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Vivement l'Ecole!

Emmanuel Macron face à la confrontation inédite de trois légitimités

22 Mars 2023 , Rédigé par Libération Publié dans #Politique

Emmanuel Macron face à la confrontation inédite de trois légitimités

Voulu par le maire RN, Louis Aliot, le lieu commémore une figure de l’Algérie française. Sans réaction de la préfecture et au grand chagrin des descendants des personnes assassinées par le mouvement terroriste.

En France, les institutions consacrent deux légitimités politiques complémentaires et parfois concurrentes : celle du président de la République, élu directement par les Français, et celle des députés, élus, eux aussi, par le suffrage universel direct. Constitutionnalistes, journalistes et élus dissertent, à l’infini, sur les effets de ces deux légitimités l’une sur l’autre. L’instauration du quinquennat et l’élection du président qui précède maintenant de quelques semaines l’élection législative (appelé dans le débat courant «inversion du calendrier») consacrent définitivement la supériorité symbolique (et donc politique) du président sur les députés. Le rôle et le statut du Premier ministre, cet être hybride, nommé par le président mais responsable devant le Parlement, donc à cheval sur deux légitimités, n’a plus de raison d’être. La supériorité du président devrait aboutir à ce que, lorsqu’il y a une crise sociale et politique (nous y sommes), celui-ci, dans une posture arbitrale et surplombante, ait le dernier mot. Mais ça grippe.

Cette légitimité n’est pas institutionnelle, mais elle est historique

Les rédacteurs de la Ve République voulaient que l’exécutif et sa tête bicéphale (président et Premier ministre) dominent les débats. Il s’agissait d’en finir avec ce que le général de Gaulle appelait «le régime des partis». Souvent, le président tranche contre l’Assemblée, ou pour la contraindre, en imposant une procédure presque sans vote (49.3, vote bloqué, ordonnances, temps de délibération raccourci…), ou au jour le jour en imposant le rythme des travaux du Parlement et son ordre du jour. Il le fait au nom du peuple qui l’a élu et de son lien direct avec celui-ci avec l’idée que les députés, organisés en groupes parlementaires partisans, obéissent encore, malgré le fait qu’ils soient, eux aussi, élus directement par le peuple, à une logique partisane. Mais nous sommes en France et il existe une troisième légitimité. Celle de la rue et des manifestations.

Cette légitimité n’est pas institutionnelle, pas officielle mais elle est historique. N’importe quelle manifestation de rue ne doit pas être vue comme porteuse de légitimité comparable à celle qui précède des élections bien sûr, mais comme notre démocratie, la République et même notre modèle social proviennent de la rue (1789, 1848, 1936, 1945, 1968), celle-ci a acquis un statut particulier dans notre imaginaire collectif et notre pratique politique. Il est des mouvements sociaux et politiques populaires qui, s’ils sont massifs sur le pavé et largement soutenus sur la durée, maintenant que les instruments de mesures de l’opinion sont fiables et reconnus, acquièrent une légitimité informelle mais puissante, incompréhensible par les observateurs étrangers. Le mouvement contre les 64 ans est de ceux-là.

Une configuration inverse à celle de 1962

Seulement, cette fois-ci, la rue et le Parlement sont du même côté. Dans le conflit de légitimité Parlement-président, nos institutions donnent plus d’armes au président. Mais là, il s’agit d’un conflit à trois légitimités : Parlement et rue versus président. Dès lors, comment faire ? Il y a bien aujourd’hui une majorité, négative certes mais majoritaire, pour s’opposer à la réforme. Le Parlement, la rue et l’opinion sont ensemble contre le président. Le président est seul puisque les partis qui le soutiennent n’ont pas acquis d’existence politique propre et identifiée et n’ont pas su rassembler une majorité sur le texte. Nous sommes donc dans une configuration inverse à celle de 1962 qui voyait le président passer outre le Parlement par un référendum pour consacrer l’alliance chef de l’Etat-peuple contre les partis représentés à l’Assemblée nationale. Deux légitimités contre celle, fragile, compte tenu des conditions de son élection, du président de la République.

C’est un équilibre des forces, un format de confrontations des trois légitimités inédit. Les conséquences politiques sont, de fait, plus incertaines que jamais après l’échec de la motion de censure contre le gouvernement. Emmanuel Macron qui, depuis le début de cette crise, n’a pas fait preuve d’imagination créative en matière de gouvernance, devra se faire violence et proposer une issue rapidement.

Thomas Legrand

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