Coup de coeur... Cheikh Hamidou Kane...
Quand il se releva, nul de ceux qui étaient là n’avait bougé, mais il ne vit personne d’autre que, devant lui, toujours immobile, une silhouette qui tout à l’heure encore représentait Demba, et qui à présent était la cible que son corps et tout son être avaient choisie. Il n’eut plus conscience de rien, sinon vaguement que son corps, comme un bélier, s’était catapulté sur la cible, que le nœud de deux corps enroulés était tombé à terre, que sous lui quelque chose se débattait et haletait, et qu’il frappait. Maintenant son corps ne vibrait plus, mais se pliait et se dépliait, merveilleusement souple, et frappait la cible à terre, son corps ne vibrait plus, sinon en écho merveilleux des coups qu’il frappait et chaque coup calmait un peu la sédition du corps, restituait un peu de clarté à son intelligence obnubilée. Sous lui, la cible se débattait, haletait et frappait aussi, peut-être, mais il ne sentait rien, que progressivement la maîtrise de son corps imposait à la cible, la paix que les coups qu’il assenait restituaient à son corps, la clarté qu’ils lui rendaient. Soudain la cible s’arrêta de bouger, et, la clarté fut entière. Samba Diallo perçut que le silence s’était fait, et aussi que deux bras puissants l’avaient saisi et s’efforçaient de lui faire lâcher prise.
L'aventure ambigüe
Nouvelles évaluations en CP: le témoignage d'une maîtresse perplexe...
Une institutrice de CP dans le Val d'Oise raconte son expérience des évaluations nationales instaurées par Jean-Michel Blanquer. Des tests visiblement peu adaptés à ses élèves.
Clarinette*, 34 ans, est institutrice en CP dans le Val d'Oise. Elle raconte comment se sont déroulés dans sa classe les tests nationaux lancés par le ministre de l'Éducation, et que doivent passer tous les écoliers avant la fin du mois de septembre. Mardi, face au scepticisme de beaucoup de professeurs et de parents, Jean-Michel Blanquer a fait marche arrière, autorisant les enseignants à prendre quelques libertés dans la mise en oeuvre de ces évaluations. Un nouveau protocole doit voir le jour dans un an. Voici le témoignage de Clarinette.
"Bon allez, c'est parti pour les fameuses évaluations de CP. Je suis toute émoustillée, mes premières évaluations, mes premiers CP! On piaffe aussi d'impatience parmi mes 26 Zébulon. Autant le faire quand ils sont frais et dispos de bon matin.
- Les loulous, on va devoir faire un exercice très important. C'est très important de bien se concentrer et d'écouter les consignes. Ça ne sert à rien de regarder sur le voisin, si on ne sait pas, ce n'est pas grave.
- Maîîîtreeeeesse! Est-ce que le président de la République va regarder nos évaluations?
- Peut-être, alors faut être bien concentré! Bon, prenez tous un crayon à papier. Tout le monde me montre son crayon à papier. B., ça c'est un feutre et il est rose.
- Maîîîtreeeeesse ! J'ai envie de faire pipi! Maîîîtreeeeesse! J'ai pas de crayooooon! (Moi dans ma tête: mais ce n'est pas possible, vous en faites quoi des crayons?! Vous les mangez?! T'en avais un il y a 5min!).
- Les facteurs vous accompagnez I. aux toilettes. Toi aussi N.?! Mais vous exagérez! (Speech de 5min sur "faut aller faire pipi avant de monter"). Je ne veux plus rien voir sur vos tables sauf le crayon à papier. B., N. et N. rangez vos trousses. J'ai dit, rangez vos trousses. I. va t'asseoir. L. et J. taisez-vous. Bon, je distribue. Vous ne touchez pas au fichier. Mais pourquoi tu tournes les pages?! J'ai dit on ne touche pas au fichier.
"On ne crie pas les réponses!"
B. arrête de taper sur la table avec ton crayon! N. sort ce crayon de ton nez! E. c'est dégoûtant de manger ses crottes de nez. Vous êtes prêts? Ah ben non j'en ai quatre en bas..." Nouvelle agitation. Je fais les gros yeux "Est-ce qu'il faut que je me fâche avec mes CP?! Mettez tous votre doigt sur l'étoile. Vous allez devoir entourer ce que je vous dis. Pour entourer, vous vous rappelez, on tourne comme çaaaaa. On ne dit pas la réponse, on entoure juste la réponse. Entourez la lettre qui est sur la ligne. Allez-y.
- C'est le UUUUUUUUUUUUUUU!!!!
