Covid-19 : le dédoublement des classes au collège pourrait protéger les parents
EXTRAITS
Des épidémiologistes préconisent de tenir compte du risque accru de contamination des adultes dans les foyers abritant des collégiens.
Tandis que les contaminations par le SARS-CoV-2 augmentent fortement, le rôle des enfants et des adolescents dans la dynamique de l’épidémie de Covid-19 reste une question essentielle. Les mesures annoncées jeudi 18 mars par le gouvernement de dédoublement des lycées seront-elles suffisantes ? Depuis septembre, la France est parvenue à garder ses établissements ouverts, en imposant le port du masque dès l’école primaire et un mélange de présentiel et de distanciel au lycée.
« Les écoles ne semblent pas constituer des amplificateurs de transmission : la circulation du virus en milieu scolaire reflète plutôt celle qui est observée au sein de la collectivité », a indiqué le conseil scientifique dans son avis du 11 mars. Il s’appuie un éditorial publié dans le British Medical Journal, signé par plusieurs épidémiologistes dont le professeur Arnaud Fontanet (Institut Pasteur), membre du conseil scientifique. « Les enfants continuent de faire des formes plus légères de la maladie, et très peu d’études suggèrent que les enseignants seraient plus à risque que d’autres professions », résume Arnaud Fontanet.
Mais concernant la transmission du virus, les choses varient selon l’âge, comme l’a montré Comcor, une étude que le professeur a conduite avec ses collègues de l’Institut Pasteur, à l’état de prépublication et régulièrement mise à jour. Le risque majeur est en effet que les enfants ramènent le virus au domicile, où il n’y a pas de mesures barrières, et qu’ils le transmettent à leurs parents et grands-parents, davantage sujets aux formes graves de la maladie – sans compter l’impact psychologique que cela peut avoir. Ainsi le fait d’avoir un collégien ou un lycéen ou un enfant gardé par une assistante maternelle accroît le risque pour les adultes du foyer d’être infectés de respectivement 27 %, 29 % et 39 %, souligne ce travail. Quand l’enfant est en maternelle, ce surrisque est de 15 %. Mais avoir un enfant en école primaire n’est pas, jusqu’alors, associé à un surrisque d’infection. « Il reste généralement admis que les enfants de moins de 10 ans sont 30 % à 50 % moins susceptibles d’être infectés, constate le professeur Fontanet. En revanche, les avis sont partagés sur la contagiosité. »
(...)
Dans son dernier avis, le conseil scientifique préconise « de ne fermer les écoles primaires qu’en dernier recours » mais les laisser ouvertes doit s’accompagner « de mesures efficaces de réduction du risque ». Tous les observateurs demandent plus de dépistages ciblés. « Il faudrait s’inspirer d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Autriche qui diffusent largement les autotests : deux tests par semaine dans les écoles primaires, un par semaine dans le secondaire », préconise Arnaud Fontanet. Pour ralentir, voire casser les chaînes de transmission.
Les syndicats déplorent un protocole sanitaire insuffisant. « Le déni du ministre de l’éducation nationale [Jean-Michel Blanquer martèle que le virus circule peu à l’école] a retardé de plusieurs mois des mesures de protection nécessaires pour faire baisser la circulation du virus », regrette Mahmoud Zureik. Ce sont, par exemple, l’aération, les extracteurs d’air, penser autrement les cantines, etc. Un constat partagé par le collectif Du côté de la science, dont il fait partie. « L’objectif de laisser les écoles est noble, mais il faut s’en donner les moyens », tranche l’épidémiologiste.
Pascale Santi
/https%3A%2F%2Fimg.lemde.fr%2F2021%2F03%2F24%2F23%2F0%2F8192%2F4092%2F1440%2F720%2F60%2F0%2F7f21197_326211568-000-8ue229.jpg)
Covid-19 : le dédoublement des classes au collège pourrait protéger les parents
Tandis que les contaminations par le SARS-CoV-2 augmentent fortement, le rôle des enfants et des adolescents dans la dynamique de l'épidémie de Covid-19 reste une question essentielle. Les mesur...
"... difficile d’affirmer, comme s’obstine à le faire Jean-Michel Blanquer, que les enfants ne se contaminent pas à l’école..."
EXTRAITS
De plus en plus de cas de contaminations sont détectés parmi les plus jeunes. La situation est particulièrement préoccupante en Ile-de-France.
(...)
