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Vivement l'Ecole!

L' Histoire… Un tragique océan.

30 Décembre 2019 , Rédigé par christophe

«Regarde !»…
 
Je le vois tournoyer d’abord, puis fondre dans l’espace et frôler les vagues en une courbe parfaite. Il remonte vers moi pour se poser enfin, délicatement, au bord de la falaise. Un goéland. Un de ces oiseaux perdus de vue depuis longtemps, tant je m’y habitue. Nos regards se croisent. Qui suis-je pour lui sinon l’intrus respectant son repos, le temps de lisser les plumes de ses ailes fatiguées ? S'il savait à quel point l'épuisement parfois me gagne… Les combats sont rudes… Il est dans ses éléments, l'oiseau marin. L’air, l'eau, la roche… Je suis l'étranger. La houle de la vie m'a porté, bousculé. La houle des faits du monde battant les flancs des hommes, les secouant, les ballottant à en vomir parfois, l'Histoire faisant peu de cas des trop piètres marins. Elle avance, et la presse - le mot est juste - la reflète, la relate, la transforme, l'embellit, la rend plus laide, la torture et nous laisse assommés, au coin d'une table, dans un fauteuil, dans nos voitures, partout, envahissant tout. Elle nous noie dans de beaux textes ou d'immondes messages, de belles paroles ou quelques mots abjects. L'oiseau regarde la mer… Que voit-il, l'oiseau, sinon l'univers liquide qui est le sien ? Sinon l’azur, absolument. Que voit-il l'homme, sinon sa vie, là, devant lui, tempétueuse ou tranquille, sa vie de houle et de clapot, de grands calmes et d'ennui parfois ? Notre Histoire n'est pas la demeure des oiseaux. Un univers entier où nous sommes étrangers. L' Histoire se déroule sans nous. Elle nous échappe. Nous croyons la faire quand c'est elle qui nous modèle, qui nous fait grands ou petits. L' Histoire… Un tragique océan. Des humains s’y noient. À l'ère médiatique, technologique, technocratique, internétique, numérique, algorithmique, l'oiseau dispose du bien dont nous rêvons, toutes et tous, que nous cherchons, qui nous fait rêver, vivre et mourir, le Graal : la liberté en mille reflets divers. Mille reflets éblouissants qui ferment mes yeux à demi quand l'oiseau, reposé, décide de regagner son paradis marin. Il vole dans son Histoire. En coups d'ailes presque lents au point qu'on craint qu'il tombe. Il est un balancement, puis un point, puis plus rien. J'ai vu voler le temps. Hommes, nous sommes tous des étrangers. Au milieu du fracas universel, regardez l'oiseau se poser devant vous, croiser votre regard. Laissez-le en paix et vivez avec lui le moment privilégié de l'Histoire qui vous berce. Vouloir « faire l'Histoire », avoir cette prétention, c'est Icare qui se tue, c'est l'eau qui nous aspire vers des fonds incertains, c’est l’oiseau que l’on chasse…
 
« Oui, j’ai vu »…
 
Christophe Chartreux
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