- J'ai dit: on ne crie pas les réponses! On entoure et on se tait. N., pourquoi tu n'entoures pas?! Comment ça t'as pas de crayon ?! Je t'en ai donné il y a 2 minutes!"
- Maintenant vous allez entourer le dernier mot.
- C'est papa!!!!
- J'ai dit: on ne donne pas les réponses! Tu veux aller faire ton évaluation chez Monsieur le Directeur?!
- Dans l'encadré vous allez entourer la phrase.
M. a dit: "Maîtresse, c'est quoi une phrase?". Je me suis dit, "tu as raison". Si je te dis "une phrase c'est une suite de mots ordonnés qui a un sens", tu vas me dire que tu ne sais pas ce que ça veut dire, si je te dis "il y a un sujet et un verbe", tu vas me dire que tu ne sais pas ce que c'est un sujet et un verbe, si je te dis "qu'il y a une majuscule et un point", tu vas me dire que tu ne sais pas ce que c'est une majuscule et un point.
"Les CP ne savent ni lire ni écrire en cursive"
Ce sont des CP: ils ne savent pas lire, ils ne savent pas écrire en cursive et ils ne savent pas ce que c'est une phrase après deux semaines de CP. On a continué, j'ai dit trois fois "est-ce qu'il faut que je me fâche très fort avec mes CP?!", J. et L. ont comparé leurs réponses, M. a recopié sur M., N. n'a rien écrit même si je lui ai donné un second crayon à papier, B. non plus "parce que j'étais trop occupé à balancer mes pieds sous la table".
Ces évaluations arrivent trop tôt dans l'année et les consignes sont longues ou pas très claires. Les tests sont en réalité peu adaptés et la durée de passation [la durée de l'exercice] me semble faussée. J'ai lu au-dessus de l'exercice "durée de passation: trois minutes" pour le 1er exercice et "2 minutes pour le 2eme". Mercredi, cela m'a pris 28 minutes. Ca craint.
La vraie question est la finalité de ces évaluations et quel reflet du niveau des élèves elles donnent. Car au final on apprend quoi de plus sur nos élèves? Si vous avez eu le courage de lire tout ça, et surtout si vous êtes Monsieur le Ministre de l'Education Nationale, la prochaine fois que vous préparez des évaluations, si vous voulez je peux vous prêter mes CP pour leur faire passer ces tests. Ou alors préparez vos évaluations avec des CP qui ont moins de 14 ans. J'dis ça, j'dis rien, ce sont mes premiers CP, alors bon je n'ai pas d'autres références.
*Son prénom a été modifié.
/https%3A%2F%2Fstatic.lexpress.fr%2Fmedias_11533%2Fw_1815%2Ch_1362%2Cc_crop%2Cx_130%2Cy_0%2Fw_605%2Ch_350%2Cc_fill%2Cg_north%2Fv1498489392%2Fune-ecoliere-du-cours-preparatoire-cp-realise-un-exercice-de-lecture-le-29-novembre-2010-a-l-ecole-arthur-rimbaud-d-andrezieux-boutheon-dans-la-banlieue-de-saint-etienne_5905234.jpg)
Nouvelles évaluations en CP: le témoignage d'une maîtresse perplexe
Clarinette*, 34 ans, est institutrice en CP dans le Val d'Oise. Elle raconte comment se sont déroulés dans sa classe les tests nationaux lancés par le ministre de l'É ducation, et que doivent p...
/http%3A%2F%2Fstatic.lexpress.fr%2Fdoc%2Flexpress_fb.jpg)
L'Express - Actualités Politique, Monde, Economie et Culture
Information à la Une : l'actualité et l'information en direct sur LExpress.fr. Infos politiques, internationales, économiques, sportives et culturelles.
Ca alors! Le niveau monte!...
EXTRAITS
Langues : le niveau des élèves en fin de 3e a augmenté entre 2010 et 2016...
Selon la Depp, le niveau des élèves de fin de 3e en anglais a bien progressé entre 2010 et 2016. Les élèves sont également plus performants en allemand et en espagnol.
(...)
En anglais : progression à l’oral et à l’écrit
Dans le cadre du dispositif CEDRE, qui établit les bilans des acquis en fin de collège, la Depp a comparé les résultats des élèves en anglais en 2004, 2010 et 2016. Dans une note publiée en septembre (PDF), elle a constaté une « nette progression » des élèves à l’oral ( 58,5 % des items réussis en 2016 contre 50,9 % en 2010) et une » hausse significative » du niveau à l’écrit (49,4 % de réussite en 2010 contre 57,9 % en 2016).