Il devient de plus en plus difficile d’affirmer, comme s’obstine à le faire le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, que les enfants ne se contaminent pas à l’école. Le taux d’incidence, soit le nombre de contaminations détectées pour 100 000 habitants est en pleine flambée chez les plus jeunes. Parmi les 0-19 ans, il atteignait, selon les dernières données disponibles, 281 en moyenne en France, soit une multiplication par presque quatre depuis le 1er janvier. Cette progression a eu lieu sur tout le territoire, mais est particulièrement accentuée en Ile-de-France.
(...)
La zone semble constituer l’épicentre de l’épidémie. Dans chacun de ses départements, le taux d’incidence pour les 0-19 ans y est supérieur à 400 et atteint même 541 dans le Val-de-Marne. La positivité, quant à elle, est élevée, mais reste inférieure aux records du mois de février. Cela s’explique en partie parce que le nombre de tests pratiqués chez les enfants a largement augmenté ces derniers mois, s’étendant à un public moins susceptible d’être contaminé. Il reste que les taux d’incidence progressent nettement plus vite que le nombre de tests pratiqués.
La progression est particulièrement importante pour les enfants de moins de 10 ans, pour lesquels ce taux a été multiplié par sept depuis janvier et vient de doubler en dix jours. Trois semaines après la fin des dernières vacances scolaires de la zone C, la progression semble exponentielle.
(...)
En ce qui concerne les jeunes de 10 à 19 ans, le taux d’incidence en Ile-de-France a été multiplié un peu moins de cinq en trois mois, atteignant 685. Dans ce cas également, la fin des dernières vacances scolaires semble avoir largement accéléré la progression.
La situation des enfants semble particulièrement inquiétante. Pas tant pour les formes graves de Covid-19 - on compte très peu d’enfants en réanimation — que pour certaines formes du Covid que nombre d’entre eux risquent de développer : selon une étude britannique, entre 13 et 15 % des enfants développent des formes longues de la maladie. Quant à leurs parents, cela accroit leur risque d’être contaminés gravement. De fait, les 30-59 ans, qui ont l’âge d’être parents, constituent une part croissante du nombre de patients en réanimation en Ile-de-France : ils y sont aujourd’hui près de 500 à être en soins intensifs, soit deux fois plus que lors du dernier pic de novembre.
Savinien de Rivet
Article complet avec infographies en cliquant ci-dessous
/https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fresizer%2Fx6BnldFZLZjcuBfAcyv7BgrKl0k%3D%2F1200x630%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FFLE6UXT5WZBQLMG7NNVMYZGL7Y.jpeg)
Covid-19 : l'inquiétante flambée des contaminations chez les enfants
Il devient de plus en plus difficile d'affirmer, comme s'obstine à le faire le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, que les enfants ne se contaminent pas à l'école. Le taux ...
Coup de coeur... Jean Contrucci...
5 avril 1545, en début de soirée
Dehors, la tempête redoublait.
Avril est souvent cruel en Provence. On croit le printemps installé, les arbres se poudrent de fleurs, la campagne enfile sa tunique vert tendre, mais que la chavane ouvre les cataractes du ciel et on a un avant-goût du Déluge. En quelques heures, elle gâte les récoltes et les fruits attendus, gâche des mois de travail acharné et ruine tout espoir d’arracher son pain à la terre avare.
À chaque coup de tonnerre le cœur d’Isabelle s’emballait. Allongée sur sa couche dans la pièce obscure qui lui servait de chambre, au premier étage de la bastide, la jeune fille pelotonnée sous sa couverture de laine grossière fermait les yeux à s’en faire mal. L’éclair, passé par la lucarne à la tête du lit, lui transperçait les paupières de son éclat, précédant de peu le fracas du tonnerre venu des cieux déchaînés.
Comme si le Bon Dieu avait décidé ce soir d’ensevelir les hommes sous les décombres de son paradis.
Cela durait depuis la tombée du jour, sans une seconde de répit. Des hauts du Luberon, décapités par les nuées noires, cascadaient des torrents furibonds venus grossir les flots boueux chargés des bois morts arrachés à ses rives par la Durance, lancée comme une folle vers ses épousailles avec le Rhône.
