Frédéric Gros : «Crier à la honte, cela fait trembler le système »
Pour le philosophe, cet affect complexe qu’est la honte ne se résume pas à la tristesse, il est, quand il prend la forme d’une colère collective, une étincelle, un explosif, pour dénoncer les violences sexuelles, l’inaction face au changement climatique, la fortune des puissants...
La honte n’est pas un sentiment qui jouit d’une bonne réputation, parce que, quelles qu’en soient les formes – de la culpabilité à la timidité, de la pudeur à la vergogne ou au sentiment d’humiliation – elle implique toujours une retenue, un triste repli sur soi, une sorte de douloureuse passivité. Mais ce n’est pas ainsi que la conçoit le philosophe Frédéric Gros qui, après s’être intéressé à la désobéissance, inverse à présent le sens de la honte. Dans la Honte est un sentiment révolutionnaire (éd. Albin Michel, 2021), le professeur d’humanités politiques à Sciences-Po Paris soutient que la honte est l’affect majeur de notre époque. «C’est une honte !» ; «La honte doit changer de camp !» : loin de n’être que tristesse, elle porte en elle une colère qui, quand elle se conjugue, devient une force politique active, «révolutionnaire».
La honte est un affect complexe, on l’éprouve tantôt vis-à-vis de soi-même, tantôt pour un proche, tantôt à cause du regard des autres. Elle semble «prise» entre la culpabilité, la pudeur, la «vergogne», la timidité, le remords… Peut-on en donner une définition unique ?
S’il fallait donner une détermination commune qui puisse couvrir l’ensemble des usages, ce serait quelque chose comme le sentiment douloureux d’un décalage. Mais décalage entre quoi et quoi ? C’est là que tout se joue. Peut-être décalage entre ce que j’imagine que les gens aimeraient que je sois et ce que je me sens être vraiment. Ou entre ce que j’imagine que le monde devrait être et ce qu’il est – ce qui est déjà très différent. Dans la honte se jouent à la fois une douleur, de la tristesse, mais aussi une forme de colère. Elle peut aussi ressembler à la pudeur, en effet, à la capacité à se retenir – détermination que l’on entend lorsqu’on songe à ce qu’est le contraire de «éhonté» : dans ce cas, ce n’est pas un décalage, mais plutôt une manière de «suspendre», qu’ignore celui ou celle qui est «éhonté·e», ou «sans vergogne». Je suis frappé par l’évidence avec laquelle on est traversé par les différents sens de ce mot. Quand je dis «c’est une honte» dans un cri d’indignation, on comprend tout aussi bien ce que quelqu’un veut dire quand il dit qu’il «meurt de honte».
Pourquoi la honte plutôt que l’arrogance qui semble aussi caractéristique de notre société actuelle ?
Parce qu’une certaine honte nous sauve sans doute de l’arrogance. Je soutiens que la honte est l’affect majeur de notre temps comme en attestent trois injonctions contemporaines. D’abord : «N’ayez plus honte de vous-mêmes», «aimez-vous», qu’on doit saisir comme un sursaut de rage et de vie contre la honte-tristesse qui empoisonne l’existence. Les attaques ici traditionnellement vont viser la pudibonderie de la société bourgeoise et du catholicisme. On a l’impression que toute émancipation passe par la sortie de la honte. Mais il me semble que l’on rate quelque chose si on se limite à ce sens.
La seconde injonction est : «Il n’y a plus de honte», cri d’indignation mille fois répété par les moralistes qui s’inquiètent des «sans-gêne», de l’étalage de soi sur les réseaux sociaux ou des incivilités en augmentation.
La troisième injonction – «La honte doit changer de camp», «honte sur vous !» – est celle qu’on entend dans les cortèges et sur les réseaux sociaux : c’est elle qui m’a particulièrement intéressé. C’est un cri de rage qui vise bourreaux, incesteurs, violeurs, patrons corrompus, milliardaires indécents. Quand Adèle Haenel se lève et crie «c’est la honte !», elle fait trembler un système d’acceptation diffus où il ne faut surtout pas faire d’esclandre. C’est pourquoi je crois, comme l’affirmait Marx, que la honte est un sentiment révolutionnaire.
En quoi peut-elle être révolutionnaire ? La honte tristesse ne nous maintient-elle pas dans une intimité coupable, un repli sur soi et donc dans une certaine obéissance ?
Il faut distinguer une bonne et une mauvaise honte. Dans la honte d’être pauvre, il y a une manière d’obéir. La honte comme ce qui fait que l’on a du mal à s’accepter soi-même à cause de conditions sociales, de handicaps, de choix de vie, est poison de l’existence. Ces micro-hontes tristes nous rendent dociles au système, elles nous font obéir. Leur diffusion, leur démultiplication n’est là que pour empêcher une autre honte de surgir. Elles font écran à la honte colère qui est fédératrice, contagieuse, qui repose sur une imagination généreuse. La honte devient révolutionnaire quand l’indignation se partage, pour prendre la forme d’une colère collective. Crier à la honte, cela fait trembler le système. Et en même temps ce système tient par la production des petites hontes.
