Des élites scolaires face à l’enjeu écologique
EXTRAIT
La médiatisation des diplômés des Grandes écoles optant pour une carrière alternative correspond-elle vraiment à une tendance de fond à la fuite vers des aspirations professionnelles écologiques et sociales ? Une enquête récente sur ces étudiants d’élite fournit des éléments de réponse.
En 2022, des cérémonies de remise des diplômes – à Agro ParisTech, HEC, Polytechnique, ou encore Sciences Po Paris – ont été le théâtre de nombreuses prises de parole étudiantes qui dénonçaient la trop grande timidité des formations de l’enseignement supérieur à l’égard des enjeux environnementaux, et leur responsabilité dans la destruction des conditions d’habitabilité de la terre, par le biais de leur participation à un système économique non viable. Ces discours, très médiatisés, font écho aux mobilisations écologiques qui, depuis quelques années, émergent dans les grandes écoles. En 2018, des élèves d’HEC, l’École normale supérieure, AgroParisTech et CentraleSupélec s’étaient d’ailleurs réunis pour publier un « manifeste pour un réveil écologique », afin d’exprimer la volonté de choisir leurs employeurs sur des critères environnementaux, et d’appeler à une meilleure intégration des enjeux écologiques dans leurs formations.
Ces mobilisations interrogent d’autant plus que les grandes écoles sont des établissements porteurs d’une perception très hiérarchisée du marché du travail, qui associe l’emploi au prestige social et à la réussite professionnelle (Bès et al., 2022) et incarnée par les parcours de leurs anciens élèves, particulièrement présents parmi les cadres d’entreprise, les ingénieurs, les chefs d’entreprise ou encore les hauts fonctionnaires (Bourdieu, 1989 ; François, 2010 ; Denord et al. 2011). Dans ce contexte, certains étudiants de ces établissements « d’élite » se détourneraient du monde des grandes entreprises (Tasset, 2021), incarnant la fragilisation du « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski & Chiappello, 1999) face au renouveau de la critique écologique (Chiappello, 2013),. Si les différentes mobilisations qui existent dans les grandes écoles n’ont pas toutes le même degré de radicalité, cet essai revient principalement sur la frange « réformiste » de ces étudiants engagés. Au sein de leurs écoles ou à l’extérieur, il s’agit plus particulièrement des élèves qui s’investissent dans des collectifs ou dans des associations dont l’objectif est de transformer les pratiques des établissements et des entreprises en adoptant une posture accompagnatrice : il s’agit alors plus d’aider à faire évoluer les institutions que de s’opposer à elles de manière frontale. De plus en plus fréquentes dans l’espace public, ces mobilisations témoignent autant d’une conscience écologique des jeunes diplômés que de la visibilité spécifique des étudiants des Grandes écoles dans le champ de l’enseignement supérieur et, comme le prouve le grand nombre de manchettes de presse sur le sujet, au-delà.
Or, les rapports de la Conférence des Grandes écoles sur l’insertion des jeunes diplômés invitent à relativiser l’idée d’une défection généralisée ou même d’une désaffection réelle des étudiants pour les grandes entreprises. Depuis 2018, ces enquêtes pointaient d’ailleurs une relative stabilité de la proportion d’étudiants intégrant une « grande entreprise » en sortie d’étude (Allain & Bouyer, 2022). En 2021, 28,8 % des diplômés ingénieurs et 33,7 % des diplômés managers se sont dirigés vers une entreprise de plus de 5 000 salariés. On s’aperçoit également que la politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) n’est pas vraiment prise en compte par les étudiants dans leurs aspirations professionnelles : seulement 5,5 % d’entre eux accordent une importance première à ce critère dans le processus de sélection de leur emploi en 2021, reléguant ainsi l’unique référence aux enjeux socio-environnementaux en bas de l’échelle de priorisation des aspirations professionnelles des étudiants.
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Erwan Franchon
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