Coup de coeur... Marcel Proust...
Par une autre réaction, si (bien que ce fût la distraction — le désir de Mlle dʼÉporcheville — qui mʼeût rendu tout dʼun coup lʼoubli effectif et sensible) il reste que cʼest le temps qui amène progressivement lʼoubli, lʼoubli nʼest pas sans altérer progressivement la notion du temps. Il y a des erreurs dʼoptique dans le temps comme dans lʼespace. La persistance en moi dʼune velléité ancienne de travailler, de réparer le temps perdu, de changer de vie, ou plutôt de commencer à vivre, me donnait lʼillusion que jʼétais toujours aussi jeune ; pourtant le souvenir de tous les événements qui sʼétaient succédé dans ma vie — et aussi ceux qui sʼétaient succédé dans mon cœur, car, quand on a beaucoup changé, on est induit à supposer quʼon a plus longtemps vécu — au cours de ces derniers mois de lʼexistence dʼAlbertine, me les avait fait paraître beaucoup plus longs quʼune année, et maintenant cet oubli de tant de choses, me séparant par des espaces vides, dʼévénements tout récents quʼils me faisaient paraître anciens puisque jʼavais eu ce quʼon appelle « le temps » de les oublier, cʼétait son interpolation, fragmentée, irrégulière, au milieu de ma mémoire — comme une brume épaisse sur lʼocéan, et qui supprime les points de repère des choses — qui détraquait, disloquait mon sentiment des distances dans le temps, là rétrécies, ici distendues, et me faisait me croire tantôt beaucoup plus loin, tantôt beaucoup plus près des choses que je ne lʼétais en réalité. Et comme dans les nouveaux espaces, encore non parcourus, qui sʼétendaient devant moi, il nʼy aurait pas plus de traces de mon amour pour Albertine quʼil nʼy en avait eu dans les temps perdus que je venais de traverser, de mon amour pour ma grand-mère, offrant une succession de périodes sous lesquelles, après un certain intervalle, rien de ce qui soutenait la précédente ne subsistait plus dans celle qui la suivait, ma vie mʼapparut comme quelque chose dʼaussi dépourvu du support dʼun moi individuel identique et permanent, quelque chose dʼaussi inutile dans lʼavenir que long dans le passé, quelque chose que la mort pourrait aussi bien terminer ici ou là, sans nullement le conclure, que ces cours dʼhistoire de France quʼen rhétorique on arrête indifféremment, selon la fantaisie des programmes ou des professeurs à la Révolution de 1830, à celle de 1848, ou à la fin du Second Empire.
Peut-être alors la fatigue et la tristesse que je ressentis vinrent-elles moins dʼavoir aimé inutilement ce que déjà jʼoubliais, que de commencer à me plaire avec de nouveaux vivants, de purs gens du monde, de simples amis des Guermantes, si peu intéressants par eux-mêmes. Je me consolais peut-être plus aisément de constater que celle que jʼavais aimée nʼétait plus au bout dʼun certain temps quʼun pâle souvenir que de retrouver en moi cette vaine activité qui nous fait perdre le temps à tapisser notre vie dʼune végétation vivace mais parasite, qui deviendra le néant aussi quand elle sera morte, qui déjà est étrangère à tout ce que nous avons connu et à laquelle pourtant cherche à plaire notre sénilité bavarde, mélancolique et coquette.
Marcel Proust - Albertine disparue
Inégalités scolaires : les élèves des territoires ruraux manquent-ils vraiment d’ambition ?
EXTRAIT
Les inégalités territoriales en matière de parcours scolaire font actuellement l’objet de nombreux débats. Des rapports récents mettent notamment en évidence les inégalités entre territoires ruraux et urbains. Les élèves des territoires ruraux, s’ils réussissent aussi bien que ceux des villes à l’école et au collège, s’engagent dans des filières plus courtes (filière professionnelle, apprentissage…), accèdent moins à l’enseignement supérieur et s’engagent moins dans des filières sélectives comme les classes préparatoires aux grandes écoles.
Pour expliquer ces différences, le manque de mobilité, l’éloignement des opportunités d’emploi plus concentrées dans les grandes agglomérations ou encore le manque de diversité des métiers représentés sont identifiés comme des obstacles. Par ailleurs, les aspirations de ces jeunes seraient limitées à cause du phénomène d’autocensure. Selon ce postulat, ces élèves manqueraient d’ambition car ils auraient peu confiance en eux, « verraient petit », auraient un esprit d’initiative limité et seraient moins compétitifs.
