Coup de coeur... Pierre Assouline...
Je voulais lui glacer le sang, rendre sa vie invivable, désarmer son âme. Qu'elle parle, qu'elle dise tout, qu'elle explique enfin l'inexplicable.
Si j'en croyais les témoignages recueillis auprès des commerçants du quartier, à commencer par les Fechner, elle n'avait rien d'une raciste, d'une haineuse, d'une jalouse. On ne lui connaissait aucune attache politique, pas plus aujourd'hui que pendant la guerre. Rien de ce qui avait fait l'ordinaire de la délation. Cela ne pouvait être autre chose. A moins que ce ne fût un peu de tout cela à la fois. Ou cela et rien de plus. Toutes les vérités se bousculaient sans que je parvienne à distinguer laquelle serait la pire.
Je me suis surpris à éprouver une certaine volupté en imaginant sa douleur. Ce bien dont on souffre, ce mal dont on jouit... C'est fou comme l'expérience s'acquiert vite dans ce genre d'exercice. on aurait dit que j'avais de longues années de pratique derrière moi. Au téléphone, je n'étais plus qu'un halètement dont la maîtrise devait la rendre malade. Au ciseau, je composais des messages qui auraient dérouté plus d'un expert. On n'en ferait jamais trop contre elle. Plus que méchante, elle devait être mauvaise. Elle l'était certainement. Elle l'était.
Pierre Assouline - La Cliente
Comment enseigner la Shoah sans « grands témoins » ?...
Comment enseigner la Shoah sans « grands témoins » ?
Débat avec Iannis Roder et Dimitry Anselme
Comment préparer les professeurs d'histoire à enseigner la Shoah, dont les témoins vont disparaître dans les prochaines années ? Plus largement, comment enseigner l'histoire des génocides d'abord et avant tout comme des processus politiques ?
Au lendemain du 27 janvier, journée internationale à la mémoire des victimes de l'Holocauste, Iannis Roder, directeur de l'Observatoire de l'éducation de la Fondation Jean-Jaurès, professeur d'histoire-géographie à Saint-Denis et responsable des formations au Mémorial de la Shoah, livrera ses propositions lors d’un dialogue avec Dimitry Anselme, directeur exécutif des programmes pour l’organisation Facing History & Ourselves, animé par Jérémie Peltier, directeur des études à la Fondation Jean-Jaurès.
Pour en savoir plus, cliquer ci-dessous
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Comment enseigner la Shoah sans "grands témoins" ?
Comment préparer les professeurs d'histoire à enseigner la Shoah, dont les témoins vont disparaître dans les prochaines années ? Plus largement, comment enseigner l'histoire des génocides d'a...
https://jean-jaures.org/nos-actions/comment-enseigner-la-shoah-sans-grands-temoins
Revue de Presse Education... Mouvement de grève - Réforme du lycée et supérieur - En vrac - Ressources...
En cette journée de mobilisation nationale, l’occasion de s’interroger sur les finalités de la réforme du lycée et ses conséquences. En vrac par ailleurs : les CP dédoublés, l’Education aux Médias, l’innovation en éducatio.
Journée de mobilisation nationale
En cette journée de mobilisation nationale, l’occasion de s’interroger sur les finalités de la réforme du lycée et ses conséquences : pour les acteurs d’une part, en terme de suppressions de postes, de modifications de service, de formation. D’autre part pour les élèves : quelle liberté dans le choix des spécialités ? Quelle pré - détermination pour le supérieur ? Quel enseignement de tronc commun ? Pour qui ? Peut-être l’occasion de faire entrer cette réforme dans le débat public. Notons également un certain silence sur l’avenir du lycée professionnel ainsi que sur l’évolution des filières technologiques.