La Depp relève également que le nombre d’élèves performants à l’oral est en hausse (ils sont « plus de deux fois plus nombreux » en 2016 qu’en 2010), tandis que le nombre d’élèves en difficulté a baissé. De même, à l’écrit, la proportion d’élèves performants connaît une « augmentation marquée ». Les filles réalisent en moyenne des scores plus élevés que les garçons (+ 6 points à l’oral ; + 13 points à l’écrit).
(...)
Allemand et espagnol
Egalement évaluées dans le cadre de CEDRE, les performances en allemand et espagnol des élèves en fin de 3e s’améliorent aussi à l’écrit entre 2010 et 2016, souligne la Depp dans une seconde note publiée en septembre (PDF). A l’oral, le niveau reste stable.
En espagnol, si le niveau en oral reste constant, la Depp note une diminution du nombre des élèves les plus faibles, mais aussi du nombre des élèves performants. En revanche, le nombre d’élèves des groupes médians a augmenté. A l’écrit, le nombre d’élèves performants est resté stable, mais le nombre d’élèves en difficulté a baissé, tandis que celui des élèves des groupes médians a augmenté.
(...)
Elsa Doladille
Billet complet à lire ci-dessous
/http%3A%2F%2Fwww.vousnousils.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2F2014%2F11%2F%C2%A9-anna_murashova-Fotolia.jpg)
Langues : le niveau des élèves en fin de 3e a augmenté entre 2010 et 2016
Selon la Depp, le niveau des élèves de fin de 3e en anglais a bien progressé entre 2010 et 2016. Les élèves sont également plus performants en allemand et en espagnol. Selon la Depp, le nivea...
Alors, on la ramène moins, hein... "Tout ne se passe pas comme sur des roulettes pour le nouveau pouvoir"...
Tout ne se passe pas comme sur des roulettes pour le nouveau pouvoir. Les roulettes sont capricieuses.
Si j’ai bien compris, il y a un côté François Hollande chez Emmanuel Macron : la loi travail, l’état d’urgence et la courbe du chômage qui ne débande pas. C’est En marche dans la choucroute. Au moins, François Hollande faisait ses blagues en petit comité, alors qu’Emmanuel Macron se paie trop publiquement Comoriens et fainéants, ça passe moins bien. D’autant qu’avec la courbe du chômage, pas besoin d’être fainéant pour ne pas avoir de travail. Il y a les fainéants et l’effet néant. Il semblerait que dans la pensée complexe de l’actuel président, le travail soit le sauveur suprême, le plaisir entre tous, le nectar des dieux : c’est sans doute pour ça qu’il le dispense si parcimonieusement. Mais certains estiment qu’il faut avoir soi-même le cerveau fainéant pour ne rien imaginer de mieux dans la vie que le travail, le travail et encore le travail. C’est peut-être plus malin de ne rien faire que de tourner en rond. A force de voir comme le gouvernement étale dans le temps les bienfaits supposés de sa politique dont les fruits seront mûrs pour les prochaines élections, n’est-ce pas lui qui va s’étaler le premier ?
Après l’état d’urgence du travail, il y a l’état d’urgence des libertés et de la sécurité. C’est un secteur où on ne peut pas inventer l’eau tiède : ou on glace ou on se brûle, ou en même temps. Pour nous protéger, on a dégoté une loi qui répand la terreur. C’est toujours pareil : pour terroriser les terroristes, on commence par terrifier les démocrates tandis que les terroristes, qui ont les nerfs plus solides que nos législateurs le pensent, voient passer ces mesures telles des vaches les trains. Désormais, la fameuse expression «usual suspects» va désigner le corps électoral dans sa totalité. «Innocents, haut les mains !» Après le coup d’Etat social, le coup d’Etat sécuritaire - rappelons, pour mettre les termes en perspective, que François Mitterrand désignait en 1964 le pouvoir du général de Gaulle comme «le coup d’Etat permanent». Tout le monde est d’accord pour qu’il y ait moins d’attentats, mais la note à payer est parfois exagérée. Même les Russes en ont, et Dieu sait que Vladimir Poutine a donné, question sécurité. Même en Arabie Saoudite, on n’est pas à l’abri. Comme quoi il n’y a pas que des bénéfices à être une dictature. C’est une leçon que les démocrates devraient méditer : on peut avoir la tyrannie et, en même temps, le terrorisme. Il faudrait avoir la sécurité bio, la sécurité solidaire, la sécurité respectueuse.