Nous proposons de dépasser ces conceptions péjoratives et déficitaires de la ruralité, impliquant des personnes et non des contextes, pour analyser plus finement les processus psychosociaux en jeu dans le parcours scolaire de ces élèves.
(...)
Amaël André, Maître de conférences HDR, Université de Rouen Normandie
Catherine Delarue-Breton, Professeure des universités, Université de Rouen Normandie
Suite et fin à lire en cliquant ci-dessous
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Inégalités scolaires : les élèves des territoires ruraux manquent-ils vraiment d'ambition ?
Les inégalités territoriales en matière de parcours scolaire font actuellement l'objet de nombreux débats. Des rapports récents mettent notamment en évidence les inégalités entre territoire...
"Hors-sujet", "confusion", les affiches du ministère de l’Éducation sur la laïcité très critiquées
Le ministère de l’Éducation nationale a publié une nouvelle campagne de communication sur la laïcité. Des syndicats enseignants s’offusquent. La Vigie de la Laïcité (association fondée par les anciens membres de l'Observatoire de la laïcité) la juge maladroite. Le ministre se défend.
Elle sera visible dans les prochains jours, dans la rue, mais aussi dans les écoles. Apparue jeudi dernier sur les réseaux sociaux, largement relayée, la nouvelle campagne de communication de l’Éducation nationale concernant la laïcité est très critiquée par les syndicats enseignants. Huit affiches composent la campagne. On y voit des élèves en classe, à la piscine, en cours d’EPS, à la bibliothèque, à la récréation. On peut y lire : "Permettre à Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires. C'est ça la laïcité", "Tout faire pour que Imrane, Axelle et Ismail pensent par eux-mêmes. C'est ça la laïcité", ou encore "Permettre à Sacha et Neissa d'être dans le même bain. C'est ça la laïcité." Par exemple, sur cette photo, une petite fille noire est à côté d’un garçon blanc, les deux avec une grand sourire, sur le rebord d'une piscine, le corps dans l’eau. Le slogan est le même : "C’est ça la laïcité."
Les syndicats enseignants bondissent
Les premières missives sont arrivées sur Twitter jeudi, où des internautes pointent le lien entre la couleur de peau, les prénoms des enfants et la religion. Le compte de Sud Éducation 77 a été l’un des premiers à dégainer : "La laïcité, c’est la séparation des Églises et de l’État, c’est aussi la neutralité religieuse de l’État et de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions". Le syndicat est très clair : "Ces affiches ne parlent pas de laïcité. Sous couvert de laïcité, elle parlent plutôt d’ "intégration", de "multiculturalisme" et de "vivre ensemble". Cette confusion des termes a des conséquences."
L’affiche doit apparaître dans les établissements scolaires à la rentrée. Pour Sophie Vénétitay, du SNES-FSU, "cette campagne d’affichage renvoie les élèves à l’une de leurs caractéristiques, notamment leur prénom." Pour la responsable du premier syndicat du primaire interviewée par France Inter, "ces affiches ne parlent absolument pas de laïcité car il n’est pas du tout fait mention de la religion. Finalement, on a l’impression qu’elle joue sur de l’implicite, des représentations, pour laisser croire que la laïcité pourrait être mise en danger par certains élèves. Dire ça, écrire ça, le présenter sous forme d’image, c’est une vision très négative et restrictive de la laïcité." Sophie Vénétitay considère que "le ministère vient un peu brouiller le travail des enseignants car il faut bien se rendre compte de la difficulté que cela peut représenter pour nous d’essayer de passer après ce type d’affiche."
Pour la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi, "le ministère montre à quel point sa conception de la laïcité est hantée par les fantasmes sociaux qui collent à la peau de certains membres de la population, moins citoyens égaux que fantômes musulmans dont il faut conjurer la présence."
La campagne taclée par la Vigie de la Laïcité
Cette affiche suscite la discorde chez les enseignants mais aussi au sein des associations, comme la Vigie de la Laïcité, présidée par Jean-Louis Bianco. Joint par France Inter, il s’étonne de ces affiches "hors-sujet". Pour l’ancien président de l’Observatoire de la Laïcité "le rapport avec la laïcité est loin d’être évident quand on les voit et on lit leur message. Ce sont surtout des jeunes issues de la diversité. On a l’impression que la laïcité est fait pour ceux qui ne sont pas "Français de souche" comme on disait."
