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Vivement l'Ecole!

The Coors...

6 Juillet 2021 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique

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Coup de coeur... Axel Kahn... (Vidéo)

6 Juillet 2021 , Rédigé par Mollat Publié dans #Education, #Philosophie

La journée avait été terrible dans la petite cité de Bakengbenkel, près de la ville de Kumai, sur les bords du fleuve éponyme. La chaleur humide en ce mois de février anéantissait l’énergie des bêtes et des gens. La climatisation n’était pas en ces années-là aussi répandue qu’aujourd’hui et les larges pales des ventilateurs de plafond brassaient un air épais et moite. Certes, on était habitué au Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo, à cette épreuve ; elle se révélait pourtant en ce jour particulièrement rude. Le soir venant, le déclin du soleil et un léger vent poussaient enfin ceux qui ne travaillaient pas à descendre de leur terrasse, à quitter l’ombre protectrice des grands arbres ; les oiseaux, un moment eux-mêmes comme assommés, semblaient sortir de leur léthargie. Tous ceux qui se trouvaient sur les bords du grand fleuve, occupés à des activités diverses, s’aspergeaient par intervalles de son eau tiède qui éliminait pour un moment la sueur et dont l’évaporation provoquait une brève mais délicieuse impression de fraîcheur.
La vaste demeure en bois de deux niveaux du Dr Pak Dwi Ahmad Fauzi se trouvait à quelques centaines de mètres du Kumai, un peu isolée du bourg, dans une clairière où ses parents avaient fait installer un grand jardin d’agrément à l’arrière de la maison d’habitation, dans la direction du fleuve. Ahmad était particulièrement fier de sa riche collection de népenthès, singulières plantes carnivores aux formes variées. Il s’était attaché aussi à acclimater toute une variété d’orchidées autochtones d’une étonnante splendeur. Lorsque les malades lui en laissaient la possibilité, ce qui était rare, il aimait, au petit matin et le soir, se reposer à l’abri des beaux arbres qui délimitaient la propriété, bélians, fougères arborescentes, figuiers, etc. Cependant, le docteur en profitait peu car il était écrasé de travail. Sa réputation lui amenait des patients de Kumai et des bourgades alentour. De plus, il n’était pas rare qu’il eût à s’occuper des touristes qui s’embarquaient sur le fleuve depuis la ville et descendaient vers le parc national de Tanjung Puting, tout proche au sud. Il les voyait en fait surtout à leur retour car ils souffraient souvent alors d’une grande diversité de réactions allergiques dues aux piqûres d’insectes ou au contact avec des plantes urticantes, de troubles digestifs comme la « turista », provoqués par l’alimentation très pimentée ou des infections diverses. Doc Ahmad, comme on l’appelait, ne pouvait éviter non plus les visites à domicile, parfois en forêt, et était au total presque toujours sur la brèche.
Ce jour-là, cependant, il n’avait pas la tête à l’admiration sereine des merveilles de son jardin et avait demandé à Hasan Muzakkar, un jeune confrère de Kumai et un ami proche, de s’occuper des urgences. Ibu Purwanti Sumardi, sa jeune femme, de vingt ans sa cadette, attendait en effet leur premier enfant, leurs premiers, plutôt, car la grossesse était gémellaire. Doc Ahmad était loin d’avoir une confiance illimitée dans la maternité de la ville et, malgré les dangers possibles de l’accouchement de jumeaux, avait décidé, assisté d’une sage-femme expérimentée, d’aider lui-même sa femme. Son cabinet se trouvait dans la maison et était relativement bien équipé en matériel de petite chirurgie et en dispositifs de réanimation légère. Le docteur avait une solide pratique de l’obstétrique à domicile dans des conditions bien plus précaires qu’ici, chez lui et à proximité de ses installations professionnelles de soins. Il était néanmoins un peu inquiet et, de plus, fort ému. Absorbé par son dévouement pour ses malades, qui lui vouaient un véritable culte, il ne s’était avisé de prendre femme qu’à quarante ans passés et était éperdument amoureux de son épouse la belle Purwanti, une jeune infirmière rencontrée dans la clinique chirurgicale de Kumai à laquelle il adressait les patients qu’il convenait d’opérer. Bientôt, si tout se passait bien, il serait deux fois père. Ahmad tenait la main de Purwanti, l’encourageait, déposait mille baisers tendres sur son visage et sur son ventre distendu où il sentait des lèvres les mouvements brusques de ses futurs enfants qui demandaient à naître ; cela le bouleversait. Les premières contractions débutèrent après quatorze heures, en pleine chaleur, suivies de la perte des eaux ; Purwanti était courageuse, elle s’appliquait à faire tout ce qu’on lui avait enseigné ces derniers mois, elle suivait les indications de la sage-femme, à qui Ahmad avait laissé la conduite des opérations. Le travail se déroula sans la moindre anicroche. Eka naquit à vingt et une heures trente, sa petite sœur Dewi une dizaine de minutes plus tard, deux adorables poupées à la noire chevelure déjà abondante et à la peau mate, si ressemblantes que les parents se dirent qu’il leur faudrait apprendre à les distinguer et que ce ne serait pas facile. Les enfants avaient pleuré tout de suite, ils étaient là maintenant, secs et langés, endormis tout contre leur mère, dont le visage fatigué et en sueur rayonnait. Ahmad se sentait lui aussi épuisé, transporté de joie, éperdu de reconnaissance pour Purwanti, dont la vaillance l’avait émerveillé et qu’il trouvait en cet instant d’une beauté presque surnaturelle.
Axel Kahn - Etre humain, pleinement