De quoi parle-t-on ? Jean-Michel Blanquer a présenté hier son projet de réforme aux députés. Au programme : la scolarité obligatoire à partir de 3ans, bien sûr la réforme du lycée et du baccalauréat, également celle de la formation des enseignants à propos de laquelle la députée communiste Elsa Faucillon dénonce "une loi "déstructurant le cadre national" et marquant une "volonté de reprise en main forte de l’institution scolaire par le ministère et le ministre"."
Que va-t-on enseigner dans le nouveau lycée général et technologique ?
L’ensemble des nouveaux programmes d’enseignement à retrouver ici
Réforme du bac, parcoursup, suppressions de postes, salaires
"Plusieurs organisations syndicales lycéennes et des personnels de l’éducation appellent, dans un communiqué vendredi 11 janvier, à se mobiliser contre les réformes en cours ou en projet touchant l’enseignement. Un mouvement en deux temps, avec "une journée nationale d’actions le 17 janvier" pour préparer "une grève massive le 24 janvier", peut-on lire dans le texte publié sur le site internet du SNES."
"Pourquoi les syndicats peinent à mobiliser les enseignants ?" Violaine Morin s’interroge dans un article du Monde (réservé aux abonnés) sur les difficultés rencontrées par les syndicats pour mobiliser les acteurs.
L’attaque du second degré expliqué dans un interview de Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes-FSU en charge des lycées sur le site d l’Humanité. Réservé aux abonnés.
lycée et supérieur
2019 : Travaux Personnels Envolés
“Adieu les TPE ! En ce mois de janvier 2019, dans tous les lycées, les 1ères achèvent leurs Travaux Personnels Encadrés et écrivent la fin d’une belle histoire pédagogique. Car la réforme du lycée supprime les TPE : un dispositif lancé en l’an 2000 pour mettre en œuvre au lycée la pédagogie de projet, le travail de groupe, l’interdisciplinarité, le développement de compétences transversales (informationnelles, numériques, collaboratives, créatives …) : pour favoriser l’implication des élèves dans les apprentissages. Fallait-il supprimer ce dispositif au lieu de le rénover et le revitaliser ? Le grand oral annoncé en terminale pourra-t-il en être le prolongement alors qu’il n’est pas prévu d’horaire spécifique ? Le Café pédagogique a interrogé des lycéens qui durant 2 décennies ont goûté aux TPE. Des années après, devenus ingénieurs, enseignants, infirmiers, architectes, médecins, étudiants …, ils disent combien les TPE leur ont permis de resserrer les liens avec l’Ecole et les savoirs tout en les préparant aux études, au travail, à la vie. Et ils interrogent : pourquoi donc supprime-t-on les TPE ?“
Les évolutions de la plateforme Parcoursup. Frédérique Vidal : « Nous avons décidé d’accélérer le calendrier de Parcoursup »
“La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, nous détaille en exclusivité les évolutions de la plateforme d’orientation dont le site d’information est mis en ligne ce jeudi.”
Parcoursup : comment les universités vont-elles juger les spécialités choisies par les lycéens ? Par Camille Stromboni
“Les lycéens vont-ils devoir prendre « la » décision de leur vie en matière d’orientation dès 15 ans ? C’est à cet âge que la majorité d’entre eux se positionne aujourd’hui entre les cursus littéraire, scientifique ou économique, pour ce qui est du lycée général. Mais avec le nouveau bac revisité à l’horizon 2021, l’exercice pourrait se complexifier : les élèves de seconde craignent déjà que leur choix pour la première ne conditionne plus fortement la poursuite de leurs études. A compter de février, ils ont à se prononcer sur les douze enseignements de spécialité qui s’offrent à eux, pour en garder trois en première, deux en terminale.”
Egalité filles - garçons et orientation : des grandes écoles s’engagent pour la parité.
Les différences d’orientation entre filles et garçons sont « au sens de la psychologie sociale un butoir à la mixité » comme le souligne la psychologue Françoise Vouillot.