"Derrière un a priori jovial et tolérant, le message porté par ces affiches réassignent les élèves à leurs identités." écrit notamment la Vigie de la Laïcité, qui tacle une campagne qui "fait fausse route, en réduisant les enfants à leur appartenance religieuse qui serait implicitement devinée par leurs prénoms et/ou couleurs de peau."
Jean-Louis Bianco n’est pas contre l'idée de discuter d’intégration et d’assimilation, "mais encore une fois, ce n’est pas le sujet. Il aurait fallu rappeler ce qu’est la laïcité de manière pédagogique et c’était possible de le faire."
Jean-Michel Blanquer sur la défensive
Sur RTL vendredi matin, le ministre de l’Education national a répliqué : Jean-Michel Blanquer se dit "très surpris" et estime qu’une "campagne sur la laïcité est une campagne qui est faite pour unir. La laïcité est synonyme de liberté, égalité, de fraternité aussi. C’est le fait que l’État est neutre vis-à-vis des religions que chacun est libre d’avoir la croyance ou la non-croyance qu'il ou elle veut et que chacun doit se respecter, que personne ne doit faire pression sur personne sur ces enjeux. Et que l'école en particulier est un sanctuaire de neutralité sur ces enjeux."
Au ministère de l'Éducation, on rappelle que cette campagne d'affichage s'adresse surtout aux élèves, et comprend notamment des QR codes, qui renvoient à des "outils pédagogiques", que les enseignants peuvent utiliser en classe pour engager une discussion. Le ministère défend une campagne qui prend appui sur "la vie quotidienne" et les conséquences "positives" de la laïcité à l'école pour expliquer le concept aux élèves.
Quant à l'accusation de racisme, le ministère se place "en total désaccord". Sur RTL, Jean-Michel Blanquer ajoute : "Si on regarde n’importe quelle publicité aujourd’hui, c’est le cas -il y a des couleurs de peau différentes- personne n’y prête attention. Donc comme pour n’importe quelle affiche, il y a une variété de couleurs de peau différentes, je n’y fais même pas attention." Jean-Michel Blanquer conclut : "Cette campagne est faite pour unir et pour rappeler que la laïcité est au cœur du pacte social français."
Victor Vasseur
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"Hors-sujet", "confusion", les affiches du ministère de l'Éducation sur la laïcité très critiquées
Le ministère de l'Éducation nationale a publié une nouvelle campagne de communication sur la laïcité. Des syndicats enseignants s'offusquent. La Vigie de la Laïcité (association fondée par ...
Coup de coeur... Daniel Pennac...
Un après midi de l'année du bac (une des années du bac) mon père me donnant un cours de trigonométrie dans la pièce qui nous servait de bibliothèque, notre chien se coucha en douce sur le lit, derriere nous. Repéré, il fut sèchement viré :
- Dehors, le chien, dans ton fauteuil !
Cinq minutes plus tard, le chien était de nouveau sur le lit. Il avait juste pris soin d'aller chercher la vieille couverture qui protégeait son fauteuil et de se coucher sur elle. Admiration générale, bien sûr, et justifiée : qu'un animal pût associer une interdiction à l'idée abstraite de propreté et en tirer la conclusion qu'il fallait faire son lit pour jouir de la compagnie des maitres, chapeau, évidemment, un authentique raisonnement ! Ce fut un sujet de conversation familiale qui traversa les âges. Personnellement, j'en tirai l'enseignement que même le chien de la maison pigeait plus vite que moi. Je crois bien lui avoir murmuré à l'oreille :
- Demain, c'est toi qui vas au bahut, lèche-cul
Daniel Pennac - Chagrin d'école
Blanquer : un champion des affichages pour l'Ecole - Par Claude Lelièvre
Après la décision de principe dans la loi de février 2019 de l'affichage dans chaque classe des drapeaux tricolore et européen, de la devise de la République et des paroles de la Marseillaise, une autre campagne d'affichage doit s'ouvrir en cette rentrée dans les établissements scolaires : huit affiches censées promouvoir la laïcité à déployer
Comme il est écrit dans « L'Humeur du jour » du 28 août de Télérama, « la campagne de communication sur la laïcité, lancée dès la rentrée par le ministre de l'Education nationale, témoigne d'une dangereuse confusion abondamment moquée sur les réseaux sociaux. Huit affiches, déployées dans les établissements scolaires et sur Internet montrent des élèves de tous âges dans diverses situations (piscine, salle de classe, récréation...) avec un slogan : ''c'est ça la laïcité'', repris et accolé à des prénoms soulignant la diversité des visages montrés- des enfants blancs avec d'autres qui ne le sont pas. D'abord on ne voit pas bien en quoi la laïcité ''permet'' à Milhan et Aliyah de ''rire des mêmes histoires'' ou à Inès, Lenny, Simon et Ava ''d'être ensemble''. Ensuite l'assignation de religions supposées à des prénoms (car la laïcité concerne bien la religion et non les origines!) pose un sérieux problème. Enfin cette campagne n'évoque pas explicitement la neutralité de l'Etat et de ses agents, la liberté de croyance et de pratique, le respect des convictions, pourtant principes fondamentaux de la laïcité »
En réalité, cette campagne d'affichage ne s'adresse pas vraiment aux élèves (car ils ne pourront pas y comprendre grand chose) mais aux adultes, plus précisément aux électeurs.
