La disparition des centres d’information et d’orientation « privilégiera les plus privilégiés »...
EXTRAITS
Le projet de loi sur la réforme de la formation professionnelle contient des dispositions peu commentées mais dangereuses, estime le chercheur Jean-Yves Rochex dans une tribune au « Monde ».
Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel – outre une logique de marchandisation et d’individualisation de la formation professionnelle, considérée comme devant obéir à la seule logique de l’offre et de la demande, sans régulation collective par les partenaires sociaux – comporte des dispositions passées relativement inaperçues en matière d’orientation.
Y sont prévus la suppression des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et professions (Onisep) et le transfert de leurs missions et de leurs personnels aux régions ; la suppression des centres d’information et d’orientation (CIO) et le rattachement des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN), ex-conseillers d’orientation psychologues (COP), qui exercent dans les établissements scolaires, et de leurs directeurs aux rectorats ou aux inspections académiques.
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Ces mesures, formulées de manière abrupte, sans aucune concertation, et qui semblent préfigurer la disparition des personnels d’orientation de l’éducation nationale, s’inscrivent à l’encontre de la création en février 2017 d’un corps unique de psychologues de l’éducation nationale et renouent avec une politique antérieure erratique mettant en cause les services d’orientation – en réduisant drastiquement le recrutement par la diminution du nombre de places au concours – et promouvant une conception simpliste et étriquée de l’orientation, qui ne peut que renforcer le caractère profondément inégalitaire de notre système éducatif.
Certes, bien des choses sont à améliorer en matière d’orientation dans notre pays. Mais, de la même manière qu’il est plus facile, pour justifier l’institutionnalisation de la sélection à l’entrée à l’université, de pointer du doigt la plate-forme APB que le manque criant de moyens de l’université pour faire face à l’accueil des nouveaux étudiants, il est plus facile de désigner tel ou tel manque ou difficulté que de rappeler le manque cruel et récurrent de personnels (un PsyEN ex-COP en moyenne pour environ 1 500 élèves du secondaire), ce à quoi s’emploient aussi bien le gouvernement que l’Association des régions de France…
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Conception très individualiste
Cette conception, très individualiste, tend à faire de chaque élève, dès l’enseignement secondaire, un simple consommateur de formation, un autoentrepreneur de son propre avenir, auquel il suffirait de connaître et de promouvoir ses talents, aptitudes et intérêts et de disposer d’informations fiables pour « choisir son avenir professionnel ».
C’est cette même logique qui préside aussi bien à la réforme de l’accès à l’université qu’à celle du baccalauréat et du lycée. Le problème est que ce modèle est largement illusoire et que s’il existe, il correspond d’abord à un type d’élève socialement privilégié, entraîné très tôt à faire des choix de carrière, par exemple en étant scolarisé dès le plus jeune âge dans les écoles les plus élitistes, à l’instar de ce trentenaire porte-parole de La République en marche qui ne cesse de donner des leçons à tous ceux qui ne pensent pas comme lui.
Ce modèle privilégie les plus privilégiés et pénalise les plus démunis ; il repose sur une conception individualisante de la psychologie et du développement des enfants et adolescents qui appauvrit l’un et l’autre, en pensant et traitant de manière isolée la question des apprentissages et du rapport au savoir et celle du rapport à l’avenir, celles du développement des sujets et des cadres sociaux dans lesquels il s’opère.
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Toute logique visant à penser le développement individuel hors de ses cadres sociaux et des activités dans lesquels il se réalise, ou encore conduisant à dissocier rapport à l’école et aux apprentissages d’une part, information et orientation professionnelles d’autre part, repose sur une conception appauvrie de la complexité du réel.
Ce faisant elle ne peut contribuer à la transformer, et ne peut que conduire à en épouser la ligne de plus grande pente, celle du renforcement des inégalités sociales, à l’école et au-delà.
Par Jean-Yves Rochex (Psychologue, professeur des sciences de l’éducation à l’université Paris-VIII)
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La disparition des centres d'information et d'orientation " privilégiera les plus privilégiés "
Le projet de loi sur la réforme de la formation professionnelle contient des dispositions peu commentées mais dangereuses, estime le chercheur Jean-Yves Rochex dans une tribune au " Monde ". Le ...
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