Mais, bon, la démocratie, c’est, en même temps, les élections et la rue. On ne peut pas estimer que la rue est exclusivement constituée de mauvais joueurs, ou d’imbéciles qui n’avaient pas compris les enjeux des élections précédentes. Et pourquoi n’y aurait-il que les gouvernements qui auraient le droit de se tromper ? La rue aussi préférerait qu’on passe sous silence tous les lynchages, pogroms et autres pillages où elle a mis la main. La rue ne sent pas toujours la rose. Que le gouvernement ne s’énerve pas : à qui ça fait du mal que les mécontents prennent l’air de temps en temps, même quand ils ont raison ? Si j’ai bien compris, l’état d’urgence permanent et constitutionnel, c’est un peu paresseux.
/http%3A%2F%2Fmd1.libe.com%2Fphoto%2F1058783-8737jpg.jpg%3Fmodified_at%3D0ratio_x%3D03%26ratio_y%3D02%26width%3D195)
Alors, on la ramène moins, hein !
Si j'ai bien compris, il y a un côté François Hollande chez Emmanuel Macron : la loi travail, l'état d'urgence et la courbe du chômage qui ne débande pas. C'est En marche dans la choucroute. ...
http://www.liberation.fr/chroniques/2017/09/29/alors-on-la-ramene-moins-hein_1599870
Anne Sylvestre 60 ans d’avant-garde...
La chanteuse, qui n’est parfois connue que pour ses comptines pour enfants, les «fabulettes», possède pourtant un répertoire adulte solide et engagé.
Elle n’a que la presse écrite pour solide alliée et ses fidèles, évidemment, qui lui donnent en retour ce qu’elle mérite : des oreilles attentives, de l’amour et trois dates combles pour ses 60 ans de chanson. Anne Sylvestre manque de visibilité. Ce constat, désolant, ne cesse de revenir. L’œuvre de la précieuse octogénaire est d’une richesse affolante. Une écriture en majuscule, foudroyante, précise. En parlant d’Une sorcière comme les autres ?, la ministre de la Culture déclarait dans le Parisien en juin qu’il s’agissait d’«une des plus belles chansons au monde». Visionnaire, humaniste, féministe, engagée, Anne Sylvestre bascule de la gravité à l’humour alerte. Démonstration en cinq chansons en avance sur leur époque.
(...)
Patrice Demailly
Concert anniversaire les 6, 7, 8 et 10 octobre au 13e Art, à Paris.
Suite et fin en cliquant ci-dessous
/http%3A%2F%2Fs1.libe.com%2Fnewnext%2Fimages%2Fsocial-placeholder.jpg)
Anne Sylvestre 60 ans d'avant-garde
Elle n'a que la presse écrite pour solide alliée et ses fidèles, évidemment, qui lui donnent en retour ce qu'elle mérite : des oreilles attentives, de l'amour et trois dates combles pour ses 6...
http://next.liberation.fr/musique/2017/09/29/anne-sylvestre-60-ans-d-avant-garde_1599823
A Lire... Ne tirez pas sur l'école... Réformez-la vraiment! Eric Debarbieux...
(...)
S’il y a une phrase qui me met en colère c’est quand on oppose le « théoricien », perdu dans l’inutile généralité du monde des idées et le « terrain » qu’il ne connaîtrait pas. France d’en haut, France d’en bas : le poujadisme anti-élite et la crasse démagogie qui en découlent sont les linéaments des risques populistes. Il y a pourtant une certaine légitimité à cette méfiance, et il n’est pas non plus à nier combien sur l’école les grands « y a qu’à » peuvent être agaçants. De quel droit et de quelles expertises puis-je parler de l’école d’aujourd’hui moi qui fus un écolier d’hier ?
Mon parcours avec l’école s’origine dans l’enfance comme pour tout un chacun, mais il a aussi été et reste un parcours de professionnel. L’obscur instituteur que je fus longtemps n’a jamais oublié la difficulté à faire classe. Le « chercheur » que je suis après avoir été trois années en responsabilité nationale contre « la violence à l’école » est retourné sur le terrain, jamais quitté en fait. Et il sait bien que pour être crédible il faut montrer cette connaissance des difficultés vécues, autant que pour être entendu il faut aussi savoir écouter. C’est ce parcours qui sera d’abord raconté. Pour avoir le droit de parler des autres il faut aussi parler de soi et de son rapport aux réalités qu’on prétend restituer. Je comprends parfaitement le professeur qui ne supporte pas combien quelqu’un qui n’a jamais enseigné si ce n’est au mieux dans des conditions protégées prétend lui enseigner son métier.