Perchée sur une butte à l’entrée du vallon de Fenouillet, entre La Roque-d’Anthéron et Valbonnette 1, La Crémade tremblait sur ses fondations. Les vagues de pluie mêlées de grêle crépitaient sur les tuiles rondes de la vieille bastide. Le bruit était assourdissant. Sous les assauts furieux du vent, les poutres faîtières de la charpente craquaient comme les mâtures d’un voilier dans la tempête.
Dans la remise, à droite du bâtiment principal, les bêtes affolées bêlaient, meuglaient, bottaient contre les cloisons de bois de l’étable. Même Boumian – un grand berger de Crau noir et hirsute, capable de briser l’échine du loup quand il rôdait trop près du troupeau – n’en menait pas large, le museau entre les pattes, allongé aux pieds de son maître.
Dans la grande cuisine où fumait une flambée mourante, Martin Jaume, qu’on appelait Le Mestre, avait rallumé les trois chandelles posées sur la table encore encombrée des reliefs du repas. Planté au milieu de la pièce commune, tel un capitaine debout sur le pont balayé par les lames, son visage embroussaillé de poils gris levé vers le plafond, il écoutait gémir sa maison, les sens en alerte, attentif à tous les bruits qui en provenaient.
Dès les premiers signes de la tourmente à venir, le métayer avait quitté sa couche. Il avait remis ses chausses et ses grosses galoches aux semelles cloutées, avait fait trembler de son pas lourd les marches de bois qui menaient au rez-de-chaussée et gagné la vaste salle où se dressait la table familiale, flanquée de ses bancs et de ses coffres à linge ou à vaisselle. Depuis, droit comme un cyprès, il n’avait plus bougé : il
écoutait la colère divine et tentait d’en déchiffrer la raison. Par sa seule présence, il voulait rassurer tout son monde, bêtes et gens, et même les pierres de la maison sortie de ses grosses mains de paysan. Il montrait à l’orage qu’il ne craignait pas de l’affronter face à face. L’air de dire à chacun : « Tenez bon. Vous ne risquez rien, puisque je suis là. »
Avant de descendre, Jaume avait contemplé Élise, sa femme, agenouillée dans sa longue chemise de nuit. Sans reprendre souffle, elle marmonnait des patenôtres au pied du lit conjugal. Il l’avait rembarrée avec un haussement d’épaule :
—Cesse donc, avec ces bêtises de papiste ! Tu crois que le Bon Dieu ne sait pas ce qu’il fait ? As-tu oublié la promesse de l’Éternel à Moïse devant la Terre promise ? « Je donnerai à votre pays la pluie en son temps et tu recueilleras ton blé. »
Ce rappel ne rassurait pas la malheureuse Élise. Un œuf à la main, consacré le jour de la Sainte-Claire 2 par le curé de Lauris, elle enchaînait en bredouillant ses invocations à la bienheureuse, réputée pour savoir chasser les nuages.
Sainte Claire, éloigne le tonnerre et calme les éclairs, Amen.
Rien à faire : ni le défi du Mestre, ni les invocations de sa femme ne faisaient reculer la pluie. Dieu semblait devenu insensible aux plaintes de Sa créature.
Jean Contrucci - Le printemps des maudits
"On a l'impression qu'on joue avec la santé des enfants" : face au Covid-19, des parents demandent la fermeture des établissements scolaires
Au Collège Claude-Debussy d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, 50% des enseignants sont absents, parce que malades ou cas contact. Les parents préfèrent souvent garder leurs enfants à la maison par peur que toute la famille soit contaminée.
"Les écoles, c'est ce que nous fermerons en dernier", déclarait Jean Castex devant les députés, mardi 23 mars. Une position partagée également par le ministère de l'Éducation nationale. Mais cette ligne fait face à une réalité : les cas de Covid-19 augmentent ces dernières semaines, chez les élèves et chez les enseignants. franceinfo s'est rendu dans deux établissements de Seine-Saint-Denis où parents et enseignants ne comprennent pas que les établissements restent ouverts coûte que coûte.
La moitié des professeurs absents
Au collège Claude-Debussy d'Aulnay-sous-Bois, la situation est "catastrophique", lâche dans un rire gêné Noria, parent d'élève au sein de la liste "égalité pour tous". Des cas Covid ou des cas contact, elle en voit partout ces derniers jours : "Autant chez les élèves que chez le personnel". Bilan : la moitié des professeurs absents, un seul surveillant disponible, la cantine fermée et des emplois du temps vides. 80% des cours ne sont pas assurés pour certaines classes.