C'est une campagne foncièrement politicienne, à l'instar de celle qui a déjà eu lieu au moment du vote de la loi « Pour une école de la confiance »
Le 11 février 2019, le député ''LR'' Eric Ciotti défend un amendement qu'il a déposé avec quelques autres parlementaires lors de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi: ''cet amendement tend à faire en sorte que le drapeau français soit installé dans chaque classe de chaque école de la République. Nous avons déjà évoqué la Marseillaise"
Le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer répond dans un premier temps de façon évasive : ''Que les enfants connaissent la Déclaration des droits de l’homme, qu’ils chantent La Marseillaise et que le drapeau soit présent dans l’école est un objectif fondamental. Comme vous le savez, le code de l’éducation prévoit déjà chacun de ces éléments à l’échelle de l’école. Vous proposez qu’ils soient dorénavant présents à l’échelle de la classe. Je ne dis pas que c’est une proposition absurde, mais je ne pense pas qu’il soit souhaitable de multiplier les affichages en classe pour des raisons pratiques assez évidentes »
Mais quelques heures après, il y a une suspension de séance au cours de laquelle est négocié un accord. Finalement , la loi publiée au BO du 26 juillet indique en son article 4 que « l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore bleu blanc rouge, le drapeau européen, la devise de la République et les paroles de l’hymne national sont affichés dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés publics et privés sous contrat ».
Ces affiches ont-elles été installées dans la plupart des classes ? Ont-elles été simplement offertes au regard des élèves et censées agir en quelque sorte par magie ? Ou bien y a-t-il eu des explications sur le sens de leurs éléments (avec replacement dans leurs contextes) ? Sur quels aspects ? Dans quel ordre ? Décidé par qui (dans la succession des classes) aussi bien pour le secondaire que le primaire, et selon quelles responsabilités des différents professeurs au collège et au lycée ?
On ne voit pas qui s'en est préoccupé, et surtout pas ses deux promoteurs principaux : le député Eric Ciotti et le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Cela peut se comprendre si – comme on peut s'en douter – il ne s'agissait là également que d'une opération foncièrement politicienne.
Le compère Eric Ciotti (un soi-disant ''grand républicain laïque'' autoproclamé) vient de se distinguer en vue d'une primaire éventuelle pour les présidentielles en rappelant qu'il veut faire inscrire dans la Constitution « les racines chrétiennes de la France » . Dieu merci, il s'agit de LR mais pas de LREM. Ainsi va le monde...
Claude Lelièvre
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Blanquer : un champion des affichages pour l'Ecole
Après la décision de principe dans la loi de février 2019 de l'affichage dans chaque classe des drapeaux tricolore et européen, de la devise de la République et des paroles de la Marseillaise,...
Allocation de rentrée scolaire : y a-t-il plus "d'achats d'écrans plats au mois de septembre", comme le dit Jean-Michel Blanquer ?
Le ministre de l'Éducation était interrogé sur France 3 sur l'allocation de rentrée scolaire, versée mi-août à quelques trois millions de familles modestes.
L'allocation de rentrée scolaire est une aide financière d'un peu moins de 400 euros par enfant. Elle a été versée mi-août à trois millions de familles modestes en France. L'objectif est de les aider à payer les fournitures scolaires avant la rentrée. Mais cet argent ne sert pas toujours qu'à ça, d'après le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer. "On sait bien, si on regarde les choses en face, qu'il y a des achats d'écrans plats plus importants au mois de septembre qu'à d'autres moments", a-t-il déclaré sur France 3 dimanche 29 août.