En vrac
Evaluations au CP : pourquoi certains enseignants ne les font pas passer par Mattea Battaglia
“Malgré les aménagements mis en place par le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, des enseignants ont décidé de boycotter la deuxième salve des évaluations qui a démarré le 21 janvier.”
L’éducation aux médias, une nécessité ?
par Laurence Corroy, maître de conférences HDR, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 – USPC
“Apprendre aux élèves à identifier les sources d’une information, à repérer une vidéo truquée, ou leur faire découvrir le processus de fabrication d’un journal : autant d’actions liées à cette éducation aux médias dont les responsables politiques et le grand public se préoccupent de plus en plus alors que l’actualité s’accélère et que les « fake news » déferlent sur Internet. Mais que recouvre vraiment cette éducation ? Quels en sont les fondements ?”
L’innovation en éducation : un partage de ressources qui nous éclaire sur ce qui se fit hors de nos frontières.
“L’Innovation et Education Lab diffuse et partage des connaissances scientifiques et professionnelles dans le domaine de l’innovation en éducation. L’ouverture et la comparaison internationale sont des ressources utiles pour mettre en évidence les changements de l’école et aider les professionnels à mieux les comprendre.”
Emmanuelle Rimbaud
Réforme du bac : tous logés à la même enseigne?...
La réforme du bac entrera en vigueur dans deux ans. Les élèves de 1ère doivent déjà choisir des matières principales.
(...)
Suite et fin en cliquant ci-dessous
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Réforme du bac : tous logés à la même enseigne ?
France 2 France Télévisions C'est un lycée à la carte, mais la carte ne convient pas à tout le monde. Avec la réforme du bac, qui va rentrer en vigueur dans deux ans, il n'y aura plus de fili...
Coup de coeur... Pierre Seghers...
Quelque part....
Quelque part dans une maison calme
Le soleil passe à travers les volets
et la poussière se croyant seule se met à danser
sans autre bruit que celui que fait un insecte.
Il y a bien au loin le cri d'un enfant
ou celui d'un chien oppressé de solitude.
Il y a bien, dans l'herbe, le pas d'une source
où la mer vient, en se cachant, prendre pied.
Il n'y a plus soudain dans le jour immense
qu'on bourdon désorienté qui se cogne aux carreaux
qu'un oiseau brûlé de soleil
qui retombe comme une feuille au milieu des blés.
Et la chambre plus profonde que le monde
se tient dans l'ombre auprès de la porte
avec un cœur qui a cessé de battre
parce qu'il n'y a plus de soleil dans les volets.
___________________________________________
La maison des merveilles
Dans la prison du sage un or se multiplie
qui ressemble aux reflets du soleil sur une eau
fuyant au long du temps. Un or qui se disperse
en rayons, en regards et en complicité
silencieuse. Les bruits lointains qui retentissent
n'arrivent plus ici. Dans la tour du Savoir
un feu fera du Rien le déambulatoire
qui va de porche en porche et reconduit au Rien.
Mais qu'importe. Un feu éclaire la durée,
Il illumine le passage, il fait une vie de plain-chant
dans le pays des pas-perdus. Et une lampe
suffit à la rançon, mais nul n'est détenu.
_______________________________________________
Toi
Dans l'étoile filante et l'appel des nuits bleues
Dans les doigts de vin doux et les doigts orageux
Dans l'ombre où je te cherche et les jours où tu fuis
Dans le gémir du vent et les pans d'aujourd'hui
qui tombent , dans le glas et les torches qui brûlent
Dans le balancier d'or immobile aux pendules
Toi
_______________________________________________
Dis-moi ma vie
Dis-moi, ma vie, t'aurais-je traversée en songe comme un nuage
survolé de haut, toujours trop pressé pour te voir
Ou bien toi-même aurais-tu dérivé comme ces îles imaginaires
Ces Orénoques arrachées avec leurs arbres pleins d'oiseaux ?