Malgré les interrogations des parents, le collège reste ouvert, déplore Noria : "On a envoyé des mails au DASEN [directeur académique des services de l'Éducation nationale] et au département mais on n'a aucune nouvelle. Les parents sont en colère et perdus. On a l'impression qu'on joue avec la santé des enfants et du coup, des familles."
"C'est un cercle vicieux parce que nos enfants qui sont scolarisés au collège ont des frères et sœurs qui sont en maternelle, en primaire, donc on a peur que ça se propage partout. Les parents ne veulent pas prendre de risque." Noria, parent d'élève à france info
Les deux tiers des enfants restent donc chez eux, à la demande des parents. La situation est telle que les familles n'ont désormais qu'une exigence : "On demande la fermeture pour pouvoir tout désinfecter et pouvoir repartir sur de bonnes bases, même si c'est quinze jours. On est totalement démunis."
Clément Bernard, professeur de mathématiques au lycée Blaise-Cendrars de Sevran, fait partie de ces enseignants absents en raison du Covid-19 : "Je suis cas contact. Cette semaine on était à plus de 75% des enseignants absents". Trois classes sont fermées, de même que le service de la vie scolaire. Certains élèves n'ont qu'une heure de cours par jour. Et pourtant, le lycée est toujours ouvert.
Boris Loumagne
«On a nié les contaminations en milieu scolaire»
L’épidémiologiste Dominique Costagliola souligne les taux d’incidence alarmants chez les enfants et les adolescents et plaide pour une fermeture des écoles.
Directrice de recherches à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie, Dominique Costagliola estime que le protocole sanitaire dans les écoles est devenu insuffisant pour maîtriser l’épidémie.
Vous défendez une fermeture des écoles primaires, pourquoi ?
Si je prends la situation en Ile-de-France, le taux d’incidence chez les enfants de 0 à 9 ans est passé de 129 à 275 en deux semaines. La dynamique est donc très mauvaise et le seuil d’alerte de 250 a été dépassé. Cette vague est due à un nouveau variant plus contaminant que le précédent, donc pour le contrôler, il faut des mesures plus fortes. Je ne vois pas comment l’épidémie s’arrêterait brutalement dans les conditions actuelles.
Il y a eu une période assez cool chez les plus jeunes, pendant les vacances scolaires, mais quand le virus circule activement dans la population, il circule aussi dans les écoles. Par ailleurs, j’ai vu que le gouvernement avait renforcé le protocole pour les cantines en milieu professionnel, mais pas en milieu scolaire. En quoi les cantines scolaires seraient moins risquées que les cantines professionnelles ?
Le protocole mis en place dans les écoles ne suffit-il pas à maintenir l’épidémie ?
Quand on regarde les chiffres, manifestement non. Une des mesures à prendre dans les écoles, c’est de ne pas brasser les classes. Mais comme les enseignants malades ne sont pas remplacés, on est bien obligé de mélanger les classes. Il y a quand même une grande différence entre le protocole et la réalité de son application.
L’épidémiologiste du Conseil scientifique Arnaud Fontanet plaide pour une action ferme sur les collèges et les lycées, mais considère que la fermeture des écoles doit avoir lieu en dernier recours. Qu’en pensez-vous ?
Là encore, regardons les chiffres. Toujours en Ile-de-France, l’incidence chez les 10-19 ans est passée de 377 à 673. S’il faut prioriser, je comprends qu’il soit plus urgent d’agir à ces niveaux-là. Mais l’agence régionale de santé est en train de déprogrammer 80 % des opérations chirurgicales prévues. C’est le dernier palier. On ne va pas tenir longtemps ainsi, il faut donc freiner par tous les moyens possibles et donc fermer les écoles.
Fermer les écoles a des conséquences terribles pour les enfants…
Je suis absolument d’accord pour dire qu’il est important de maintenir les écoles ouvertes. Mais il faut alors s’en donner les moyens. Il y a des mesures contre l’aérosolisation, par exemple, qui n’ont pas été prises parce qu’on a nié les contaminations en milieu scolaire. On aurait pu installer des capteurs à CO2 et de la ventilation, mais cela coûte de l’argent. De même, il aurait fallu être capable de tester largement dès qu’un cas était découvert pour intervenir sur les foyers de contamination. On ne l’a pas fait. Maintenant, on est dans le mur.