Est-ce à dire qu’on emploie aujourd’hui «il est honteux» pour dire «il est injuste» ?
Le mot «honte» marque une impossibilité de se désolidariser. L’injustice existe, après on peut l’accepter ou pas. Mais la honte implique qu’on ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. C’est le principe de la double négation : je ne peux pas ne pas. C’est un des secrets de l’expression de Primo Levi sur la «honte du monde», c’est se dire que les choses pourraient être autrement. C’est ne pas se résigner au pire qui devient chaque jour le plus sûr. On est dans une période où l’on va nous dire arrêtez de vous flageller, trop de tristesse. Mais enfin ces spinozistes du lundi ou ces nietzschéens du dimanche ratent quelque chose. La honte ne se dépasse pas, on la transforme par la colère.
La honte a aussi un aspect auto-immune, si on peut dire, c’est-à-dire qu’elle naît de soi-même, d’un mépris de soi par rapport à l’idéal du moi. Cette honte-là, peut-on la transformer en quelque chose d’autre qu’une triste rumination ?
Justement, quand Primo Levi parle de la «honte du monde», il dit qu’elle nous immunise. Elle nous rend responsables. Il est vrai que l’alchimie dépend au fond d’une rencontre, de la capacité à un moment de partager sa honte avec l’autre, et donc de la sublimer. Et c’est ce partage qui la transforme en colère. Dès que quelqu’un commence à partager sa honte, on se rend compte à quel point ça fuse. C’est le double destin de cette colère qui serait le noyau secret de la honte et qui fait qu’elle n’est pas réductible à la tristesse.
La honte a connu son heure de gloire dans les «sociétés de l’honneur», les microsociétés ou les clans régis par des codes de l’honneur. N’assiste-t-on pas à leur retour, notamment avec les réseaux sociaux, où l’honneur est remplacé par la réputation ?
Les réseaux sociaux ont porté à une forte intensité l’image publique de soi, ce qui n’a d’équivalent que dans les sociétés d’honneur. Cette image se construit, prend consistance, se mesure, et elle existe indépendamment de moi : quand je suis victime de e-bashing, je suis ruiné. Peu importe la vérité. Il n’y a pas d’oubli, pas d’irréversibilité possible, contrairement à ce qui se passait pour les sociétés archaïques, dans lesquelles on lavait la honte par la vengeance. La projection digitale de soi est devenue une substance addictive. Virtualité = viralité = réalité. C’est dans la virréalité que se construisent les hontes contemporaines. Profils sociaux saturés d’injures, e-réputation brisée par des flots d’infamies, sarcasmes, mensonges… On n’ose plus ouvrir son compte et le monde entier conspire.
Vous parliez de l’imagination, comment agit-elle dans cette transformation ?
Elle joue un rôle crucial, car il faut de l’imagination pour avoir honte. La grande différence entre la honte et la culpabilité, c’est que je ne peux pas me sentir coupable pour un autre. Honteux oui. Quand on assiste à une scène d’humiliation, je suis dans l’autre tout de suite. L’imagination fait que je sors de moi. Elle me décentre, me permet de me mettre à la place d’autrui, d’envisager d’autres mondes possibles. C’est ce que Zola signifie quand il dit que ce qui explique la Commune, c’est la honte de 1870. Seul le peuple peut avoir honte. Ou quand Marx dit que la honte est un sentiment révolutionnaire, en ajoutant : elle est une colère rentrée et si tout un peuple avait honte, il serait comme un lion prêt à bondir. A côté du faire-honte, stigmatisant, réducteur, chosifiant, il s’agit d’un faire-honte qui serait comme une gifle salvatrice, et traduirait le fait que je ne suis pas satisfait de moi-même ni du monde. La honte peut définir un régime d’affect des luttes. C’est l’étincelle. Après, il faut de la dynamite.
Vous semblez dire que la honte apporte une forme de lucidité nécessaire. Est-ce à dire que toute personne dans une position dominante devrait avoir honte ?
J’appartiens à une génération qui refuse d’avoir honte. On a eu de la chance, mais on ne veut pas se plaindre d’être un homme, blanc, avec une bonne situation. Il faudrait commencer par accepter d’avoir un tout petit peu honte. Il ne s’agit pas de le reconnaître et de le proclamer publiquement : ce serait de la culpabilité hystérique. C’est, par-devers soi, accepter l’idée que Primo Levi formule dans un autre contexte tout à fait terrible, à savoir l’idée que la place qu’on occupe, on l’a quand même toujours un peu prise à un autre. C’est une histoire de place. Quand on se sent bien à sa place, on se dit qu’on a beaucoup de mérite et que si on l’occupe, il ne faut surtout pas nous la contester. La lucidité voudrait qu’on se dise : c’est quand même peu de mérite et beaucoup de chance, une chance que d’autres ont payé au prix fort. Ce que n’arrive pas à comprendre le républicanisme béat et doctrinaire, c’est que cette honte est précisément la marque affective d’une blessure de l’universel.