La plume Sergent-Major et la chienlit soixante-huitarde
Je fais partie de cette génération qui apprit à écrire sur un bureau d’écolier avec banc attaché et encrier de faïence. Bref, j’ai été un écolier de la seule école véritable, celle de la plume Sergent-Major. Avec un nom pareil, et les pratiques pédagogiques qui l’accompagnaient, cette plume à elle seule aurait pu faire de moi un antimilitariste forcené. D’ailleurs, même si elle est d’origine hollandaise et janséniste, on se rappellera que ce symbole de l’ordre écrit s’est imposé en France comme une plume « en ordre de batailles », selon un joli mot d’historien : elle fut la marque estampillée par les instructions officielles pour rappeler la volonté exemplaire déployée par les soldats pour la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine. Mon grand-père, héros et survivant de Verdun, en a été. Ah la plume Sergent-Major chère aux nostalgiques de l’encre violette ! Pour mes premiers enseignants l’ennemi était désigné, pardon, l’ennemie : la « pointe-bic » ! La résistance fut forte : contre le capitaliste Marcel Bich, propriétaire de la marque, l’école du peuple se devait de garder la même plume pour tous, gratuite, laïque et obligatoire. Des élèves furent renvoyés en 1959 de leur collège de Bernay, dans l’Eure, pour avoir osé utiliser un stylo à bille… et il fallut attendre un décret gouvernemental du 3 septembre 1965 pour que soit autorisé l’usage de cet objet dangereux, laid, baveux et idéologiquement douteux. Pas étonnant que trois ans plus tard la chienlit se soit emparée de la nation, de l’école et des savoirs. Le baron Marcel Bich est responsable de Mai 68 qu’on se le dise une bonne fois !
Quitte à surprendre je vais donc apporter de l’eau au moulin des traditionalistes. Car hélas oui, sort cruel, je suis une victime de Mai 68. Bien peu savent en effet les ravages de ces événements fatals sur la librairie française, conséquences qui furent pour moi familiales et catastrophiques. Mon père en effet, je l’ai déjà écrit en introduction, était libraire, un vrai libraire, pas un vendeur de stylos, de crayons, de gommes ou de papier : le livre, le livre seul dont il était un Grand Prêtre. Mon amour des livres se double de piété filiale ; ils m’entourent depuis toujours et nulle activité n’a jamais pu entraver mes heures de lecture quotidienne. Mon appropriation du phallus paternel est passée par la dévoration des livres. Capital culturel, bien plus que capital économique : mes parents, mes trois sœurs, mon frère et moi-même habitions alors dans un appartement de HLM à Roubaix (mes parents y vécurent d’ailleurs pendant quarante-cinq ans). Ma mère élevait ses enfants dans ce « partage » des tâches où la femme était « au foyer », cousant nos habits sur sa Singer et penchée sur nos devoirs le soir. Ce qui veut dire que les revenus du ménage provenaient des seuls bénéfices de la librairie. Nous n’étions pas riches, certes, mais vivions à suffisance, quand avec Mai 68 survint le drame.
68 signifia en effet la suppression de la « distribution des prix ». Une coutume était établie depuis la circulaire du 13 août 1864 de distribuer des livres aux meilleurs élèves, et ceci dans toutes les disciplines. Premier prix, deuxième prix, troisième prix, premier accessit, deuxième accessit, troisième accessit du latin aux mathématiques, de l’éducation physique aux travaux manuels chaque « niveau » de prix était distingué par des ouvrages de plus en plus nombreux ou luxueux. La distribution solennelle en était interminable dans mon lycée de 1 500 élèves, à Tourcoing ; peut-être était-elle aussi traumatisante pour les non-lauréats mais ce n’est pas ici le problème. Avant d’être culturelle la question était économique : 45 à 50 classes (de plus de 30 élèves), 6 prix ou accessits par matière en plus des prix d’honneur et d’excellence c’étaient rien que pour mon lycée environ 2 500 livres achetés aux librairies locales (et non sur Internet !). La distribution des prix c’était 60 % de leur chiffre d’affaires. À Roubaix en 1968 il y avait cinq librairies. En 1969 il en restait une, et ce n’était pas la librairie Baudelaire, où mon père officiait. Pauvre en pécunes fut alors mon adolescence.
