles ouvertes: avec quels moyens et à quel prix ?
Alors qu'un nouveau protocole vient d'être annoncé et que de nombreux pays ont fermé leurs établissements scolaires face à la 3ème vague de l'épidémie et l'apparition de variants du Covid 19, la France maintient depuis septembre ses écoles ouvertes : mais avec quels moyens et à quel prix ?
Pour le gouvernement comme pour le conseil scientifique Covid-19, la fermeture des écoles en France arriverait en "dernier recours". Notre ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, avance que la France est un des pays qui a le plus laissé ses écoles ouvertes depuis le début de l’épidémie. Mais depuis la rentrée de septembre, et alors que le virus circule davantage aujourd’hui, un débat agite la communauté éducative et met en colère une partie des enseignants, en grève mardi dernier pour certains : trop d’écoles resteraient ouvertes.
Dans ce numéro d’Être et savoir nous voulions donc poser quelques questions simples, des questions qui suscitent d’intéressantes réflexions : Cas contacts, fermeture de classe et d’école, qu’est-ce qui est vraiment appliqué sur le terrain, et avec quels effets ? Comment cela se passe dans les autres pays ?
Enfin, que dit notre "règle" du maintien de l’ouverture des établissements scolaires du rapport de notre société à son école ? Se joue-t-il quelque chose de particulier en France en ce moment ?
Trois invités avec nous ce soir pour y réfléchir : Sabine Duran, directrice d’école à Pantin, Éric Charbonnier, analyste de la direction de l’éducation et des compétences de l'OCDE et François Dubet, sociologue de l'éducation qui travaille depuis de nombreuses années sur la question des inégalités.
La réalité du terrain
La réalité sur le terrain fait que le protocole n’est pas appliqué et que les élèves sont brassés, rappelle Sabine Duran.
Il n’y a pas un seul protocole mais plusieurs protocoles, et les décisions sont prises à géométrie variable. Sabine Duran
La question des tests systématiques est assez centrale et elle permettrait quand même de dénouer la situation. Sabine Duran
Les enseignants veulent être en sécurité sur leur lieu de travail, de bonnes conditions d’apprentissage pour les élèves et que cessent les déclarations d’intention. Sabine Duran
Il faut savoir qu’on n’est pas toujours au courant qu’un enfant est positif, il faut que la famille nous le signale. Sabine Duran
Inégalités accentuées
Cette crise accentue les mécanismes et les travers que l’on connaissait déjà, analyse François Dubet.
Il n’ y a pas qu’en France que les inégalités se sont accentuées avec l’apprentissage à distance, ces inquiétudes se retrouvent aussi à l'étranger. Éric Charbonnier
Dans quelques années l’école va être coincée entre l’appauvrissement des familles en amont, et le désert du marché du travail en aval. François Dubet
Le problème essentiel c’est ce qu’il va advenir de ceux qui n’auront pas réussi à l’école. François Dubet
À l’école on grandit
Selon François Dubet, les enfants n’ont pas tant souffert de l’absence de cours que de l’absence de vie sociale de l’école.
Priver les enfants de société c’est plus tragique que de les priver de connaissances, qui peuvent toujours se rattraper. François Dubet
Il faut regarder tout ça pas seulement comme un problème scolaire, mais surtout comme un problème social majeur. François Dubet
Le modèle français
La fermeture de classes ne signifie pas la même chose dans tous les pays, explique Éric Charbonnier.
Avec notre fonctionnement très centralisé on a l’impression qu’on est toujours un peu en retard sur la mise en place des mesures. Éric Charbonnier
On a quand même l’impression que le modèle centraliste français va en prendre un coup après cette crise. François Dubet
En France on est toujours un peu en retard sur la formation au numérique, le taux d’enseignants qui l’utilisent en classe n’est que de 36%. Éric Charbonnier
Des effets positifs ?
S’il y a des vertus à cette crise, c’est qu’elle nous oblige à voir ce qu’on ne voulait pas voir, analyse François Dubet.
Les enseignants français se sentent mal considérés par la société, si on veut voir un message positif c’est qu’aujourd’hui les enseignants n’ont jamais été autant reconnus par les familles. Éric Charbonnier
Il va falloir réfléchir sur la valeur du diplôme. Éric Charbonnier
La question des moyens
Sabine Duran rappelle que le manque de moyens reste le cœur du problème.
