On connaît l’histoire de Bob Dylan et Joan Baez. Mais qui se souvient de la petite sœur de Joan, Mimi, chanteuse aussi ? Et de l’apprenti écrivain Richard Fariña, qu’elle épousa et qui faillit devenir un rival pour Dylan, avant sa mort précoce, en 1966, dans un accident de moto ? Tout est dans “Positively 4th Street”, le livre enfin traduit de David Hajdu.
Un jour je me déciderai à faire le tri parmi la trentaine de bouquins que j’ai amassés sur et autour de Bob Dylan. Il est probable alors que le Positively 4th Street de David Hajdu surnagera sans peine du lot. Il n’est même pas impossible que ce livre, publié en VO en 2001(1), circonscrit dans le temps (1959-1966), et dont Dylan n’est qu’un des protagonistes principaux, donne le plus précieux aperçu de tous sur l’insaisissable animal.
C’est peu dire que notre poète nobélisé n’y apparaît pas toujours sous les traits les plus flatteurs. Hajdu a pratiqué la critique musicale (pour The New Republic et The Nation) mais il s’est concentré, pour conter l’histoire commune de Dylan, Joan Baez, Mimi Baez et Richard Fariña, sur un travail journalistique. Une enquête fouillée, des témoignages par dizaines, et le résultat de cette somme documentaire… est un vrai roman.
Il y a deux sœurs qui grandissent à Menlo Park, en Californie. Joan et Margarita, dite Mimi, sont les filles d’Albert Baez et Joan Bridge. Baez, d’origine mexicaine, enseigne la physique à l’Université de Stanford. Bridge règne sur la maisonnée, où on l’appelle « Big Joan ». Il y a une troisième sœur : Pauline, l’aînée, reste dans l’ombre.
Sous le signe du revival folk
Joan et Mimi ont quatre ans d’écart. Toutes deux douées pour la musique. La première, la plus déterminée, la deuxième, la plus jolie. Joan voit la lumière en 1954 avec un concert de Pete Seeger. A 17 ans, alors que la famille a déménagé dans le Massachusetts, sur la côte est, elle commence à se produire dans les cafés. Elle joue des traditionnels folk, elle rayonne mais, dira-t-elle, « c’est ma peur qui me faisait chanter ».
La maison des Baez devient un rendez-vous de musiciens. Joan, qui se croyait laide, attire les regards mais, dira l’un d’eux, « nous arrivions tous là-bas amoureux de Joan et nous repartions tous amoureux de sa petite sœur ». Mimi n’a encore que 15 ans quand Joan signe à New York chez Vanguard. « Je n’étais plus Mimi, j’étais la sœur de Joan », dira la plus jeune. Son aînée se produit devant des publics d’étudiants conquis par le revival folk.
En 1961, note l’auteur, « les ventes annuelles de bleus de travail ont augmenté de 50 % ». Chez Columbia, le producteur John Hammond se mord les doigts d’avoir raté Joan Baez et lance à la place Carolyn Hester, chanteuse venue du Texas. Hester a épousé en 1960 Richard Fariña, « fils d’un inventeur cubain et d’une mystique irlandaise » – ainsi se présente ce feu follet imaginatif, fan de Hemingway qui avait envisagé de devenir prêtre et aspire à être écrivain, comme Thomas Pynchon, son camarade de fac à Cornell.
François Gorin
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