Vous évoquez dans un chapitre la honte dans les circonstances de viol, d’inceste, et vous écrivez «la honte est l’affect témoin de l’acceptation du patriarcat». Que voulez-vous dire ?
Je parle en effet de la honte traumatique en cas de viols, d’incestes – faits vécus par des femmes essentiellement. J’ai beaucoup lu sur le sujet, notamment King Kong Théorie de Virginie Despentes, qui a été une énorme claque. J’y retrouvais cette idée qu’on peut évidemment considérer qu’il s’agit, avec le viol et l’inceste, d’affaires d’une intimité extraordinaire, mais qu’en même temps s’y joue un rapport au pouvoir qui dit quelque chose de l’essence cachée du politique. J’essaie ici de dire des choses balbutiantes. Je pense à Marx quand il indique que le vrai contraire de la propriété privée ce n’est pas la propriété collective, mais l’appropriation éthique. Dans l’inceste, le viol, il s’agit justement de saccager les capacités de chacun à s’approprier son corps, son monde, sa vie. C’est cette violence que j’appelle le «pouvoir nu», un pouvoir qui va sans dire et qui jouit des choses. Or, ces hontes dans les cas de viol ou d’inceste sont le marqueur d’une obéissance douloureuse et terrible au pouvoir nu.
Les luttes antiracistes, intersectionnelles, travaillent justement à fédérer les micro-hontes pour faire sourdre une colère collective. Elles sont pourtant très critiquées.
Avant ce livre, j’étais très hostile à cela. Je ne voyais que les dérives insupportables de la cancel culture. J’ai beaucoup lu les textes de James Baldwin, de Frantz Fanon et j’ai compris que dans ma réticence à reconnaître la réalité de ces sujets jouait l’arrogance de celui qui refuse qu’on lui conteste son mérite. La honte est un affect intersectionnel, j’ai voulu assumer ça. Je suis plus lucide sur mes propres réactions. Il y a quelques années, je m’opposais aux réunions genrées à Sciences-Po. J’accepte à présent au moins de me laisser fragiliser par ça, au lieu de me revendiquer d’un universalisme asexuel. Plastronner son antiracisme, c’est se donner bonne conscience en continuant à stigmatiser.
Anastasia Vécrin et Robert Maggiori
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Frédéric Gros : "Crier à la honte, cela fait trembler le système "
La honte n'est pas un sentiment qui jouit d'une bonne réputation, parce que, quelles qu'en soient les formes - de la culpabilité à la timidité, de la pudeur à la vergogne ou au sentiment ...
Coup de coeur.... Antoine Volodine...
Elle avait sur elle tout un attirail militaire, un sac ventral, une carabine à canon scié, un poste de radio, et elle avait mis fin à son immobilité. Si quelqu’un s’était trouvé à proximité, il aurait pensé qu’elle ressemblait à un très gros et très vilain scarabée en train de barboter dans la graisse boueuse de la nuit. Mais personne ne la regardait et, quand elle se fut mise à genoux pour commencer à ramper, elle frissonna, à la fois de douleur, de froid et de solitude.
– Putain ! marmonna-t-elle. Que j’aurais bien pu me casser une patte !
Comme bon nombre d’entre nous, elle appartenait à une espèce intelligente, du moins à une espèce suffisamment intelligente pour réfléchir à voix haute. Sur notre activité intellectuelle dans les moments où nous ne bougonnons pas, où rien ne sort d’entre nos lèvres, vétérinaires et thanatologues se disputent. Ces querelles sont d’un autre âge. En réalité, ni le langage ni la pensée ne sont nécessaires pour vivre ou pour survivre. La fille ne pensait peut-être pas en permanence, mais elle agissait.
Et donc déjà elle s’était éloignée de l’endroit où elle avait atterri. La distance n’était pas très importante. Elle se comptait en mètres. Quatre, cinq mètres peut-être. Ensuite, six. La fille allait sur le trottoir, au bas des façades obscures, à moitié dressée, à moitié couchée, frôlant le mur. Les mares d’eau noire ne l’arrêtaient pas et toutes les extrémités de ses membres étaient à présent mouillées. Les clapotis et les ruissellements n’avaient pas cessé autour d’elle. De plus en plus elle se fondait dans le paysage. Bientôt elle pénétra dans une zone d’ombre si épaisse que plus aucun mouvement n’y fut perceptible.
Antoine Volodine - Les filles de Monroe
Le grand complot des livres d'histoire contre les femmes...
EXTRAITS
Pourquoi l'évolution des places respectives des femmes et des hommes dans la société ne mériterait-elle pas d'être enseignée?
