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Vivement l'Ecole!

Manque de mixité sociale dans le privé : la Cour des comptes enfonce le clou

3 Juin 2023 , Rédigé par Médiapart Publié dans #Education

Cher parent d'élève du privé – Postscriptum

Critiqué pour son manque d’ambition, le ministre de l’éducation, Pap Ndiaye, est interpellé par un rapport de la Cour des comptes. Il confirme le « net recul de la mixité sociale » dans l’enseignement catholique et appelle à revoir « en profondeur » les relations entre le privé et l’État.

Le nouveau rapport de la Cour des comptes, publié le 1er juin 2023, est tout sauf un brûlot anti-école privée. Dès les premières pages, cet organe indépendant chargé d’examiner la dépense publique précise son point de vue : l’enseignement privé apporte une « contribution indiscutable à l’offre de formation » en France.

 

Ce qui n’empêche pas la sécheresse du constat. « Les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat doivent être rénovées en profondeur », estiment les magistrats financiers, notamment du fait de leur très faible contribution à la mixité sociale. On est donc très loin de la voie choisie par le ministre de l’Éducation nationale dans ses annonces faites en mai dernier sur le sujet, purement incitative et pour le moment de très faible intensité.

 

« La mixité sociale dans les établissements privés sous contrat est en fort recul depuis une vingtaine d’années », assène encore la Cour des comptes, confirmant divers travaux de chercheurs et chercheuses sur le sujet ayant trouvé, depuis la publication des indices de position sociale (IPS) dans les écoles, collèges et lycées, une place plus grande dans le débat public.

La part des élèves de familles favorisées et très favorisées, qui constituaient 41,5 % des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, a bondi de près de 15 % relève la CourCelle des élèves boursiers s’élevait à 11,8 % des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1 % dans le public, selon ce rapport. Et ce, alors même que le nombre d’élèves accueillis ne varie que faiblement, en raison de la répartition historique entre le public et le privé en France.

« D’une certaine manière, cette capacité d’accueil réduite est un atout pour le privé, qui peut choisir ses élèves puisque les demandes dépassent l’offre », notait aussi le sociologue Marco Oberti dans cette interview.

Plus intéressant encore, la Cour des comptes pointe la manière dont cette sociologie si particulière colore les résultats scolaires dans le privé, sans que jamais ou presque cela soit relevé. « Globalement meilleurs que ceux du secteur public » ces résultats « sont fortement influencés par les catégories de populations accueillies ». Or « rares sont les indicateurs qui permettent d’en tenir compte dans l’appréciation des résultats des élèves ».

Financé par l’argent public mais peu contrôlé sur ses objectifs

Actuellement, le privé sous contrat, à 96 % piloté par l’enseignement catholique, scolarise près de 18 % des élèves, dans un peu plus de 7 500 établissements, premiers et seconds degrés confondus. Ses quelque 142 000 profs sont employé·es par l’État.

De manière globale, le financement apporté par les pouvoirs publics aux établissements privés sous contrat est « prépondérant dans [le] modèle économique [de ces établissements] », rappelle ce rapport : 55 % pour le premier degré et 68 % pour le second degré. En 2022, l’État leur a ainsi versé huit milliards d’euros, calcule la Cour.

Et pourtant, malgré cet afflux massif d’argent public, qui fait de l’école privée française une véritable exception à l’échelle internationale, « le dialogue de gestion entre l’État et l’enseignement privé sur les problèmes de fond – mixité sociale, équité territoriale dans la répartition des moyens, performances scolaires, politique éducative – est inexistant », cingle la Cour des comptes.

Le rapport regrette également des contrôles, pourtant prévus dans la loi Debré qui cadre les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat depuis des décennies, peu ou pas exercés, y compris le forfait d’externat qui finance la vie scolaire.

Diverses enquêtes journalistiques, dont celle-ci récemment sur Mediapart, ou celle plus ancienne sur le prestigieux lycée Stanislas à Paris, laissent aussi entrevoir une grande tolérance des rectorats quant à la mise en œuvre réelle des directives édictées par le ministère de l’Éducation nationale, notamment celles portant sur l’éducation à la sexualité ou la lutte contre les discriminations.

Pap Ndiaye a présenté le 17 mai dernier, presque en catimini, le contenu du nouveau protocole négocié entre l’État et l’enseignement catholique privé sous contrat. Il propose, dans ses grandes lignes, de construire « une base de données » pour mieux connaître le profil social des élèves accueillis dans le privé, de « sensibiliser » les collectivités locales pour qu’elles soutiennent les établissements privés engagés dans une politique de mixité volontariste.

Le ministère promet également « l’ouverture de discussions pour favoriser l’implantation de nouveaux établissements » privés dans des secteurs « à fort besoin scolaire », en concertation avec les rectorats, mais renonce à toute tentative de sectorisation partagée avec le public. Le privé reste donc libre de recruter qui il veut.

L’enseignement catholique s’engage lui à « inciter » à davantage de « modulation » des tarifs pratiqués dans ses établissements en fonction du profil des familles et, seul engagement chiffré, à doubler le nombre d’élèves boursiers en cinq ans dans les établissements où les élèves recevront les mêmes aides que s’ils étaient dans le public.

Aucune contrainte nouvelle, mais la volonté de « dessiner la trajectoire » d’un accroissement de la mixité sociale et scolaire dans les établissements privés sous contrat releva

Mathilde Goanec

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