Etre humain, pleinement

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Les bacheliers 2021 en ont marre d'entendre que leur bac ne vaut rien (et ils ont raison)

6 Juillet 2021 , Rédigé par Slate Publié dans #Education, #Baccalaureat

Les bacheliers 2021 en ont marre d'entendre que leur bac ne vaut rien (et ils ont raison)

EXTRAIT

Nombre d'entre eux ne voient plus cet examen comme une fin en soi, mais comme une porte d'accès vers les études supérieures.

C'est le rite de passage par excellence: l'obtention du baccalauréat. Alors que les résultats tombent ce mardi, que pensent vraiment les lycéens et lycéennes de ce diplôme si décrié, régulièrement accusé d'être sans valeur et trop facile? Pour Yohan, lycéen à Grenoble, le bac n'est plus aussi intimidant que pour les générations précédentes: «Quand j'étais en primaire ou au collège, le bac, c'était le Graal, ça nous paraissait très compliqué à avoir. Au fil du temps, quand j'ai compris que le plus important, c'était l'après-bac, j'ai commencé à voir l'examen comme une étape obligée, un ticket d'entrée pour les études supérieures», explique le jeune homme qui entamera l'an prochain une classe préparatoire scientifique.

«Bien sûr que le bac est important à mes yeux, et pour la plupart de mes amis, renchérit Nesrine qui a obtenu son sésame l'année dernière à Perpignan. On nous en parle quasiment tous les jours depuis la seconde alors évidemment qu'on veut l'avoir! Mais c'est vrai que je sentais mes parents presque plus investis que moi. Pour eux, c'est vraiment LE diplôme, alors que, personnellement, je serai bien plus fière de moi si je décroche un master ou un doctorat, par exemple.»

Le baccalauréat n'est plus une fin en soi. Pour Charles Hadji, professeur honoraire en sciences de l'éducation à l'université Grenoble Alpes et spécialiste de l'évaluation des élèves, même s'il a un peu perdu de sa superbe au fil des années, le bac demeure toujours très important, tant d'un point de vue académique que d'un point de vue social: «Les lycéens sont toujours heureux de réussir cet examen et de faire la joie de leur famille, et continuent de s'y préparer, pour la plupart, avec beaucoup de sérieux.»

Un enjeu académique, social et festif

Beaucoup de sérieux, mais tout de même un peu moins d'anxiété que leurs aînés, comme le raconte Mathilde, 27 ans, bachelière en 2011. «Pour moi, le bac, c'était une montagne, je m'en rendais malade, et pourtant, j'étais bonne élève! Mais mon petit frère Théo n'était pas si angoissé que ça, il a révisé mais sans plus, sans pression.»

«Honnêtement, j'étais plus stressé pour l'examen du code de la route, affirme le petit frère en question, âgé de 18 ans. Le jour des épreuves du bac, j'étais détendu, je savais que, comme j'avais bien bossé et que mes notes de l'année étaient plutôt bonnes, je n'avais pas trop à m'en faire.» Il reconnaît cependant être un peu anxieux à l'approche des résultats, dévoilés ce mardi matin. «L'idée de ne pas passer à l'étape d'après, de devoir refaire une année de terminale, forcément, ça fait un peu peur. Et puis, pour toute ma famille, c'est un événement, je ne veux pas les décevoir.»