Après des mois de travail dans le cadre de mon nouveau livre, je suis en mesure de vous annoncer un scoop: les femmes n'existent pas. En tout cas d'après les programmes d'histoire de l'Éducation nationale.
C'est même pire.
De façon contre-intuitive quand on voit l'évolution actuelle de la société, la place des femmes dans les nouveaux programmes d'histoire est en régression par rapport aux précédents. Comme le soulignent les historiennes Véronique Garrigues et Julie Pilorget: «Aujourd'hui, avec les nouveaux programmes de collège et de lycée, on constate un nouveau recul de la présence des femmes dans l'histoire enseignée, et les enseignements de spécialité font avant tout la promotion d'un “roman national” tourné vers les faits militaires et les événements politiques.»
Il faut dire que, pendant longtemps, cette absence a été facile à justifier. On pensait que les femmes, cantonnées aux travaux domestiques et à la maternité, n'avaient pas eu les possibilités matérielles de participer à l'histoire. Mais la recherche a montré qu'il s'agissait d'un mythe. Il porte même un nom, «le mythe de la femme empêchée». En réalité, tant qu'on postulait que les femmes n'avaient rien fait, et donc qu'on ne les cherchait pas, elles restaient invisibles. Du moment où l'on a commencé à chercher les femmes dans les sources, on les a trouvées: des femmes peintres, sculptrices, compositrices, des reines, des chevaleresses, des femmes soldats, des femmes bâtisseuses de cathédrales au Moyen Àge. Et encore plus étonnant: nombre de ces femmes ont rencontré un grand succès à leur époque.
(...)
Rétablir la vérité
Je repense avec une certaine colère à mes cours au lycée sur la démocratie athénienne ou la révolution française. Chaque fois, le fait que les femmes aient été exclues de cette citoyenneté était présenté par les profs, et dans les manuels, comme un détail. Un truc pas très important. On le mentionnait en passant, pour évacuer le sujet.
En vérité, considérer que l'exclusion des femmes est un détail historique et ne mérite pas la première place, c'est clairement dire que les femmes elles-mêmes sont accessoires, secondaires. Anecdotiques.
Il s'agirait de rétablir des vérités historiques qui ont été masquées par des préjugés sexistes que les programmes d'histoire reproduisent.
Et cela, c'est une décision politique. Une décision qui devrait paraître insupportable à tout le monde, pas seulement aux femmes. Parce que, messieurs, ce sont aussi vos ancêtres qui ont été effacées, c'est la moitié de votre arbre généalogique sur lequel on tire un trait.
(...)
Cet été, j'ai lu cette phrase dans Le Carnet d'or de Doris Lessing (romancière qui a eu le prix Nobel et qui pourrait facilement à son tour tomber dans l'oubli). C'est sa psychanalyste qui s'adresse à l'héroïne: «En quoi êtes-vous différente? Voulez-vous dire qu'il n'y a jamais eu de femmes artistes? Qu'il n'y a jamais eu de femmes indépendantes? Qu'il n'y a jamais eu de femmes qui réclament leur liberté sexuelle? Je vais vous dire: une immense file de femmes s'étend derrière vous, dans le passé, et il faut que vous les cherchiez, que vous les trouviez en vous-même, et que vous preniez conscience d'elles.» Cela date de 1962.
Bref, Les grandes oubliées sort cette semaine aux éditions de l'Iconoclaste, avec une merveilleuse préface de Michelle Perrot, et j'en suis fière.
Titiou Lecoq
Texte complet à lire en cliquant ci-dessous
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Le grand complot des livres d'histoire contre les femmes
Temps de lecture: 4 min Après des mois de travail dans le cadre de mon nouveau livre, je suis en mesure de vous annoncer un scoop: les femmes n'existent pas. En tout cas d'après les programmes ...
Gérard Garouste : "L'art apprend la liberté aux enfants"
Rencontre avec le peintre Gérard Garouste pour les 30 ans de son association La Source, qui vise à aider les jeunes en difficulté via l’expression artistique.
Notre invité ce matin est un "intranquille", en référence à ce livre paru en 2009 aux éditions de l'Iconoclaste. Son oeuvre et son engagement continue de nous inspirer.
A l'occasion du 30e anniversaire de l'association La Source, née à Guéroulde, dans l'Eure, rencontre avec le peintre Gérard Garouste qui a fondé cette association il y a trente ans, avec son épouse Elisabeth Garouste, dans le but d'aider l'enfance en difficulté.
En tant qu'artiste, nous nous sommes dit que nous pouvions faire quelque chose pour ces enfants en difficulté. L'art n'est pas simplement une distraction. L'art est nécessaire pour construire un enfant, construire son sens de la liberté et de la responsabilité.
Ces enfants qui viennent de milieux difficiles ont besoin d'une structure. De ce point de vue, l'éducateur et artiste forment un très beau couple pour agir sur l'enfant. (...) Tous les enfants sont des artistes. En vieillissant, ils perdent ce don : les artistes sont simplement des enfants qui ont oublié de grandir.
