Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Vivement l'Ecole!

A Lire... "Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies" - Edgar Cabanas et Eva Illouz

30 Mars 2019 , Rédigé par La Vie Des Idées Publié dans #Sociologie

EXTRAITS

Dans un essai stimulant, Edgar Cabanas et Eva Illouz dénoncent les « sciences du bonheur » au service de l’idéologie néolibérale. Non seulement elles invitent à renoncer à tout changement politique, mais elles culpabilisent les « psytoyens » qui ne parviennent pas à se plier à leurs injonctions.

D’inspiration foucaldienne, cet ouvrage entend porter l’estocade contre les « sciences du bonheur », bien vite devenues un dispositif de soft power et un outil de gouvernement des âmes et des corps au service de l’idéologie néolibérale. Le titre, qui rappelle la célèbre dystopie d’Huxley, donne le ton de l’ouvrage en soulignant « comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies ». L’essai – car c’en est un – expose rapidement l’objectif des auteurs : mettre en évidence la vanité et le danger des autoproclamées « sciences du bonheur ».

(...)

Coupable d’être malheureux

Le chapitre final décrit les conséquences du sacre du bonheur dans l’univers normatif et souligne que les « chantres de la psychologie positive ne se sont pas contentés de décrire ce que devait être, à leurs yeux, le bonheur : ils ont surtout prescrit ce que devait être une bonne vie » (p. 224). Chemin faisant, ils ont classé les émotions en deux catégories étanches – les positives et les négatives – et ordonné d’éliminer les négatives.

Les auteurs de l’ouvrage montrent que c’est impossible (la psychologie positive aura du mal à mettre fin à la maladie et à la mort, pour ne prendre qu’un exemple), mais encore que ce n’est pas souhaitable, dans la mesure où les émotions négatives peuvent avoir des conséquences positives. Surtout, la construction de l’idéal de l’individu heureux aggrave la douleur de ceux qui souffrent, dans une sorte de double peine : non seulement ils souffrent, mais ils s’en sentent coupables.

En conclusion, les auteurs estiment que les sciences du bonheur ne nous donneront jamais les clés du bonheur, mais recèlent un vieux fonds de bon sens sous une parure scientifique particulièrement pernicieuse. Elles constituent bien un nouvel outil de gouvernement pour produire de l’obéissance. Le dossier à charge est bien construit et cohérent. L’ouvrage vient à point nommé pour donner le contrepoint d’un discours devenu dominant. Son succès en France s’explique sans doute aussi par les résistances que l’idéologie du bonheur y a rencontrées, plus fortes que dans d’autres espaces du monde occidental [1].

(...)

Rémy Pawin, « Bonheur obligatoire », La Vie des idées , 28 mars 2019

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :