La visite du Louvre en 9 minutes et 43 secondes, par Jean-Luc Godard
Dans son film "Bande à part" (1964), Godard donne à voir la tentative de battre le record de la visite la plus rapide du Louvre. Une tentative couronnée de succès, et les vainqueurs sont : Anna Karina, Samy Frey et Claude Brasseur.
C'est une scène culte du cinéma, mais qui dure seulement quelques dizaines de secondes. Elle est extraite d'un film de Jean-Luc Godard, Bande à part, sorti sur les écrans français en 1964. C'est une traversée du Louvre, mais aussi une compétition sportive un peu idiote.
Sur l’écran, on voit trois acteurs : Anna Karina, Samy Frey et Claude Brasseur courir comme des fous dans les longs couloirs du Louvre. Pourquoi font-il cela ? Parce que l'un d'entre eux a lu le journal
On ignore si l'américain, le fameux "Jimmy Johnson de San Francisco" trouvé dans France Soir a seulement existé, ni s’il a vraiment accompli cette prouesse. Ou si c’est une invention complète de Jean-Luc Godard.
Toujours est-il que, dans cette séquence, Karina, Frey et Brasseur, alias Odile, Franz et Arthur, courent comme des dératés parmi les grandes galeries de peintures, celles où sont exposés les maitres italiens et français. Dans la scène suivante, ils débaroulent les escaliers qui descendent depuis la Victoire de Samothrace, et foncent entre les statues classiques du rez-de-chaussée. Les trois amis ont une technique pour améliorer la vitesse ; ils glissent sur les parquets cirés et sur les carrelages, comme des patineurs artistiques.
La scène a été improvisée par Godard et les acteurs au moment du tournage. Dans l’intrigue, déjà assez libre, de Bande à part, elle joue le rôle d’un entracte. Il n’empêche que cette digression est devenue une scène culte : un emblème confus de la jeunesse et de la fougue, de la nouvelle vague et de l’irrévérence, de Paris et d’un certain rapport à la culture. Bernardo Bertolucci en a même fait en 2003 une citation plan par plan dans un film Innocents (the Dreamers).
La légende raconte que Godard aurait demandé l'autorisation de pouvoir tourner dans les couloirs du musée au ministre de la culture en exercice de l’époque : l’écrivain André Malraux. Mais le cinéaste, cet étourdi, aurait oublié de demander aux autorités du Louvre la permission d’y introduire des caméras, et oublié aussi de prévenir qu’il allait y lâcher trois acteurs, comme des boulets de canons. On voit donc dans la scène plusieurs gardiens essayer en vain d'arrêter la course folle des trois zozos, et ils ont l’air de vouloir les arrêter pour de vrai.
Filmer ainsi le Louvre, c’est pour Godard un geste évidemment canaille, comme une manière de s’affranchir d’une forme d'académisme. Mais pas seulement, le cinéaste qui a lu et aimé le Musée imaginaire du ministre Malraux, propose autre chose avec cette scène : une nouvelle manière de voir et de traverser les œuvres et le musée. Car le cinéma et l’image-mouvement, permettent de faire se succéder à l’écran de nombreuses œuvres de l’histoire de l’art. Procédé que Godard emploiera à foison dans ses films suivants et surtout dans les Histoire(s) du cinéma, où il crée plusieurs liens possibles entre les images.
Un exemple de ces liens pour finir : lors de leur course folle, Arthur, Odile et Franz passent devant Le serment des Horaces, un tableau de Jacques-Louis David, et la caméra de Godard s'y arrête pour quelques secondes. Ce n'est surement pas anodin, mais pourquoi ce tableau ? Peut-être pour évoquer le serment d'amitié qui lie les trois personnages du film comme les trois frères Horaces.
Romain de Becdelièvre
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La visite du Louvre en 9 minutes et 43 secondes, par Jean-Luc Godard
Dans son film "Bande à part" (1964), Godard donne à voir la tentative de battre le record de la visite la plus rapide du Louvre. Une tentative couronnée de succès, et les vainqueurs sont : Anna...