La précarité s’est aggravée pour des familles qui étaient déjà très fragilisées. Que peut faire l’école pour ces familles, mais la vraies question c’est surtout : quels sont les moyens que l’on va mettre ? Sabine Duran
Il y a une énorme attente de la part des famille sur l’école et d’un autre côte il y a les moyens qu’on ne lui donne pas, ce qui crée beaucoup d’incertitudes. Sabine Duran
Pour en savoir plus …
- Lien vers l'article de pascale Santi dans Le Monde du 28 janvier : Les pédiatres opposés à la fermeture des écoles en cas de troisième confinement.
- Retrouvez l'article du médecin Christian Lehmann dans Libération du 31 janvier : Mais pourquoi donc faut-il sauver le soldat Blanquer ?
- Lien vers l'interview de la chercheuse Vittoria Collizza dans Le Monde du 27 janvier : "Si on fait le choix de garder les écoles ouvertes, il faut être prêt à fermer beaucoup d’autres choses".
Illustrations sonores
- Feu Chatterton, Monde nouveau (2021).
- Extrait du discours d'Emmanuel Macron sur TF1 le 12/03/20.
Louise Tourret
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Maintien des écoles ouvertes : une singularité française ? - Ép. 8/12 - L'éducation face au Covid
Alors qu'un nouveau protocole vient d'être annoncé et que de nombreux pays ont fermé leurs établissements scolaires face à la 3ème vague de l'épidémie et l'apparition de variants du Covid 1...
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JM Blanquer et ses éléments de langage exaspérants...
EXTRAITS
« Affaire Ibiza » : le naufrage de Jean-Michel Blanquer, ministre désinvolte
Le voyage du ministre de l’éducation aux Baléares, à la veille d’une rentrée scolaire à haut risque, résume deux années de gestion de la pandémie de Covid-19 : par désintérêt manifeste, il n’a jamais répondu aux craintes et à l’épuisement des enseignants comme des familles.
Le feu couvait depuis bientôt deux ans, il s’est embrasé à Ibiza. Le 2 janvier, le ministre de l’éducation nationale accordait au Parisien une interview qui a tenu lieu d’annonce d’un énième et ubuesque protocole de rentrée scolaire. Mediapart a révélé, lundi 17 janvier, que l’interview s’est déroulée en visioconférence, avec un ministre aux Baléares.
Avec Ibiza, « il y a, je le reconnais, une symbolique », a reconnu, lucide, Jean-Michel Blanquer lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, ce mardi 18 janvier.
L’île festive des Baléares est en effet devenue le symbole du dilettantisme têtu de Jean-Michel Blanquer face au Covid. Avant même nos révélations, l’interview du 2 janvier était déjà un pur exemple de désinvolture. Payante, elle est parue sur le site du Parisien dimanche en fin d’après-midi, sans aucune négociation ni information préalable des partenaires sociaux, un procédé devenu habituel.
(...)
Une gestion de la crise sanitaire qui repose tout entière sur des « éléments de langage exaspérants ».
Comble de la désinvolture : l’Éducation nationale n’avait rien prévu pour les enseignants, massivement contaminés eux aussi. Ce n’est que le 6 janvier, lors d’une rencontre musclée avec leurs syndicats, que le ministère a bien voulu concéder une commande de 55 millions de masques chirurgicaux. Ils devraient être distribués… fin janvier, quand la vague Omicron aura sans doute amorcé sa décrue. Mais c’est une avancée : jusqu’ici, les enseignants n’avaient eu droit qu’à des masques en tissu, moins protecteurs.
Depuis des mois, les syndicats d’enseignants dénoncent une gestion de la crise sanitaire qui repose toute entière sur des « éléments de langage exaspérants » du ministre, fustige par exemple le Snes-FSU. C’est aujourd’hui « l’école ouverte », sur laquelle doivent méditer les 300 000 enfants positifs, isolés chez eux sans aucune continuité pédagogique, ou les élèves des 25 000 enseignants positifs, qui n’ont pour la plupart pas vu l’ombre d’un remplaçant promis par le ministre.
Quand le virus fauchait mille vies par jour, le ministre avait un autre credo, répété ad nauseam : « On se contamine moins à l’école que dans le reste de la société. » Il le répétait au printemps dernier, au pic de la troisième vague, quand des établissements scolaires étaient massivement touchés. « Assumer le risque » du Covid lui paraissait alors « peu de chose par rapport à l’importance qu’un enfant ne se déscolarise pas ».
L’épisode des Baléares est cette fois plus burlesque que tragique : grâce à la protection des vaccins, les adultes ont moins à craindre du Covid ; quant aux enfants non vaccinés, ils sont toujours aussi peu touchés par les formes graves du virus.
Parce que jamais il n’a paru prendre au sérieux cette épidémie, ses morts comme le désordre social qu’elle crée, Jean-Michel Blanquer affronte aujourd’hui un mouvement social d’ampleur parmi les enseignants, et une bronca médiatique.
Autre symbole désastreux : le 7 janvier, il a pris le temps d’ouvrir les débats, cette fois en chair et en os, d’un vrai-faux colloque faisant le procès du « wokisme », en partie financé par son ministère, pour défendre un « universalisme pris en tenaille entre revendications identitaires de l’extrême gauche comme de l’extrême droite ».
La société telle qu’elle est, aux prises avec la pandémie mondiale, intéresse peu Jean-Michel Blanquer, le ministre dystopique.
Caroline Coq-Chodorge
Article complet en cliquant ci-dessous
« Affaire Ibiza » : le naufrage de Jean-Michel Blanquer, ministre d... — Mediapart
Ibiza: l’élève Blanquer tente de justifier son absence
Le ministre de l’Education nationale, qui a annoncé le protocole sanitaire de rentrée depuis l’île, n’est plus en odeur de sainteté dans la majorité. Mardi, il a été forcé à exprimer un léger regret, tout en restant droit dans ses bottes.
Ce devait être une bonne semaine pour Emmanuel Macron. Le Président était parti pour se balader en terrain conquis. Lundi, il était à Chalampé (Haut-Rhin), où il a annoncé quatre milliards d’euros d’investissements étrangers en France. Ce mercredi, il doit se rendre à Strasbourg pour lancer la présidence française de l’Union européenne lors d’un discours qu’il rêve visionnaire. De quoi «renouer avec le macronisme originel» à trois mois du premier tour de la présidentielle, d’après la fière expression d’un de ses conseillers. Mais Mediapart a publié lundi soir une information si baroque qu’elle paraît relever de la fiction : «Omicron : Blanquer a annoncé le nouveau protocole dans les écoles depuis Ibiza», en référence à une interview réalisée par le Parisien dimanche 2 janvier pour dévoiler, in extremis avant la rentrée, les nouvelles règles sanitaires en milieu scolaire, très lourdes pour les proviseurs, les enseignants, les profs et les enfants.
Dès lors, cette question : que faisait le ministre de l’Education nationale dans cette île des Baléares plus connue pour ses soirées enflammés que pour abriter une annexe de la rue de Grenelle, à la veille d’une rentrée scolaire percutée par le variant omicron ? L’Elysée a refusé de répondre et renvoyé vers le cabinet de Jean-Michel Blanquer, qui a livré cette explication : le ministre était en vacances, tout simplement, ce qui ne l’a pas empêché de travailler – le télétravail n’est-il pas devenu la norme après tout ? – et d’assister à toutes les réunions nécessaires.
Dans la foulée, Matignon a embrayé en précisant que le ministre était à deux heures de Paris et est resté joignable. «Est-ce que c’est une faute grave ? Non. Est-ce qu’on aurait préféré qu’il ne le fasse pas ? Oui. Son mea culpa est nécessaire», a développé un conseiller. Jean-Michel Blanquer s’est donc exécuté mardi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale : «Il se trouve que le lieu que j’ai choisi a une symbolique que je regrette mais ne nous perdons par dans l’accessoire», a-t-il déclaré devant les députés. Mais au 20 heures de TF1, le ton était bien différent : «On ne va pas tous les jours battre sa coulpe parce que les adversaires ont envie de vous déstabiliser.»