(...)

Audrey Renault

Suite et fin en cliquant ci-dessous

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A (re)lire... "La fin de l’école. L’ère du savoir-relation", François Durpaire, Béatrice Mabilon-Bonfils, Puf, 2014

6 Juillet 2021 , Rédigé par Claude Tran Publié dans #Education

Notice bibliographique La fin de l'école : l'ère du savoir-relation / François  Durpaire, Béatrice Mabilon-Bonfils | BnF Catalogue général - Bibliothèque  nationale de France

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« Passer de l’école des séparations à l’école des relations »

6 Juillet 2021 , Rédigé par Le Monde Publié dans #Education

« Passer de l’école des séparations à l’école des relations »

EXTRAITS

A l’occasion de la fin de l’année scolaire, Jean-Pierre Véran, ancien inspecteur d’académie et chercheur, imagine, dans une tribune au « Monde », ce que devrait être une « école de demain » où les espaces, le temps, les élèves, les savoirs et les métiers ne sont plus séparés.

Tribune. Si, dans le débat politique récent, on associe école et République pour lutter contre le séparatisme, il faut bien reconnaître que notre école, et tout particulièrement le collège et le lycée, sont placés sous le signe de la séparation. Séparation d’abord de l’école et de l’espace public, les enfants et les jeunes devenant élèves à l’abri du bruit du monde et du regard des familles dans ce temple du savoir et sanctuaire républicain. Mais, à l’intérieur, ensuite, ne sont exemptés de séparation ni les espaces ni les temps, ni les élèves, ni les savoirs enseignés, ni les missions et les métiers.

Il y a d’abord au sein de cette institution un cloisonnement spatial et temporel, avec des établissements scolaires pour l’essentiel composés de salles identiques, où se succèdent du matin au soir des heures de cours de cinquante-cinq minutes. La division des élèves avec des groupes qu’on appelle justement « divisions » ou « classes », dont, heure après heure, les élèves migrent d’une salle de cours à une autre, n’est que la première d’un long processus de filtrage. Entamé par le choix des langues et des spécialités, il se poursuit par le biais des opérations d’orientation qui font de la fin du collège et du lycée des gares de triage entre formation générale et technologique ou formation professionnelle, puis, avec Parcoursup, entre ceux qui iront en classes préparatoires aux grandes écoles et dans les grandes écoles, et ceux qui iront à l’université.

Du côté des savoirs, l’étanchéité règne aussi, avec des enseignements cloisonnés en disciplines et un professeur enseignant sa matière à une division dans une salle, et changeant de public à chaque heure. Mais il faut compter aussi avec la ségrégation entre les savoirs qu’on enseigne et ceux qu’on n’enseigne pas : on enseigne le grec et le latin, mais ni le droit ni la médecine. On observe aussi une hiérarchisation entre les savoirs enseignés qui entrent dans l’emploi du temps des élèves et les multiples éducations à… (au développement durable, aux médias et à l’information, à l’orientation, à la santé, etc.) qui se bricolent comme on peut, sans volume horaire affecté.

Cette séparation est enfin renforcée par la juxtaposition entre les enseignements et ce qu’on appelle « la vie scolaire », les professeurs étant plutôt porteurs de la pédagogie, les conseillers principaux d’éducation et assistants d’éducation plutôt porteurs de l’éducation, avec une hiérarchie symbolique entre eux inscrite dans les textes officiels.

(...)

Il faut fluidifier d’abord les espaces et les temps : en finir avec les modèles architecturaux de la « boîte d’œufs » (où chacun est assigné à sa place, séparé des autres) et de la « classe en autobus », dans un « lycée-caserne » fermé à l’extérieur. Pour cela, il faut diversifier les espaces et les temps d’apprentissage, les rendre modulables, favorables aux échanges.

