Emmanuel Macron est venu constater les effets des «écoles du futur» dans un établissement peu représentatif du dispositif contesté.
Bisounours
Le chef de l’Etat est venu constater, jeudi, les effets des «écoles du futur», vouées à être généralisées, dans un établissement peu représentatif du dispositif contesté.
Les enfants s’agitent, le spectacle a commencé vers 10 heures ce jeudi matin à l’heure de la récré dans l’école Menpenti, dans le dixième arrondissement de Marseille. Les hommes du GIGN cagoulés sont postés dans la cour, les chiens démineurs reniflent les sacs des journalistes. «Il est où, le Président ?» demande un petit garçon en sautant sur place. Emmanuel Macron est de l’autre côté du mur, auprès des enfants de la maternelle. Le chef de l’Etat est à Marseille avec son nouveau ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, pour venir constater, in situ, les premiers effets de l’expérimentation des «écoles du futur», lancée en septembre dans le sillage du plan «Marseille en grand». Comme 59 établissements marseillais, ville-laboratoire de l’initiative qu’il a affirmé vouloir «généraliser à partir de l’automne» sur tout le territoire, l’école Menpenti a accepté de tester ce dispositif offrant «plus de liberté et d’autonomie aux équipes pédagogiques» en leur accordant des moyens supplémentaires – la somme de 2,5 millions d’euros a été débloquée. Pour l’heure, très peu d’établissements ont démarré concrètement l’initiative, plutôt calée sur la rentrée prochaine. Mais à Menpenti, les premières briques ont été posées dès le mois de février avec la mise en place d’un laboratoire de mathématiques, pour l’instant opérationnel chez les maternelles. Après une virée dans la salle dédiée au projet, c’est avec les enseignants de l’école, les parents d’élèves mais aussi le maire de Marseille et ses adjoints que le Président et son ministre se sont installés à l’ombre des platanes de la cour pour faire un point d’étape.
«Meilleure cohésion»
«C’est une révolution culturelle, s’enthousiasme d’emblée le préfet Christian Abrard, en charge du volet éducatif du plan Marseille en grand. D’habitude, dans l’Education nationale, beaucoup de choses arrivent d’en haut. Là, on partait d’en bas, on est passé du prêt-à-porter au sur-mesure.» A l’école Menpenti, située dans un quartier «classe moyenne» du centre-est marseillais, plutôt pas si mal lotie en comparaison de certains établissements du nord, ce sont les résultats des évaluations nationales qui ont poussé l’équipe à proposer un sujet autour des mathématiques. «L’idée était aussi de mettre à bas le déterminisme de certains enfants qui pensent qu’ils ne sont pas faits pour les maths», explique la directrice de la maternelle. La salle de bibliothèque a été récupérée pour y installer le labo. Pas de papier ni crayon, «l’idée c’est que les enfants manipulent», explique-t-elle.
Et les premiers résultats, encore fragiles vu le peu de recul, sont encourageants, répète l’équipe pédagogique. «Les enfants ont tout le temps envie d’y aller, assure une enseignante. Comme ils y travaillent en binôme ou en groupe, on voit aussi des répercussions au niveau de la classe, ça a permis une meilleure cohésion.» Chez les adultes, «ça a relancé une dynamique d’équipe, surtout après deux années difficiles liées au Covid», estime une autre instit.
«Il faudrait plus de moyens»
Le Président prend des notes, sourire large. Le nouveau ministre de l’Education a une première question : qu’en pensent les parents ? Le père de Marie-Laure, élève en maternelle, se lance : «On ne peut pas encore faire un vrai bilan, et les enfants ne sont pas très loquaces quand il s’agit de parler de l’école, mais ils nous disent qu’ils voudraient y aller plus souvent. Il faudrait peut-être mettre plus de moyens humains et financiers.» Côté réclamations, les enseignants restent plutôt polis. «Vous avez le Président devant vous, ce ne sera pas tous les jours», les motive pourtant le préfet. Des besoins en formation, du temps dégagé pour pouvoir évaluer les effets de l’expérimentation… «Ce qui nous manque, poursuit la directrice de l’école élémentaire, c’est de l’autonomie. Les lourdeurs administratives nous pénalisent beaucoup. Ça pourrait être simplifié.» L’occasion d’aborder l’épineuse question du recrutement sur profil et le rôle du directeur dans le choix des équipes, deux points qui hérissent les syndicats enseignants depuis l’annonce du dispositif et qui ont rebuté nombre d’écoles marseillaises à participer à l’expérimentation. «Non, ce ne sont pas les directeurs qui recrutent ! martèle la directrice de la maternelle. Et les postes à profil, ça a toujours existé.» «Ce mode de recrutement, où l’on choisit un profil en fonction du projet, c’est une plus-value, abonde une enseignante. Cela nécessite un très gros investissement personnel. Il faut que les candidats manifestent leur adhésion au projet.» Bref, à Menpenti en tout cas, tout va bien.
La rampe de lancement est posée, Emmanuel Macron se dit même «ému» par tant d’enthousiasme. «Quand le 2 septembre nous avions lancé cette idée, tout le monde nous a dit que c’était complètement fou. Avec le ministre, on se disait qu’il ne fallait pas prononcer le mot autonomie, sinon on va avoir plein d’ennuis. C’est vous qui l’avez prononcé. Il y a plein de tabous parce que le système est bloqué par beaucoup de défiance, défend le chef de l’Etat. L’école de la République a le droit d’inventer, d’avoir de la souplesse.» Muscler les moyens et multiplier les bras ne seraient pas non plus du luxe.
Stéphanie Harounyan