Un ministre «carbonisé»
Evidemment, l’opposition s’était empressée de réclamer sa démission, du candidat écolo Yannick Jadot dénonçant un «niveau de mépris et d’irresponsabilité […] pas acceptable», au patron du Parti socialiste, Olivier Faure, estimant que «la confiance n’est plus possible». L’hypothèse d’un départ était inenvisageable mardi soir pour l’exécutif : «On ne donne pas la tête d’un ministre pour une faute morale.»
Mais le fait est qu’il y a plus que la virée ensoleillée de Blanquer. Depuis cette interview au Parisien, quelque chose clochait dans la majorité, comme un parfum de lâchage. Ce qui est peu commun en macronie, où l’usage est plutôt de faire bloc lorsque l’un des leurs est mis en cause. Le précédent du gouvernement uni comme un seul homme derrière Nicolas Hulot pourtant soupçonné de viol, en 2018, est suffisamment parlant. Cette fois, avant même le coup d’Ibiza, les mines étaient désolées à l’évocation d’un Blanquer déjà qualifié de «carbonisé» par un observateur avisé.
La présence du ministre à la Sorbonne le 7 janvier a sérieusement heurté dans les couloirs du pouvoir, où Blanquer n’était déjà pas particulièrement perçu comme le plus pertinent dans ses prises de paroles publiques comme dans ses prises de décision. Ce jour-là, le locataire de la rue de Grenelle n’avait rien trouvé de mieux que de se rendre à un colloque organisé par le Collège de philosophie, l’Observatoire du décolonialisme et le Comité laïcité république. Avec, au programme, la défense de l’universalisme face au «wokisme». «Le bien, le vrai, le beau, doivent en permanence être repensés», alors que trop «de relativisme consiste à dire que tout se vaut», avait philosophé Blanquer.
Pendant ce temps, le monde éducatif s’épuisait à faire respecter les consignes gouvernementales. Et lançait un appel à une première journée de mobilisation dans la rue pour le 13 janvier sur l’air du «trop, c’est trop», pointant particulièrement le mépris du ministre depuis le début de la crise. Une deuxième journée de mobilisation est d’ores et déjà prévue jeudi, et pour l’instant interdite par la préfecture de police de Paris selon la CGT et SUD.
«J’attends les grèves contre les raz-de-marée»
Dans la foulée des premières manifs qui ont très largement mobilisé tous les secteurs de l’enseignement, c’est le Premier ministre, Jean Castex, qui a dû organiser une rencontre avec les syndicats rue de Grenelle, et contraindre Blanquer a annoncer l’embauche de 8 000 personnes supplémentaires dans l’Education nationale d’ici à la fin de l’année. Ce dernier avait dû, déjà, se livrer à un semblant de mea culpa le lendemain sur France Info. Il semble loin le temps où Jean-Michel Blanquer était présenté comme la superstar de la macronie, parce qu’ami du couple présidentiel et «chouchou» de Brigitte Macron.
En ce mois de janvier, il a même un peu le blues (politique, car pour le reste, le ministre s’est marié le week-end dernier), lui qui se plaint de son sort devant plusieurs témoins : «C’est quand même un peu raide que je doive porter seul les problèmes de la première semaine de janvier.» Blanquer jugeait que le ministre de la Santé, Olivier Véran, était au moins aussi coupable que lui de la lourdeur du protocole, puisque c’est avenue de Ségur qu’ont été transformées en consignes les recommandations du Haut Conseil de la santé publique. Il invoquait face aux critiques son propre «courage politique» et le fait d’avoir «les épaules larges» pour tenir dans la tempête. Car le paradoxe est le suivant : la France n’a jamais cessé de se vanter de son choix de garder au maximum les écoles ouvertes. «C’est un triomphe français», aime à se glorifier Blanquer. A la veille de la mobilisation du monde éducatif, il lâchait : «C’est une grève contre le virus. J’attends avec impatience les grèves contre les raz-de-marée.» Et de se plaindre d’être «attaqué de toute part par des gens qui profitent de la crise sanitaire pour faire de la politique».
Mais Blanquer n’allait toutefois pas si mal : ces derniers temps, il ne cachait pas son bonheur d’avoir battu le record de longévité rue de Grenelle sous la Ve République, détenu par Christian Fouchet. Et racontait volontiers qu’il se verrait bien dépasser le vrai record, celui établi par Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique sous le Second Empire, de 1863 à 1869. Il y aurait alors de quoi être fier !