Olivier Monod
/https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fresizer%2FozbVTW2l1DIndU8U8a39CzlTCzo%3D%2F1200x630%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FLGYMXQ6IVZCHJDPCKKVW2QCAPU.jpg)
"On a nié les contaminations en milieu scolaire"
Directrice de recherches à l'Institut Pierre-Louis d'épidémiologie, Dominique Costagliola estime que le protocole sanitaire dans les écoles est devenu insuffisant pour maîtriser l'épidémie. ...
"Il n’y aura plus d’enseignants en poste demain dans notre école"
La progression de la Covid-19, notamment dans les écoles, inquiète les enseignants et les parents. Dans une maternelle de Saint-Denis, l'inspection académique demande à l'école de rester ouverte malgré l'absence de tous les enseignants.
Alors que le Premier ministre a annoncé un nouveau confinement pour quatre semaines en Ile-de-France et que le nombre de personnes en réanimation n’a jamais été aussi élevé depuis un an, les écoles restent ouvertes.
Pour le gouvernement c'est le moyen d’éviter le décrochage scolaire mais pour de nombreux enseignants et parents d'élèves, c'est une source d’inquiétude. Les chiffres de propagation de l’épidémie sont en forte hausse, le taux d’incidence de la Covid-19 est actuellement de 680 cas pour 100 000 habitants en Seine-Saint-Denis, il était de 580 cas la semaine dernière.
Stéphanie Fouilhoux est directrice de maternelle à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis et déléguée Snuipp–FSU. "La situation devient ingérable dans notre école", explique-t-elle. "Nous sommes dans une petite école avec cinq classes et six enseignants, depuis trois semaines nous fonctionnons à cinq, une de nos collègues est en arrêt maladie et n’a pas été remplacée. Samedi dernier, une collègue a été testée positive à la Covid-19, et une autre collègue est cas contact. Sur ce, lundi, un autre collègue a été déclaré positif. Le résultat est qu’hier deux enseignants étaient présents pour accueillir les élèves de 5 classes" déplore-t-elle.
Il faut donc que je prévienne les parents, qu'aucun enseignant ne sera demain à la porte de l’école"
Stéphanie Fouilhoux, directrice de maternelle à Saint-Denis
Or la médecine scolaire a informé les enseignants restants qu'ils étaient cas contacts. "Le résultat c’est qu'il n’y aura plus d’enseignants en poste à partir de demain dans notre école", déplore Stéphanie Fouilhoux
"J’ai fait remonter l'information et prévenu ma hiérarchie", poursuit-elle et "la réponse de l’inspection académique a été qu’il fallait que l’école reste ouverte. Maintenant il faut donc que je prévienne les parents, qu'aucun enseignant ne sera demain à la porte de l’école", insiste-t-elle.
Les écoles confrontées à une pénurie d'enseignants remplaçants
L'inspection académique indique qu’ils sont en train de chercher des remplaçants. Le problème d'après la directrice de l’école maternelle, c’est qu’il n’y a pas de remplaçant disponible sur le département. "Plein d’écoles, sur le département manquent d’enseignants, nous sommes le cas le plus critique car il n’y a plus personne pour assurer les cours mais d’autres établissements de Montreuil à Saint-Denis sont dans la même situation".
La règle mise en place par le ministre de l’Education nationale et qu’en maternelle il suffit d’un seul enfant positif pour fermer la classe. "C’est ridicule", explique l’enseignante. "On sait tous qu’un enseignant de maternelle même si il porte un masque et respecte les gestes barrières est obligé de s’occuper au plus près des enfants - il faut les moucher, les aider à mettre leur manteaux… - et que le risque de contamination est fort".
L'enseignante est très inquiète de cette décision. "Pour demain je ne sais absolument pas ce qui va se passer, j’ai annoncé aux parents que sur décision de l’inspection académique l'école maternelle resterait ouverte mais il n’y aura personne devant la porte de l’école car moi aussi je serai en isolement et que je ne pourrai pas les accueillir".
"Les parents sont confrontés à une situation ubuesque" explique ce parent d'élève dont le fils est scolarisé dans cette école de Saint-Denis. "Sur le papier, l’école est ouverte mais en réalité il n’y a aucun enseignant qui sera présent dans l’école cette semaine. Il y a 71 écoles maternelle et élémentaire à Saint-Denis. "Dans ces écoles il y a aussi de nombreux enseignants absents à cause de l’épidémie de Covid et d’après l’inspecteur du 93, il n’y a plus de remplaçants disponibles. J’ai la chance de faire du télétravail mais pour les enfants dont les parents travaillent ça va être ingérable", conclut-il.