J’ai donc les meilleures raisons du monde, affectives et culturelles, de partager l’exécration de ce mois de mai. Celui-ci cinquante ans après sert encore d’argument électoral pour de sempiternels candidats aux fonctions politiques et d‘inépuisable épouvantail pour les « nouveaux » réactionnaires, polémistes de bas étage ou plus rarement de haut vol auxquels est réservé maintenant le beau nom d’intellectuels. Pas de sacralisation post-soixante-huitarde donc. Mais pas de diabolisation non plus : la plume Sergent-Major m’en préserve. Bien sûr comment ne pas aimer la belle écriture, étymologiquement : la calligraphie ? Comme tout le monde, je me plais à visiter les « musées scolaires », à y renifler les odeurs d’encre sèche et à me réessayer aux pleins et aux déliés. Ce n’est pas cela qui est ici en jeu, mais de se rappeler à la même époque les gauchers contrariés, les cahiers déchirés, les lignes pour un fatal « pâté » sur la feuille à refaire. Oui, j’écrivais mal. Aujourd’hui on dirait sans doute que j’étais dysgraphique. Non que je fusse idiot, j’ai bénéficié de l’attention de parents qui m’apprirent à lire bien avant 6 ans. Par conséquence je « sautai » ce qu’on appelle désormais le CP et, à un âge où les maternelles n’étaient pas généralisées, je fus confronté à la motricité fine de l’écriture sans être passé par la lenteur de son apprentissage. Maladresse, dépassement des lignes, lettres mal formées, tâches et pâtés, pages à refaire, à refaire, à refaire. En cinquième encore, oui en cinquième, alors même que bien sûr nous n’en étions plus à la plume il me souvient d’un long soir où je dus recopier la totalité d’un cahier qu’en son ire une professeure de Sciences avait déchiré devant la classe.
(...)
Eric Debarbieux - Armand Colin
En lire davantage ci-dessous
/http%3A%2F%2Fwww.images.hachette-livre.fr%2Fmedia%2FimgArticle%2FARMANDCOLIN%2F2017%2F9782200620400-001-T.jpeg)
Extrait du livre Ne tirez pas sur l'école ! par Éric Debarbieux
http://liseuse-hachette.fr/file/42251?fullscreen=1&editeur=Armand%20Colin
Pour une discipline intelligente...
EXTRAITS
Périodiquement reviennent sur le tapis la question de l’ « autorité », les accusations d’une école trop laxiste, la demande de toujours plus de sanctions, plébiscitée dans les sondages. Les grands prêtres du « Yaka » sévissent alors et il est difficile de faire entendre une autre voix, même quand il s’agit d’experts particulièrement qualifiés et au fait de ce qui se passe sur le terrain. C’est pourquoi il est utile de donner la parole à Éric Debarbieux.
(...)
Laxisme des pédagogues ?
Redisons-le, les ci-devant « pédagogues » n’ont jamais été des ennemis du savoir, contrairement à l’antienne monodique de la liturgie néoconservatrice, liturgie ouvertement liée à l’extrême droite chez certains des maîtres à chanter du chœur des pleureurs attitrés. Il est bien évident que les enseignants eux-mêmes ne transforment pas leurs classes en vaste foutoir et que le ridicule tue quand une ancienne ministre qui se positionne sur l’éducation, Rama Yade, va jusqu’à proférer que les réformes éducatives proposées par le gouvernement socialiste sont « le retour de Woodstock », c’est-à-dire d’une « idéologie post-soixante-huitarde qui consiste à donner tous les pouvoirs aux élèves, à dire que l’enfant est roi, à estimer qu’il ne faut pas lui demander d’efforts, que le mérite ne compte pas… ».
À un tel « niveau hallucinatoire », comme l’écrit le journaliste Luc Cédelle, qui suit depuis longtemps cette mouvance idéologique, on se demandera ce qu’est ce « retour » impliquant que l’Éducation nationale aurait donc connu Woodstock, peace & love à tous les étages, pendant assez longtemps on l’imagine, vu l’ancienneté de la référence. Il y a de quoi pleurer… de rire devant de telles énormités, méprisantes pour les enseignants. Mais comme le rappelle encore Luc Cédelle, le drame est que quand ces propos sont tenus, eh bien, non, personne n’est plié de rire : « C’est cela la force de la bataille idéologique et médiatique : banaliser des énormités jusqu’à leur conférer une respectabilité qui coupe court au scandale comme à la moquerie. »
Éric Debarbieux
Directeur de l’Observatoire national de la violence à l’école
Vient de publier Ne tirez pas sur l’école (recension prochainement dans les Cahiers)
À lire également sur le site des Cahiers Pédagogiques
L’école face à la violence : décrire, expliquer, agir, recension du livre d’Éric Debarbieux
Le climat scolaire en question, par Laurence Cohen
Quelle autorité à l’école ?, antidote n°8, par Bruno Robbes
Le retour des vieilles lunes, par Éric Debarbieux
L’autorité éducative. La construire et l’exercer, questions à Bruno Robbes
Violences à l’école : ce qu’on sait et ce qui marche, entretien avec Éric Debarbieux
La totalité du billet est à lire en cliquant ci-dessous
/http%3A%2F%2Fwww.cahiers-pedagogiques.com%2FIMG%2Fjpg%2F523-une-200-2.jpg)
Pour une discipline intelligente
Périodiquement reviennent sur le tapis la question de l' " autorité ", les accusations d'une école trop laxiste, la demande de toujours plus de sanctions, plébiscitée dans les sondages. Les gr...
