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Vivement l'Ecole!

Coup de coeur... John Dos Passos...

5 Juin 2019 , Rédigé par christophe Publié dans #Littérature

«  Le visage d’hommes qui sont restés longtemps en prison a quelque chose  d’étrangement figé, sous les yeux. Le visage qui est resté longtemps en  prison ne perd jamais cette tension sous les yeux. Sacco est dans la  prison du comté depuis six ans, toujours à attendre, à attendre le  procès, à attendre de nouvelle preuves, à attendre que l’on défende les  motions, à attendre la sentence, attendre, attendre, attendre. La prison  de Dedham est un beau bâtiment, entouré de pelouses, masqué par des  arbres qui agitent leurs feuilles sous le ciel de juin. Dans le bureau  du directeur, les visages se reflètent sur le vernis brun clair, tout  est tellement propre qu’on pourrait manger par terre. À l’intérieur, le  grand salon de réception est aéré, plein de lumière. Les barreaux  brillent du reflet des feuilles du printemps, une fraîche lumière d’un  vert tendre illumine tout. À travers les barreaux, on voit les arbres  qui se balancent et les nuages de juin qui parcourent le ciel comme du  bétail dans un pré sans barrières. C’est une cage à canaris terriblement  compliquée. Pourquoi les oiseaux ne chantent-ils pas dans cette verte  volière? Le directeur vous indique poliment un siège et, tandis que vous  attendez, vous remarquez une odeur, une odeur qui n’est ni verte ni  fraîche, l’odeur usée, lourde et graisseuse des bas-fonds, des baraques  de l’armée, mais plus lourde, plus désespérée.

De l’autre côté du  couloir, un vieil homme est assis sur une chaise, un gros homme, au  corps en poire, bras ballants, yeux fermés, son visage a l’air d’un  ballot de journaux humides. Le directeur et deux hommes en noir sont  debout à côté de lui et le regardent, désarmés.

Enfin, Sacco sort de  sa cellule et vient s’asseoir à côté de moi. Deux hommes assis l’un à  côté de l’autre sur un banc dans une cage à oiseaux verte. Quand il en  aura envie, l’un d’entre eux se lèvera et s’en ira, s’en ira dans cette  belle journée de juin. L’autre retournera dans sa cellule à attendre. »

John Dos Passos, Devant la chaise électrique. Sacco et Vanzetti: histoire de l'américanisation de deux travailleurs étrangers (1927), Gallimard « Arcades », 2009, trad. Alice Béja

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