Une théorie démentie par la Caf
Cette théorie a été démentie par plusieurs études de la Caisse d'allocations familiales, chargée de verser cette aide financière. Depuis les années 1990, la Caf a interrogé à plusieurs reprises une partie de ses bénéficiaires pour savoir comment l'argent est dépensé. Le dernier sondage remonte à 2013 et il nous apprend que 95% des parents ont utilisé l'allocation de rentrée pour les fournitures scolaires et les vêtements. Viennent ensuite les dépenses d'assurance, de cantine, de transport ou encore les affaires de sports.
Même si ce sondage est ancien, ses conclusions sont similaires aux études précédentes. Elles montrent que l'essentiel de cette aide est bien utilisé pour les enfants. La seule enquête de la Caf qui évoque un détournement de l'argent remonte à 1994. Dans cette étude, 4% des familles disaient avoir dépensé autrement cet argent. En clair, si des détournements restent toujours possibles, ils sont extrêmement marginaux.
Un cliché qui revient chaque année
Ce n'est pas la première fois que ces propos sur l'allocation de rentrée sont tenus. Ces dernières années, plusieurs députés ont proposé de remplacer l'allocation de rentrée scolaire par des bons d'achats pour éviter tout abus selon eux.
Ces propositions ont toujours été rejetées. Par exemple, en 2017 au Sénat, la ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn, trouvait cette solution plus chère et plus contraignante qu'un simple virement. Elle affirmait aussi qu'il n'y a "aucune étude sérieuse" qui prouve que l'allocation est "utilisée à d'autres fins que pour la rentrée scolaire".
Thomas Pontillon
"80% d'enseignants vaccinés" affirme M. Blanquer. C'est faux ! (Enquête France Info)
Les policiers sont-ils vaccinés à plus de 70% et les enseignants à plus de 80%, comme l'affirme le gouvernement ?
Pour justifier l’absence d’obligation vaccinale pour les policiers et les professeurs, les ministres de l’Intérieur et de l’Education mettent en avant les pourcentages de vaccination de leurs fonctionnaires. Cependant, il a été impossible à franceinfo de déterminer les sources exactes à partir desquelles sont tirés ces chiffres.
En matière de taux de vaccination, les ministres ne manquent pas de chiffres. "Aujourd'hui, les policiers sont à plus de 70% vaccinés", a affirmé Gérald Darmanin, mardi 24 août, sur le plateau de franceinfo. Dimanche, son homologue à l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait déjà donné une estimation pour les professeurs dans les colonnes du Journal du dimanche (article pour les abonnés) : "L’immense majorité des enseignants est vaccinée ou prête à se faire vacciner."
Quelques semaines plus tôt, le 28 juillet, Jean-Michel Blanquer était plus précis sur franceinfo : "Au moment où je vous parle, je pense que ça a dépassé les 80% d’enseignants vaccinés." Un pourcentage augmenté de 5 à 10 points par rapport aux premiers chiffres qu’il avait communiqués auprès de LCI, début juillet.
Des chiffres inconnus des autorités sanitaires
Mais d’où sortent tous ces chiffres ? Inutile de rechercher parmi la myriade d’indicateurs publiés sur internet par les autorités sanitaires. Les taux de vaccination des policiers et des enseignants n’y figurent pas. "A ma connaissance, à part pour les professionnels de santé, nous ne disposons pas d’information sur la profession des personnes vaccinées", explique Céline Robert-Tissot, en charge des relations presse pour l’Assurance-maladie, l’organisme public qui a élaboré le système national VAC-SI de suivi de la campagne vaccinale.
Quant à la direction générale de la santé (DGS) et à Santé publique France (SPF), les organismes en charge de la veille sanitaire de l'épidémie, l’un comme l’autre renvoie vers les ministères de tutelle. "Merci pour votre demande. Nous vous invitons à adresser votre demande au ministère de l’Education nationale", répondait ainsi le service communication de SPF lundi après-midi à propos du taux de vaccination des enseignants dans le primaire et le secondaire.
De fait, les ministères de l’Intérieur et de l’Education nationale confirment que les chiffres qu’ils communiquent émanent de leurs propres administrations. Ils "sont recueillis à partir de sondages informels réalisés par les chefs de service auprès de leurs équipes", précise la place Beauvau à franceinfo.