http://www.cahiers-pedagogiques.com/Pour-une-discipline-intelligente
Coup de coeur... Franz Kafka...
Quelqu’un avait dû calomnier Joseph K., car il fut arrêté un matin sans avoir rien fait de mal. Cette fois-là, la cuisinière de Mme Grubach, sa logeuse, qui lui apportait son petit-déjeuner tous les jours vers huit heures, ne se présenta pas. Ce n’était encore jamais arrivé. K. patienta quelques instants, aperçut de son oreiller la vieille femme habitant en face, qui l’observait avec une curiosité tout à fait inhabituelle puis, à la fois troublé et affamé, il sonna. Aussitôt, on frappa à sa porte, et un homme entra, qu’il n’avait encore jamais vu dans cet appartement. Quoique mince, il était bien bâti et portait un habit noir seyant, pourvu à la façon des costumes de voyage d’une série de plis, de poches, de boucles, de boutons et d’une ceinture, qui le firent paraître particulièrement pratique même si leur utilité restait incertaine. « Qui êtes-vous ? » demanda K. qui s’était immédiatement redressé sur son lit. Or, comme s’il fallait accepter sa présence, l’homme ne releva pas la question et remarqua simplement de son côté : « Vous avez sonné ?
– Anna doit m’apporter le petit-déjeuner », dit K. et il tenta de découvrir tout d’abord en silence l’identité de l’homme par l’observation et la réflexion. Mais celui-ci ne s’exposa pas très longtemps à son regard et se tourna vers la porte, qu’il entrebâilla légèrement pour dire à quelqu’un qui se tenait apparemment juste derrière : « Il veut qu’Anna lui apporte son petit-déjeuner. » S’ensuivit un petit rire dans la chambre mitoyenne, dont la sonorité ne permettait pas de déterminer s’il était le fait d’une seule ou de plusieurs personnes. Bien que l’étranger ne pût en avoir tiré une information qu’il ignorait auparavant, il dit tout de même à K. sur le ton du communiqué : « C’est impossible.
– Ce serait nouveau », dit K. avant de sauter du lit et d’enfiler son pantalon à la hâte. « J’aimerais bien savoir qui sont ces gens dans la chambre d’à côté et comment Mme Grubach va justifier ce dérangement à mon égard. » Il lui vint tout de suite à l’idée qu’il aurait pu éviter de dire ces paroles à haute voix et que d’une certaine façon il reconnaissait ainsi à l’homme un droit de surveillance, mais pour l’heure cela ne lui parut pas important. Or, l’étranger le prit de cette manière car il demanda : « Vous ne préférez pas rester là ?
– Je ne veux ni rester là ni que vous m’adressiez la parole si vous ne vous présentez pas.
– Je ne pensais pas à mal », dit l’étranger, avant d’ouvrir la porte de son propre chef. À première vue, la chambre mitoyenne, dans laquelle K. pénétra plus lentement que prévu, n’avait pas changé depuis la veille au soir. C’était le salon de Mme Grubach, mais peut-être y avait-il aujourd’hui un peu plus de place que d’habitude dans cette pièce encombrée de meubles, de couvertures, de porcelaine et de photographies, on ne s’en rendait pas bien compte sur le moment, d’autant que le changement principal consistait dans la présence d’un homme assis près de la fenêtre ouverte avec un livre dont il se désintéressa à présent : « Vous auriez dû rester dans votre chambre ! Franz ne vous l’a-t-il donc pas dit ?
– Qu’est-ce que vous voulez, à la fin ? » demanda K. en faisant alterner son regard entre le nouveau personnage et celui que l’on appelait Franz, qui s’était arrêté dans l’embrasure de la porte. Par la fenêtre ouverte, on apercevait à nouveau la vieille femme qui, avec une curiosité véritablement sénile, s’était maintenant postée à une fenêtre située en face du salon afin de pouvoir continuer à tout voir. « Mais je veux que Mme Grubach… », lança K. avec un geste pour se libérer des deux hommes, qui pourtant se tenaient loin de lui, puis il fit mine de s’en aller. « Non, dit l’homme près de la fenêtre, vous n’avez pas le droit de partir puisque vous êtes en état d’arrestation.