J'ai moi-même été dans un échec familial. On m'a envoyé en Bourgogne pour m'éloigner de mes parents, où j'ai vécu avec des enfants de l'Assistance publique. J'ai donc connu leurs problèmes, leur douleur. Une fois adulte, je me suis dit : 'Maintenant que je suis grand, il est temps que je fasse quelque chose".
Pour aller plus loin :
- Tout savoir sur l'Association La Source
- Une exposition, à l'occasion des 30 ans de La Source, se tiendra sur l'esplanade du Trocadéro à partir du 22 septembre
- Vraiment peindre, de Gérard Garouste, est paru au Seuil en 2021
- L'Intranquille est paru aux éditions L'Iconoclaste
- A écouter ici, le documentaire Sur les docks "A la source", signé Elise Andrieu et Christine Robert
Caroline Broué
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Gérard Garouste : "L'art apprend la liberté aux enfants"
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Plusieurs médias crient au dénigrement et aux insultes généralisés des élèves de sixième... Ce qu’infirment de nombreux acteurs de terrain.
Plusieurs médias crient au dénigrement et aux insultes généralisés des élèves de sixième, ce qu’infirment de nombreux acteurs de terrain. Ces derniers y voient toutefois l’occasion de sensibiliser sur le sujet.
Serait-ce l’histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours ? Ou du journaliste qui a vu le journaliste qui a vu le hashtag ? A lire la presse, les élèves nés en 2010 vivent un enfer. La faute à TikTok, où des vidéos «anti 2010» pullulent, qui invitent à s’en prendre aux élèves actuellement en sixième. La FCPE, principale fédération de parents d’élèves, a même fait un communiqué titré «Les enfants de 2010 sont devenus une cible : la FCPE demande au gouvernement d’agir en urgence !» Si des vidéos dénigrant, insultant voire menaçant les jeunes de 11 ans existent bien, la plupart des spécialistes du harcèlement contactés par nos soins sont bien en peine de parler d’un véritable problème de masse.
«Tous les collégiens qu’on rencontre sont tout à fait au courant de ce phénomène, affirme la directrice générale de e-Enfance, Justine Atlan. Après, ça n’a pas la même gravité qu’un harcèlement personnalisé puisque justement c’est un harcèlement très massif, qui touche une classe d’âge. Je n’ai aucune intention de tirer une sonnette d’alarme pour dire que c’est très grave.» Au 119, le numéro de l’enfance en danger, on n’est pas au courant dudit phénomène, si ce n’est via les articles de presse parus. «Je ne vois pas du tout de quoi on parle, nous répond quant à lui Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat majoritaire chez les chefs d’établissement, le SNPDEN-Unsa, par ailleurs père d’une fille née en 2010. Hier, on était en conférence nationale, donc on était quand même 70, et on était incapables de trouver un collègue qui avait entendu parler du sujet.»
«Je ne ferai pas peur aux gens»
Du côté de l’association les Papillons, qui installe des boîtes aux lettres dans les écoles afin que les élèves y postent le récit de leurs souffrances, «on a récupéré, mardi dans un collège, un mot d’enfant qui nous parlait de ce hashtag, “né en 2010”, en disant qu’il commençait à subir des incivilités, raconte le fondateur de l’asso, Laurent Boyet. On lui disait “t’es bien un 2010 pour t’habiller comme ça”, “t’es un 2010, tu joues pas au foot avec nous”. On ne sentait pas dans son mot un malaise trop fort mais un énervement, un agacement.» Pour autant, «je n’ai pas du tout de vague d’enfants de sixième déprimés parce que nés en 2010. Si vraiment tous les collégiens entrés en sixième y étaient soumis, ils nous l’écriraient.»
L’association Marion la main tendue organisait justement jeudi soir une réunion avec des parents d’élèves pour parler, entre autres, de ce harcèlement pesant sur «les 2010». «Les parents ont été alertés par la presse», note la présidente Nora Tirane Fraisse. L’association, elle, n’a rien constaté de particulier. «Je n’ai pas de chiffres disant que tous les collèges sont en feu. Tant que je n’ai pas de données, je ne ferai pas peur aux gens», rétorque Nora Tirane Fraisse.
Une seule association, Hugo !, nous l’affirme : «C’est alarmant, c’est inquiétant. Il n’y a pas de chiffres, je vous dis juste que c’est énorme.» La structure a reçu «une dizaine de signalements cette semaine». Selon son président, Hugo Martinez, des collégiens filtrent les comptes TikTok en fonction des années de naissance des utilisateurs et bombardent d’insultes et de menaces ceux nés en 2010. «On est en train de basculer dans une société où il y a du harcèlement envers des individualités et aussi des nouvelles formes de harcèlement envers des générations entières», prévient-il.
