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Vivement l'Ecole!

Coup de coeur... Stéphane Carlier...

30 Septembre 2022 , Rédigé par christophe Publié dans #Litterature

Mme Habib dans son salon à neuf heures du matin ressemble à une femme jouant au casino le samedi soir. Chemisier de soie havane ou léopard, bracelets faisant cliqueter ses moindres gestes et Shalimar, beaucoup de Shalimar, tellement de Shalimar que le parfum, imprégnant l’endroit, en est devenu la marque autant que son carrelage blanc à effet marbré ou les deux notes de son carillon à l’entrée. Son maquillage excessif accentue l’expression de fatigue de ses yeux sortant légèrement de leurs orbites. Sa voix est enrouée, cassée par la cigarette comme à la fin d’une journée passée à attendre. Son teint est bistré par la poudre autant que les séances sous les lampes, Mme Habib est accro au bronzage (aux beaux jours, à la pause déjeuner, il n’est pas rare de la voir, place de la Libération, assise à un bout de banc pas encore à l’ombre, déguster sa salade de riz, le visage offert au soleil).

Souvent, le mardi matin, Clara se demande comment elle a occupé les deux jours précédents. Elles n’en parlent pas, leur relation exclut ce genre de confidences. Ce sont celles faites aux clientes, glanées au fil du temps, qui ont permis à Clara de se représenter qui est sa patronne.

Il y a donc eu un M. Habib, passeur de patronyme honni, qui s’en est allé d’une manière ou d’une autre, mort ou juste parti, Clara n’est pas trop sûre, ce sujet est le plus tabou de tous. Il y a sa fille, infirmière près de Toulon, qu’elle voit une ou deux fois par an et avec qui ça n’a pas l’air d’être l’amour fou. Il y a Paris — ah, Paris ! Mme Habib y a vécu autrefois et, de cela, s’ouvre facilement. Elle raconte toujours les mêmes histoires. Qu’elle voyait le dôme du Panthéon de la fenêtre de sa cuisine, qu’un acteur dont Clara a oublié le nom déposait des roses sur son palier en se rendant au théâtre, que les Parisiens sont intelligents, cultivés, qu’ils lisent tous. N’importe quel clampin dans le métro a un bouquin dans les mains. C’est peut-être ça, les rides qui dessinent des parenthèses de chaque côté de sa bouche : le regret de ne plus vivre dans la ville où elle a été le plus heureuse.

 

Stéphane Carlier - Clara lit Proust

 

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