Nous sommes-nous jamais rencontrés ? Dis-moi, ma vie
t'ai-je rêvée de temps en temps, t'ai-je tenue dans mes mains d'homme
à travers les saisons qui nous regardaient passer, toi et moi
T'ai-je blessée, éparpillée, ma propre poussière impalpable
Image au creux d'un miroir, inatteignable, s'effaçant ?
Où en serons-nous, toi et moi dans nos rencontres de mémoires
Sous nos griffures dérisoires qui nous ont mangé notre temps
Sous nos paroles chuchotées au creux d'une coupe qu'un rien renverse
Où tout se boit, où tout se voit, notre univers fut entrevu.
Était-ce une erreur monumentale ? Nous avions pourtant de beaux coffres
où brillaient nos noms. Ils furent remplis d'à peu près
D'insaisissable poursuivi, de feux lointains dans des villages
D'éventaires sur des presqu'îles... N'oubliant rien, oubliant tout...
Lecture : «Agir pour l’école» sème la discorde par sa méthode... (+ commentaires)
Proche du ministre de l’Education et hébergée à l’Institut Montaigne, soutien de Macron, l’association expérimente dans 500 classes un apprentissage syllabique rigide. Les instituteurs sont circonspects sur l’efficacité du dispositif, en particulier dans les quartiers populaires.
Elle a accepté de parler, mais avec appréhension, de peur d’avoir des ennuis supplémentaires. Sibylle (1) est enseignante en CP dans un quartier défavorisé. Depuis septembre, elle participe à une expérimentation sur l’apprentissage de la lecture, pilotée par l’association Agir pour l’école (APE). Au départ, elle était plutôt enthousiaste, même si elle s’est retrouvée dans cette histoire sans trop le vouloir ni comprendre où elle mettait les pieds. «En fait, mon inspectrice nous a désignés volontaires. Avec les collègues, on ne s’est pas senti de refuser. On a essayé de voir le bon côté, de se dire que c’était une expérimentation, donc certainement révolutionnaire.» Mais au fil des semaines, le doute s’installe : «Je découvre le protocole au fur et à mesure, nous n’avons eu aucun document en amont. Je dois prendre les élèves par petits groupes pendant trente minutes chaque jour. Ils ont un cahier en noir et blanc sans images ni couleurs et ils lisent toujours la même chose. Ce sont des syllabes, qui n’ont pas de sens. Des faux mots. C’est très rébarbatif. Pour l’instant, mes élèves n’ont pas compris que des syllabes peuvent faire des mots et les mots des phrases… Cela viendra, j’imagine. Mais je m’inquiète un peu.»
Il y a autre chose qui la turlupine : le protocole, qu’elle doit appliquer à la lettre, prévoit de recommencer le même exercice jusqu’à ce que l’élève y arrive. «Dans ma classe, plusieurs enfants sont bloqués à la même page… J’ai fini par craquer, je les ai fait passer au module suivant. Les intervenants d’Agir pour l’école n’étaient pas contents.» Régulièrement, en effet, interviennent dans sa classe des «chargés de mission» de l’association. «L’un d’eux m’a quand même sorti l’autre jour : "Ils sont handicapés ou quoi ces enfants pour ne pas y arriver ?" raconte Sibylle, furieuse. Qui sont ces gens pour dire des choses pareilles ? Ils n’ont pas de formation en pédagogie, c’est certain !»
«Cohérent»
Quelle est donc cette expérimentation et dans quel cadre est-elle appliquée ? Sur le terrain, les délégués syndicaux peinent à obtenir des informations, ce qui alimente craintes et rumeurs. Surtout que les méthodes d’apprentissage de la lecture sont une matière hautement inflammable. Une vieille bagarre idéologique, souvent caricaturée entre les tenants de la méthode syllabique (apprendre par les sons et les syllabes) et de la méthode globale (reconnaître un mot dans sa globalité)… Alors que la réalité dans les classes est toujours au milieu, les professeurs mixant les méthodes. Le débat ressurgit tout de même, à intervalles réguliers, alimenté par ce chiffre : près de 20 % des élèves entrant en sixième ont un niveau insuffisant en maîtrise de la langue française. Chaque ministre de l’Education brandit son plan pour enrayer cette statistique. Agir pour l’école est-elle la formule magique de l’actuel titulaire du poste, Jean-Michel Blanquer ? C’est avec ces jumelles qu’il faut regarder la bagarre qui se déroule en coulisses entre syndicats et ministère autour de cette expérimentation.