«L’arbre qui cache la forêt»
Au dire des associations, les sixièmes de 2021 subissent la même chose que leurs aînés, à savoir une forme de «bizutage» propre aux petits nouveaux et sans gravité. Reste que l’arrivée au collège est toujours une période à risque. «Ce qui déclenche le harcèlement, c’est un état de vulnérabilité supposé. Un sixième est plus petit de taille et surtout est le nouveau, il n’a pas encore de parcours, de réseau et c’est facile de s’attaquer à cette personne-là», avertit Nora Tirane Fraisse.
Même si «les 2010» ne vivent pas un réel cyberharcèlement générationnel, «c’est intéressant parce que ça donne l’occasion de faire de la prévention beaucoup plus large sur le harcèlement en soi et sur la façon de se comporter sur les réseaux sociaux», estime Justine Atlan. «Pour moi, le sujet, ce n’est pas juste le hashtag 2010, ça, c’est l’arbre qui cache la forêt. Sinon, ça veut dire que les 2011 ne se font pas harceler. Certains vont se dire “Je suis de 2009, je me fais taper : pourquoi ?”», abonde Nora Tirane Fraisse.
Qu’ils soient nés en 2010, en 2005 ou n’importe quand, des jeunes subissent chaque année du harcèlement, en ligne ou de visu. A tous, il convient de rappeler que des solutions existent, notamment le 3018 en cas de harcèlement numérique et le 3020 en cas de harcèlement entre élèves à l’école.
Elsa Maudet
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Des sixièmes nés en 2010 harcelés : "Pas la même gravité qu'un harcèlement personnalisé"
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Sortir - Aux sources de "Giacometti et l'Égypte antique" au musée du Louvre
EXTRAIT
L’Institut Giacometti présente du 22 juin au 10 octobre 2021, une exposition inédite sur la relation d’Alberto Giacometti à l’art égyptien, en collaboration avec le musée du Louvre. L’exposition propose un parcours thématique qui met en dialogue des œuvres emblématiques de Giacometti et des prêts exceptionnels d’œuvres du musée du Louvre.
À l'occasion de la Journées européennes du patrimoine le week-end du 18 et 19 septembre, l'Institut Giacometti vous propose l'entrée gratuite de son exposition « Giacometti et l'Égypte antique » de 10h à 18h.
Le 2 octobre 2021, l'Institut giacometti garde ses portes ouvertes à l'occasion d'une nuit blanche, de 18h à 23h.
(...)
Pour en savoir plus, cliquer ci-dessous
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Fondation Giacometti - Giacometti et l'Égypte Antique
L’Institut Giacometti présente du 22 juin au 10 octobre 2021, une exposition inédite sur la relation d’Alberto Giacometti à l’art égyptien, en ...
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Inégalités scolaires : à qui la faute ? - 3 questions à Jean-Paul Delahaye
Issu d’un milieu extrêmement modeste, Jean-Paul Delahaye a occupé de hautes fonctions au sein de l’Éducation nationale. Alors que rien ne le prédestinait à ce parcours, il revient sur sa vie d’enfant pauvre dans son livre Exception consolante*. Ce titre est aussi une formule employée par Ferdinand Buisson pour qualifier les élèves boursiers qui arrivent quelquefois à percer dans un système essentiellement construit pour que chacun reste bien à sa place.
Le SE-Unsa lui pose trois questions sur les inégalités scolaires.
Toutes les enquêtes nationales et internationales montrent que notre système éducatif se caractérise par les difficultés persistantes des élèves issus des milieux sociaux les plus précaires. À qui la faute ?
Les difficultés des enfants des milieux populaires sont de plusieurs ordres.
D’abord, il faut bien comprendre ce que la pauvreté fait à l’école : comment apprendre sereinement quand on est mal logé, mal nourri, mal habillé, moins bien soigné malgré les progrès de l’accès aux soins, quand vous n’avez pas d’argent pour payer la sortie scolaire ? Il y a donc une action sociale à conduire - sachant que bien sûr l’École n’est pas responsable de tout - pour par exemple remettre les fonds sociaux à niveau, revaloriser les bourses, assurer par la création de postes l’accompagnement social et de santé des écoles et établissements.
Ensuite, il faudrait mettre fin à la discrimination négative qui touche certains territoires. Je voudrais qu’on m’explique comment on peut parler d’égalité dans l’offre de formation que nous devons à tous les citoyens quand, dans un collège de banlieue, on n’a pas les moyens de remplacer les professeurs absents. Comment ose-t-on parler d’égalité des chances quand on dépense 45 fois plus pour l’accompagnement après la classe des étudiants des classes préparatoires que pour les élèves de l’éducation prioritaire ? Pourquoi certains parlent-ils de nivellement par le bas ou d’égalitarisme chaque fois que l’on veut construire du commun entre tous les enfants pendant la scolarité obligatoire ? On se souvient du tollé qu’a suscité le démarrage d’une deuxième langue pour tous en cinquième, de la part de ceux, de droite comme de gauche d’ailleurs, dont les enfants fréquentaient les sixièmes bilangues. Et on a rétabli en 2017 les sixièmes bilangues à la grande satisfaction de ceux qui veulent ménager, avec l’argent de tous, un parcours pour leurs seuls enfants.
