A propos d'une gifle... Ou comment les médias passent à côté de l'essentiel...
Petite anecdote vécue hier matin.
Elle n'a évidemment aucune valeur généralisante mais je la crois néanmoins signifiante d'une "ambiance" et surtout des différences notoires d'appréciation de l'actualité.
Il m'arrive de prendre mon café certains jours avec des habitué-e-s des petits matins. Ce sont ces "français-e-s qui se lèvent tôt, qu'on a applaudis un temps pour les oublier depuis. Passons.
Lorsque j'ai voulu aborder avec quelques-un-e-s l'affaire Quatennens, ils et elles ont été unanimes. Avec cette phrase de l'un d'entre eux résumant l'opinion de la douzaine de personnes présentes :
"Nous - il est conducteur d'engin dans une petite entreprise - on en prend tous les jours des baffes dans la gueule. Les patrons et le gouvernement, ils nous en balancent tous les jours ! Qui en parle ? Après faut pas s'étonner si on vote Le Pen ! C'est des trucs qui intéressent les parisiens ça !". Ah cette tenace et prégnante opposition Paris/Province..
C'est terrifiant ET signifiant. J'avais beau argumenter pour démontrer l'importance politique de cette gifle inacceptable de la part d'un élu de la République, la France "ouvrière" et "rurale" s'en fiche. C'est le dernier de ses soucis. Elle se sent totalement ignorée. François Ruffin a raison de demander à la gauche de reparler du travail. Pas à la manière d'un Roussel, mais montrer et démontrer que ces français-là sont LE souci des préoccupations politiques à gauche. Or, ce n'est pas le cas.
Un autre des habitués de ce café a ajouté, en voyant BFMTv allumé au-dessus du comptoir et diffusant des images d'Ukraine :
"On n'en a rien à foutre de l'Ukraine. Qu'ils (les journalistes je suppose) viennent dans les entreprises, sur le terrain. En France aussi c'est la guerre ! Et on se fait bien taper sur la gueule".
Bien entendu tout cela est outré. Je reste néanmoins persuadé que ces réflexions sont celles entendues dans bien des endroits en France. Et pas qu'au petit matin... C'est le terreau désespérant et désespéré où poussent très facilement les idées brunes. L'Italie risque d'en être l'illustration prochaine, après la Suède et quelques autres pays
Reste que ce petit épisode matinal amène à se poser quelques questions et à tenter d'y répondre, notamment à propos du traitement de l'affaire Quatennens et de sa réception réelle chez les "français du quotidien".
Les médias, depuis la gifle avouée par l'élu France Insoumise, traitent cette affaire - ce qui est parfaitement normal - mais pour de mauvaises raisons. Il faut se dire les choses.
Pour de très nombreux commentateurs et chroniqueurs, il s'agit de se payer Melenchon - dont le tweet après l'aveu d'Adrien Quatennens fut d'une maladresse coupable ! - et quelques autres élu-e-s et responsables de partis dans une psychologisation constante du politique.
Les politiciens et leurs déboires semblent être LE sujet essentiel. J'attendais, et j'attends encore, des reportages sur les violences sexuelles évidemment, mais aussi sociales, celles surlignées lors de ce petit matin partagé avec quelques citoyens et citoyennes lambda. Rien. Seuls les politiques, quasi exclusivement des hommes, font l'objet de commentaires et de reportages, souvent bâclés d'ailleurs. Il faut entretenir l'intérêt spectaculaire. "Ça fait de l'audience coco ! Vas-y, fonce interviewer Bompard. C'est un bon client !". Je caricature à peine des propos de salles de rédaction.
On aurait pu prendre cet épisode comme un tremplin pour faire de la pédagogie, s’interroger sur le côté juridique, culturel, et sur ce qu’est la violence aujourd’hui. Mais non. L'espace médiatique français est resté focalisé sur le nombril des personnalités politiques. Les femmes victimes de violences ? Où ça ? Lesquelles ?
Pathétique et délétère !
Christophe Chartreux