Emmanuèle Bailly
/https%3A%2F%2Ffrance3-regions.francetvinfo.fr%2Fimage%2F_TVmVNy5kVwGX1N3BKWHTwzhfXg%2F930x620%2Fregions%2F2021%2F03%2F24%2F605b6bfe60b76_phpj71gss-5245084.jpg)
"Il n'y aura plus d'enseignants en poste demain dans notre école"
La progression de la Covid-19, notamment dans les écoles, inquiète les enseignants et les parents. Dans une maternelle de Saint-Denis, l'inspection académique demande à l'école de rester ouver...
Opinion - "Il faut un confinement strict de deux mois, avec fermeture des écoles", pour l'épidémiologiste William Dab
L'exécutif s'apprête à élargir les mesures sanitaires renforcées au Rhône, l'Aube et la Nièvre. Mais compte-tenu de la circulation très active du virus en France, ces mesures seront insuffisantes pour freiner l'épidémie, estime sur France Inter l'ancien directeur général de la Santé, William Dab.
Alors que le gouvernement s'apprête à renforcer les mesures sanitaires dans trois départements supplémentaires, le Rhône, l'Aube et la Nièvre, l'épidémiologiste et ancien directeur général de la Santé, William Dab, doute de l'efficacité de telles mesures. Seul un confinement strict pourrait selon lui freiner l'épidémie.
Un confinement strict avec fermeture des écoles
"S'il s'agit de ralentir la propagation du virus, il est très peu probable que les mesures prises en fin de semaine auront un impact significatif", a-t-il expliqué ce mercredi sur France Inter. Comme de nombreux épidémiologistes et responsables hospitaliers aujourd'hui, il plaide pour une mesure encore plus radicale : "un confinement strict, incluant la fermeture des écoles".
Par ailleurs, selon lui, "vu le niveau très élevé de circulation virale, avec une moyenne de 300 nouveau cas pour 100 000 habitants par jour, et même près de 600 nouveaux cas pour 100 000 habitants en Ile-de-France", ce confinement strict devra être plus long que celui utilisé pour contrer la première vague il y a un an, à savoir "au moins deux mois".
L'exécutif a fait le choix de tenir compte de la santé psychologique des Français, mise à mal notamment chez les plus jeunes, mais aussi de la difficile acceptabilité d'un renforcement trop important des mesures, alors que certains, comme à Marseille avec le carnaval organisé dans la rue, montrent une forme de ras-le-bol.
Pour William Dab, "d'un point de vue psychologique (…)il vaut mieux imposer des restrictions très strictes pendant une durée courte, ce qui permet de relâcher la pression, plutôt que cet état anxiogène dans lequel nous sommes depuis la fin du mois d'octobre.Nous ne sommes pas libres de nos mouvements, nous avons beaucoup de contraintes dans la vie quotidienne, ça dure et ça dure, et en plus on voit bien que ce n'est pas efficace."
"On pourrait tester les enfants deux fois par semaine"
L'épidémiologiste est très critique des décisions prises par l'exécutif depuis les premières alertes des experts scientifiques qui annonçaient la troisième vague. "Pendant tout le mois de février, on a entendu que 'chaque jour non confiné est un jour gagné'. Mais qu'est-ce qu'on gagnait ? On gagnait sur le plan économique et pédagogique, mais sur le plan de la santé, on était en train de faire des dégâts importants. Donc la logique est totalement différente de ce qui s'est passé l'année dernière, quandle président avait mis la santé en priorité numéro 1, ce n'est plus le cas aujourd'hui".
En Belgique, les autorités viennent de décider qu'à partir de la semaine prochaine, seules les écoles maternelles resteront ouvertes. Sur la question d'agir sur la contamination dans les écoles, William Dab déplore l'avis tranché de Jean-Michel Blanquer qui rejette l'idée de refermer les établissements.
"Le ministre de l'Éducation nationale nous dit qu'il y a plus de bénéfice que de risque à laisser les écoles ouvertes. Il ne donne aucun argument à l'appui de ce jugement", lance l'ancien directeur général de la Santé."Je suis scientifique, pour juger il me faut des données. On ne peut pas bâtir une politique de prévention uniquement sur des impressions. On peut réfléchir à des stratégies alternatives, parce que dans ce genre de situation, raisonner en termes de tout ou rien est quelque chose qu'il faut mieux éviter.Je pense que l'utilisation systématique des tests permettrait de trouver une voie de conciliation.On pourrait tester les enfants deux fois par semaine."