En réalité, nous rencontrons beaucoup de difficultés à faire évoluer un système qui produit une élite quasi héréditaire qui se soucie assez peu de l’intérêt général, un système qui fonctionne par ordre au sens que cela avait sous l’Ancien régime. Cela ne veut pas dire que rien ne se passe. Mon propos n’est pas pessimiste. C’est certes difficile mais les choses bougent sur le long terme pour les enfants des milieux populaires.
Sous le précédent quinquennat, vous avez porté la semaine de 4 jours et demi au primaire. En quoi est-ce une mesure de justice sociale ? Pourquoi n’a-t-elle pu être pérennisée ?
La semaine de 4 jours, c’est l’échec de tout un pays et c’est un grand mystère. Comment la France a-t-elle pu compacter sur aussi peu de jours la scolarité de ses enfants de l’école primaire ? Vous remarquerez qu’aucun pays au monde n’a songé à nous imiter dans cette folie de 140 jours de classe par an, alors que la plupart des autres pays scolarisent leurs enfants du primaire sur environ 180 jours. Comme si le temps scolaire était chez nous un fardeau dont les adultes voulaient se débarrasser !
Ceux qui disent que quatre jours ou cinq jours d’école par semaine c’est la même chose sont soit des menteurs, soit des charlatans. Si je parle dans mon livre du temps scolaire c’est parce que j’ai bénéficié dans ma scolarité de la semaine de 5 jours de classe qui permettait des activités diversifiées. Il faudra bien un jour revenir à 5 matinées de classe avec des journées plus courtes et des activités éducatives offertes à tous les enfants. C’est comme cela qu’on met la jeunesse à égalité de droits.
Une enquête de la Depp a montré en 2017 que ce sont les familles des milieux populaires qui sont le plus attachées à la semaine de 5 jours. Elles savent bien, elles, que leurs enfants n’ont que l’école pour s’émanciper. Qui se soucie aujourd’hui de ce que font les enfants des pauvres le jour où ils ne sont pas en classe, eux qui ne vont pas au conservatoire ou au poney-club le mercredi, et encore moins dans les officines payantes de soutien scolaire ?
Votre mère, à qui le livre est dédié, a acheté un tourne-disque, puis un téléviseur d’occasion avec une partie de l’argent des aides sociales. Que pouvez-vous dire à ceux qui reprochent aux familles pauvres ce type d’achats ?
Je crois que tout a été dit sur cette sordide affaire. On ne peut qu’être consterné par l’ignorance que cela révèle de la vie quotidienne des familles populaires de la part de certains qui n’ont probablement jamais vu de près des pauvres, y compris pendant leur scolarité la plupart du temps protégée de la fréquentation des enfants du peuple. Aujourd’hui comme dans ma jeunesse, beaucoup de familles pauvres ne survivent que grâce à des allocations. Cela gêne quelqu’un ? Ces allocations ou ces aides ne sont pas des aumônes consenties par les puissants à des êtres inférieurs. C’est un mode de redistribution de la richesse collective qui n’est qu’une part de ce qu’il faudrait faire pour plus de justice sociale.
C’est d’ailleurs grâce à cette redistribution, même incomplète, que la France est un des pays capitalistes dans lequel les pauvres sont aujourd’hui moins maltraités qu’ailleurs. Cette idée que les pauvres dépenseraient mal cet argent est parfaitement scandaleuse. Ces gens-là ne savent pas ce que c’est un frigo vide, des factures impayées, l’humiliation de ne pas pouvoir vivre comme tout le monde, moi je le sais. Écouter des disques, c’est superflu ? Avoir une télévision, c’est un luxe ? C’est toujours aux pauvres que ceux qui n’ont pas de problème de fin de mois demandent des comptes.
L’École de la confiance ce n’est manifestement pas pour les pauvres. Et si on demandait aux riches ce qu’ils ont fait du cadeau fiscal reçu avec la suppression de l’ISF, eux qui devaient faire ruisseler cet argent dans l’intérêt général du pays ?
* Jean-Paul Delahaye, Exception consolante – Un grain de pauvre dans la machine, Éditions de la Librairie du Labyrynthe, 2021, 256 p. - 17 €
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Inégalités scolaires : à qui la faute ? - 3 questions à Jean-Paul Delahaye - ÉCOLE ET SOCIÉTÉ
Issu d'un milieu extrêmement modeste, Jean-Paul Delahaye a occupé de hautes fonctions au sein de l'Éducation nationale. Alors que rien ne le prédestinait à ce parcours, il revient sur sa vie ...
Femme, noire et proviseure de lycée: quelle diversité des cadres à l’Éducation nationale en France?