Charlotte Chaffanjon
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Ibiza: l'élève Blanquer tente de justifier son absence
Le ministre de l'Education nationale, qui a annoncé le protocole sanitaire de rentrée depuis l'île, n'est plus en odeur de sainteté dans la majorité. Mardi, il a été forcé à exprimer un l...
"C'est la preuve qu'on peut être DJ en Macronie !" : il faut sauver le soldat Blanquer
EXTRAITS
Le président n'a qu'une idée en tête : que les déconvenues de son ministre de l'Education ne polluent pas son entrée en campagne.
Jean-Michel Blanquer était mieux qu'un soldat, il fut longtemps le bon élève de la Macronie. Il est aujourd'hui un problème politique pour le président. "La situation dans l'Education nationale a plombé le regard des Français sur la gestion de la crise sanitaire alors qu'il faut absolument qu'on se fasse créditer de notre réussite", confie un ministre proche du chef de l'Etat. La grogne des enseignants, passe encore, mais la colère des parents devant la succession de protocoles est devenue un sujet de préoccupation majeure pour l'exécutif. Il ne manquait plus qu'un symbole pour appuyer là où ça fait mal : lundi soir, Mediapart révèle que le ministre était à Ibiza la veille de la fameuse rentrée scolaire du 3 janvier.
"La symbolique, je la regrette", a reconnu Blanquer ce mardi. Il n'a pas oublié que Jean-François Mattéi, ministre de la Santé au moment de la canicule meurtrière de 2003, ne s'en était jamais remis. Son interview au journal de 20 heures de TF1, en duplex depuis sa résidence dans le Var, vêtu d'un polo noir décontracté, fut "une erreur de communication", avait-il reconnu dix ans plus tard sur Europe 1.
La semaine dernière, les membres du gouvernement ne s'étaient pas bousculés pour soutenir Jean-Michel Blanquer - la bousculade eut plutôt lieu entre lui et son collègue de la Santé Olivier Véran. Lundi soir, l'Elysée et Matignon ont immédiatement échangé pour aligner les positions : on ne lâche pas un ministre de cette importance à trois mois de l'élection présidentielle. Déjà, pour ne pas affaiblir encore davantage Jean-Michel Blanquer, Jean Castex avait choisi le 13 janvier de se rendre au ministère pour tenir la réunion avec les syndicats plutôt que de les recevoir à Matignon. Et, en attendant les échéances suivantes, à commencer par la journée de grève dans les établissements scolaires jeudi, on croise les doigts.
(...)
Rire jaune, c'est déjà rire un peu. "C'est la preuve qu'on peut être DJ en Macronie !", remarque un proche du chef de l'Etat. C'est aussi la démonstration, pas forcément rassurante à moins de cent jours du premier tour de la présidentielle, qu'il n'y a pas de garde-fou dans le système.
Erwan Bruckert et Eric Mandonnet
Article complet à lire en cliquant ci-dessous
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"C'est la preuve qu'on peut être DJ en Macronie !" : il faut sauver le soldat Blanquer
Jean-Michel Blanquer était mieux qu'un soldat, il fut longtemps le bon élève de la Macronie. Il est aujourd'hui un problème politique pour le président. "La situation dans l'Education national...
Jean-Michel Blanquer à Ibiza : "Pour l'exécutif, c'est un cauchemar" à 80 jours de la présidentielle
"Il y a un problème Blanquer", reconnaît Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po. Alors que les appels à la démission du ministre de l'Éducation fusent, il estime "normal, vu l'affaire en question, qu'il y ait une demande de sanction".
Les vacances du ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer à Ibiza lorsqu'il a donné une interview au Parisien pour dévoiler le protocole sanitaire, parue la veille de la rentrée scolaire de janvier, font scandale. C'est Médiapart qui l'a révélé lundi [article payant]. "Pour l'exécutif, c'est un cauchemar" à 80 jours de la présidentielle, analyse le professeur à Sciences Po et PDG de MCBG conseil Philippe Moreau-Chevrolet mardi 18 janvier sur franceinfo. Il pense néanmoins que le ministre ne sera poussé à la démission que si cela a un impact négatif dans les sondages sur les intentions de vote.
franceinfo : Pourquoi les vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza passent aussi mal auprès de la communauté enseignante ?
