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Vivement l'Ecole!

Retraites : chez les profs, à la recherche de la formule gagnante entre «grève reconductible» et tempo syndical

11 Mars 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Education, #Politique

Réforme des retraites : la moitié des enseignants du primaire seront en  grève mardi selon un syndicat, 25% selon le ministère

Fortement mobilisés le 7 mars, avec des taux de grévistes de 60 % selon les syndicats, les enseignants hésitent cependant à se lancer dans un mouvement dur au long cours, loin de leurs pratiques traditionnelles.

Il n’avait rien vu venir. Après les vacances scolaires, Benjamin Grandener, cosecrétaire du Snuipp-FSU dans le Rhône, ne s’attendait pas à comptabiliser 60 % de professeurs des écoles grévistes dans le département mardi. Encore moins à voir défiler des centaines de profs autour de lui. La preuve, l’enseignant n’avait même pas prévu de camion pour le cortège de la manifestation lyonnaise. «Je pensais que le redémarrage serait plus difficile mais il n’y a pas eu d’érosion, ce qui montre une forme de combativité étonnante», remarque-t-il.

Pour cette sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les deux principaux syndicats du primaire et du secondaire ont aussi annoncé, à l’échelle nationale, des taux de grévistes d’au moins 60 %. Si le ministère de l’Education nationale le juge deux fois moins important, cela reste le deuxième plus gros chiffre depuis le 19 janvier. «C’est une mobilisation assez exceptionnelle qui montre un profond mécontentement des enseignants, relève Laurent Frajerman, spécialiste des politiques éducatives, chercheur associé au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis) à l’université Paris-Cité. Mais cela ne débouche pas pour autant sur un durcissement de leur mouvement.»

«Une folie pure d’enseigner si tard»

Les profs suivent massivement le tempo fixé par l’intersyndicale nationale, sans pour autant participer aux assemblées générales ni se lancer dans des grèves reconductibles. «Ils se retrouvent parfaitement dans ce rythme et l’idée n’est pas de casser ce qui fonctionne bien», justifie Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. Elle l’admet, «il faut tenir financièrement, ce qui n’est pas évident pour les profs qui attendent toujours d’être revalorisés». Ici et là sur le territoire, des enseignants ont tout de même lancé des grèves reconductibles. Cela concerne surtout des établissements historiquement mobilisés. C’est par exemple le cas du lycée Pablo-Picasso à Avion (Pas-de-Calais), un petit établissement de la banlieue lilloise où près de 40 % des enseignants sont en grève reconductible depuis mardi et sans date limite, sans avoir encore constitué de caisse de grève. «On veut tenir parce qu’on pense que le combat est nécessaire et que c’est une folie pure d’enseigner aussi tard, explique Grégory Frackowiak, professeur d’histoire-géo et syndiqué Snes-FSU.

«Ces grèves reconductibles permettent de mener des actions localisées avec distributions de tracts, tournées d’établissements pour convaincre les collègues ou blocages interprofessionnels», note Elodie Boussarie, du syndicat Sud-éducation dans les Bouches-du-Rhône. Il y a des astuces pour tenir sur la durée. Pour contourner l’arrêt Omont, qui permet aux administrations de retirer la paie du week-end des fonctionnaires en grève les vendredis et lundis, les quinze professeurs grévistes de l’école La Busserine, dans les quartiers Nord de Marseille, comptent enseigner le lundi : «On mène une grève reconductible intelligente pour augmenter le rapport de force», insiste Sébastien Fournier, professeur des écoles.

«Sprint final envisageable»

Même idée au lycée Laure-Gatet à Périgueux, en Dordogne, où les professeurs lancent une grève tournante dès la semaine prochaine, les mardis et jeudis. «Une dizaine de profs ont déjà dit oui et on table sur vingt de plus avec la mise en place d’une caisse de grève parce que, contrairement au privé, on n’a pas le droit de faire juste une heure de grève. On perd forcément notre journée», pointe Sophie Bernard-Hamon, professeur d’arts plastiques et syndiquée Snes-FSU. Avec ses collègues, elle a aussi décidé de faire grève les 20 et 21 mars, jours des épreuves de spécialité du bac pour dénoncer la réforme Blanquer «qui impose des épreuves bien trop tôt dans l’année, nous obligeant à bâcler les programmes».

Globalement, les syndicats le reconnaissent : difficile de prédire la suite du mouvement. «La grève reconductible ne correspond pas à la culture des enseignants, réticents à faire trop longtemps grève, notamment pour leurs élèves, remarque Laurent Frajerman. Mais l’idée d’un sprint final reste toujours envisageable, parce que tout se joue maintenant.»

Cécile Bourgneuf

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