Il est aussi nécessaire d’hybrider les savoirs, savoirs disciplinaires et savoirs du monde : ceux-là ne doivent plus être séparés, hiérarchisés, et appropriés solitairement par chaque élève, mais présentés dans leurs liens. Les savoirs collaboratifs, créatifs s’expriment en dehors des réalisations individuelles de devoirs scolaires, dans des productions collectives qui mobilisent de multiples compétences et connaissances pour leur réalisation. Les savoirs et comportements implicites (connaître la langue de l’école, apprendre ses leçons, travailler en autonomie et en équipe, rechercher une information…), que l’école considère comme acquis en dehors d’elle et qui contribuent à séparer effectivement « le bon grain » de « l’ivraie », sont alors explicitement travaillés à l’école.

(...)

Il faut enfin redessiner les parcours de formation, qui cristallisent très tôt des destins scolaires auxquels chacun est assigné, selon son origine territoriale, sociale, familiale. Mais aussi enrichir la formation des personnels, afin qu’ils ne soient pas, dès leur préparation au métier, exclusivement centrés sur une identité disciplinaire, mais porteurs d’une culture enseignante commune, donnant toute sa place aux compétences socioémotionnelles comme aux savoirs du monde.

(...)

Jean-Pierre Véran, (ancien inspecteur d’académie, membre du laboratoire Bonheurs (Cergy-Paris Université), et membre du Collectif d’interpellation du curriculum)

Tribune à lire intégralement en cliquant ci-dessous

https://www.lemonde.fr/education/article/2021/07/06/passer-de-l-ecole-des-separations-a-l-ecole-des-relations_6087148_1473685.html?xtor&&M_BT=35093862765056#x3D;EPR-33281056-[education]-20210706-[_titre_2]

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Témoignages Covid : les profs au bout du boulot

6 Juillet 2021 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education

Témoignages Covid : les profs au bout du boulot

En vacances ce mardi, les personnels de l’Education nationale sortent éreintés d’une année scolaire bousculée par les multiples protocoles sanitaires et la réforme du baccalauréat.

Il assure n’avoir «jamais souffert comme ça». Lucas (1), 45 ans, professeur d’histoire-géo dans un lycée réputé du nord-ouest parisien, est «à deux doigts de l’arrêt maladie». Et pourtant, la fin d’année scolaire est toute proche, vendredi pour lui. Mais Lucas, qui enseigne depuis dix-huit ans, «ne [tient] plus» et a besoin de raconter ses mésaventures avec le débit d’une mitraillette.

Cette année, il était juré du grand oral, la toute nouvelle épreuve du bac à la sauce Blanquer. Surprise en recevant sa convocation : à lui de jouer le prof «candide» tandis que son collègue de SVT avait pour mission d’interroger les candidats sur sa spécialité. Lucas a très mal vécu ce second rôle imposé : «J’ai fait passer 14 élèves par jour pendant une semaine sans forcément comprendre la teneur de leur exposé. Je ne suis pas là pour faire le joyeux drille. On se fout de ma discipline et de mes qualifications. On nous traite en simples exécutants», s’agace-t-il. Ce professeur s’est senti «totalement inutile» et, «comme l’enfer n’a pas de fin», rien ne s’est arrangé par la suite.

Lucas est aussi membre du jury d’harmonisation et de délibération, qui veille à l’équité des notes entre les élèves. En Ile-de-France, les réunions devaient se réunir mardi et jeudi dernier mais, à cause de problèmes techniques, elles ont été reportées plusieurs fois de suite à ce lundi, veille de la proclamation des premiers résultats du bac. «On nous a fait venir pour rien plusieurs fois en nous prévenant la veille alors que ce bac repose, à cause de problèmes de convocations, sur une poignée d’enseignants convoqués à toutes les étapes, même si on est sur les rotules», poursuit Lucas.

Jeanne, professeure de philo dans l’académie de Lyon, se sent aussi «épuisée» en cette fin d’année. A tel point que cette déléguée syndicale de 50 ans, «d’habitude très investie», n’a pas réussi à rejoindre ses collègues à un rassemblement devant le rectorat la semaine dernière, «trop anéantie» par ses conditions de travail. Cette année, les profs de philo ont pour la première fois corrigé des copies numérisées sur un nouvel outil pour lequel ils n’ont pas été formés. Entre les feuilles mal numérisées et les bugs réguliers, Jeanne a cru «devenir folle» avec 136 copies à corriger en sept jours ouvrés au lieu de dix, qui lui prenaient chacune deux fois plus de temps qu’à l’ordinaire.