Le directeur de l’association, Laurent Cros, concède une proximité avec le ministre Blanquer, qui a été membre du comité directeur d’APE. Mais il se défend de toute faveur. «C’est une méthode d’apprentissage de la lecture comme il en existe d’autres actuellement. Et la nôtre ne vient pas de se créer ! On existe depuis 2011.» Jusqu’ici, l’association «accompagnait» 300 classes. «Désormais, celles-ci s’autogèrent, ce qui nous permet de nous concentrer sur les 230 nouvelles classes [plus de 500 sont donc concernées par cet apprentissage de la lecture, ndlr] qui ont rejoint le dispositif en septembre.» Parfois en grande section de maternelle, mais dans la majorité des cas dans des CP dédoublés, ces fameuses classes limitées à douze élèves - l’une des mesures phares de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron pour lutter contre l’échec scolaire. «Bien sûr, nous soutenons ce dispositif d’Agir pour l’école, il est tout à fait cohérent avec l’objectif de 100 % de réussite au CP», défend Jean-Marc Huart, directeur général de l’Enseignement scolaire (Dgesco).
«Peu de transparence»
Pourquoi les syndicats sont-ils si inquiets ? «En soi, qu’il y ait des expérimentations, c’est bien. Mais pas comme ça, pas avec si peu de transparence, estime Francette Popineau du Snuipp, le premier syndicat du primaire. Très peu d’enseignants osent parler ou sortir du dispositif même si plusieurs d’entre eux disent être à bout. Ils ont le sentiment d’abrutir les élèves.» A plusieurs reprises, des organisations syndicales ont interpellé le ministre sur les pressions exercées afin de trouver des enseignants «volontaires».
Lætitia (1), prof en CP, se souvient : «Notre inspectrice ne nous a pas proposé l’expérimentation frontalement, elle a tenté le coup doucement. En fait, ce n’est pas tant qu’on dit oui, c’est surtout qu’on n’ose pas dire non. Et si vous avez le malheur de refuser comme j’ai fait, les choses se compliquent pour vous. Je viens d’être informée qu’un conseiller pédagogique allait être envoyé dans ma classe…» Vient s’ajouter aussi «ce discours très culpabilisateur de dire que nos élèves sont en grande difficulté et que donc, il faut essayer les nouvelles méthodes. On vous fait croire que c’est bien pour eux, et puis vous découvrez qu’en fait ce n’est pas l’Education nationale, mais une association, et que derrière l’association, il y a l’Institut Montaigne.» L’association Agir pour l’école est en effet hébergée dans les locaux de think tank libéral dont le président, Laurent Bigorgne, est un proche du président Macron. Au-delà des idéologies politiques, il y a cette question factuelle que pose Edouard Gentaz, chercheur en psychologie du développement : une association est-elle légitime à diffuser une méthode de lecture et l’expérimenter elle-même ? Les douze salariés d’Agir pour l’école qui entrent dans les établissements « ont des profils bac + 5, porteurs de projet», indique Laurent Cros. Qui reconnaît toutefois qu’ils n’ont aucune formation particulière en pédagogie.