Toute sa vie, Mahi Traoré a refusé d’être assignée à sa couleur de peau et à ses origines maliennes. À 48 ans, première femme noire africaine à devenir proviseure d’un lycée parisien, elle continue à composer avec la condescendance vis-à-vis des citoyens français issus de la diversité. Qu’en est-il des chefs d’établissements issus de l’immigration maghrébine à l’Éducation nationale ? L’École républicaine peut-elle promouvoir l’ascenseur social pour ses élèves avec si peu de diversité à sa tête ?
Chantal Lorho
Avec :
- Mahi Traoré, proviseure de lycée à Paris, autrice de Je suis noire mais je ne me plains pas, j’aurais pu être une femme (Robert Laffont)
- Radouane Mhamdi, secrétaire départemental de Seine-Saint-Denis du Syndicat National des Personnels de Direction de l'Éducation Nationale, SNPDEN UNSA.
Programmation musicale :
► Éducation nationale - Grand Corps Malade
► Mali Nialé - Oumou Sangaré.
Revalorisation des enseignants : Monsieur Blanquer, un peu d’honnêteté !
Yannick Trigance, secrétaire national du Parti socialiste à l'École, l'Éducation, l'Enseignement supérieur et la Recherche
Depuis plusieurs semaines, engagé dans une nouvelle campagne médiatique dont lui seul a le secret, le Ministre de l’Éducation nationale Blanquer affirme sans vergogne que « le salaire des enseignants aura bien plus augmenté entre 2017 et 2022 qu’entre 2012 et 2017 quand il y avait un gouvernement que soutenait Madame Hidalgo ». (« Le Parisien » du 13 septembre)
Une fois de plus, M. Blanquer part du principe que ses assertions restent indiscutables et indiscutées : il n’en est rien, bien au contraire.
Car la réalité des faits ramène les propos de M. Blanquer à ce qu’ils sont : des contre-vérités.
La réalité d’abord, c’est qu’entre 2012 et 2017 des mesures de revalorisation ciblées ont été prises pour les enseignants par les gouvernements socialistes : alignement de l’indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves du premier degré sur celle du second degré en la portant à 1200 euros par an, augmentation des indemnités éducation prioritaire pour rendre plus attractifs ces territoires en les portant à 1 734 euros en REP et 2312 euros en REP+, attribution de nouvelles décharges aux directeurs d’école, augmentation des indemnités pour l'exercice de missions particulières.
La réalité encore, c’est que les accords PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) conclus avec l’ensemble des forces syndicales – qu’est devenu le dialogue social sous le quinquennat Blanquer ? – , concernaient l’ensemble des enseignants et permettaient d’aller plus loin en revalorisant très sensiblement le salaire moyen des professeurs, au-delà de la moyenne OCDE.
En fin de carrière, ce PPCR portait le salaire des enseignants français au niveau les plus élevés de l’OCDE, comme l’Allemagne. Sur l'ensemble d'une carrière, un enseignant devait percevoir 23 000 € brut de plus qu'aujourd'hui, soit un effort total d'un milliard d'euros, dont près de 500 millions dès 2017 et 300 millions au titre de la hausse du point d'indice.
Et la nouvelle grille plus linéaire mise en place dans le cadre de ces accords permettait à tous les enseignants d’accéder à la « hors classe », ce qui était loin d'être le cas jusqu’alors notamment dans le premier degré.
Enfin, il était prévu que la classe exceptionnelle soit accessible pour 80% à des enseignants ayant exercé des missions particulières, par exemple pour un enseignant ayant travaillé durant 8 ans en éducation prioritaire : une logique nouvelle qui ne reconnaissait plus seulement les enseignants travaillant avec les élèves les plus forts mais aussi ceux qui s'engagent en Rep ou Rep+.
La réalité toujours, c’est que contrairement à ce que font M. Blanquer et l’actuel gouvernement, les grandes augmentations précédentes avaient opté pour une programmation sur plusieurs années. Le PPCR, par exemple, engageait l'exécutif jusqu'en 2020.
La réalité enfin, c’est que cette programmation mise en place jusqu’en 2017 sous l’action de Najat Vallaud-Belkacem, Monsieur Blanquer ne l’a pas poursuivie : il s’est récemment contenté d’une vague promesse de 500 millions chaque année pendant plusieurs années, sans aucune garantie.
Au final, la revalorisation présentée aux syndicats le mercredi 25 août – une modeste enveloppe de 245 millions d’euros pour le budget de 2022 – se traduit par une prime de 29 euros net par mois pour les enseignants en milieu de carrière à 57 euros pour les plus jeunes : on est bien loin des revalorisations réalisées entre 2012 et 2017 !
Et si « la présidentielle ne peut pas être une Foire du Trône de la démagogie » comme le ministre le claironne dans la presse, il lui faudra rendre des comptes sur sa politique éducative de régression face à ceux qui, comme Anne Hidalgo, ont décidé de placer l’éducation, l’école et ses enseignants au cœur de leur projet et de leurs priorités.