Ça donne une image assez désastreuse de la politique parce que ça intervient à peu près au même moment que l'affaire Boris Johnson à Londres, qui est une affaire un peu similaire. Le Premier ministre britannique a été accusé de faire des fêtes tous les vendredis pendant le confinement.
"On a le sentiment d'un deux poids-deux mesures, c'est-à-dire une population à qui on demande vraiment beaucoup d'efforts et des ministres qui, en l'occurrence, sont en vacances et sont en réalité déconnectés des efforts qu'ils demandent à la population." Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po à france info
C'est d'autant plus douloureux pour la communauté scolaire - quand même 20 millions de personnes - à qui on a balancé en quelque sorte un protocole le lundi matin de la rentrée. On a vu des gens en larmes, des directeurs d'école en larmes à l'antenne de Radio France et le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait dû leur répondre. On a vu que le Premier ministre Jean Castex avait été obligé de déminer la situation au 20 heures de France 2 et s'était même fait reprendre par la journaliste qui lui reprochait d'en être au troisième protocole. Dans ces conditions, tout le monde aurait préféré que le ministre soit à son bureau à Paris et pas en vacances à Ibiza. Le symbole d'Ibiza est tellement puissant, ça rappelle David Guetta, ça rappelle la fête, ça rappelle une fête aussi de riches. Ce symbole est tellement fort que ça va être difficile de le contrer comme ça.
Pensez-vous qu'il y a actuellement, un problème Jean-Michel Blanquer ?
Il y a un problème Jean-Michel Blanquer, qui est identifié depuis plusieurs semaines déjà, puisque la rentrée a été une vraie catastrophe d'un point de vue d'image en tout cas, d'un point de vue de communication. Mais que faire à 83 jours de l'élection présidentielle ? Si vous faites partir un ministre, vous avouez en quelque sorte un problème, vous vous affaiblissez et donnez à l'opposition des armes pour vous attaquer. Si vous ne le faites pas partir, vous vivez avec une épine dans le pied, mais d'une certaine façon, il reste longtemps avant le scrutin. (…) La défense habituelle de l'exécutif depuis 2017, c'est le "j'assume", donc c'est de ne pas s'affaiblir en reconnaissant une erreur, ne pas faire démissionner un ministre en pleine crise. Il faut voir combien de temps c'est tenable. À l'Élysée, ils vont regarder de près les sondages et l'évolution de l'électorat, en particulier à droite, qui risque d'être assez sensible à cette polémique.
Pourtant les appels à la démission se multiplient déjà. C'est le jeu de la politique ?
Oui, c'est la règle et puis, entre nous, c'est assez normal vu l'affaire en question qu'il y ait une demande de sanction. Ça rappelle l'affaire de Jean-François Mattéi lors de la canicule de 2003. C'était le ministre de la Santé à l'époque, il y avait une canicule qui faisait 15 000 morts dans le pays et lui avait accueilli les caméras de TF1 en duplex depuis sa maison de vacances et en polo, ça avait fait un scandale assez compréhensible et ça lui avait coûté sa carrière politique. Donc oui, un ministre peut sauter sur une affaire comme celle-ci. Il est assez logique que l'opposition le demande. Après, c'est une question de rapport de force et, encore une fois, on est à 80 jours du scrutin donc, pour l'exécutif, c'est un cauchemar. Ce qu'Emmanuel Macron fait, en général, c'est de refuser de céder à la pression. Souvenez-vous dans l'affaire Alexandre Benalla, il avait même dit qu'il faudrait venir le chercher pour qu'il remette en cause la situation de son conseiller. En général, il réagit à la pression en tenant bon et en ne bougeant pas de sa position. Là, ça va vraiment dépendre de l'évolution de l'électorat.
"S'ils constatent que la situation glisse et risque de leur échapper, peut-être qu'ils lâcheront Jean-Michel Blanquer, comme un gage à l'électorat. Si les chiffres sont relativement bons et que ça a peu d'impact, Jean-Michel Blanquer devrait s'en sortir." Philippe Moreau-Chevrolet à france info
Malheureusement, on est plutôt dans ce type de calcul en campagne électorale.