Autre question qui va de pair : quelle est l’efficacité de cette méthode ? Est-elle attestée scientifiquement ? Il n’existe pas pour l’instant de publication faisant état d’effets positifs substantiels. Au contraire… En 2012, un rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale n’était pas tendre avec APE. Laurent Cros le balaie d’un revers de main : «C’était un règlement de comptes politique au moment du changement de majorité.»* Il assure avoir la preuve incontestable de l’efficacité de sa méthode, de nature à clore le débat. «Nous avons mené une évaluation scientifique dans les règles. Une publication a été soumise à la revue Studies in Educational Evaluation, dont la décision sera bientôt connue.» Cette étude montrerait des gains importants : grâce à la méthode d’APE, l’élève en difficulté rattraperait un tiers de son retard par rapport à un élève moyen. Le ministère abonde : «Les premières remontées que nous avons depuis le début de l’année dans les CP dédoublés qui l’expérimentent sont très positives, et montrent des progrès significatifs dans l’apprentissage de la lecture.»**
«Flicage»
Plusieurs enseignants interrogés par Libération restent circonspects sur l’efficacité, jugeant qu’Agir pour l’Ecole cherche à prouver, à marche forcée, l’efficacité de son dispositif. Sylvain Hannebique, conseiller pédagogique à Lille avant son départ à la retraite en août, affirme ainsi que «les tests sont faussés. Par exemple, les élèves qui ne passent pas au niveau supérieur ne sont pas évalués». «Les professeurs concernés ont déjà dû effectuer sept évaluations depuis le début de l’année scolaire, dénonce Camille Bastien, représentante du Snuipp dans le Rhône. Certains ont reçu la visite de trois chargés de mission d’APE différents. Ils sont prévenus quarante-huit heures avant, ils doivent faire les évaluations dans la foulée et les renvoyer très vite. Cela donne un sentiment de flicage.»
Un ressenti exprimé par beaucoup d’enseignants, qui ont l’impression d’être dépossédés de leur marge de manœuvre et réduits à un rôle d’exécutant. D’autant que la méthode en elle-même est plutôt répétitive. La classe est divisée en groupes de niveaux (quatre élèves maximum), avec des séances quotidiennes d’une trentaine de minutes entre chaque groupe et le professeur. Pendant ce temps, les élèves non sollicités sont censés travailler en autonomie. Les exercices, quant à eux, reposent sur la lecture chronométrée, à voix haute, et la répétition de «phonèmes» (des éléments sonores du langage, dépourvus de sens). Libération a pu consulter le module 2 d’APE. Exemple de l’exercice 4, consacré au «M», avec la lecture d’un encadré de syllabes : «mi», «ma», «mo», mu», «me»… La consigne est stricte. Comment réussir ? «En répétant l’exercice, sans aborder le suivant, jusqu’à ce qu’il soit réussi.»
Yves-Marie Jadé, responsable du Snuipp dans le Nord, juge la méthode «rigide, avec des exercices lassants, arides, austères, pour les enfants comme pour les adultes». Autre reproche : le caractère «chronophage» du dispositif. «Ça prend entre une heure trente et deux heures par jour. Tout cela se fait au détriment du sport, de la musique», dit Camille Bastien, la syndicaliste du Rhône. Pour elle, la méthode d’Agir pour l’école risque de réduire la lecture à un simple usage utilitariste. Un choix risqué, notamment dans les zones d’éducation prioritaire : «Les élèves font très peu de production d’écrits ou d’exercices de compréhension de lecture. Or ils ont besoin de culture car leur niveau de vocabulaire est plutôt pauvre. Du coup, quand on leur ouvre un vrai livre, ces gamins sont paumés.» Elle s’interroge : «Que veut-on faire des gamins des classes populaires ? Des bons petits soldats capables de déchiffrer ou des citoyens éclairés ?» En filigrane s’exprime une autre crainte : celle d’une extension du dispositif aux publics défavorisés, sans qu’il soit question de volontariat des enseignants. Les évaluations menées dans l’ensemble des classes de CP de France pourraient servir de justification. Les prochaines doivent se tenir dans les semaines qui viennent.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
Marie Piquemal
Le surlignage en gras est réalisé par le webmaster
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Lecture : "Agir pour l'école" sème la discorde par sa méthode
Proche du ministre de l'Education et hébergée à l'Institut Montaigne, soutien de Macron, l'association expérimente dans 500 classes un apprentissage syllabique rigide. Les instituteurs sont ...