Des protocoles souvent inapplicables

Pour Jeanne, comme pour Lucas, cette organisation «chaotique» du bac n’a été que la goutte d’eau faisant déborder un vase déjà bien rempli de fatigue. Cette année encore, les personnels des établissements scolaires – enseignants, assistants d’éducation, accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH) ou encore chefs d’établissement – ont été en première ligne face à la pandémie. Ils se sont sentis totalement livrés à leur sort. Les syndicats enseignants avaient alerté bien avant septembre en insistant sur la préparation de cette rentrée à haut risque. Et pourtant, rien n’a été, selon eux, anticipé par le ministère de l’Education nationale.

Ensuite, il a fallu s’adapter à la valse des protocoles sanitaires : port du masque, demi-jauges pour les lycéens puis dans certains collèges, fermeture de classe à partir de trois cas de Covid puis d’un seul dans les départements les plus touchés, campagnes de tests salivaires, autotests. Des protocoles, toujours plus stricts, jugés incompatibles avec la réalité du terrain. Comment imposer, dès la rentrée 2020, une distanciation physique avec des classes à 30 élèves ou plus ? Les profs ont encore une fois dû bricoler, avec les moyens du bord. Dans le secondaire, les élèves devaient rester dans la même salle pour éviter les brassages. Aux enseignants d’assurer la rotation, sans personnel de surveillance. «Il fallait courir toute la journée d’une salle à l’autre, d’un étage à l’autre, avec tout son matériel, toujours en retard, raconte Lise, professeure de français de 45 ans dans un collège parisien. Ce petit temps de latence, entre la sonnerie et l’arrivée du prof essoufflé, a fait la différence toute l’année parce qu’on s’est à chaque fois retrouvés avec des élèves debout, qui s’amusaient en attendant le prof suivant». Lise perdait du temps et de l’énergie à recadrer sa classe.

«Feignasses de profs»

De son côté, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, n’avait qu’un seul objectif : maintenir les écoles ouvertes. «Mais à quel prix ?» s’interroge aujourd’hui le corps enseignant, éreinté en cette fin d’année scolaire par les changements de protocole à répétition, annoncés à la dernière minute dans les médias. «Le pire était d’entendre claironner que tout allait bien dans les établissements, qu’il n’y avait pas de contamination particulière chez les élèves ou les profs. Ou qu’il fallait veiller à ce que les profs travaillent et ne décrochent pas !», ajoute Lise. Elle observe aujourd’hui autour d’elle «des collègues épuisés et abattus moralement, des CPE exsangues, des surveillants qui démissionnent ou des gestionnaires sur les dents».

Arthur, professeur de sciences économiques et sociales bientôt à la retraite, a été récemment arrêté une semaine pour malaise vagal, à cause d’un «stress excessif», lui a indiqué son médecin. «On a été sans cesse culpabilisés avec un ministère qui joue l’opinion contre ces feignasses de profs qui voudraient fermer les classes. Sauf que beaucoup ont vécu plutôt ça comme : «On ferme tout, sauf les classes, pour avoir une grande garderie nationale, et tant pis si on sacrifie les profs.» Jeanne pense à ses collègues à la santé fragile, inquiets à l’idée d’attraper le virus. Certains déjeunaient même dans leur voiture pour éviter tout risque de transmission à la cantine ou dans la salle des profs. Elle, ce n’était pas la peur d’être contaminée qui l’inquiétait le plus mais plutôt la crainte de mal faire les choses : «En demi-jauge, on s’occupait d’un groupe et quand on rentrait à la maison, il fallait gérer l’autre groupe en envoyant le cours et en répondant aux questions. Ça a doublé mon temps de travail.» Elle ne compte plus le nombre de crises de larmes survenues en rentrant chez elle.

Conflits plus nombreux

Aucune enquête approfondie n’a encore été publiée sur le mal-être des enseignants après cette deuxième année sous pandémie. Une chose est sûre, «ce mal-être n’est pas un problème nouveau ni individuel», explique Ludivine Balland, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Nantes : «Il s’inscrit dans une organisation du travail marquée par des réformes incessantes qui demandent sans cesse aux professeurs de nouvelles pratiques, et qui contribue à fragmenter leur activité.» Sans compter qu’on attend aussi un accompagnement individualisé des élèves «qui entraîne une multiplication de leurs tâches et une intensification de leur travail. Or le Covid a accentué ce problème», estime la chercheuse. Et l’année a été particulièrement compliquée au lycée avec la réforme du bac et des élèves parfois démotivés ou difficiles à gérer. «Cela a provoqué chez certains enseignants un sentiment de repli ou, à l’inverse, un surengagement qui se paye en termes de santé», analyse Françoise Lantheaume, professeure émérite des universités à Lyon 2 et sociologue en sciences de l’éducation et de l’information.

