Le 15 février dernier l’Assemblée nationale a créé, dans le cadre de la Loi Blanquer, l’ « Établissement Public des Savoirs Fondamentaux » (EPSF) constitué d’un collège et d’une ou plusieurs écoles du secteur de recrutement du collège.
Décidé par le Préfet et les collectivités locales, l’avis des conseils d’école et du conseil d’administration n’est pas nécessaire pour créer cet établissement.
A l’instar de l’instruction obligatoire à 3 ans en maternelle, cheval de Troie du financement des maternelles privées par les communes, la création de cet EPFS introduit un véritable bouleversement de la gouvernance des établissements du premier degré avec notamment la disparition pure et simple de nos directrices et directeurs d’école, pivots historiques ô combien essentiels de notre système d’enseignement , au carrefour des multiples interactions que l’école entretient au quotidien avec les familles, les enseignants, les élu(e)s …
Des questions cruciales vont se poser au quotidien pour l’école primaire : qui contactera les parents des enfants absents ? Qui gèrera les livraisons de matériel ? Qui récupèrera le courrier de l’école ? Qui coordonnera les réunions d’équipe éducative et plus globalement qui organisera le traitement de la difficulté scolaire ? Qui centralisera chaque matin les inscriptions des élèves pour la restauration scolaire du midi ? Autant de questions parmi tant d’autres qui traduisent concrètement l’incontournable réalité quotidienne de la vie de l’école et qui, sous l’effet de cette nouvelle loi, se trouvent sans réponse.
L’EPSF ainsi créé sera dirigé par un principal de collège qui dans le même temps exercera la fonction de direction d’école. Il sera assisté de un ou plusieurs « chefs d’établissement » recrutés dans le cadre du concours de personnel de direction du second degré : les actuels directrices et directeurs d’école en seront donc exclus.
Cette transformation marque la fin de l’existence administrative des écoles maternelles et élémentaires mais aussi, de fait, la disparition du directeur d’école en tant qu’animateur pédagogique et responsable administratif de l’école.
Si le projet d’une « école du socle », bâtie sur une continuité entre l’école primaire et le collège, a souvent été étudiée et défendue, c’est d’abord et avant tout sur le plan pédagogique pour mieux construire un continuum éducatif et atténuer les ruptures occasionnées lors du passage de l’école élémentaire au collège, franchissement au cours duquel bon nombre d’élèves fragilisés, notamment ceux issus de familles les plus en difficultés, perdent leurs repères et entrent durablement dans la spirale de l’échec.
Nulle motivation pédagogique pour la création de cet EFPS : seule la question de la gouvernance, avec en toile de fond une économie de moyens, justifie ce bouleversement.
Enfin, comment ne pas regretter que cette décision de fusion, sans précédent et aux conséquences dramatiques pour l’école primaire, ait été adoptée par le biais d’un amendement, sans aucune consultation ni concertation avec les organisations professionnelles, sans débat, sans avis ni vote du Conseil Supérieur de l’Éducation ?
Cette décision va profondément bouleverser l’école primaire et marque une étape supplémentaire dans ce projet de Loi Blanquer qui,à l’évidence ,s’inscrit davantage dans une école de la « défiance » plutôt que dans celle de la « confiance ».
Yannick Trigance - Conseiller Régional PS