*C'est totalement faux.
Il n'y a eu en 2012 aucun règlement de compte mais l'affirmation d'une orientation politique différente. Heureusement!
Cette "méthode" qui ne fait pas réfléchir les enfants est en quelque sorte "réservée" à ceux des milieux populaires.
C'est absolument inacceptable et scandaleux!
** Où sont ces études???
CC
La coéducation existe-t-elle vraiment?...
EXTRAIT
Alors que Jean-Michel Blanquer a présenté au gouvernement, le 5 décembre 2018, son projet de loi « Pour une école de la confiance », il est utile de revenir sur la notion de coéducation entre les acteurs éducatifs : école, parents et collectivités. La loi de refondation de 2013 avait favorisé leur rapprochement, mais le projet de loi de Jean-Michel Blanquer ne mentionne par exemple les familles que pour les appeler au « respect de l’institution scolaire, dans ses principes comme dans son fonctionnement ».
L’article 2 de la loi de refondation de 2013 précise : « Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. » Dont acte !
En réalité cette coéducation affirmée par la loi, revendiquée ou critiquée, existe-t-elle vraiment ?
Si on s’attache à la vie de l’enfant, les premiers éducateurs sont les parents qui vont très vite partager l’activité d’éducation avec les personnes extérieures qui prennent en charge leurs enfants : personnels des crèches, assistantes maternelles, nourrices... Très souvent, les parents vont manifester quelques craintes : « Cette personne s’occupera-t-elle bien de mon enfant ? » Cela sous-tend que le concept de coéducation n’est pas inné, il correspond à une volonté de plusieurs acteurs. On pourrait même dire que cette notion vient du monde éducatif (école, éducation populaire) et qu’elle est proposée aux autres acteurs éducatifs : parents, collectivités.
La famille attache, l’école émancipe
On ne peut et on ne doit pas négliger le rôle primordial des parents. Un enfant grandit entouré, au minimum, de trois types d’acteurs éducatifs : la famille, l’école comme espace institutionnel, les espaces organisés (ou pas) sur le territoire (loisirs, artistiques, sportifs, mais aussi aide aux devoirs, soutien scolaire).
La famille situe l’enfant dans une histoire et un territoire ; elle lui fournit de quoi vivre, elle lui permet de se nommer et de se projeter dans l’avenir. Mais la famille « attache » également : des liens affectif, national, social, culturel, religieux, etc. Des attachements légitimes et nécessaires, mais qui peuvent aussi empêcher de prendre sa place dans la société, voire d’en changer.
C’est pourquoi l’École remplit une fonction de séparation, d’émancipation, car elle permet de découvrir d’autres histoires familiales, d’autres systèmes de valeurs et de croyances et de savoirs qui ouvrent l’horizon et élargissent la vision du monde. Parfois il y a des tensions entre la famille et l’école, et l’enfant se retrouve tiraillé par ces deux milieux.
Il est aussi important que l’enfant rencontre des adultes dans d’autres espaces qui n’ont avec lui aucun pouvoir d’autorité familiale ou institutionnelle. Des lieux où il peut faire des choix en fonction de ses goûts personnels, sans craindre de déplaire à ses parents ou de ne pas être dans les objectifs des programmes scolaires ; des lieux qui lui permettent d’affirmer ses compétences et de se mobiliser aussi bien avec ses pairs qu’avec des adultes.
(...)
Marie-Claude Cortial
Enseignante, membre de l’association Éducation & Devenir
Suite et fin en cliquant ci-dessous
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La coéducation existe-t-elle vraiment ?
L'article 2 de la loi de refondation de 2013 précise : " Pour garantir la réussite de tous, l'école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle ...
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