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Vivement l'Ecole!

Blanquer : la casquette avant la veste ?

16 Mai 2022 , Rédigé par Liberation Publié dans #Education, #Politique

Jean-Michel Blanquer en mode Peaky Blinders, c'est peut-être un détail pour  vous…

Législatives: A Montargis, Jean-Michel Blanquer incongru à cette adresse

Le clivant ministre de l’Education tractait samedi dans la 4e circonscription du Loiret, détenue par LR depuis vingt ans, où il joue son avenir politique.

Tout chez Jean-Michel Blanquer crie son besoin d’être aimé. L’exemplaire de la République du Centre plié sous le bras suggère son intérêt pour la région. Le blouson en daim zippé sur quelques centimètres, laissant apparaître une chemise claire déboutonnée au niveau du col, subtilement dépareillé avec un chino bleu ciel, reflète l’idée que tout Parisien se fait du chic décontracté au-delà du périphérique. Et cette casquette… Arborée fièrement dans le dernier reportage de Paris Match consacré à sa campagne législative dans le Loiret, elle est encore là, vissée sur la tête du ministre de l’Education nationale. Ce samedi matin, il ne s’en sépare que pour en acheter une nouvelle, à rayures celle-là, qu’il ne quittera plus pendant ses deux heures de tractage sur le marché de Montargis, dans le Loiret.

L’objet ne lui facilite pas la tâche. Blanquer est constamment obligé de se découvrir pour que les passants le reconnaissent. Ici, le médiatique et clivant ministre, objet de tant de passions en salles des profs et sur les réseaux sociaux, passerait presque inaperçu. Sa présence ne suscite ni enthousiasme débridé, ni rejet, si ce n’est un «McKinsey» lancé par un militant de gauche ou un ex-élu de droite qui vient l’apostropher pour lui reprocher d’être parachuté. Beaucoup d’indifférence polie et une maigre poignée de selfies. «Je suis contente, exulte Bénédicte, agente hospitalière, après s’être fait prendre en photo avec le candidat. C’est bien de venir sur place pour voir la ville.» A une heure et quart de Paris, l’effort reste mesuré.

Dans le Gâtinais on est vite le parachuté de quelqu’un

«Alors, vous visitez ?» La pique est lancée par Ariel Lévy, le candidat LR que Blanquer est venu saluer dans sa permanence de la rue Dorée. Que Lévy lui reproche de débarquer ici en quête d’un mandat, c’est l’histoire de la paille et de la poutre. Le concurrent LR était lui-même adjoint au maire du XVIe arrondissement de Paris jusqu’en mars 2021, date de son départ pour briguer un siège de conseiller départemental du Loiret. Dans le Gâtinais, on est vite le parachuté de quelqu’un. Thomas Ménagé, le poulain du RN, était lui-même candidat en 2017 dans le Loir-et-Cher. «Je n’ai même pas eu le temps de décoller, le vol était court !, dit cet ex-directeur de cabinet de Nicolas Dupont-Aignan pour minimiser sa migration.

Quant au turbulent gilet jaune et militant anti-pass sanitaire, Olivier Rohaut, plus connu pour ses clashs sur le plateau de Cyril Hanouna sous le pseudonyme d’Oliv Oliv, il débarque à peine de Nice. «Le Gâtinais attire. J’en suis ravi pour mon territoire», ironise le candidat dissident de droite Philippe Moreau, le seul avec le représentant de la Nupes le communiste Bruno Nottin, à pouvoir se targuer d’être un élu local pur sucre depuis 2008. «Monsieur Blanquer se dit certainement qu’il pourra continuer à vivre à Paris. Il a de la chance, il pourra se faire soigner là-bas. Ici c’est l’un des pires déserts médicaux de France», persifle Nottin. «Il est venu en voiture, mais on va le renvoyer en canoë à Paris. Le Loing [rivière traversant Montargis, ndlr] est un affluent de la Seine», se marre le maire LR de Montargis, Benoit Digeon avant d’engloutir un petit LU.

«Ici, rien n’est simple»

«La seule question à poser est : avez-vous vu son passage sur BFM ?» Comme les autres concurrents de Blanquer, Ariel Lévy se délecte du mauvais quart d’heure passé par le ministre sur le plateau d’Apolline De Malherbe vendredi, où il s’est montré incapable de définir son intérêt pour la région de Montargis autrement que par des banalités sur les «atouts extraordinaires» et la «très grande richesse de l’histoire» du département. «C’était précisément pour dire que le Loiret est un concentré de France», répond Blanquer à Libération.

Selon lui, on s’acharnait beaucoup moins sur le parachutage de Jean-Luc Mélenchon en 2017 à Marseille, où le leader insoumis vient de faire atterrir à son tour son successeur Manuel Bompard«Avec moi, on a toujours un peu plus d’acide», se plaint Blanquer, qui assume son absence de lien avec le Loiret au-delà d’un vieil oncle ingénieur des canaux dans le département : «Dans le mot parachuté, il y a l’idée que vous arriveriez dans un endroit tout cuit pour vous. Ici, rien n’est simple.» Faute d’avoir obtenu une piste d’atterrissage plus confortable dans les Yvelines, le ministre est prié de faire ses preuves dans une circonscription détenue depuis vingt ans par un député LR qui ne se représente pas, et où Marine Le Pen a réuni près de 52% des voix au deuxième tour de la présidentielle.

Pour les régionales, «il s’est bien foutu de notre gueule»

Il n’y a que la division de la droite locale entre Moreau et Lévy pour lui faciliter la tâche. Pour plusieurs cadres de la majorité en Ile-de-France, Blanquer a été exilé ici en raison de son refus de mener la campagne des régionales l’an dernier. Pressenti pour en être la tête de liste, il a assisté à plusieurs réunions préparatoires avant de refiler le mistigri au député Laurent Saint-Martin«Il s’est bien foutu de notre gueule. Ce n’était pas très classe vis-à-vis de Laurent et méprisant vis-à-vis de nous, se lâche une députée LREM. Ses tergiversations ont agacé le Président.»

A Montargis, le premier prof de France joue son avenir politique à quitte ou double. S’il n’est pas reconduit au gouvernement cette semaine, l’Assemblée sera sa seule bouée de sauvetage. Pour convaincre les électeurs de cette circonscription en mal de médecins et d’une offre post-bac adaptée, il met en avant son CV de spécialiste de la formation. Il se voit déjà œuvrer à l’installation d’une institution d’enseignement supérieur dans le coin. «Je suis très heureux», assure-t-il en distribuant des tracts, sans pour autant se départir d’une certaine réserve. Faire campagne, c’est un métier pour lequel son suppléant, l’élu local Christophe Bouquet, semble plus à l’aise dans son costume sobre. Blanquer risque de se raidir un peu plus en retrouvant sur sa route les trublions du collectif Ibiza et son «sosie», l’élu EE-LV parisien Nour Durand-Raucher. Ils ont déjà prévu de venir lui rendre une petite visite surprise, d’ici le 12 juin, pour donner un coup de pouce à Bruno Nottin. Ne reste plus qu’à trouver la date.

Jean-Baptiste Daoulas

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