Dans son lycée favorisé du nord-ouest parisien, Lucas a souffert de la pression des parents, peu favorables aux demi-jauges imposées depuis fin novembre. «Ils estimaient qu’on sacrifiait l’avenir de leurs enfants tout ça parce que le ministère leur a fait croire qu’on était en dehors du monde social, avec très peu de contaminations», rapporte-t-il. «Tout cela a créé chez les professeurs une surcharge émotionnelle et ils se sont sentis très seuls puisque dès le premier confinement, les collectifs de travail ont complètement explosé. Or les échanges sont une ressource essentielle dans leur boulot et cela a eu un effet destructeur pour certains», ajoute Françoise Lantheaume. C’est notamment ce qui a provoqué le burn-out de Nathalie, prof d’espagnol dans un lycée à Poitiers. Absorbée par les différents protocoles sanitaires, elle n’avait «plus le temps d’avoir des discussions pédagogiques» avec ses collèguesElle fulmine : «On a été nuls pour accueillir les nouveaux profs.»

Cette enseignante de 45 ans a eu aussi beaucoup de mal à s’adapter au masque. Impossible de se souvenir des prénoms de ses secondes avec «ces ombres en face de moi». Son corps a finalement «lâché» après l’assassinat de Samuel Paty au mois d’octobre. Cette attaque terroriste a profondément affecté les enseignants qui se sont là encore sentis méprisés lorsque Jean-Michel Blanquer a renoncé, au retour des vacances de la Toussaint, à un temps d’échange avant de retrouver leurs élèves. «Il y a eu beaucoup de tension à ce moment-là avec notre chef d’établissement qui a pris nos revendications contre lui. Ça a été tellement dur que je me suis mise à pleurer devant lui et j’ai été arrêté quelques jours», raconte Diane, professeure d’histoire-géo dans un collège de Toulouse (Haute-Garonne).

Hervé Moreau, représentant Snes-FSU (le premier syndicat dans le secondaire) au CHSCT ministériel, le constate : les conflits sont plus nombreux entre les directions d’établissement et leurs équipes. «D’habitude, ça arrive en fin d’année mais là, de nombreuses tensions sont apparues dès le mois de mars», raconte-t-il. Les personnels de direction sont eux aussi au bord de l’implosion. Julien, directeur d’une école en réseau d’éducation prioritaire (REP) en Meurthe-et-Moselle, a été «usé» par les consignes sanitaires, avec le sentiment de ne pas pouvoir faire son travail avec les cas Covid à gérer ou l’organisation des tests salivaires. «Je signe même les attestations Covid à la place de la CPAM ! On effectue trop de tâches qui ne sont pas de notre ressort», estime-t-il. «Au bord du burn-out», ce directeur a finalement été arrêté deux mois au milieu de l’année. Les premiers résultats d’une étude publiée le mois dernier montrent que le moral des chefs des personnels de direction est en berne. Elle a été commandée par le syndicat des chefs d’établissements SNPDEN-Unsa à l’ancien inspecteur de l’Education nationale Georges Fotinos et José Mario Horenstein, médecin psychiatre. Sur les 4 423 chefs d’établissements qui y ont répondu, 75 % ont admis ressentir une baisse de leur moral, 80 % parlent d’«abattement» ou de «dépression» et 12,6 % auraient même déjà eu des «pensées suicidaires ou d’automutilation». Françoise Lantheaume avertit : «Si on fait comme si rien ne s’était passé, la reprise sera difficile.»

