« Les services publics sont notre avenir, leur réinvention est primordiale » : le plaidoyer de 400 citoyens
EXTRAITS
L’accès de tous aux droits fondamentaux se dégrade, s’alarment, dans une tribune au « Monde », des militants associatifs, des membres de collectifs d’agents publics, des syndicalistes et des personnalités de la culture.
Tribune. Face à la crise sanitaire, notre pays et notre système de santé n’ont tenu qu’à un fil. Au dévouement des infirmiers, des aides-soignants, des médecins de l’hôpital public, parfois épuisés. Au sens du devoir des enseignantes et enseignants de l’école publique, qui ont accueilli les enfants dans des conditions kafkaïennes. A l’abnégation des agents des transports publics, du nettoyage, aux travailleurs et aux travailleuses sociales. La liste est longue, de ces agents et services publics grâce auxquels le pire a été évité.
Tiennent-ils encore, tiennent-ils vraiment ? Ces services publics qui font notre quotidien se dégradent depuis des années, et avec eux l’accès aux droits fondamentaux. Les premiers à en souffrir ont été les personnes les plus démunies ou en situation de handicap. Puis, les habitants des quartiers populaires ou des territoires ruraux qui ont subi les reculs en cascade : bureau de poste fermé, puis centre des finances publiques fermé, puis classes de primaire fermées, etc. Cet effondrement touche maintenant l’ensemble de la société – sauf peut-être ceux que la grande richesse met à l’abri.
Nous, citoyennes et citoyens, militantes et militants associatifs et syndicaux, agents des services publics, alertons : nos services publics ont atteint un point de rupture historique, avec la population, avec leurs agents et avec l’avenir. Rupture avec la population, d’abord. Qui voit les services publics devenir maltraitants : les délais de jugement augmentent, le surtravail des agents ne suffit plus à compenser leur manque de moyens, des guichets ferment tandis que progresse une dématérialisation à marche forcée.
Rupture avec leurs agents, ensuite. Le rationnement de leur temps auprès des usagers rend leur mission impossible. Le mouvement perpétuel des « réformes managériales » désorganise les services. Et lorsqu’ils alertent, ils ont l’impression de prêcher dans le désert, voire sont sanctionnés.
Rupture avec l’avenir, enfin. Quand la lutte contre le réchauffement climatique, quand la formation de la jeunesse ou la prise en charge humaine des personnes âgées sont subordonnées à des objectifs budgétaires et, de fait, sacrifiées.
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Prise de conscience
Nous, jeunes générations qui voulons grandir sur une planète habitable, savons que la protection du climat nécessite des manières nouvelles de décider et d’intervenir en commun. Nous, usagers et usagères des services publics, qui les voyons s’éloigner chaque jour davantage de nos besoins quotidiens, souhaitons prendre toute notre part dans leur reconstruction.
Nous, agents et agentes du service public, ne voulons plus avoir honte du service dans lequel nous sommes parfois contraints d’exercer et voulons retrouver la fierté de nos métiers. Nous, citoyennes et citoyens aux engagements différents, appelons à cette prise de conscience urgente : les services publics ont été gravement délabrés ; leur réinvention est primordiale. Elle doit irriguer tout projet démocratique, écologique et solidaire.
Les services publics craquent, leurs usagers craquent, leurs agents et agentes aussi, et pourtant, jamais nous n’avons eu autant conscience de leur importance. C’est pourquoi nous appelons à construire ensemble un printemps des services publics, d’échanges, de débats et d’interpellation. Nous affirmons que notre avenir est impossible sans une sauvegarde et une refonte des services publics : ils doivent s’organiser à partir des besoins actuels et futurs des populations et de la planète et nous allons, en commun, y travailler.
Clotilde Bato, présidente de Notre affaire à tous ; Arnaud Bontemps, porte-parole Nos services publics ; Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade ; Annie Ernaux, écrivaine ; Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde ; Murielle Guilbert, déléguée générale de l’union syndicale Solidaires ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Olivier Milleron, porte-parole du Collectif inter-hôpitaux ; Willy Pelletier, sociologue ; Olivier Py, directeur du festival d’Avignon ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature ; Benoît Teste, secrétaire général de la FSU.