Cette femme voilée que j'ai tant aimée...
25 Août 2019 , Rédigé par christophe Publié dans #Divers
(…)
Du coin de l’œil, et furtivement car je devais fixer la route, je regardais tes pieds nus. Ils étaient jolis. Me revinrent alors en mémoire d’autres pieds nus…
Ceux de Khadija, que j’appelais khaddouj. Elle était notre bonne au Maroc. Je déteste ce terme : « Bonne ». Il était utilisé par les familles françaises. Pas par mes parents. Elle était d'abord avant tout la grande sœur à qui je me confiais lorsqu'enfant j'avais à partager un moment heureux ou moins heureux. Cette femme ne savait ni lire ni écrire mais elle savait mieux que personne lire dans mon regard et écrire dans ma mémoire. Rien d'elle ne s'est jamais effacé. J'ai appris énormément d'une femme illettrée. Paradoxe intéressant. Elle aussi, dès son arrivée à la maison jusqu’à son départ, retirait ses chaussures et restait pieds nus. Des pieds peints de la cheville aux orteils. Ces figures me fascinaient car je ne les comprenais pas. C’était une jeune femme de vingt-cinq ans, brune aux yeux sombres, très mince, le visage toujours illuminé d’un sourire. Souvent, elle chantait en travaillant. Jamais elle ne se plaignait. Ses pieds nus rendaient sa démarche, d’une noblesse infinie acquise depuis l’enfance par le port de divers récipients posés en équilibre sur la tête, légère, élégante et délicate. Elle ne touchait pas le sol, elle le frôlait, l’effleurait, le caressait. C’était une fée. Ma fée. Au plus fort de la chaleur du jour, elle m’invitait à la cave. Il y faisait si frais. S’asseyant en tailleur et, dans un geste ample sculptant l’espace, ramenant son sarouel entre ses jambes repliées, elle m'invitait à me blottir dans le berceau ainsi formé. Alors, caressant mon front, je l’entendais reprendre une mélopée ancienne. Jamais je n’ai entendu la fin. Je m’endormais, tranquille, mes pieds nus reposant au sol, secoués de quelques soubresauts provoqués par des rêves oubliés.
La journée finie, elle réajustait le voile finement transparent qu'elle avait retiré à son arrivée. Il couvrait son visage et son regard souriait. Il me parlait.
Je l'ai follement aimée.
(…)
Christophe Chartreux
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