Cécile Bourgneuf

(1) Tous les prénoms ont été modifiés

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Quand Bruno Le Maire et des économistes surlignent l'échec de la politique éducative menée par JM Blanquer

6 Juillet 2021 , Rédigé par Les Echos Publié dans #Education

Quand Bruno Le Maire et des économistes surlignent l'échec de la politique éducative menée par JM Blanquer

EXTRAITS

Alerte sur le niveau d'éducation en France, Le Maire veut en faire une priorité pour 2022

Bruno Le Maire entend consacrer une enveloppe à la formation dans le futur plan d'investissement, qui doit prendre le relais du plan de relance. Pour les économistes réunis à Aix-en-Provence ce week-end, le déclin du niveau éducation des jeunes Français pose question et devrait être la priorité du prochain mandat présidentiel.

Après le plan de relance de 100 milliards d'euros, né en 2020, voilà son petit frère, « le plan d'investissement », selon les termes de Bercy, destiné à doper la croissance. Si l'on ignore encore son ampleur financière, celui-ci sera axé sur les technologies du futur, comme l' hydrogène . Bruno Le Maire - qui présentera dans les prochains jours son plan à Emmanuel Macron - souhaiterait aussi y inclure un volet autour des compétences et de la formation, selon l'entourage du ministre de l'Economie.

Interrogé dimanche soir sur LCI, le locataire de Bercy veut d'ailleurs faire de l'éducation, « le grand sujet et la priorité qui doit démarrer le prochain quinquennat ». «Il faut essayer de profiter de la campagne présidentielle pour mettre sur le devant de la scène les sujets les plus importants dont dépend l'avenir de nos enfants et de notre nation», à savoir l'éducation, «priorité absolue du prochain quinquennat», a-t-il insisté.

(...)

Pour Laurence Boone, cheffe économiste de l'OCDE, « le sujet de la formation et de l'éducation devrait être la priorité des candidats à l'élection présidentielle de 2022 ». Bruno Le Maire est donc sur cette ligne. Le ministre de l'Economie ne cache pas qu'en cas de réélection d'Emmanuel Macron à l'Elysée en mai prochain, il serait favorable à ce que le dossier de l'éducation soit sur le haut de la pile dès le début du nouveau quinquennat. Avec au menu tous les sujets : formation et rémunération des enseignants, financement de la recherche….

Nathalie Silbert et Guillaume de Calignon

Article complet à lire en cliquant ci-dessous

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Neil Young...

5 Juillet 2021 , Rédigé par christophe Publié dans #Musique

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Coup de coeur... Olga Tokarczuk...

5 Juillet 2021 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

Nos voix chargées de désespoir emplissaient l'église, montaient jusqu'aux voutes et en revenaient maintes fois, comme si toute une armée chantait dans cette langue étrange que personne, en ces lieux, ne pouvait connaitre, et dans laquelle resonnaient des sonorités qui n'étaient pas de ce monde. Je me rappelai Smyrne, le port, l'air marin, je sentis des épices dont, dans cette enceinte de Lublin, personne n'avait jamais entendu parler. L'église elle-même semblait figée d'étonnement et les flammes des bougies cessèrent d'osciller. Un moine qui, l'instant d'avant, arrangeait les fleurs d'un autel latéral, se tenait a présent debout devant une colonne en nous fixant avec l'expression de qui voit des fantômes. A tout hasard il se signa discrètement.

A la fin, nous avons prie en yiddish tous ensemble, si fort que les petites vitres colorées des vitraux semblaient en frémir, et ceci pour que Dieu nous tendit sa main secourable au pays étranger d'Esaü, a nous les enfants de Jacob égarés dans le brouillard, la pluie et ce terrible automne de 1759 qui devait être suivi d'un hiver pire encore. Je le compris ce soir la. Nous faisions notre premier pas dans le vide.

Olga Tokarczuk - Les Livres de Jakób

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Rions avec Zemmour et Hanouna (ou pas)

5 Juillet 2021 , Rédigé par Liberation Publié dans #Politique

Colloque: Rire en images à la Renaissance. Paris, 7-10 mars 2012 « Le blog  de l'APAHAU

Si les deux personnages s’activent sur les plateaux et peuvent recouvrir, de leur gestuelle à leur élocution, une dimension comique, dans la perspective de la présidentielle, le rire s’étrangle.