Par la rédaction numérique de France Inter
Covid : la France à rude école
Du Nord aux Bouches-du-Rhône en passant par la région parisienne, les enseignants s’alarment de voir le nombre de contaminations grimper dans leurs établissements. Certains demandent une fermeture.
Hélène Froment, professeure d’histoire, vient de terminer ses cours quand elle sent la fièvre monter, d’un coup. Comme elle n’est jamais malade, elle file dans un labo faire un test. Verdict : Covid. C’était vendredi dernier. Le même jour, huit élèves de son collège de Marly (Nord) sont testés positifs. Ensuite, dit-elle, «ça a été l’hécatombe. Le collège est devenu fantôme en quelques jours». Lundi : 18 collégiens et 3 profs malades, 6 classes fermées. «On a eu les chiffres en recoupant les infos entre profs parce qu’on ne nous communique pas le nombre total de cas», raconte l’enseignante, qui suit le problème de chez elle. En tant que représentante du Snes-FSU (syndicat majoritaire dans le secondaire), elle alerte aussitôt la rectrice d’académie. Deux mails sans réponse, assure-t-elle. Entre-temps, 7 profs supplémentaires, une vingtaine d’élèves malades… Sans parler du nombre de cas contacts que les enseignants n’arrivent même pas à estimer. Mercredi matin, d’un seul élan, l’équipe décide de rester dans la cour, dehors, pour exiger la fermeture du collège : «Ce n’est pas ce qu’on souhaite dans l’idéal mais franchement, la situation est devenue trop dangereuse», raconte Sébastien, prof d’EPS. La rectrice s’incline : collège fermé pour au moins une semaine, à compter de ce jeudi.
Et ailleurs ? Que se passe-t-il dans les établissements scolaires en pleine troisième vague de l’épidémie ? Les cas positifs au Covid et les cas contacts se multiplient, surtout dans les 16 départements reconfinés. Les derniers chiffres du ministère de l’Education nationale datent de vendredi dernier : officiellement 80 établissements (63 écoles, 11 collèges et 6 lycées sur près de 60 000 établissements) et plus de 2 000 classes sont fermés pour cause de contaminations au Covid-19 chez des élèves ou des enseignants. Pas étonnant quand on sait que le taux d’incidence flambe chez les jeunes : sur l’ensemble de la France, il est passé de 75 à 278 (sur 100 000 personnes) chez les 0-19 ans entre le 1er janvier et le 20 mars. Et s’établit à 673 en Ile-de-France. Jusqu’ici, le gouvernement ne cille pas : les écoles doivent rester ouvertes, c’est la priorité. Lors d’un déjeuner avec des journalistes politiques la semaine dernière, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, répétait comme un mantra : «Je reste assez confiant sur le maintien des écoles ouvertes, même si je ne peux pas anticiper ce qui peut encore se passer.»
«En l’espace de trois jours, l’explosion»
Sur le terrain, la situation est très variable d’un établissement à l’autre. Et difficile à appréhender. «Ça fait une quinzaine de semaines qu’on gère, on commence à être rodés. Ça fait des trous dans la raquette, mais pas des catastrophes complètes», relativise Philippe Vincent, président du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPDEN), et proviseur dans un lycée d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Beaucoup tiennent bon, les protocoles sanitaires, désormais huilés, semblant faire barrage… tant que le nombre de cas positifs n’explose pas. «Jusqu’à la semaine dernière, ça allait, mais en l’espace de trois jours, l’explosion», raconte une directrice d’école de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), dépitée : en une semaine, la moitié des élèves s’est retrouvée confinée. Même situation dans une autre école, tout près… Et une décision proche de l’absurde. «Deux enseignants sur les cinq ont le Covid. Le médecin scolaire a demandé aux autres profs de rester confinés vu la circulation du virus. Donc à partir de ce jeudi, il n’y a plus aucun enseignant dans l’école… Sauf que tenez-vous bien : elle reste ouverte, résume Stéphanie Fouilhoux, 39 ans, déléguée du personnel SnuiPP-FSU. J’imagine qu’ils vont dépêcher un ou deux remplaçants, mais je n’en suis même pas sûre. Cela fait des mois qu’il n’y en a plus !»