Une information soumise au secret médical
Déjà interrogé sur la source de ses chiffres le 28 juillet par franceinfo, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait alors pour sa part affirmé que "des enquêtes ministérielles" étaient faites. "Parfois ces enquêtes ont le statut de ne pas être communicables. C’est fait simplement pour éclairer la décision publique. Donc, il y en a eu une qui m’a permis de dire les chiffres que j’ai donnés", avait-il déclaré.
Ces enquêtes s’appuieraient sur des données transmises par les académies, selon le ministère de l’Education nationale dans une réponse par mail adressée mercredi à franceinfo. "Des remontées de terrain ("carottages") effectuées par les rectorats ont permis d’établir qu’en juillet environ 80% des professeurs étaient vaccinés", assure le ministère.
Pourtant les académies ne semblent pas avoir d’information sur le taux de vaccination de leurs enseignants. Lorsqu’elles sont interrogées, plusieurs d’entre elles renvoient même vers le ministère. Le rectorat de Dijon explique à franceinfo que "le ministère a procédé à des enquêtes au plus près du terrain qui ont permis d’établir qu’environ 80% des professeurs étaient vaccinés". Relancée pour savoir si elle-même a lancé de telles enquêtes auprès de ses professeurs, l’académie de Dijon répond finalement : "Pas à notre connaissance".
En réalité, le statut vaccinal des enseignants est soumis au secret médical. Dès lors, les employeurs n’y ont pas accès. "Nous ne disposons pas de ces informations qui constituent des données médicales à caractère confidentiel", confirme le rectorat de Rennes à franceinfo. Strasbourg donne la même explication, en précisant également que "des enquêtes sur le statut vaccinal des enseignants ne sont pas effectuées dans l’académie".
Surprise chez les syndicats
Du côté des syndicats enseignants, l’origine des chiffres communiqués par le ministère interroge également. "Le 8 juillet, au cours d’une réunion en visioconférence, Thierry Ledroit, le directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer, nous avait répondu que ça venait d’un sondage", confie à franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des professeurs du secondaire. "Mais nous n’avons aucun retour des professeurs sur un sondage ou quoi que ce soit", ajoute-t-elle.
"Je suis persuadée qu’il n’y a eu aucune enquête déclarative", dénonce pour sa part Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU, le principal syndicat d'enseigants du primaire.
"C’est sensible la vaccination, beaucoup de collègues nous auraient demandé si leur employeur avait le droit de leur poser cette question."
Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU Franceinfo
Relancé pour éclaircir les contradictions apparues avec les réponses des académies et des syndicats, le ministère de l’Education nationale n’a pas souhaité apporter de nouvelles précisions
(...)
La précision du ministre mise en doute
Les chiffres du ministère de l’Education nationale sont également très au-dessus des moyennes nationales. Au 8 juillet, quand Jean-Michel Blanquer avançait un taux de 70 à 75% pour les enseignants, seulement 57% des Français adultes de moins de 60 ans avaient reçu au moins une dose et 37% disposaient d’un schéma vaccinal complet, d’après les données de Santé publique France. Au 28 juillet, alors que le ministre affirmait que le taux avait grimpé à 80% chez les professeurs, environ 70% des Français de 18 à 59 ans avaient reçu au moins une dose, et 55% étaient totalement vaccinés.
Pour la docteure Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, il ne serait cependant pas étonnant que les professeurs soient mieux vaccinés que le reste de la population. "C'est cohérent de le penser car ils sont plus exposés que les autres", explique-t-elle à franceinfo. Mais la cheffe de service des urgences pédiatriques du CHU de Nantes reste malgré tout surprise par la précision des pourcentages avancées par le ministère de l'Education nationale. "Je ne sais pas du tout sur quoi ils se basent. Pour ma part je n’ai aucune visibilité sur la couverture vaccinale des enseignants."
En juillet, elle avait plaidé pour que les enseignants soient soumis à l’obligation vaccinale, recommandation rejetée par Jean-Michel Blanquer et qu’elle défend toujours aujourd’hui. "De la même manière que nous avons besoin des soignants nous avons besoin des enseignants. Leur rôle est central dans l’état de santé des enfants", précise Christèle Gras-Le Guen.
(...)
Antoine Deiana - Mathieu Lehot