Prenons Zemmour et Hanouna, les deux cariatides de l’empire audiovisuel de Bolloré, celui qu’il est en train d’exporter sur Europe 1, en éjectant par conteneurs entiers tout ce qui pouvait ressembler à de la finesse de pensée ou d’expression. Considérés hors contexte, dans leur seule gestuelle, dans leur seule élocution, les deux personnages ont une indéniable dimension comique. Le petit malingre de cinquante kilos tout habillé déplorant la disparition de la masculinité, le clown se rêvant en phare de la campagne, voire en candidat à la présidentielle, après avoir conquis sa popularité en fourrant des nouilles dans le slip d’un de ses chroniqueurs : oui, ce sont les continuateurs potentiels du Chaplin du Dictateur. Dans la perspective de la présidentielle, Hanouna prépare un livre, dans lequel l’ancien directeur de l’Express Christophe Barbier va l’accoucher sur sa perception de la société française – scoop révélé par Bruno Jeudy, rédacteur en chef (placardisé) de Paris-Match. On a envie, on se sent autorisé à rire.

Comme on riait de la candidature Trump, en 2016. Car on riait, s’en souvient-on. On riait sur les plateaux des démocrates bien-pensants, du gros balourd de la télé-réalité, du «you are fired», à l’assaut de la Maison Blanche. Et c’est évidemment à ce moment que ça coince. A cette première pulsion de rire, font barrage les images mentales du mur de la frontière mexicaine, du retrait américain de l’accord de Paris, et du wagnérien assaut du Capitole, au début de l’année. Et le rire s’étrangle. Il s’étrangle d’autant plus que Trump, encore aujourd’hui, règne sur le Parti républicain, en éjectant tous ceux qui refusent l’univers parallèle du «Biden a trafiqué l’élection». Oui, ils sont dans leur monde, oui c’est un monde parallèle au nôtre, mais ce monde parallèle existe, où de sérieux journalistes pourraient citer un jour «le président Zemmour» ou «le président Hanouna». Et non seulement il existe, mais il mord à pleines mâchoires sur le nôtre, que nous considérons comme le réel.

Le rire entretient avec la brutalité des rapports complexes. Eric Zemmour expliquait récemment que Papacito le fait rire. Papacito est ce youtubeur fascisant qui venait de mettre en ligne une vidéo dans laquelle, en treillis militaire, il lardait de coups de poignards un mannequin de chiffon, figurant un gauchiste, ou un communiste, ou un baba cool, toutes ces catégories inférieures. Mais c’était pour rire, bien entendu. Vidéo «gaguesque», ratifia Zemmour. Mais tout le monde n’était pas d’humeur à plaisanter. Après une plainte de Jean-Luc Mélenchon, une enquête pour «provocation publique non suivie d’effet à la commission d’atteintes à la vie ou à l’intégrité des personnes» a été ouverte contre Papacito par le parquet de Paris.

Le rire n’est pas seulement l’arme du faible et du dominé. Il y a un rire du paramilitaire en gilet pare-balles, comme il y a un rire du tortionnaire, ou du bourreau, ou du putschiste, analyse le professeur de littérature allemand Albrecht Koschorke, dans un essai consacré à Mein Kampf (1). Ce rieur jouit d’avance de ses étranglements futurs. Il rit de la naïveté de ses adversaires démocrates. A l’aube de sa carrière, rappelle Koschorke, Hitler apparaissait à certains comme un personnage comique. «Hitler plus pouvoir égale horreur, mais Hitler moins pouvoir égale comédie», disait un humoriste. D’où Koschorke déduit une première nécessité de la terreur, contre le rire : «La terreur est un moyen nécessaire pour expurger le vague ridicule collant aux meneurs politiques autoproclamés.» Mais ce n’est pas tout. Même chez ses spectateurs innocents, la terreur peut provoquer un rire nerveux. «Les effets d‘un comique profondément irréel collent aussi de manière frappante à la terreur elle-même. Dans son inconcevabilité même, l’horreur confine au comique. Telle est la caractéristique des régimes de terreur que de s’enfermer dans une fin en soi absurde et opaque, jusqu’à rejoindre, pour étrange que cela paraisse, une comédie où tout sens vole en éclats.»

La perte du sens. Le vide des mots. Leur retournement. Le tonitruant cheptel de chroniqueurs de Zemmour ou de Pascal Praud qui se proclament quotidiennement bâillonnés. Oui, ce pourrait être seulement comique. Mais réfléchissons sur ce rire.

Daniel Schneidermann

(1) «Manipuler et stigmatiser, démystifier Mein Kampf», Albrecht Koschorke, CNRS Editions, 2018.

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