Face au manque de remplaçants, certains établissements font appel à d’autres membres du personnel. «En ce moment, on a une enseignante de maternelle positive au Covid. Du coup, c’est l’Atsem [agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ndlr] qui gère la classe. Mais jusqu’à quand peut-on fonctionner comme ça ? On se retrouve dans des situations ubuesques pour assurer la surveillance», poursuit Alain, enseignant dans une école à Bailleul (Nord). Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont aussi parfois mobilisés, indique Jérôme Antoine, élu CGT Educ’Action à Créteil (Val-de-Marne) : «L’enseignant leur envoie les cours et demande à l’AESH de faire office de prof.»
«Créer des bulles»
Dans une école de Sarcelles, dans le Val-d’Oise, pas un jour ne passe depuis deux semaines sans qu’une nouvelle famille annonce avoir l’un de ses membres positifs au Covid. «On a déjà fermé une classe. On attend des résultats pour en fermer deux nouvelles. Ici, les parents d’élèves sont plutôt sans emploi, ils gardent assez facilement les gamins, sinon pas le choix, alerte une enseignante : c’est répartition dans les autres classes.» Un classique en temps normal. Mais là, «la consigne, c’est d’éviter les brassages et de créer des bulles», illustre Alain. Xavier, enseignant à Rennes, abonde : «On a des “zones” définies pour limiter les contagions. Dans la mienne, il y a deux classes : si ma collègue est absente, je dois prendre ses élèves donc théoriquement, on est à 46. Mais on ne le fait pas, on est obligés de casser les recommandations du protocole.» Donc beaucoup sont bien obligés de dispatcher les élèves. Résultat : «On arrive parfois à 37-38 enfants par classe dans des écoles d’Ile-de-France et des Hauts-de-France», déplore Ghislaine David, porte-parole du SnuiPP-FSU (premier syndicat du primaire).
Autre problème qui complique les choses : le dépistage des enfants, alors que les campagnes dans les écoles tardent à arriver. «La règle, c’est de fermer à partir d’un cas positif en maternelle et trois cas en élémentaire et dans le secondaire, rappelle une enseignante. Mais à condition que les enfants se fassent tester…» Une directrice raconte la galère sans nom, avec les pharmacies refusant de faire des tests antigéniques chez les tout-petits et les labos qui ne font pas de PCR quand l’enfant pleure…
Fossé entre les élèves
Face au décalage entre les recommandations officielles et la réalité de terrain, les équipes se sentent abandonnées. «Il y a un côté show must go on, juge un enseignant du lycée Feyder d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), devenu un cluster. On a vraiment l’impression que la situation a beau devenir inquiétante, l’établissement doit rester ouvert coûte que coûte. La semaine dernière, on a ouvert le lycée avec un seul CPE ; mais sans aucun assistant d’éducation [surveillant, ndlr]. Sur les 12, 6 sont malades et les autres sont cas contacts. En termes de sécurité, c’était très limite…» Une campagne de tests salivaires est organisée dans le lycée ce jeudi. Tout en racontant cela, le prof se dit perdu et tiraillé : faut-il fermer les lycées vu la flambée de l’épidémie ? Laisser ouvert malgré tout pour ne pas aggraver encore plus les inégalités ? La situation actuelle ne contribue-t-elle pas déjà à creuser le fossé entre les élèves ? «On nous laisse, nous professeurs, porter sur nos épaules la décision de fermer l’établissement, et ça, ce n’est pas normal», s’énerve Benjamin. Lui est prof à Montreuil, dans le même département. Désinfection insuffisante, et cas positifs notamment parmi les membres de la direction… Lundi, plusieurs enseignants ont fait valoir leur droit de retrait. «Je ne suis pas pour la fermeture mais quand les cas flambent, on fait quoi ? On nous envoie au front avec des cure-dents.»
Marie Piquemal, Cécile Bourgneuf, Elsa Maudet
/https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fresizer%2FKJF126m9p9QrrJDLEodwTyhQ-Go%3D%2F1200x630%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2F67DPXLVSYBBBRCBFFH3XAASR5Y.jpg)
Covid : la France à rude école
Hélène Froment, professeure d'histoire, vient de terminer ses cours quand elle sent la fièvre monter, d'un coup. Comme elle n'est jamais malade, elle file dans un labo faire un test. Verdict : ...