Coup de coeur... Pierre Reverdy...
Front de nuages
Sous le vent qui chasse
Sous le vent qui chante
Le vent de la mer
Le cœur lourd dépasse
L’esprit qui le hante
Le temps est amer
Le ciel bas se masque
Et l’espoir se lasse
Dans mes yeux ouverts
J’attends que tout passe
Ma douleur plus basse
Sous le front couvert
Aucun secret dans les rides inextricables de tes mains
Aucun regret dans ton regard qui ouvre le matin
Même l’oubli du sang qui coule goutte à goutte des sources du destin
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Le sens du vide
Ces lignes à franchir que je ne peux pas lire
Ces formes inouïes qui ne veulent rien dire
Que la mort
La mort étant le plus juste prix
Le poids du corps dans la balance
Et l’étrange circuit de la distance
Au bout des fils qui se rejoignent dans le port
Départ demain vers d’autres houles vaines
Retour certain au foyer sans chaleur
Une peine jamais éteinte sous la cendre
Ni braise ni charbon ni flamme
On ne pense à rien de réel
Pas plus de terre que de ciel
Pas plus d’écho que de silence
Encore moins la flèche d’un regard
Déliés dénoués rompus
Nœuds de l’espoir
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A la limite
Quand les gens passent la nuit dans l’allée bleue – la nuit d'hiver. Les branches bougent contre les murs, contre la haie qui se retranche – la barrière enchantée dans le gris plus épais – le trou vivant des ombres.
Si les lumières courent, si elles naissent et meurent, tout ce qui est devant s’anime et les yeux sont meurtris. Tous ce qui pèse sur cet espace étroit où s’accoude la nuit.
La tête a son rayon qui file loin du monde. Le coeur parti à l’aile et faible au souvenir. S'il fait froid dans l’allée vide où le vent s'arrête aux branches qui déchirent – où l’aile immense touche en remuant la pluie – une larme au rebord du toit luisant, un mot qui plane. Et la lumière fixe dans le cadre des lignes – Tous ces gens qui passent le soir d’hiver dans l’allée bleue et grise qui traverse la nuit
Pierre Reverdy - Œuvres complètes