– Ça m’en a tout l’air », dit K., avant de demander : « Et pourquoi donc ?
– Il n’est pas de notre ressort de vous le dire. Allez dans votre chambre et patientez. Il se trouve que la procédure a été engagée, et le moment venu vous serez mis au courant de tout. J’excède ma mission en vous parlant aussi amicalement. Mais je veux espérer que personne ne nous entend, à part Franz qui enfreint lui aussi tous les règlements en se montrant aimable avec vous. Si vous continuez d’avoir autant de chance dans l’attribution de vos gardiens, vous pouvez être confiant. » K. voulut s’asseoir mais il constata qu’il n’y avait aucun siège dans toute la pièce, hormis le fauteuil près de la fenêtre. « Vous finirez par comprendre la vérité de tout ça », dit Franz qui se dirigeait vers lui en même temps que l’autre homme. Surtout ce dernier était bien plus grand que K. et lui tapota l’épaule à plusieurs reprises. Tous deux inspectèrent sa chemise de nuit, et ils dirent qu’il allait devoir mettre une chemise bien plus modeste à présent, mais qu’ils conserveraient celle-là tout comme le reste de son linge qui lui serait restitué si son affaire devait se conclure favorablement. « Il est préférable que vous nous remettiez vos affaires, plutôt qu’au dépôt, dirent-ils, car au dépôt, il y a souvent des malversations, et d’ailleurs on y vend toutes les affaires après un certain temps sans se soucier de ce que la procédure correspondante soit terminée ou non. Et ce genre de procès traîne beaucoup en longueur, surtout ces derniers temps ! Toutefois, le dépôt finirait par vous restituer la recette, mais d’abord cette recette est en soi minime car à la vente, ce n’est pas la hauteur de l’offre mais la hauteur du pot de vin qui compte, et ensuite l’expérience nous enseigne que de telles recettes diminuent quand elles passent de main en main au fil des années. » K. ne prêta guère attention à ces discours, le droit de disposer de ses affaires, qui pour l’heure lui appartenait peut-être encore, ne valait pas grand-chose à ses yeux, il était bien plus important de tirer sa situation au clair ; or la présence de ces gens lui interdisait même de réfléchir, sans cesse le ventre du second gardien – il ne pouvait en effet s’agir que de gardiens – venait le heurter quasi amicalement, mais en levant les yeux, il aperçut, sans rapport avec ce gros corps, un visage sec et osseux au nez proéminent, tordu sur le côté, qui communiquait par-dessus sa tête avec l’autre gardien. Quelle sorte d’hommes étaient-ils donc ? De quoi parlaient-ils ? À quelle administration appartenaient-ils ? K. vivait pourtant dans un État de droit, la paix régnait partout et toutes les lois étaient en vigueur ; dès lors, qui osait venir lui tomber dessus à son domicile ? Il était toujours enclin à prendre les choses à la légère, de ne croire au pire que quand le pire était arrivé, de ne pas se préoccuper de l’avenir, même si tout menaçait. Or, à présent, une telle attitude ne lui semblait plus indiquée ; on pouvait évidemment voir une plaisanterie dans tout cela, une plaisanterie certes grossière qui, pour des raisons inconnues, peut-être parce que c’était le jour de son trentième anniversaire, lui aurait été faite par les collègues de la banque, voilà qui était dans le domaine du possible ; peut-être suffisait-il simplement de leur rire au nez, à ces gardiens, et ils riraient à leur tour, peut-être s’agissait-il de domestiques du coin de la rue, ils n’en étaient pas bien différents ; cependant, il était décidé, pratiquement dès l’instant où il avait aperçu le gardien Franz, de ne pas céder le moindre avantage qu’il pouvait avoir sur ces gens. Il voulait bien courir le risque que l’on dirait plus tard qu’il ne comprenait pas la plaisanterie, mais il se souvenait – même si par ailleurs il n’avait pas l’habitude de tirer la leçon de ses expériences – de certains cas en soi insignifiants où, en toute conscience et contrairement à ses amis, il s’était comporté de manière imprudente, sans la moindre intuition des conséquences possibles, ce qui lui avait valu la sanction des événements. Cela ne devait pas se reproduire, du moins pas cette fois ; si c’était une comédie, il y jouerait son rôle.